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11/05/2016 | FRANCE | N°15/08750

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1e chambre section as, 11 mai 2016, 15/08750


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1e Chambre Section AS
ARRET DU 11 MAI 2016
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/08750 jonction avec le no 15/09918

Décision déférée à la Cour : Décision du 03 NOVEMBRE 2015 CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER

DEMANDEUR AU RECOURS:
Monsieur Laurent X...... 10500 BRUXELLES
représenté par Maître Sébastien PINET, avocat au barreau de NARBONNE
EN PRESENCE DE
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER Maison des avocats 14 rue Marcel de Serres - CS 49503 34961 MONTPELLIER CEDEX 2
repr

ésenté par Maître Laurent SALLELES, avocat au barreau de MONTPELLIER

MINISTERE PUBLIC 1 rue Foch...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1e Chambre Section AS
ARRET DU 11 MAI 2016
Numéro d'inscription au répertoire général : 15/08750 jonction avec le no 15/09918

Décision déférée à la Cour : Décision du 03 NOVEMBRE 2015 CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER

DEMANDEUR AU RECOURS:
Monsieur Laurent X...... 10500 BRUXELLES
représenté par Maître Sébastien PINET, avocat au barreau de NARBONNE
EN PRESENCE DE
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE MONTPELLIER Maison des avocats 14 rue Marcel de Serres - CS 49503 34961 MONTPELLIER CEDEX 2
représenté par Maître Laurent SALLELES, avocat au barreau de MONTPELLIER

MINISTERE PUBLIC 1 rue Foch 34000 MONTPELLIER
représenté par Monsieur Pierre DENIER, avocat général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ:
Monsieur Eric NEGRON, Premier président Monsieur Philippe GAILLARD, Président de chambre Madame Corinne DESJARDINS, Conseiller Madame Caroline CHICLET, Conseiller Madame Martine ROS, Conseiller
qui en ont délibéré.
L'affaire a été débattue en audience publique, le 11 avril 2016, Monsieur Eric NEGRON, premier président ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile,
GREFFIER :
Monsieur Dominique SANTONJA, Greffier lors des débats
MINISTÈRE PUBLIC :
représenté lors des débats par Monsieur Pierre DENIER, avocat général, entendu en ses réquisitions.
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Eric NEGRON, Premier président, et par Monsieur Dominique SANTONJA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
DEBATS :
En audience publique, le 11 avril 2016, les parties ayant donné leur accord.
L'affaire a été mise en délibéré au 11 mai 2016.
La procédure :
Par courrier du 10 juillet 2015 reçu le 20 août 2015 par le Conseil de l'Ordre des avocats de Montpellier, Laurent X... a sollicité son inscription au barreau de Montpellier en vertu des dispositions de l'article 98 6o du décret 91-1197 du 27 novembre 1991.
Les alinéas 1 et 4 de l'article 102 du décret du 27 novembre 1991 prévoient que « Le Conseil de l'Ordre statue sur la demande d'inscription dans les deux mois à compter de la réception de la demande» et qu' « A défaut de notification d'une décision dans le mois qui suit l'expiration du délai imparti au conseil de l'ordre pour statuer, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant la cour d'appel ».
Par courrier posté le 20 novembre 2015, reçu au greffe de la cour d'appel de Montpellier le 27 novembre, Laurent X... a interjeté appel de la décision implicite de refus du Conseil de l'Ordre des avocats de Montpellier.
Par une délibération en date du 3 novembre 2015, le Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Montpellier a rejeté la demande d'inscription de Laurent X....
Par courrier recommandé international en date du 16 novembre 2015 (date de dépôt à la Poste) déclaré reçu le 23 novembre 2015, le Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Montpellier a notifié la délibération du 3 novembre 2015 à Laurent X....
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 15 décembre 2015, reçue au greffe le 17 décembre 2015, Laurent X... a interjeté appel de la délibération du Conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Montpellier en date du 3 novembre 2015.
Le conseil de l'ordre a adressé à la cour le dossier de première instance.
Sur l'audience, le président ordonne après avoir recueilli les observations des parties et du ministère public la jonction des instances introduites par les deux saisines successives de la cour, en premier lieu en appel d'un refus implicite du Conseil de l'Ordre, en second lieu en appel de la délibération du Conseil de l'Ordre de 3 novembre 2015.
Les prétentions :
Laurent X... demande à la Cour dans ses conclusions reçues au greffe le 7 avril 2016 :
A titre principal :
dire que la décision de refus du Conseil de l'Ordre est mal motivée en ce qu'elle exige pour le bénéfice de la dispense de l'article 98 alinéa 6 du décret l'exercice exclusif des activités juridiques, et le bénéfice d'une réelle autonomie dans leur exercice ;
dire qu'elle ne respecte pas les dispositions du droit européen, en particulier l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne, et l'article 1er de la directive 2005/36 du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles ; en conséquence, infirmer la décision du 3 novembre 2015, et ordonner l'inscription de Laurent X... au tableau du barreau de Montpellier, sous réserve du réexamen de son dossier par le Conseil de l'Ordre.
A titre subsidiaire :
dire que la décision de refus ne respecte pas les délais prescrits par l'article 102 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat ; dire que la procédure devant le Conseil de l'Ordre n'a pas respecté le principe du contradictoire et les exigences du droit au procès équitable énoncées à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; annuler la décision de refus, et ordonner au Conseil de l'Ordre le réexamen du dossier de demande d'inscription.
Laurent X... fait valoir qu'il a exercé depuis le 21 mai 2007 des activités de juriste à titre principal, avec les seules contraintes reconnues inhérentes au statut de travailleur salarié, au sein des bureaux à Bruxelles de deux cabinets d'avocats de dimension internationale, et ainsi acquis une expérience professionnelle suffisante pour bénéficier des dispositions de l'article 98 6o du décret du 27 novembre 1991. Il soutient que l'exigence de territorialité induite par l'article 11-2o de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est contraire et incompatible avec le droit européen positif applicable.
Le Conseil de l'Ordre constate dans sa délibération du 3 novembre 2015, que Laurent X... n'exerce pas une activité exclusive de juriste et ne bénéficie pas dans le cadre du traitement des dossiers d'une réelle autonomie. Il considère qu'il n'apporte pas de précision significative sur la réalité de ses fonctions, la définition de ses attributions étant uniquement déclarative, et que l'activité revendiquée de juriste n'est pas exclusive puisqu'il avait également des attributions en marketing, publicité fonctionnelle, formation.
La décision retient que les fonctions décrites s'apparentent davantage à une fonction d'assistant juridique qu'à celle de juriste, qu'il se prévaut d'une expérience professionnelle de 8 ans à l'étranger, alors que la jurisprudence rappelle la volonté manifeste du législateur qu'elle soit exercée sur le territoire français au visa de l'article 98 du décret du 27 novembre 1991 et de l'article 11 2o de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
Le Conseil de l'Ordre demande dans des écritures déposées de 8 avril 2016 :
Déclarer irrecevable l'appel régularisé le 20 novembre 2015 contre une prétendue décision de rejet implicite. Déclarer irrecevable et à tout le moins infondée la demande d'annulation de la décision du 3 novembre 2015. Confirmer la décision rendue le 3 novembre 2015. Condamner Laurent X... à payer au conseil de l'ordre des avocats de Montpellier une somme de 4000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Le Conseil de l'Ordre expose que la décision du 3 novembre 2015 a été rendue dans le délai de l'alinéa 4 de l'article 102 du décret du 27 novembre 1991, de deux mois plus un mois à compter de la réception de la demande le 20 août 2015.
Il soutient que l'exigence de l'exercice en France de l'activité de juriste n'est pas contraire aux dispositions de la directive de l'union européenne selon laquelle « tout État membre dans lequel une profession est réglementée est tenu de prendre en compte les qualifications acquises dans un autre État membre et d'apprécier si celles-ci correspondent à celles qu'il exige ». En effet, l'article 99 du décret du 27 novembre 1991 ouvre un accès à la profession d'avocat aux personnes qui ont acquis leur qualification professionnelle dans un autre État membre, mais avec la condition d'avoir réussi une épreuve d'aptitude à laquelle voudrait se soustraire Laurent X....
Le Conseil de l'Ordre prétend que les activités professionnelles exercées par le requérant ne caractérisent pas la qualité de juriste d'entreprise, mais plutôt celle d'un assistant administratif dans les fonctions désignées de « Paralegal » dans le cabinet Cleary Gottl Steen et Hamilton de 2007 à 2013, comme dans celles de « Information officer » dans le cabinet Arnold et Porter, avec des taches para-juridiques seulement accessoires. Il ajoute que l'effet dévolutif de l'appel ne permet pas de renvoyer l'affaire devant le conseil de l'ordre pour un nouvel examen.
Le ministère public a conclu à l'infirmation de la décision critiquée, au vu des articles 11 1o et 2o de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, et de la prétention de l'appelant soutenant que le droit européen implique que son expérience acquise à l'étranger soit prise en compte.
Monsieur Laurent X... a eu la parole en dernier.
SUR QUOI
Sur les conditions de la dispense de la formation et du certificat d'aptitude à la profession d'avocat :
Laurent X... fonde sa prétention à être inscrit au barreau de Montpellier sur l'article 98 6o du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat. Ce texte porte dispense de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude pour : les juristes salariés d'un avocat, d'une association ou d'une société d'avocats, justifiant de huit ans au moins de pratique professionnelle en cette qualité postérieurement à l'obtention du titre ou diplôme mentionné au 2o de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1971.
L'article 11 2o de la loi du 31 décembre 1971 pose en condition nécessaire à l'accès à la profession d'avocat : être titulaire, sous réserve des dispositions réglementaires prises pour l'application de la directive 2005 / 36 / CE du Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005, et de celles concernant les personnes ayant exercé certaines fonctions ou activités en France, d'au moins une maîtrise en droit ou de titres ou diplômes reconnus comme équivalents pour l'exercice de la profession par arrêté conjoint du garde des sceaux, ministre de la justice, et du ministre chargé des universités.
Les parties s'accordent pour reconnaître la double exigence résultant de l'application de ces textes d'une part de l'exercice pendant huit ans au moins d'une pratique professionnelle de juriste, d'autre part de son exercice en France.
Sur l'exercice en France de la pratique professionnelle
Laurent X... conteste la compatibilité de l'exigence d'un exercice exclusif en France avec le traité sur le fonctionnement de l'union européenne, et la directive 2005/36 du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.
L'article 49 du traité énonce : « les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites ». La directive du 7 septembre 2005 considère que : « tout État membre d'accueil dans lequel une profession est réglementée est tenu de prendre en compte les qualifications acquises dans un autre État membre et d'apprécier si celles-ci correspondent à celles qu'il exige ». Il doit en être déduit que l'exigence de territorialité de la pratique professionnelle antérieure posée par la loi française caractérise à l'évidence une restriction à la liberté d'établissement dans un État membre, et plus précisément concernant une profession réglementée une restriction à la directive européenne de prendre en compte les qualifications acquises dans un autre État membre sous la seule réserve d'apprécier si elles correspondent aux qualifications exigées par la France.
La cour de justice européenne a pu juger dans des décisions récentes que les règles nationales établissant des conditions de qualification ne peuvent pas faire abstraction des connaissances et qualifications acquises dans un autre État membre ( CJUE 16 mars 2002 ; 13 novembre 2003 ; 6 octobre 2015).
Le principe de la primauté du droit européen sur la loi nationale, et de son effet directement applicable, n'est pas contesté. La cour constate en conséquence que la délibération du Conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Montpellier n'était pas fondée à rejeter la demande d'intégration de Laurent X... au motif de l'exercice dans un autre État membre de la pratique professionnelle de juriste, en ce que cette exigence dans la loi française est contraire à l'application du droit européen.
Le Conseil de l'Ordre oppose que les exigences de la directive européenne sont respectées par les dispositions de l'article 99 du décret du 27 novembre 1991 qui ouvre une possibilité d'accès à la profession d'avocat aux personnes qui ont acquis leur qualification professionnelle dans un autre État membre avec la condition supplémentaire d'une épreuve d'aptitude. Cependant cette disposition qui n'est pas revendiquée par Laurent X... ne lui est pas non plus applicable, en ce qu'elle concerne exclusivement les personnes qui justifient de « diplômes ou formations assimilées permettant l'exercice de la profession dans un État membre, ou de l'exercice à plein temps de la profession pendant deux ans au cours des 10 années précédentes dans un État membre ». Laurent X... ne dispose pas de qualification permettant l'exercice de la profession d'avocat, ni d'avoir exercé cette profession, dans un État membre. Sa demande est fondée sur l'exercice de fonctions de juriste salarié de cabinets d'avocats relevant de la seule application de l'article 98 du décret. L'article 99 ne caractérise pas une possibilité d'accès à la profession d'avocat en France fondée sur l'exercice de fonctions de juriste dans un autre État membre, mais fondée sur l'exercice de fonctions d'avocat.

Sur l'activité de juriste
La qualité de juriste salarié d'une structure professionnelle d'avocats, pour bénéficier au titre de l'article 98 6o du décret du 27 novembre 1991 de la dispense de la formation théorique et pratique et du certificat d'aptitude pour être inscrit à un barreau en France, s'entend indépendamment de toute considération de qualification ou de coefficient inscrit sur le contrat de travail, de l'exercice exclusif de fonctions de juriste qualifié pour des tâches d'analyse et de conception et la résolution de problèmes juridiques complexes, avec une réelle autonomie intellectuelle et de gestion des dossiers qui lui sont confiés. Le demandeur a la charge d'en apporter la preuve par tout moyen.
Laurent X... est titulaire d'un Master délivré par l'université de Pau, à finalité professionnelle, mention affaire européennes et internationales, spécialisé juriste européen.
Il justifie pour les huit années précédentes de la pratique professionnelle suivante : du 21 mai 2007 au 12 avril 2013, au sein de l'antenne à Bruxelles du cabinet international d'avocats Cleary Gottlieb Steen et Hamilton, une fonction qualifiée de « Paralegal » sur le contrat de travail et de « Légal Assistant » sur les bulletins de salaire ; depuis le 15 avril 2013, au sein de l'antenne à Bruxelles du cabinet international d'avocats Arnold et Porter, avec une qualification sur le contrat de travail de « Information Officer ».
La délibération du Conseil de l'Ordre relève que Laurent X... n'apporte pas d'éléments probants significatifs sur la réalité de ces fonctions au-delà de ses déclarations, alors qu'il ressort de son audition qu'il effectuait des recherches juridiques mais avait également des attributions de marketing et dans l'organisation des formations en interne. Un courrier du 10 décembre 2015 d'un associé du cabinet Cleary Gottlieb Steen et Hamilton, indique une contribution au travail juridique dans des affaires de concentrations et cartels impliquant des clients internationaux (analyse des documents et préparation de dossiers ; rédaction et dépôt de conclusions et notes juridiques ; développement de bases de données). Un courrier du 18 janvier 2016 d'un associé du cabinet Arnold et Porter, indique une activité de juriste spécialisé en droit de la concurrence (recherche et analyse de jurisprudence et de la doctrine; assistance à la rédaction de conclusions et notes juridiques et d'information ; veille juridique ; organisation des ressources d'information du cabinet).
Ces seuls éléments de précision ne suffisent pas à critiquer utilement l'appréciation de la délibération du Conseil de l'Ordre que les fonctions décrites s'apparentent davantage à une fonction d'assistant juridique, en ce qu'ils ne démontrent pas une réelle autonomie et d'un pouvoir propre de décision, notamment dans la relation avec la clientèle et la représentation du cabinet et le suivi de l'accomplissement qui découle de la gestion des dossiers. Ils viennent même conforter la constatation par le Conseil de l'Ordre d'une proportion de tâches qui ne relèvent pas de la fonction de juriste au sens du décret, notamment relatives à l'organisation des ressources de bibliothèque d'information.
La cour confirmera en conséquence que les conditions d'application de l'article 98 6o du décret du 27 novembre 1991 ne sont pas réunies, en ce qui concerne la qualité de juriste salarié d'une structure d'avocats.

Sur les autres prétentions
La demande du Conseil de l'Ordre de déclarer irrecevable l'appel régularisé le 20 novembre 2015 contre une prétendue décision de rejet implicite n'a plus d'objet alors que les deux instances ont été jointes, et que le recours à l'encontre de la délibération du 3 novembre 2015 notifiée à l'intéressée ne fait l'objet de débats que sur le contenu de la décision critiquée.
Laurent X... conteste à titre subsidiaire le respect par le Conseil de l'Ordre des délais de procédure prescrits par l'article 102 du décret du 27 novembre 1991, du principe du contradictoire et du droit au procès équitable.
La critique du défaut de notification d'une décision prise sur la demande d'inscription dans le délai de deux mois (article 102 alinéa 1) est inopérante en ce qu'il n'a pas porté atteinte à l'exercice du recours devant la cour d'appel, lequel a pu être formé aussi bien sur la base d'un rejet implicite en l'absence de décision que sur la délibération rendue le 3 novembre 2015. La critique du défaut de notification de la délibération dans les 15 jours de sa date (article 102 alinéa 3) n'est pas fondée alors que l'envoi du recommandé a bien été effectué dans le délai le 16 novembre 2015, et elle est également inopérante sur le même motif d'une absence de grief.
Laurent X... ne démontre pas sérieusement une atteinte au principe du contradictoire et au bénéfice du droit à un procès équitable, alors qu'il a pu faire l'objet d'une audition par le Conseil de l'Ordre sur sa demande d'inscription au barreau, que le Conseil de l'Ordre dans sa compétence de juridiction d'examen de la demande n'avait pas une qualité de partie dans un litige contradictoire comportant une obligation de communication préalable de pièces ou prétentions. Le Conseil de l'Ordre n'avait pas davantage obligation d'inscrire un ordre du jour pour une séance d'audition nécessairement consacrée à la demande de Laurent X..., ni de lui réclamer des documents particuliers au soutien de la charge qui incombait exclusivement à celui-ci de la preuve de sa prétention. Laurent X... ne développe aucune argumentation de nature à établir l'absence d'un procès équitable.
L'article 16 du décret du 27 novembre 1991 que l'article 102 déclare applicable au recours formé devant la cour d'appel sur la demande d'inscription barreau dispose : « sauf en matière disciplinaire, le conseil de l'ordre est partie à l'instance ». Cependant il apparaît équitable dans cette instance en appel de laisser à la charge de chacune des parties les frais non remboursables qu'elles ont engagés, et de rejeter en conséquence la prétention du Conseil de l'Ordre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Laurent X... supportera la charge des éventuels dépens de la procédure.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe ;
Ordonne la jonction de l'instance enrôlée au greffe de la cour sous le numéro 15/8750 avec l'instance enrôlée sous le numéro 15/9918 ;
Confirme la délibération rendue par le conseil de l'ordre des avocats du barreau de Montpellier le 3 novembre 2015, en ce qu'elle rejette la demande d'inscription au barreau de Laurent X... sur le motif qu'il ne démontre pas remplir la condition du contenu de la pratique professionnelle de huit ans de juriste salarié ;
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Laurent X... aux dépens de l'instance.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1e chambre section as
Numéro d'arrêt : 15/08750
Date de la décision : 11/05/2016

Analyses

Les articles 98 6º du décret du 27 novembre 1991 et 11 2º de la loi du 31 décembre 1971 subordonnent l'accès à la profession d'avocat, d'une part à l'exercice pendant huit ans au moins d'une pratique professionnelle de juriste, d'autre part à son exercice en France. Cette exigence d'un exercice exclusif en France caractérise une restriction à la liberté d'établissement dans un État membre, interdite par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'union européenne et, s'agissant d'une profession règlementée, une restriction à la directive européenne du 7 septembre 2005 prescrivant la prise en compte les qualifications acquises dans un autre État membre sous la seule réserve d'apprécier si elles correspondent aux qualifications exigées par la France. Dès lors n'est pas fondée la délibération du Conseil de l'Ordre des avocats rejetant une demande d'intégration au motif de l'exercice dans un autre État membre de la pratique professionnelle de juriste, en ce que cette exigence dans la loi française est contraire à l'application du droit européen.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2016-05-11;15.08750 ?
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