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11/05/2017 | FRANCE | N°14/02680

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Ct0146, 11 mai 2017, 14/02680


Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 11 MAI 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 02680

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 MARS 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
No RG 13/ 05453

APPELANTE :

Société SELO-SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EQUIPEMENT POUR LE DEVELOPPEMENT de la LOZERE
en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité au dit siège social
14 Boulevard Henri Bourrillon-B. P. 4
48001 MENDE

représentée par la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant
et par Me Thierry VERNHET de la SCP SCHEUER V...

Grosse + copie
délivrées le
à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1ère Chambre A

ARRET DU 11 MAI 2017

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 02680

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 MARS 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
No RG 13/ 05453

APPELANTE :

Société SELO-SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE D'EQUIPEMENT POUR LE DEVELOPPEMENT de la LOZERE
en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité au dit siège social
14 Boulevard Henri Bourrillon-B. P. 4
48001 MENDE
représentée par la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant
et par Me Thierry VERNHET de la SCP SCHEUER VERNHET et Associés, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

INTIMEES :

SA MARQUET
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social sis
ZI de la Florizane
15100 SAINT FLOUR
représentée par la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER GARRIGUE GARRIGUE LAPORTE, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant
et par Me Armand-Michel CASCIO de la SCP CASCIO, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

SMABTP-SOCIÉTÉ MUTUELLE D'ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS
prise en la personne de sa délégation régionale
265 avenue des Etats du Languedoc-BP 9531
Avenue des Etats du Languedoc
34965 MONTPELLIER CEDEX 01
représentée par Me Rémy LEVY de la SCP LEVY BALZARINI SAGNES SERRE, avocat au barreau de MONTPELLIER

SARL PARFAIR
en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
22 Impasse du Vallon
69110 SAINTE FOY LES LYON
représentée par la SCP ARGELLIES APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant
et par Me Jean-Pierre BERTHOMIEU de la SCP MBA et Associés, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

S. A AXA FRANCE
en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social
313 Terrasses de l'Arche
92000 NANTERRE
représentée par la SCP ARGELLIES APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, postulant
et par Me Jean-Pierre BERTHOMIEU de la SCP MBA et Associés, avocat au barreau de MONTPELLIER, plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 21 Février 2017

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 MARS 2017, en audience publique, Madame Caroline CHICLET Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président de chambre
Madame Caroline CHICLET, Conseiller
Madame Brigitte DEVILLE, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Elisabeth RAMON

ARRET :

- contradictoire

-prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Yves BLANC-SYLVESTRE, Président, et par Madame Elisabeth RAMON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

Dans le cadre des travaux d'extension du golf du Sabot (de 9 à 18 trous) situé sur la commune de La Canourgue, la société d'économie mixte d'équipement pour le développement de la Lozère (la Selo) a confié le 2 juillet 2004 le lot terrassement, drainage et assainissement à la Sa Marquet, assurée auprès de la société Smabtp et la maîtrise d'oeuvre complète de l'opération à la Sarl Par Fair, assurée auprès de la société Axa France Iard.

Les travaux ont démarré le 19 juillet 2004 sur la base d'une étude géotechnique G0- G12 réalisée par la société Géoconcept consultants en mai 2003.

Par avenant en date du 30 août 2004, la Sarl Par Fair s'est adjoint les services d'un géotechnicien pour suivre l'exécution des terrassements.

Divers glissements de terrain sont survenus pendant la réalisation des travaux ayant nécessité des travaux de reprise importants.

La société Marquet a quitté le chantier le 1er avril 2005 après avoir acquis la certitude qu'elle ne serait pas payée pour les travaux de reprise et la Selo a résilié le marché à ses frais et risques par lettre recommandée avec avis de réception du 19 mai 2005.

L'expert A..., désigné par ordonnance de référé du 2 février 2006, a déposé son rapport le 26 septembre 2007 avec un additif du 24 octobre 2007.

La procédure initiée par la Selo devant les juridictions administratives s'est achevée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 8 juillet 2013 ayant conclu à la compétence exclusive des juridictions de l'ordre judiciaire.

La Selo, après avoir obtenu l'autorisation par une ordonnance sur requête en date du 5 septembre 2013, a fait citer à jour fixe la Sa Marquet, la Sarl Par Fair et leurs assureurs devant le tribunal de grande instance de Montpellier par actes des 11, 12 et 13 septembre 2013 pour l'audience du 21 janvier 2014 en réparation de ses préjudices.

Par jugement en date du 18 mars 2014 ce tribunal a :

- Dit et jugé que les glissements de terrains des trous 3 et 9 sont imputables à la force majeure ;

- Rejeté comme mal fondées les demandes présentées par la SELO tendant à voir déclarer la SARL PARFAIR et la SA MARQUET responsables des glissements de terrains des trous 3 et 9 ;
- Rejeté comme mal fondées les demandes de réparation des glissements de terrains des trous 3 et 9 présentées par la SELO ;

- Déclaré la SARL PARFAIR et la SA MARQUET entièrement responsables in solidum des glissements de terrains survenus avant 2007, à l'exception de ceux des trous 3 et 9 ;

- Dit et jugé que la SELO n'a aucune part de responsabilité dans la survenance des glissements de terrains survenus avant 2007 y compris ceux des trous 3 et 9, imputables à la force majeure ;

- Dit et jugé que dans leurs rapports internes, la SA MARQUET supportera 80 % de responsabilité et la SARL PARFAIR, maître d'oeuvre, garantie par son assureur, la compagnie AXA France IARD 20 % de responsabilité pour les glissements de terrains survenus avant 2007 à l'exception de ceux des trous 3 et 9 ;

- Condamné in solidum la SARL PARFAIR garantie par son assureur, la compagnie AXA France IARD et la SA MARQUET à payer à la SELO la somme de 122 359 euros HT, en deniers ou quittance pour tenir compte du paiement de la somme de 89 304, 81 euros effectué le 4 octobre 2011 par la SA MARQUET en exécution du jugement rendu le 30 juin 2010 ;

- Prononcé la mise hors de cause de la SMABTP, recherchée en sa qualité d'assureur de la SA MARQUET ;

- Condamné la SELO à payer à la SMABTP, recherchée en sa qualité d'assureur de la SA MARQUET la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Ordonné une expertise sur les glissements de terrains postérieurs au mois de mars 2007 et commet pour y procéder Monsieur Fabrice X...demeurant ...34 980 SAINT GELY DU FESC lequel aura pour mission, les parties régulièrement convoquées et connaissance prise des documents et pièces par elles produits de :

- entendre les parties, recueillir leurs dires et explications,
- entendre tous sachants et se faire communiquer tous documents qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, et notamment les constats d'huissier et les procès-verbaux de chantier et le rapport d'expertise de Monsieur A..., y compris son addidif,
- voir et visiter les lieux litigieux situés LA CANOURGUE (LOZERE),
- dresser un bordereau des documents communiqués à l'expert, étudier et analyser ceux en rapport avec le litige,
- fournir tous éléments permettant s'il y a lieu, de prononcer une réception judiciaire et notamment la date à retenir et les réserves éventuelles,
- examiner les travaux réalisés au titre du marché passé entre les parties,

- examiner et décrire les nouveaux glissements de terrains survenus depuis le mois de mars 2007 expressément invoqués,
- préciser leur nature, leur date d'apparition et leur importance,
- à titre d'information, donner tous éléments permettant de déterminer si les dommages compromettent la solidité de l'ouvrage ou s'ils sont de nature à le rendre impropre à sa destination,
- en rechercher les causes et les origines et préciser à qui ils sont imputables et dans quelles circonstances et proportions,
- décrire le principe des travaux nécessaires à la remise en état et en évaluer le coût, si possible à l'aide de devis présentés par les parties en précisant le coût hors taxe, le montant de la TVA applicable au moment des opérations d'expertise et le montant TTC, en évaluer aussi la durée normalement prévisible,
- fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues, au titre des sinistres successifs survenus après le mois de mars 2007,
- analyser les préjudices invoqués et rassembler les éléments propres à en établir le montant,
- s'expliquer techniquement dans le cadre de ces chefs de missions sur les dires et observations des parties qu'il aura recueillis après leur avoir fait part au moins un mois auparavant de sa note de synthèse qui devra comporter son chiffrage des travaux de reprise et de réfection,

- Dit que l'expert se conformera pour l'éxecution de son mandat aux dispositions des articles 232 à 248 et 263 à 284 du Code de procédure civile, devra faire connaître aux parties qui en feront la demande lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion, le programme de ses investigations et l'évaluation aussi précise que possible du montant prévisionnel de ses frais et honoraires et communiquera directement rapport de ses opérations à chacune des parties et en déposera deux exemplaires dont l'un si possible sous forme numérique au greffe du Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER avant le 1er Janvier 2015 ;

- Dit que l'expertise aura lieu aux frais avancés de la SELO qui consignera avant le 15 Juin 2014 la somme de 3000 euros à titre de provision à valoir sur les honoraires de l'expert ;

- Dit qu'à défaut de consignation dans le délai ci-dessus fixé, la désignation de l'expert sera caduque, à moins que que le juge chargé du contrôle des mesures d'instruction, à la demande d'une des parties se prévalant d'un motif légitime, ne décide une prorogation du délai ou un relevé de la caducité ;

- Dit que, s'il estime insuffisante la provision ainsi fixée, l'expert devra, lors de la première ou au plus tard lors de la deuxième réunion, dresser un programme de ses investigations et évaluer de manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours ;

- Dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître aux parites et au magistrat chargé du contrôle de l'expertise la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ;

- Désigné le juge chargé du contrôle des expertises pour :
1) remplacer par ordonnance l'expert empêché ou refusant, soit à la requête de la partie la plus diligente, soit d'office,
2) assurer le contrôle de la mesure d'instruction,

- Sursis à statuer sur la responsabilité et la réparation du préjudice résultant des glissements de terrains postérieurs au mois de mars 2007 jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;

- Condamné la SARL PARFAIR et son assureur, la compagnie AXA France IARD ainsi que la SA MARQUET à payer à la SELO la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condanmé la SARL PARFAIR et son assureur, la compagnie AXA France IARD ainsi que la SA MARQUET qui succombent à l'instance aux entiers dépens déjà exposés, y compris les frais de l'expertise de Monsieur A... ;

- Renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état électronique du 17 mars 2015 pour nouvel examen.

La Selo a relevé appel de ce jugement à l'encontre de toutes les parties.

Vu les conclusions de l'appelante remises au greffe le 6 août 2014 ;

Vu les conclusions de la Sa Marquet, appelante à titre incident, remises au greffe le 23 octobre 2014 ;

Vu les conclusions de la Sarl Par Fair et de la société Axa France Iard, appelante à titre incident, remises au greffe le 5 septembre 2014 ;

Vu les conclusions de la Smabtp remises au greffe le 12 septembre 2014 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 21 février 2017 ;

MOTIFS :

Sur la nature des responsabilités encourues :

Les travaux réalisés par la société Marquet n'ont pas fait l'objet d'un procès-verbal de réception.

La Selo n'a eu de cesse de dénoncer les manquements de la société Marquet dans la reprise des glissements de terrains qui sont survenus dès le début des travaux et qui se sont reproduits à plusieurs reprises en cours d'exécution du chantier et a dénoncé le marché le 19 mai 2005, après avoir vainement mis en demeure l'entreprise d'achever les travaux.

La Selo fonde ses prétentions, à titre principal, sur la responsabilité contractuelle de la société Marquet et du maître d'oeuvre.

Elle fonde ses demandes, à titre subsidiaire, sur la garantie décennale s'agissant des glissements survenus postérieurement à la résiliation du marché sans pour autant demander à la cour de constater la réception tacite ou de prononcer la réception judiciaire des travaux réalisés par la société Marquet.

Les glissements de terrains, pour lesquels la Selo recherche la responsabilité des intimés, se sont produits pendant la phase d'exécution du chantier mais également après la résiliation du marché de la société Marquet.

A supposer que la date de résiliation du marché puisse être retenue comme date de réception des travaux, ainsi que le laisse entendre la Selo dans son moyen subsidiaire, les responsabilités de la société Marquet et du maître d'oeuvre auraient quand même été de nature contractuelle s'agissant de désordres révélés pendant la phase d'exécution des travaux et dès le démarrage du chantier, qui n'auraient pas manqué de faire l'objet de réserves à la réception.

Les responsabilités de l'entreprise chargée du terrassement et du maître de d'oeuvre ne peuvent donc être recherchées que sur un fondement contractuel quelle que soit la date d'apparition des glissements de terrain.

Les désordres n'ont pas fait l'objet de la même attention de la part de l'expert judiciaire selon qu'ils sont survenus avant (rapport du 26 septembre 2007) ou après le dernier accédit du 19 mars 2007 (additif du 24 octobre 2007).

Il conviendra par conséquent, ainsi que l'a justement décidé le premier juge, de procéder à l'analyse des glissements de terrain selon qu'ils sont survenus avant le dernier accédit de mars 2007 ou postérieurement à celui-ci.

I) Sur les glissements survenus avant le dernier accédit du 19 mars 2007 :

Les premiers glissements de terrains se sont produits pendant l'été 2004, peu après le démarrage des travaux le 19 juillet 2004, et le 29 septembre 2004 au niveau des trous no6 et 8 ainsi que cela ressort du compte rendu de chantier no9 en date du 2 septembre 2004.

Des glissements plus ou moins importants se sont reproduits sur ces mêmes trous en novembre 2004 (CR no18 et 20).

Des glissements ont à nouveau été constatés pendant la période de noël 2004/ 2005 (CR no25) puis durant le mois de mars 2005 en amont du trou no3 et dans le secteur des trous no4, 6, 7 et 8 (CR no30).

Le même phénomène s'est répété entre juillet 2005 et février 2006, après le départ de la société Marquet en avril 2005, entre les trous 7 et 8 et au-dessus du trou no9 (procès-verbaux de constat d'huissier de juillet et octobre 2005 et de février 2006).

Pourtant, la société Marquet, professionnel du terrassement, de l'assainissement et du drainage, savait qu'elle intervenait " au sein d'une formation marneuse localement affectée par des glissements de terrains sur des épaisseurs voisines de 3 mètres, (...) associés à une saturation des marnes altérées et à des circulations hydrauliques souterraines " puisqu'elle avait pris connaissance des conclusions de l'étude géotechnique d'avant projet G0G12, effectuée en mai 2003 par la société Géoconcept à la demande du maître d'oeuvre et annexée au dossier de consultation des entreprises.

En sa qualité de professionnel, il lui appartenait de procéder à un terrassement conforme aux règles de l'art et adapté à ce type de sols qui, selon la société en charge de l'étude de faisabilité, requérait :
la purge des terrains saturés et glissés qui ne pouvaient être utilisés en remblais et devaient être régalés en fines couches sur des zones stables,
la création de redans et la mise en oeuvre de dispositifs de drainage suffisants afin d'assurer la stabilité de l'assise des remblais et éviter l'entraînement des terres par les circulations d'eau souterraine.

Or, il résulte des constatations de l'expert judiciaire, en pages 11 et 12 du rapport, que la société Marquet n'a pas procédé à toutes les purges nécessaires (couche de limon non purgée au niveau du trou no7) et qu'elle a mis en oeuvre un sol de remplacement contenant des débris végétaux au niveau des parcours 4 et 7.

L'expert a relevé en outre la présence d'une couverture herbeuse en aval du tee 8.

Mais le plus grave est que la société Marquet n'a créé aucun redans, à une exception près, et qu'il a été constaté l'absence fréquente de drainages ce qui est à l'origine des glissements de terrain selon l'expert.

Les fautes d'exécution de la société Marquet constatées par l'expert, avant ou pendant la phase des travaux de reprise, sont à l'origine de tous les glissements survenus jusqu'au dernier accédit de mars 2007, à l'exception des glissements au niveau des trous no3 et 9 de mars 2005 et février 2006 que l'expert impute à un aléa géologique et qui seront examinés ultérieurement s'agissant des responsabilités.

Il résulte clairement de l'expertise judiciaire qu'à l'exception de ceux survenus au niveau des trous 3 et 9, tous les glissements de terrain précédemment énumérés qui se sont produits entre l'été 2004 et octobre 2005 ont eu lieu dans des zones terrassées par la société Marquet et ont pour origine ses fautes d'exécution.

Dans ces conditions, la société Marquet ne peut sérieusement soutenir que sa responsabilité ne peut pas être recherchée pour les glissements survenus après son départ des lieux le 1er avril 2005.

Les fautes d'exécution les plus graves de la société Marquet étant quasiment généralisées (absence de redans ou de drainage), la société Par Fair, investie d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète, aurait dû les déceler lors de la direction du chantier et aurait dû exiger, après le premier glissement de l'été 2004, de réceptionner les fonds de fouille avant le remblaiement et en présence du géotechnicien qu'elle avait décidé de s'adjoindre, ce qu'elle n'a pas fait ainsi que cela ressort des conclusions de l'expert judiciaire.

La société Marquet et la société Par Fair tentent de se dédouaner en reprochant au maître de l'ouvrage de n'avoir pas fait procéder à des études de sol et d'exécution plus poussées.

Mais la société d'économie mixte d'équipement pour le développement de la Lozère est une société en charge de l'aménagement du territoire. Ses qualités vantées sur son site internet en matière " d'ingéniérie, de conseil, d'expertise et toute assistance à maîtrise d'ouvrage " ne suffisent pas à démontrer ses compétences notoires en matière de construction d'ouvrages. Il ne peut lui être reproché de n'avoir pas réclamé une étude de sol complémentaire alors qu'elle ne disposait pas des compétences pour en apprécier le caractère indispensable et qu'elle s'était entourée d'une équipe de professionnels qui n'ont pas jugé utile de recourir à une telle étude. Les demandes des sociétés Par Fair et Marquet visant à faire supporter la responsabilité des désordres au maître de l'ouvrage à concurrence de 25 % seront rejetées ainsi que l'a justement décidé le premier juge dont la décision sera confirmée sur ce point.

Tenant l'instabilité des sols révélée par l'étude de faisabilité G0G12 réalisée en 2003 au stade de l'avant projet, il incombait au maître d'oeuvre en charge de la conception et de la direction des travaux et au professionnel du terrassement de conseiller au maître de l'ouvrage de faire procéder à une étude de sol plus poussée afin d'adapter les plans d'exécution à la configuration de chaque trou, ce qu'ils n'ont pas fait.

Le maître d'oeuvre a en effet attendu le premier glissement de terrain de l'été 2004 pour décider de s'adjoindre un spécialiste des sols afin de l'assister dans la phase d'exécution des travaux sans pour autant recommander au maître de l'ouvrage de recourir à une étude d'exécution de type G2 ni décider de réceptionner les fonds de fouille avec l'assistance du géotechnicien alors que ces diligences auraient permis de déceler ou de prévenir les fautes d'exécution de la société en charge du terrassement.

La société Marquet ne peut invoquer l'absence de plans d'exécution au démarrage des travaux dès lors que, en sa qualité de professionnel du terrassement, il lui appartenait d'exiger ceux-ci et de suspendre au besoin son intervention si certaines pièces indispensables à la bonne exécution des travaux faisaient défaut, ce qu'elle n'a pas cru devoir faire.

La société Par Fair et la société Marquet doivent donc être déclarées entièrement responsables des glissements survenus avant le dernier accédit de mars 2007, à l'exception de ceux survenus au droit des trous 3 et 9 qui vont être examinés ci-après et le jugement sera confirmé sur ce point.

L'appelante conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a dit que les glissements de terrains des trous 3 et 9 étaient imputables à la force majeure. Elle soutient que l'accident géologique était prévisible en son principe sinon en sa localisation et que si le maître d'oeuvre et l'entreprise Marquet avaient sollicité une étude de type G2 et procédé à des sondages complémentaires au niveau de chaque trou, comme la société Marquet s'y était engagée dans son plan d'assurance qualité, cet aléa aurait été détecté ce qui aurait permis d'adapter les travaux et d'éviter les glissements de mars 2005 et février 2006.

Selon l'expert judiciaire, le glissement constaté en mars 2005 au niveau du trou 3, qui est à l'origine de celui survenu en février 2006 au-dessus du trou 9, n'est pas imutable aux fautes d'exécution, de direction ou de conseils des intervenants, mais à un aléa géologique indétectable consistant, au niveau du trou 3, en la présence d'un thalweg sur le toit des marnes compactes avec des marnes altérées sur six mètres de profondeur.

Ce type d'accident n'était pas prévisible au moment de la conclusion du contrat, contrairement à ce que soutient l'appelante, dès lors que l'étude de faisabilité notait la présence du toit des marnes compactes à environ trois mètres de profondeur, sous une couche de marnes altérées glissantes, et qu'elle n'alertait nullement le maître de l'ouvrage ou les intervenants sur la présence possible ou détectée d'un ou plusieurs thalwegs sur le toit du bon sol dissimulés sous une couche de six mètres de marnes altérées.

L'expert explique que, même en mulptipliant les sondages au droit du trou 3 et en effectuant une étude de sols de type G2, l'accident géologique, très circonscrit dans sa localisation, n'aurait pas été détectable en dehors d'un " coup de chance ", ce qui démontre de plus fort son imprévisibilité.

Le glissement imprévisible survenu en mars 2005 était de surcroît irrésistible car même si les plans d'exécution avaient été établis sur la base d'une étude de sol de type G2 et même si la société Marquet n'avait commis aucune faute d'exécution, notamment en créant des redans pour procéder au remblaiement et en installant des drainages suffisants, le glissement serait tout de même survenu en raison de la présence de marnes altérées sur six mètres de profondeur.

Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a dit que les glissements de terrains des trous 3 et 9 sont imputables à un cas de force majeure.

II) Sur les glissements survenus postérieurement au dernier accédit du 19 mars 2007 :

S'agissant des glissements survenus postérieurement au dernier accédit de mars 2007, l'expert a déposé un additif non exhaustif en octobre 2007 dans lequel il a énuméré les nouveaux désordres en précisant, pour chacun, si le glissement s'est produit dans une zone d'intervention de la société Marquet et si cette zone a fait l'objet de reprises par la société Cevie.

Cependant, l'expert n'a pas déterminé l'imputabilité de ces nouveaux glissements ni le coût des travaux de reprise.

Le rapport amiable de l'expert Y...sur lequel la Selo se fonde pour réclamer la réparation de ses préjudices est insuffisant.

En effet, cette expertise amiable, bien qu'opposable aux intimés qui ont pu en discuter le contenu de manière contradictoire, n'a pas la force probante d'un rapport d'expertise judiciaire et la cour n'est pas en droit de fonder sa décision sur ce seul document.

Dès lors que certains des glissements énumérés par l'expert concernent des zones où la société Marquet est intervenue, un complément d'expertise s'avère indispensable à l'effet de déterminer les causes techniques exactes de chacun de ces glissements ainsi que leur imputabilité en distinguant bien les travaux réalisés par la société Marquet de ceux éventuellement repris par la société Cevie et en précisant les pièces contractuelles ou les constats qui lui auront permis de faire cette distinction.

Cette expertie sera ordonnée au contradictoire de toutes les sociétés intimées et confié à Fabrice X...aux frais avancés de la Selo ainsi que l'a justement décidé le premier juge dont le jugement sera confirmé sur ce point.

III) Sur la réparation des préjudices et sur la demande d'évocation :

Les glissements des trous 3 et 9 étant imputables à une cause extérieure, imprévisible et irrésistible, le coût de reprise de ces désordres estimé par la Selo en page 30 de ses écritures à 455. 051 € HT (contre 426. 264 € HT selon l'expert judiciaire incluant l'avenant no2 de la société Cevie) doit être rejeté ainsi que l'a décidé le premier juge.

Le coût de reprise des glissements imputables aux sociétés Marquet et Par Fair a été minutieusement et rigoureusement chiffré par l'expert à la somme de 122. 359 € HT en pages 18 à 22 de son rapport.

Cette estimation, qui n'est pas utilement discutée, sera retenue.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Par Fair, son assureur Axa France Iard qui ne discute pas devoir sa garantie et la société Marquet à payer la somme de 122. 359 € HT à la Selo en deniers ou quittances pour tenir compte des sommes versées par la société Marquet à hauteur de 89. 304, 81 € le 4 octobre 2011 en exécution du jugement du tribunal administratif de Nîmes en date du 30 juin 2010 et à majorer du taux de TVA applicable au jour du prononcé de l'arrêt.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

S'agissant des préjudices afférents aux glissements survenus postérieurement à mars 2007, la cour considère qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'évocation de l'appelante et de surseoir à statuer sur ce point jusqu'au dépôt du rapport d'expertise de Fabrice X....

IV) Sur les demandes de garantie :

1) Sur la garantie et la responsabilité de la Smabtp :

La police souscrite par la société Marquet auprès de la Smabtp couvre la responsabilité civile de l'assuré à l'égard des tiers ou de ses préposés ainsi que les risques incendie et explosion.

Elle exclut expressément les dommages matériels subis par les travaux, ouvrages, parties d'ouvrages exécutés par le sociétaire ainsi que les frais et dépenses engagés pour la réparation de ces dommages à l'article 5-1 des conditions générales.

L'assurance de responsabilité civile ne peut donc en aucun cas être mise en oeuvre pour les dommages causés à la Selo par les travaux réalisés par la société Marquet, contrairement à ce que soutient l'appelante dont la demande sera rejetée.

La police exclut également la responsabilité décennale et biennale ainsi que la garantie de bon fonctionnement pouvant peser sur l'assuré à l'article 5-7 des conditions générales.

La Sa Marquet est une entreprise de travaux publics dont l'activité professionnelle déclarée auprès de l'assureur consiste en la construction de " chaussées, routes, pistes, canalisation à grande distance, extraction de matériaux et loueur de matériel et d'engins de chantier ", ne sont pas soumises à l'assurance décennale obligatoire.

La Selo n'explique pas en quoi la Smabtp avait le devoir de conseiller à son assuré de souscrire une telle assurance.

A supposer qu'une faute puisse être caractérisée à l'encontre de l'assureur, la Selo ne démontre pas l'existence de son préjudice puisque seule la responsabilité contractuelle de la société Marquet est engagée dans le présent litige et ce, quelle que soit la date d'apparition des glissements de terrain, ; la demande de l'appelante sera purement et simplement rejetée.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis hors de cause la Smabtp.

2) Sur le partage de responsabilité entre la Sa Marquet et la Sarl Par Fair :

Les sociétés Par Fair et Marquet forment appel incident et demandent à voir leur responsabilité réduite par rapport au partage retenu par le premier juge.

Ainsi qu'il a été vu précédemment, les fautes d'exécution de la société Marquet sont nombreuses et pour, les plus graves d'entre elles, quasiment généralisées.

De son côté la société Par Fair a manqué à ses obligations en ne réceptionnant pas les fonds de fouille alors que le premier glissement s'est produit dès après le démarrage des travaux et que ces derniers étaient exécutés sur la base d'une simple étude de faisabilité réalisée au stade de l'avant projet sans recours à une étude de type G2.

Les importantes négligences du maître d'oeuvre dans les phases de conception et de direction du chantier justifient de retenir à son encontre une part de responsabilité à hauteur de 20 % dans ses rapports internes avec la société Marquet laquelle sera tenue à hauteur de 80 %.

Chacune de ces sociétés sera condamnée à garantir l'autre à hauteur de sa part de responsabilité étant rappelé que la société Par Fair est garantie par son assureur Axa France Iard.

Le jugement sera confirmé sur tous ces points.

PAR CES MOTIFS :

La cour ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Décidant d'évoquer :

Ordonne qu'il soit sursis à statuer sur la responsabilité et la réparation du préjudice résultant des glissements de terrains postérieurs au mois de mars 2007 jusqu'au dépôt du rapport d'expertise de Fabrice X...devant la cour ;

Y ajoutant ;

Dit que l'expert X...devra distinguer les travaux réalisés par la société Marquet de ceux éventuellement repris par la société Cevie en précisant les pièces contractuelles ou les constats qui lui auront permis de faire cette distinction ;

Dit que l'expert X...devra lister les pièces annexées à son rapport dans un bordereau qui précisera le numéro de la page à laquelle la pièce peut être consultée par la cour et les conseils ;

Réserve les dépens et les frais irrépétibles sauf pour ceux réclamés par la Smabtp ;

Condamne la Selo à payer à la Smabtp une somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile pour ses frais engagés en cause d'appel ainsi que les dépens justifiés dont cette intimée a dû faire l'avance ;

Renvoie la cause et les parties à la mise en état.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

CC


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Ct0146
Numéro d'arrêt : 14/02680
Date de la décision : 11/05/2017

Analyses

1º Le maître d'oeuvre et l'entreprise en charge du terrassement d'un parcours de golf qui a été affecté de multiples glissements de terrain ne peuvent se dédouaner de leur responsabilité en reprochant au maître de l'ouvrage, société d'économie mixte en charge de l'aménagement du territoire, de n'avoir pas fait procéder à des études de sol et d'exécution plus poussées, alors que les qualités revendiquées sur son site internet par cette société en matière "d'ingéniérie, de conseil, d'expertise et toute assistance à maîtrise d'ouvrage" ne suffisent pas à démontrer ses compétences notoires en matière de construction d'ouvrages. De ce fait, il ne peut lui être reproché au maître de l'ouvrage de n'avoir pas réclamé une étude de sol complémentaire alors qu'il ne disposait pas des compétences pour en apprécier le caractère indispensable et s'était entouré d'une équipe de professionnels à qui il incombait, tenant l'instabilité des sols révélée par l'étude de faisabilité au stade de l'avant projet, de lui conseiller de faire procéder à une étude de sol plus poussée afin d'adapter les plans d'exécution à la configuration de chaque trou 2º L'entreprise en charge du terrassement n'est pas fondée à invoquer l'absence de plans d'exécution au démarrage des travaux dès lors que, en sa qualité de professionnel du terrassement, il lui appartenait de les exiger et de suspendre au besoin son intervention si certaines pièces indispensables à sa bonne exécution faisaient défaut.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Montpellier, 18 mars 2014


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2017-05-11;14.02680 ?
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