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04/07/2017 | FRANCE | N°14/00623

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 04 juillet 2017, 14/00623


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délivrées le
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COUR D'APPEL DE MONTPELLIER


1ère Chambre C


ARRET DU 04 JUILLET 2017


Numéro d'inscription au répertoire général : 15/00897






Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 DECEMBRE 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE BEZIERS
No RG 14/00623






APPELANT :




Monsieur Jean-Francis F... B...
né le [...]        à BEZIERS (34500)
de nationalité Française
[...]                  

         
représenté par Me Hervé X... de la SELARL PVB SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
avocat postulant loco Me Célia Y... de la SELARL PVB SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MON...

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délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre C

ARRET DU 04 JUILLET 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 15/00897

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 DECEMBRE 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE BEZIERS
No RG 14/00623

APPELANT :

Monsieur Jean-Francis F... B...
né le [...]        à BEZIERS (34500)
de nationalité Française
[...]                           
représenté par Me Hervé X... de la SELARL PVB SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
avocat postulant loco Me Célia Y... de la SELARL PVB SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE :

SA CODISUD immatriculé au RCS de MONTPELLIER sous le no B455800284, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [...]                                                                        
représentée par Me Yvan Z... de la SELARL MBA & ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant loco Me A... de la SELARL PVB SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 03 Mai 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 MAI 2017, en audience publique, madame Chantal RODIER, conseillère ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre
Madame Nathalie AZOUARD, Conseillère
Madame Chantal RODIER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
* *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le bail commercial originel entre les parties a été consenti par acte sous seing privé le 16 mai 1974 pour une durée de 9 ans par Monsieur B... à Madame  C....

Par acte notarié du 18 mai 1979, Madame  C... l'a cédé à l'Union des Coopérateurs de l'Hérault du Gard et de l'Aude, aux droits de laquelle est venue la SA Codisud.

Par acte du 18 septembre 2013, Monsieur  F... B... , agissant tant en qualité de nu-propriétaire du bien qu'en celle de tuteur de sa mère Odette D..., usufruitière, a fait délivrer à la SA Codisud un congé pour le 31 mars 2014, avec offre de renouvellement moyennant un loyer annuel de 137 864,67 € HT en principal.

Par mémoire notifié le 9 décembre 2013, il justifiait la fixation du nouveau loyer à hauteur de cette somme - soit selon lui à la valeur locative - au motif que le bail d'origine se serait poursuivi par tacite reconduction pour une durée supérieure à 12 ans, entraînant dès lors de plein droit le déplafonnement du loyer.

Par acte d'huissier en date du 17 février 2014, Monsieur  F... B..., agissant tant en qualité de nu-propriétaire du bien qu'en celle de tuteur de sa mère Odette D..., a fait délivrer assignation à la SA Codisud devant le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Béziers en fixation du prix du loyer.

A la suite du décès de Madame Odette D..., Monsieur  F... B... est intervenu à la procédure désormais en sa qualité de seul et plein propriétaire du bien.

Le preneur concluait au rejet des demandes au motif que le bail initial a été régulièrement renouvelé jusqu'au 30 novembre 2015, qu'il est donc en cours et que le déplafonnement n'est pas de droit. Il demandait au tribunal de déclarer nul et de nul effet le congé délivré le 18 septembre 2013 et de condamner Monsieur F... B... au paiement de la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre celle de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 23 décembre 2014, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Béziers a :

Débouté Monsieur F... B... de ses demandes,

Débouté la SA Codisud de sa demande en dommages et intérêts,

S'est déclaré incompétent pour statuer sur la nullité du congé délivré le 18 septembre 2013,

Condamné Monsieur F... B... à payer à la société Codisud la somme de 1 200 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

APPEL

Monsieur F... B... a relevé appel de ce jugement par déclaration en date du 4 février 2015.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2017.

*****

Vu les dernières conclusions de Monsieur F... B... en date du 4 mai 2015, auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif, et demandant à la cour, au visa de l'article 595 du code civil et de l'article L. 145-34 du code de commerce,

D'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la SA Codisud de sa demande de dommages et intérêts, et de :

À titre principal,

Juger que le bail expiré ayant duré plus de 12 ans, le loyer du bail renouvelé doit être fixé en fonction de la valeur locative,

Fixer ledit loyer annuel à la somme de 137 864,74 € HT en principal à compter du 31 mars 2014,

Juger que les intérêts seront dus, au fur et à mesure des échéances depuis la prise d'effet du bail en application de l'article 1155 du code civil, et seront capitalisés un an après la prise d'effet du bail en application de l'article 1154 du même code,

Subsidiairement,

Fixer un loyer provisionnel de 120 000 € HT par an en principal dans le cas où une expertise serait ordonnée,

Condamner la société Codisud à lui payer la somme de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens dont les frais d'expertise s'il y a lieu.

*****

Vu les dernières conclusions de la SA Codisud en date du 17 juin 2015 auxquelles il est expressément référé pour plus ample et complet exposé des motifs et du dispositif, et demandant à la cour, au visa des articles L.145-33 et suivants du code de commerce et de l'article 1382 du code civil, de :

Rejetant toutes demandes, fins et conclusions contraires,

Constater que le bail objet du litige a bien été renouvelé selon congé du 12 mai 2006,

Juger que la société Codisud pouvait légitimement croire à l'existence d'un mandat apparent donné par Monsieur  F... B... à Me E..., avocat, et à Me G...            , huissier de justice,

En conséquence et au principal,

Confirmer le jugement de ce chef,

Dire n'y avoir lieu à déplafonnement,

Débouter le bailleur en toutes ses demandes y compris d'expertise,

À titre incident,

Condamner Monsieur F... B... à lui payer la somme de 3 000 € en raison de sa procédure légèrement engagée et abusivement maintenue,

En tout état de cause,

Le condamner à lui payer la somme de 3 200 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamner aux entiers dépens.

*****

SUR CE

Sur l'appel principal :

Il s'évince des dispositions de l'article L. 145-9 du code de commerce que :
- par dérogation aux articles 1736 et 1737 du code civil, les baux soumis au statut des baux commerciaux ne cessent que par l'effet d'un congé donné 6 mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement.
- S'agissant d'un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des 9 premières années ou à l'expiration de l'une des périodes suivantes, le congé doit être donné dans les délais prévus à l'alinéa premier ci-dessus.

Pour rejeter les demandes principales du bailleur, le premier juge a pertinemment analysé les pièces produites pour retenir les éléments suivants dans des motifs que la cour adopte :
- Il ressort d'un avenant de renouvellement en date du
10 janvier 2000, signé par Monsieur B... et Madame Odette D..., que le bail initial du 16 mai 1974 a été régulièrement renouvelé et venait à échéance le 30 novembre 1997.
- Aux termes de cet avenant, le bail, incluant désormais une cour couverte et fermée donnant sur la rue [...] , était reconduit du 1er décembre 1997 au 30 novembre 2006, moyennant un loyer annuel de 90 000 francs HT, révisable tous les 3 ans dans les formes de la loi.
- Par la suite, suivant acte du 12 mai 2006, la SCP d'huissiers de justice Le Doucen-Candon, agissant pour le compte de Madame Odette D... et de Monsieur Jean-Francis F... B... a donné congé au preneur pour le 30 novembre 2006, avec offre de renouvellement à compter du 1er décembre 2006, moyennant un nouveau loyer de 16 434,16 €.
- Dès lors que celui-ci a déclaré agir au nom et pour le compte de Monsieur F... B... et Madame D..., ce congé avait une apparence de régularité pour le preneur qui est donc en droit de se prévaloir du nouveau bail ainsi conclu jusqu'au
30 novembre 2015.

En effet, contrairement aux allégations du bailleur, en l'état de ces renouvellements - et sans qu'il soit besoin de s'interroger sur celui du 24 juin 2003 qui ne pouvait en toute hypothèse que prendre effet à l'issue du précédent bail, soit au 30 novembre 2006 - le bail initial n'a pas pu se prolonger tacitement puisqu'il a été expressément renouvelé par acte extrajudiciaire, de sorte que le bailleur ne peut valablement invoquer un déplafonnement en cours de bail.

En cause d'appel, Monsieur F... B... persiste à considérer que le bail commercial d'origine en date du 18 mai 1979 n'a pas fait l'objet de renouvellement,
- conteste avoir donné mandat pour délivrer le congé du
12 mai 2006 en son nom,
- se prévaut des dispositions de l'article 595 alinéa 4 du code civil selon lesquelles :
« l'usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fond rural ou un immeuble à usage commercial, industriel ou artisanal. À défaut d'accord du nu-propriétaire, l'usufruitier peut être autorisé par justice à passer seul cet acte. »

Cependant, l'appelant n'apporte aucune critique du jugement relativement à la théorie du mandat apparent dont se prévaut le preneur et sur laquelle s'est pertinemment fondé le premier juge.

Or, le preneur intimé lui oppose ne pouvoir être lui-même concerné par un débat sur l'absence de mandat donné par Monsieur F... B..., nu-propriétaire, à l'avocat et à l'huissier ayant délivré le congé.

Les dispositions précitées de l'article 595 alinéa 4 du code civil ne pourraient en effet servir de fondement qu'à une action du bailleur à l'encontre de ces derniers, s'il entend rechercher leur responsabilité pour l'avoir engagé envers le preneur sans détenir de mandat de sa part.

La cour observe en outre que le bailleur ne justifie aucunement d'avoir initié une procédure d'inscription de faux du congé délivré par acte d'huissier en son nom le 12 mai 2006 pour le
30 novembre 2006. On voit d'autant plus mal comment il prétend opposer au preneur l'inexistence ou l'anéantissement d'un acte dont il n'a pourtant jamais attaqué la validité.

S'il est prévu par le dernier alinéa de l'article L.145-9 précitée que le congé doit être donné par acte extrajudiciaire, c'est bien pour assurer la sécurité juridique des effets du congé délivré, afin que le preneur qui le reçoit ne puisse être laissé dans une expectative, sa situation ne pouvant dépendre de conflits internes aux membres d'une indivision ou d'une société ou, comment en l'espèce, d'un désaccord éventuel entre le nu-propriétaire et l'usufruitier.

Dès lors, en application de ces dispositions et de la théorie du mandat apparent, la prétention d'une absence de mandat donné à l'huissier par le nu-propriétaire est inopposable au preneur.

Le preneur est donc bien fondé à se prévaloir sur ces fondements du caractère apparemment régulier de cet acte.

Ajoutant à ces motifs et ceux du premier juge, la cour retiendra qu'en réglant régulièrement les loyers depuis lors et selon le prix réclamé par le bailleur dans ce dernier congé délivré le
12 mai 2006 avec offre de renouvellement, le preneur, ainsi qu'il le fait valoir, avait tacitement accepté depuis 2006 le renouvellement du bail aux conditions de ce congé.

En conséquence, pour pouvoir se prévaloir d'un éventuel déplafonnement du loyer et de sa fixation à la valeur locative, le bailleur n'avait d'autre choix que celui de respecter le calendrier afférent au bail en cours.

Il se devait donc :
- soit d'attendre d'avoir atteint la dernière année du bail en cours pour délivrer, 6 mois avant son expiration, un congé dont l'effet interviendrait au 30 novembre 2015 avec offre de renouvellement au 1er décembre 2015, mais, dans cette hypothèse, à charge pour lui de rapporter la preuve d'une cause de déplafonnement sur le fondement des dispositions de l'article L. 145-34 alinéa 1er du code de commerce et de l'article L. 145-33 auquel il renvoie ;
- soit d'attendre que ce bail en cours se prolonge au-delà de 12 ans, soit après le 30 novembre 2018, s'il entend bénéficier du déplafonnement de plein droit issu des dispositions de l'alinéa 3 de l'article L. 145-34 précité.

Le moyen sera donc en voie de rejet et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les demandes incidentes :

Pour rejeter la demande reconventionnelle en dommages et intérêts du preneur, le premier juge a justement retenu que les circonstances familiales peuvent expliquer l'erreur de Monsieur F... -B... sur la consistance de ses droits de sorte qu'il ne sera pas retenu d'abus de droit d'ester en justice.

En effet, la bonne foi de Monsieur F... B... n'est pas en cause et il a pu se méprendre sur l'étendue et la consistance de ses droits, sa contestation étant en l'espèce seulement mal dirigée à l'encontre du preneur auquel elle n'est pas opposable.

L'appel incident sera donc en voie de rejet et le jugement confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Le jugement, qui sera en définitive confirmé en toutes ses dispositions, le sera y compris en celles relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

L'appelant échoue à nouveau en toutes ses prétentions en cause d'appel.

En conséquence, il sera fait droit à hauteur de 2 000 € à la demande de l'intimée d'une somme complémentaire au titre de ses frais irrépétibles d'appel et l'appelant supportera en outre les entiers dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

Vu les dispositions des articles L. 145-9 et L. 145-34 du code de commerce et la théorie du mandat apparent,
Vu les pièces produites,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur F... B... à payer à la société Codisud la somme complémentaire de 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur  F... B... aux dépens de l'appel.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

MM/CR


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 14/00623
Date de la décision : 04/07/2017

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béziers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-07-04;14.00623 ?
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