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28/09/2017 | FRANCE | N°13/00283

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 28 septembre 2017, 13/00283


Grosse + copie
délivrées le
à




COUR D'APPEL DE MONTPELLIER


1ère Chambre A


ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2017


Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05240






Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 JUIN 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ
No RG 13/00283






APPELANT :


Monsieur Christian X...
né le [...]        à Rodez (12)
de nationalité Française
[...]
[...]
représentée par Me Marie-Camille PEPRATX NEGRE de la SCP NEGRE PEPR

ATX-NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER






INTIMEE :


SARL PUECHOULTRES etamp;amp; FILS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]                 ...

Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 28 SEPTEMBRE 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/05240

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 JUIN 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE RODEZ
No RG 13/00283

APPELANT :

Monsieur Christian X...
né le [...]        à Rodez (12)
de nationalité Française
[...]
[...]
représentée par Me Marie-Camille PEPRATX NEGRE de la SCP NEGRE PEPRATX-NEGRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SARL PUECHOULTRES etamp;amp; FILS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés [...]                                                         
représentée par Me Philippe COUTURIER de la SELARL COUTURIER PHILIPPE, avocat au barreau de l'AVEYRON

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 06 Juin 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 JUIN 2017, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth RAMON

le délibéré prononcé au 21/09/2017 est prorogé au 28/09/2017

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Madame Caroline CHICLET Conseiller, en l'absence de Monsieur le Président empêché, et par Madame Elisabeth RAMON greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**********

EXPOSE DU LITIGE :

Afin de mettre aux normes son exploitation agricole, Christian X... a fait réaliser une fosse à lisier en géomembrane, d'une capacité de 850 m3.

La société Puechoultres Fils a été chargée de réaliser les travaux de terrassement et de pose de la géomembrane, cette dernière ayant été assemblée aux dimensions requises pour la fosse par la société Sodaf Géo Industrie.

La société Socotec était chargée d'une mission de contrôle technique.

La géomembrane a été posée le 28 juillet 2004.

Au cours du mois de mai 2009, Christian X... a remarqué qu'elle était percée à deux endroits et a, en conséquence, effectué une déclaration de sinistre auprès de son assureur de protection juridique, la société Groupama, qui a mandaté le cabinet d'expertise Saretec pour qu'il soit procédé à une expertise amiable.

Les 4 septembre et 27 novembre 2009, Eric A..., expert au sein de la société Saretec, a convoqué l'ensemble des parties à des opérations d'expertise amiables.

Préalablement à l'accédit du 27 novembre 2009, Christian X... a vidangé sa fosse à lisier et Eric A... a pu constater que des bulles de gaz sous pression avaient fait éclater la géomembrane, celle-ci présentant des fissures et des déchirures à certains endroits.

Dans la mesure où les parties ne sont pas parvenues à régler amiablement leur différend, Christian X... a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Rodez afin que soit ordonnée une mesure d'expertise judiciaire, laquelle lui a été accordée suivant ordonnance du 29 juillet 2010.

Michel B... a été désigné pour procéder à cette expertise et a déposé son rapport le 31 août 2012.

En lecture de ce rapport, et suivant exploit d'huissier de justice du 11 février 2013, Christian X... a assigné la société Puechoultres Fils devant le tribunal de grande instance de Rodez aux fins d'indemnisation de son préjudice.

Par un jugement du 6 juin 2014, le tribunal a :

• débouté Christian X... de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Puechoultres Fils ;
• condamné Christian X... à payer à la société Puelchoutres Fils la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
• condamné Christian X... aux entiers dépens, lesquels comprenaient les frais d'expertise judiciaire et devaient être recouvrés conformément aux disposition de l'article 699 du Code de procédure civile.

Christian X... a interjeté appel de cette décision le 9 juillet 2014.

Vu les conclusions de Christian X..., remises au greffe le 29 janvier 2015 ;

Vu les conclusions de la société Puechoultres Fils, remises au greffe le 23 mars 2015 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 6 juin 2017 ;

MOTIFS :

Aux termes de l'article 1792 du Code civil « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ».

Le champ d'application de l'article concerne tant la construction de bâtiments que les ouvrages de génie civil, dès que ces derniers font appel aux techniques de travaux de bâtiments.

L'arrêté du 5 septembre 2007 relatif aux travaux de maîtrise des pollutions liées aux effluents d'élevages classe comme ouvrages relevant de la garantie décennale ceux destinés au stockage des effluents d'élevage liquides (fosses, bassins etc), que leur étanchéïté soit assurée par du béton ou une géomembrane qui est,selon la norme NF P 84-500, un produit adapté au génie civil.

En l'espèce, il résulte du devis no 77 et de la facture du 24 août 2004 de la société Puechoultres Fils ainsi que du rapport d'expertise judiciaire que les travaux de réalisation de la fosse à lisier ont nécessité :
- des terrassements en masse,
- la mise en place des drains en fond de terrassement,
- la mise en oeœuvre de lits de cailloux,
- la mise en oeœuvre d'un kit de vidange,
- la pose d'un regard,
- la pose d'une membrane en géotextile,
- la pose d'une géomembrane constituant l'étanchéité de la fosse.

De ce fait, la construction de la fosse à lisier constitue un ouvrage au sens de la loi et entre dans le cadre de la garantie décennale prévue l'article 1792 du Code civil puisque les travaux entrepris par la société Puelchoutres Fils pour sa réalisation font appel aux techniques de travaux de bâtiments (terrassements, remblais, drainage) et ne peuvent s'analyser en la simple pose d'une géomembrane.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que les déchirures constatées sur la géomembrane ne permettent plus à cette dernière d'assurer sa fonction d'étanchéité, que le lisier n'est plus isolé dans la fosse mais s'écoule dans le champ situé en son aval, entraînant une pollution des sols et par conséquent le non respect des normes sanitaires en la matière.

Dès lors, l'ouvrage est impropre à sa destination.

En outre, contrairement à ce que soutient la société Puechoultres Fils, le fait que seule la géomembrane soit en cause n'est pas de nature à exclure la garantie décennale ; qu'en effet, il résulte de l'article 1792 du Code civil que le dommage affectant l'ouvrage dans l'un de ses éléments constitutifs le rendant impropre à sa destination, ici ladite géomembrane, est suffisant pour donner lieu à garantie, d'autant que le désordre est généralisé à l'ensemble de la surface.

Pour s'exonérer de la présomption de responsabilité pesant sur le constructeur, la société Puechoultres Fils considère que les désordres sont dus au fait du maître de l'ouvrage et à une cause étrangère.

S'agissant du fait du maître de l'ouvrage , la société Puechoultres Fils considère que Christian X... peut-être lui même à l'origine de son dommage dans la mesure où il est intervenu personnellement en réalisant des travaux sur l'existant après la réception, et dans la mesure où il utilise un brasseur à lisier dont l'hélice n'est pas protégée par un dispositif spécifique.

Toutefois, ces deux hypothèses doivent être écartées puisque l'expert judiciaire a pu constater que les déchirures de la géomembrane sont situées sur le côté opposé aux installations réalisées par Christian X..., et qu'en outre il n'est pas prouvé que ce dernier a lui même dégradé l'ouvrage lors de l'utilisation de son brasseur à lisier.

S'agissant de la cause étrangère , il résulte du rapport d'expertise que les trous relevés sur la géomembrane sont probablement le fait d'oiseaux ou de rongeurs.

Néanmoins, pour que la cause étrangère puisse être exonératoire de responsabilité il est nécessaire de prouver qu'elle présente les caractères de la force majeure.

Tel n'est cependant pas le cas en l'espèce car la nature même de la fosse à lisier est susceptible d'attirer ce type d'animaux sauvages, de sorte que leur action n'était ni imprévisible ni irrésistible.

De plus, si les oiseaux et les rongeurs peuvent être à l'origine des trous ceux-ci ne se transforment en déchirure rendant l'ouvrage impropre à sa destination qu'à cause d'une tension anormale de la géomembrane lors de son remplissage avec du lisier.

Au terme de ses investigations l'expert judiciaire précise que cette tension anormale n'était pas due à un défaut intrinsèque à la géomembrane puisque celle-ci présente une élasticité satisfaisante.

En effet, les analyses réalisées sur ce matériau démontre qu'il peut subir une déformation de l'ordre de 253 à 268 % lorsqu'il est mis sous tension, sachant que selon la fiche technique du produit celle-ci ne doit pas être inférieure à 225 % après vieillissement.

En conséquence, si les trous causés par des animaux sauvages dégénèrent en déchirures cela tient au fait que la géomembrane subit une tension anormale lors de son remplissage, laquelle ne peut résulter que d'un défaut de mise en oeœuvre de la part de la société Puechoultres Fils dès lors que le matériau est conforme aux prescriptions de sa fiche technique en matière de déformation.

De plus, si une telle tension n'a pu être décelée lors de la réception par le maître de l'ouvrage cela peut être tenir du fait que lors de son installation la géomembrane était plus souple.

En effet, il résulte de la fiche technique de ce produit que neuve la géomembrane peut subir une déformation de 300 %, cette dernière étant ramenée en l'espèce entre 253 et 268 % après vieillissement.

Ainsi, dans un premier temps, la souplesse de la géomembrane neuve a pu pallier la tension anormale résultant d'un défaut de mise en oeœuvre, mais celle-ci s'est révélée et a provoqué le dommage par les événements conjugués que sont l'action des animaux sauvages et le vieillissement normal du matériau entraînant une perte de souplesse non compensée par la mise en place d'un dispositif destiné à éviter ce phénoméne.

Dès lors, la société Puelchoultres Fils est tenue à la garantie décennale à l'égard de Christian X... et devra l'indemniser de son préjudice à hauteur de 44.252,36 € TTC, soit le montant retenu à juste titre par l'expert judiciaire pour le remplacement de la géomembrane et les ouvrages annexes.

Aucune faute imputable à l'appelant n'ayant été démontrée il y a lieu de rejeter la demande subsidiaire de la société Puelchoultres Fils tendant à un partage de responsabilité.

En conséquence le jugement doit être infirmé dans son intégralité.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions.

Et statuant à nouveau ,

Déclare la SARL Puechoultres et fils décennalement responsable des désordres affectant la fosse à lisiers installée dans la propriété de Christian X....

Condamne la SARL Puechoultres et Fils à payer à Christian X... la somme de 44.252,36 € TTC , montant des travaux de réparation.

La condamne à payer à Christian X... la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés tant en première instance qu'en cause d'appel.

La condamne aux dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût de l'expertise judiciaire et dit que ces dépens seront recouvrés par les avocats de la cause conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT
LE CONSEILLER

BD


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 13/00283
Date de la décision : 28/09/2017

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rodez


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-09-28;13.00283 ?
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