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09/02/2016 | FRANCE | N°16/00038

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre de l'instruction, 09 février 2016, 16/00038


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 09 février 2016
N 2016/00038

ARRET DONNANT AVIS SUR LA DEMANDE D'EXTRADITION

A R R E T N
prononcé en audience publique le neuf février deux mil seize, par Madame MACAIRE, conseiller, en application des dispositions de l'article 199 du code de procédure pénale et signé par ledit conseiller,
et donnant avis sur la demande d'extradition de :
X... Gleb Né le 25 juillet 1970 à Omsk (Russie)

Détenu à la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone sous écrou extraditionnel du 25 novembre 2015Ay

ant pour avocat Maître KALUZINSKA, 418 rue du mas de verchant, parc eureka - BP 12 - 34935 Montp...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 09 février 2016
N 2016/00038

ARRET DONNANT AVIS SUR LA DEMANDE D'EXTRADITION

A R R E T N
prononcé en audience publique le neuf février deux mil seize, par Madame MACAIRE, conseiller, en application des dispositions de l'article 199 du code de procédure pénale et signé par ledit conseiller,
et donnant avis sur la demande d'extradition de :
X... Gleb Né le 25 juillet 1970 à Omsk (Russie)

Détenu à la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone sous écrou extraditionnel du 25 novembre 2015Ayant pour avocat Maître KALUZINSKA, 418 rue du mas de verchant, parc eureka - BP 12 - 34935 Montpellier Cedex 9

COMPOSITION DE LA COUR :lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt :

Madame MACAIRE, conseiller, en remplacement du président empêché, désignée par ordonnance de Monsieur le premier président en date du14 décembre 2015Monsieur COMMEIGNES et Madame ROUGIE, conseillers, régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale.

GREFFIER : Monsieur BELLANGER lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt.
MINISTERE PUBLIC : Monsieur CAVAILLEZ, substitut général lors des débats.Arrêt prononcé en présence du ministère public.

DEBATS
A l'audience publique du 19 janvier 2016, ont été entendus :
L'étranger comparant susnommé, en son interrogatoire dont procès-verbal a été dressé ;
Madame MACAIRE, conseiller, en son rapport
Monsieur CAVAILLEZ, Substitut Général, en ses réquisitions
Maître KALUZINSKA, avocat du comparant et celui-ci, lui-même, qui a eu la parole en dernier, en leurs observations.

Le comparant était assisté de Mme Y..., interprète en langue russe, langue en laquelle l'intéressé a déclaré vouloir s'exprimer, âgée de plus de 21 ans, qui a prêté serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience, conformément à l'article 407 du code de procédure pénale.

Maître KALUZINSKA, avocat, a déposé au nom de X... le 18 janvier 2016 à 15h30, au greffe de la chambre de l'instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au ministère public.
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Le 11 septembre 2013 , le gouvernement russe a formé contre le nommé Gleb X... un mandat d'arrêt valant ordre d'arrestation provisoire qui a été diffusé dans le système Schengen et transmis avec les pièces annexées au Procureur Général près la cour d'appel de Montpellier.
Le 23 novembre 2015 à 22h30 Gleb X... a été interpellé par la police aux frontières dans les Pyrénées Orientales, celui-ci a été déféré au magistrat du Parquet Général le 25 novembre 2015, lequel a procédé à l'interrogatoire d'identité, dont il a été dressé procès-verbal et l'a présenté à Monsieur le magistrat délégué par le Premier Président de la cour d'appel qui a placé Gleb X... sous écrou extraditionnel.
Le 13 janvier 2016, notification lui a été faite du titre en vertu duquel son arrestation a eu lieu ainsi que des pièces produites à l'appui de la demande d'extradition par Madame MASSA Avocat Général, qui l'a également informé de sa faculté de consentir ou de s'opposer à son extradition.
Le 19 janvier 2016, Madame MACAIRE, conseiller de la chambre de l'instruction, a procédé à l'interrogatoire de l'intéressé dont il a été dressé procès-verbal.
DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
Il a été satisfait aux formes et aux délais prescrits par les articles 696-8 à 696-24 du code de procédure pénale relatifs à la procédure d'extradition.
La procédure est donc régulière en la forme.

AU FOND

Le 23 novembre 2015, les fonctionnaires de la police aux frontières effectuant à la grande barrière de péage du BOULOU, dans la zone dite des 20 km, un contrôle aléatoire des véhiculescirculant dans le sens Espagne /France, procédaient au contrôle d'un véhicule Mercedes immatriculé en Russie. Le conducteur présentait un passeport et un permis de conduire au nom de Gleb X.... Les vérifications auprès du fichier des personnes recherchées révélaient l'existence d'un mandat d'arrêt décerné le 11 septembre 2013 par Presnenskiy régional court of Moscow city Russie.
Devant les enquêteurs, Gleb X... reconnaissait être la personne recherchée mais précisait avoir déjà été interpellé en Espagne au visa de ce mandat d'arrêt et avoir purgé sa peine de prison à Madrid.
Ce mandat d'arrêt valant ordre d'arrestation provisoire dans le cadre d'une procédure d'extradition, Gleb X... était déféré au magistrat du parquet général le 25 novembre 2015.
Gleb X... a été placé sous écrou extraditionnel le 25 novembre 2015 en vue de l'exécution du mandat d'arrêt valant ordre d'arrestation provisoire en date du 11 septembre 2013 émis par le tribunal régional Prenenskiy de Moscou aux fins d'exercice de poursuites pénales du chef d'escroquerie en bande organisée commise à Rostov sur le Don entre juillet et septembre 2012.
En application des dispositions de la Convention Européenne d'extradition du 13 décembre 1957, les autorités russes transmettaient le 22 décembre 2015 une demande d'extradition au ministère des Affaires Étrangères et du Développement international.
Dans ce document, en date du 15 décembre 2015, le Parquet Général de la Fédération de Russie garantissait qu'en vertu des normes internationales Gleb X... aurait toutes les possibilités de défense y compris l'assistance d'un avocat, qu'il ne serait pas soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants conformément notamment aux dispositions de l'article 3 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, de l'article 3 du deuxième protocole additionnel à la Convention Européenne d'extradition.
Le Parquet Général de la Fédération de Russie garantissait en outre que la demande d'extradition n'était pas présentée aux fins de poursuivre l'intéressé pour des considérations politiques, de race, de religion, de nationalité, ou d'opinions politiques.

Les autorités russes précisaient qu'en cas d'extradition, Gleb X... serait détenu dans un établissement pénitentiaire répondant aux exigences posées dans la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales et dans les règles pénitentiaires européennes en date du 11 janvier 2006, où il ne serait pas soumis à un travail physique non consenti et bénéficierait des soins médicaux nécessaires. Le contrôle de cet engagement pourra être effectué par un employé mandataire du service consulaire de l'ambassade de France en Russie sur les lieux de détention du condamné.

Il est reproché à Gleb X..., en utilisant la fausse identité de Markov Z..., et avec la complicité du président du conseil des directeurs de la société anonyme "Krasnodarsortsemovoch" Abdougalimov D.M et d'un haut fonctionnaire du Ministère de l'Agriculture de la Fédération de Russie, de s'être fait remettre 45 millions de roubles par Boukhtine N.V., en échange du renouvellement de sa nomination à son poste. La somme susmentionnée a été déposée dans deux coffres forts dont les clés ont été remises à Abdoulgamov D.M.Interpellé ce dernier était placé sous écrou le 7 septembre 2012.

Conformément aux dispositions de la convention européenne d'extradition étaient joints à la demande les textes d'incrimination et de répression du délit imputé à Gleb X... : fraude commise par un groupe organisé ou à grande échelle ou résultant de la privation du droit d'un citoyen au logement, fait passible d'une peine d'emprisonnement de 10 ans ; ainsi que des textes concernant la prescription, en l'espèce 10 ans après la commission des crimes graves, ce délai étant suspendu si le délinquant se soustrait à l'enquête ou au procès.
Par procès-verbal du 13 janvier 2016, le magistrat du Parquet Général près la cour d'appel de Montpellier, notifiait à Gleb X... les pièces produites par les Autorités russes au soutien de leur demande d'extradition.
Gleb X... reconnaissait que cette demande d'extradition lui était applicable, refusait expressément d'être extradé et ne renonçait pas à la règle de la spécialité.
Le 14 janvier 2016 le conseil de Gleb X... faxait à la chambre de l'instruction, copie de la traduction d'une décision espagnole : Audience Nationale Chambre Pénale section quatrième à Madrid en date du 11 novembre 2014, aux termes de laquelle les autorités espagnoles constataient que la demande d'extradition remplissait toutes les conditions de formes légales, rejetaient en l'absence de preuve les allégations selon lesquelles la vie ou l'intégrité de la personne réclamée serait en danger en cas d'extradition; mais rejetaient la demande d'extradition présentée par les autorités russes, l'infraction reprochée à Gleb X... étant punie en Espagne d'une peine inférieure à un an d'emprisonnement.
Dans le cadre de cette procédure espagnole, Gleb X... a été placé sous écrou extraditionnel du 25 avril 2014 au 11 novembre 2014.
A l'audience du 19 janvier 2016,Gleb X... a renouvelé expressément son refus à extradition et n'a pas renoncé à la règle de la spécialité.
*****
M. Le Procureur Général requiert la Cour de donner un avis favorable à l'extradition de M Gleb X...
*****La chambre de l'instruction était destinataire d'un fax émanant de Maître Grégoire RINCOURT, avocat non désigné dans le dossier sollicitant le renvoi de celui-ci.

*****
Dans un mémoire régulièrement déposé Maître KALUZINSKA, avocat choisi dans le cadre de la procédure d'extradition, sollicitait également le renvoi à une date ultérieureaux fins de préparer la défense de son client.

À titre subsidiaire le conseil sollicitait de déclarer irrégulière la procédure d'extradition en raison d'une part de l'erreur portant sur le texte motivant la saisine du premier président, deuxièmement du défaut, dans les délais prescrits, d'information relative à la possibilité de consentir à l'extradition ou de la refuser.
Il était également demandé de refuser la demande d'extradition de Gleb X... vers la Russie au regard de la décision de refus intervenue en Espagne ; l'Espagne étant membre de l'union européenne et de l'espace Schengen, le principe de la libre circulation des personnes exigeant que cette décision soit opposable à la France.
Il était également sollicité un refus à extradition le système judiciaire en Russie n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense, l'avocat appuyant notamment son argumentation sur une loi constitutionnelle adoptée par la chambre basse du parlement russe le 4 décembre 2015 et approuvée par le conseil de la Fédération de Russie le 9 décembre 2015 et prévoyant la possibilité de refus par la Russie de l'exécution de décisions émanant des juridictions internationales et notamment de la Cour Européenne des droits de l'homme.
L'avocat s'appuyait sur des articles de presse indiquant que les autorités russes multipliaient les atteintes répétées aux droits de l'homme en ayant recours à la torture.
Enfin le conseil soutenait que l'extradition pouvait être refusée sur le fondement de l'erreur manifeste, la victime ne mettant pas en cause son client, lequel n'était pas présent au moment de la matérialisation supposée de l'infraction d'escroquerie qui ne serait pas constituée au regard du droit français.
*****
SUR QUOI:
Sur la demande de renvoi:
Attendu qu'il ne résulte d'aucune pièce de la procédure que Maître Grégoire RINCOURT ait été désigné par Gleb X... pour assurer sa défense, et que celui-ci ne l'a pas non plus désigné à l'audience devant la cour ; que la demande de renvoi présenté par ce conseil sera donc rejetée;
Attendu s'agissant de la demande de renvoi présentée par Maître KALUZINSKA aux fins de disposer d'un délai suffisant pour préparer la défense de son client, que cette dernière a adressé au parquet général un courrier en date du 13 décembre 2015 informant le magistrat qu'elle succédait à son confrère Maître HEDIDI pour assurer la défense de Gleb X...;
Attendu que dans un courrier en date du 18 décembre 2015 elle sollicitait la délivrance d'un permis de visite à partir du 22 décembre 2015 et qu'il a été fait droit à cette demande ; que la copie des pièces transmises par les autorités russes lui a été délivrée le 15 janvier 2016, jour même de la demande, à10h18;
Attendu que s'il se déduit des articles préliminaires et 696-16 du code de procédure pénale, de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme qu'une personne recherchée aux fins d'extradition doit disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense devant la chambre de l'instruction, ce principe a été respecté en l'espèce, qu'en effet le conseil de Gleb X... a été mis en mesure de communiquer avec son client à partir du jour sollicité, qu'il a pu prendre connaissance de l'entier dossier le 13 janvier 2016 et en a reçu copie le 15 janvier 2016 jour même de sa demande, et qu'il a pu faire valoir ses moyens de défense dans un mémoire déposé la veille de l'audience prévue pour le 19 janvier 2016;
Attendu au demeurant que pour respecter les délais prévus par l'article 696-15 du code de procédure pénale la seule date de renvoi possible se trouvait être le surlendemain de l'audience, délai trop bref pour être réellement utile au conseil:
Attendu en conséquence que la demande de renvoi a été rejetée;
Sur l'irrégularité alléguée de la procédure:
Attendu s'agissant de l'argumentation tirée de l'erreur de texte motivant la saisine du Premier Président, erreur purement formelle, relative à l'utilisation par le représentant du parquet général d'un document pré-imprimé correspondant à une demande de mandat d'arrêt et non pas à une demande d'arrestation provisoire, il y a lieu de considérer qu'elle n'a pas eu pour conséquence de porter atteinte aux droits de la personne réclamée, laquelle a bénéficié de tous les droits qui lui étaient reconnus par la procédure d'extradition, et notamment le droit à être assistée par un avocat;
Que cette erreur de visa qui n'a causé aucun grief à Gleb X... ne vicie en rien la procédure, le magistrat délégué par Monsieur le Premier Président ayant placé Gleb X... sous écrou extraditionnel au visa de l'article 696-11 du code de procédure pénale;
Attendu que le conseil de Gleb X... fait valoir que la procédure serait entachée de nullité, faute pour son client d'avoir été dans les délais légaux informé de son droit à consentir, ou non, à son extradition ou de renoncer, ou non, au principe de la spécialité ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que l'arrestation de Gleb X... a été effectuée sur la base d'une diffusion Interpol, la fiche de recherche, après avoir indiqué les éléments d'identification de ce dernier, mentionne des faits commis de juillet au 12 septembre 2012, en Russie et contient un résumé de l'affaire; qu'au titre des actions requises, le signalement était accompagné d'un document précisant que la mise en oeuvre de ce mandat serait considérée comme une arrestation provisoire en vue d'extradition, des assurances étant données que l'extradition serait demandée dès l'arrestation de la personne recherchée;
Qu'il convient de préciser qu'en cas d'arrestation provisoire, la personne réclamée fait l'objet d'une première présentation devant le procureur général, conformément aux dispositions de l'article 693-23 du code de procédure pénale, lequel procède alors à la notification de la demande d'arrestation provisoire et saisit le magistrat du siège de la cour d'appel dès lors qu'il requiert une mesure de contrainte, dans l'attente de la réception de la demande d'extradition;
Que les dispositions de l'article 693-23 du code de procédure pénale, concernant l'arrestation provisoire, sont exclusives de celle de l'article 696 -10 du même code;
Attendu qu'il résulte des dispositions, tant de la convention européenne d'extradition que des chapitres du code de procédure pénale consacrés à la procédure d'extradition que, dès réception de la demande formelle d'extradition au ministère des affaires étrangères, la procédure d'extradition se substitue à la procédure d'arrestation provisoire initialement engagée, les formalités de l'article 693-10 du code de procédure pénale devenant alors applicables à la procédure en cours;
Attendu que conformément aux dispositions du dit article, après avoir vérifié l'identité de la personne réclamée, l'avoir informée de l'existence du contenu de la demande d'extradition dont elle faisait objet, et de son droit d'être assistée par un avocat le procureur Général a fait connaître à la personne réclamée qu'elle avait le droit de consentir ou de s'opposer à son extradition, lui a indiqué les conséquences juridiques si elle y consentait, l'a informée de la faculté de renoncer ou non à la règle de la spécialité et des conséquences juridiques de cette renonciation ; et après avoir recueilli les déclarations de la personne réclamée et de son conseil ce magistrat a dressé le procès-verbal prescrit ;
Attendu en conséquence que les prescription légales ont bien été respectées, et que l'argumentation prise d'une prétendue irrégularité de la notification de la demande d'extradition par le procureur général doit être écartée;
Sur le refus d'extradition:
- S'agissant de l'atteinte à la liberté de circulation de Gleb X... :
Attendu que la liberté de circulation prévue à l'article 2 du protocole numéro quatre de la Convention européenne des droits de l'homme peut faire l'objet de restrictions, prévues par la loi, lorsqu'elles sont nécessaires à la prévention des infractions pénales, à la sécurité nationale, à la sûreté publique et à l'ordre public ; que tel est le cas de la mise en place de procédures de contrôle frontalier à l'intérieur de l'espace Schengen dans les circonstances particulières de l'État d'urgence; que par conséquence l'interpellation de Gleb X... à la frontière franco-espagnole était régulière et conforme au droit communautaire;
Attendu s'agissant de la prétendue opposabilité à la France de la décision espagnole, il y a lieu de rappeler que les décisions rendues par les juridictions étrangères relatives à une demande d'extradition ou de mandat d'arrêt sont dépourvues de l'autorité de chose jugée; le mécanisme du mandat d'arrêt et de la Décision- cadre permettant à l'État d'émission, en complétant sa demande initiale, de demander à plusieurs reprises à l'État requis l'arrestation de la personne dénommée;
Attendu qu'ainsi les juridictions d'un État membre ne peuvent être considérées comme définitivement liées par les décisions rendues par les juridictions d'un autre État membre et ce, en application des principes de confiance mutuelle et de reconnaissance mutuelle des décisions de justice, lesquels impliquent, seulement, que les juridictions d'un État membre reconnaissent l'autorité des décisions rendues par les juridictions d'un autre État membre dans les seules hypothèses où une telle reconnaissance est prévue, en décider autrement serait admettre un abandon de souveraineté de la part des Etats membres, auquel ceux-ci n'ont nullement consenti;
Qu'en outre il résulte des termes même de la décision espagnole que les conditions matérielles de l'extradition étaient réunies mais que la peine d'emprisonnement encourue en Espagne pour les faits reprochés à Gleb X... était inférieure au seuil minimum retenu par la convention et que tel n'est pas le cas en France ;
Attendu en conséquence, que contrairement à ce qui est soutenu par la défense, il n'y a pas eu atteinte à la liberté de circulation de Gleb X... et que la décision de refus d'extradition espagnole ne s'opposait pas aux autorités françaises;
- S'agissant de l'absence de garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de défense dans le système judiciaire en Russie:
Attendu que selon les réserves de la France à la convention d'extradition du 13 décembre 1957, consignées dans l'instrument de ratification déposé le 10 février 86, " l'extradition ne sera pas accordée lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'État requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense ou par un tribunal institué pour son cas particulier, ou lorsque l'extradition est demandée pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté infligée par un tel tribunal ";
Attendu qu'au soutien de cette argumentation, le conseil de Gleb X... fait valoir qu'une récente loi constitutionnelle a été adoptée par la Chambre basse du Parlement russe le 4 décembre 2015,et approuvée par le conseil de la Fédération de la Russie le 9 décembre 2015, prévoyant la possibilité de refus par la Russie de l'exécution des décisions émanant des juridictions internationales et notamment de la Cour européenne des droits de l'homme, privant son client des garanties offertes par cette dernière ;
Attendu que figure à la procédure le texte de cette loi, que celui-ci ne prévoit pas que les garanties reconnues par la Convention européenne des droits de l'homme ne seront plus applicables en Russie à compter de cette date ; mais seulement que l'opposabilité des condamnations de la Fédération de Russie pour violation de ces droits ne sera plus systématique;
Attendu que l'existence de ce texte ne suffit pas à prouver que Gleb X... ne bénéficiera pas du droit à un procès équitable devant un juge impartial; que les éléments produits démontrent que le traitement procédural et judiciaire réservé aux autres mis en cause l'affaire est tout fait comparable ce qui seraitsusceptible de se produire en France dans une affaire similaire ceux-ci ayant été condamné à des peines de deux et quatre ans d'emprisonnement ; qu'il n'est en effet pas impossible dans ce pays aussi qu'un témoin à charge regrettant sa déposition, se rétracte ultérieurement au motif avancé qu'il avait subi des pressions ou intimidations policières pour passer ses aveux;

Attendu en outre que figure à la procédure un engagement explicite officiel en date du 15 décembre 2015 du Parquet Général de la Fédération de Russie aux termes duquel celui-ci garantit que Gleb X... bénéficiera de toutes les possibilités pour sa défense compris l'assistance des avocats ; que la demande d'extradition n'est pas présentée aux fins de le poursuivre pour des considérations politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'opinions politiques;
Attendu en conséquence que la demande de refus d'extradition pour défaut des garanties fondamentales de procédure sera rejetée;
- S'agissant de l'interdiction de la torture et des mauvais traitements ;
Attendu que l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme énonce que nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants; Attendu que lors de la ratification de la Convention européenne d'extradition, le gouvernement français a émis des réserves en indiquant que "l'extradition ne sera pas accordée lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'État requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense et qu'elle pourra être refusée si la remise est susceptible d'avoir des conséquences d'une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée";

Attendu que le risque de soumission à un traitement contraire à l'article trois n'est présumé que dans deux hypothèses: la première est constituée par la situation d'extrême violence régnant dans le pays de destination, la seconde concernant l'individu appartenant à un groupe systématiquement exposé à des mauvais traitements dans le pays d'accueil; que tel n'est pas le cas en l'espèce, la Russie ne connaissant pas une situation de guerre civile et Gleb X... ne se revendiquant pas d'une ethnie systématiquement persécutée;
Attendu d'une part que l'argumentation développée s'appuie sur des affaires étrangères à l'espèce soumise à l'appréciation de la cour et que ne figure à la procédure aucun élément permettant de mettre en doute les assurances fournies par l'État requérant ;

Attendu en effet que si des articles de journaux et des rapports d'études sur le phénomène tortionnaire en Russie, produit par la défense font état de certains dysfonctionnements relevés dans des lieux privatifs de liberté, rien ne permet de systématiser et d'étendre au sort de Gleb X... les craintes d'une défaillance du système carcéral alors que le Parquet Général de la Fédération de Russie par courrier du 15 décembre 2015 s'est engagé officiellement et explicitement à l'appui de sa demande d'extradition que Gleb X... ne sera pas soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants;

Qu'en cas de condamnation à une peine privative de liberté Gleb X... serait détenu dans un établissement pénitentiaire répondant aux exigences exposées dans la Convention de Sauvegarde des droits de l'homme et des Libertés fondamentales et dans les Règles pénitentiaires européennes en date du 11 janvier 2006 et ne serait pas soumis à un travail non consenti ; qu'enfin des employés de l'ambassade de France en Russie auraient toute possibilité pour le visiter et contrôler le respect de ces garanties;
Attendu en conséquence que la demande de refus d'extradition pour violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme sera rejetée;
- S'agissant de l'erreur manifeste:
Attendu qu'aux termes de l'article 696-15 du code de procédure pénale la chambre de l'instruction donne un avis motivé sur la demande d'extradition qui peut être défavorable si la cour estime que les conditions légales ne sont pas remplies ou qu'il y a une erreur évidente;
Attendu qu'il convient de rappeler que la chambre de l'instruction n'a pas à se substituer à la justice de l'État requérant seule investie de l'exercice de la fonction répressive à l'encontre de la personne réclamée et que l'appréciation de la culpabilité de celle-ci lui échappe ; l'État requis n'ayant pas à se prononcer sur la réalité des charges pesant sur la personne réclamée ou sur son degré de participation ;
Attendu que le rôle de la chambre de l'instruction se borne donc à vérifier le respect des conditions légales de la procédure et qu'à ce titre, la cour doit vérifier l'exigence de double incrimination des faits servant de support à la demande d'extradition conformément aux dispositions de l'article 696-3 du code de procédure pénale;
Attendu qu'il résulte des documents transmis par les autorités russes, "Décision sur la fixation de la mesure de coercition en forme d'écrou" page 2 qu'en juillet 2012, sous la fausse identité de Marko Z... occupant un poste responsable au Ministère de l'agriculture de la Russie, Gleb X... au cours de nombreuses négociations téléphoniques ainsi qu'au cours de rencontres personnelles, par son intervention a accrédité les propos mensongers de Abdoulgalimov D.M quant à son pouvoir de prolongation des activités de Boukhtine N.V.;
Qu'il est également mentionné page trois que Bondarenko S.I. coordonnait leur action et leur donnait des instructions concrètes sur les négociations ; que ces mêmes informations sont reprises aux pages deux et trois de la "Décision sur la poursuite à titre d'accusé" ;
Que l'intervention de Gleb X..., élément extérieur, indépendant du mensonge de Abdoulgalimov D.M ayant augmenté la puissance de persuasion de ce dernier, leur intervention combinée, et l'ensemble de leurs actes ayant convaincu Boukhtine N.V à déposer 45 millions de roubles dans deux coffres bancaires, ce comportement qualifié de tromperie par la loi russe peut être considéré comme constitutif de manoeuvres frauduleuses au sens de l'article 313-1 du code pénal français, délit puni d'une peine d'emprisonnement de cinq ans, voire 10 ans d'emprisonnement conformément aux dispositions de l'article 313 -2 du code pénal si la circonstance aggravante de bande organisée devait être retenue ;
Attendu que l'absence au jour de la remise des fonds le 5 septembre 2012 de Gleb X..., celui-ci ayant quitté la Russie le 31 août 2012, est sans incidence sur l'élément matériel de l'infraction dès lors que son intervention supposée est antérieure à cette remise en juillet et août 2012;
Attendu en conséquence que l'argumentation tirée de l'existence d'erreurs manifestes en ce que la tentative d'escroquerie ne serait pas constituée au regard du droit français et compte tenu de l'absence de Gleb X... au jour de la remise sera rejetée;
- Sur la procédure d'extradition:
Attendu en préliminaire qu'il convient de constater que les autorités russes ont transmis, le 22 décembre 2015 au ministère des affaires étrangères, les pièces concernant la demande d'extradition de Gleb X..., qu'en conséquence le délai de 40 jours prévu à l'article 16 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 a bien été respecté, Gleb X... ayant été interpellé le 23 novembre 2015 ;
Attendu que conformément aux dispositions de l'article 696-15 du code de procédure pénale, Gleb X... a expressément déclaré ne pas accepter d'être remis aux autorités et que la chambre d'instruction a été saisie sans délai;
Que Gleb X... a réitéré son refus devant la chambre de l'instruction et n'a pas renoncé à la règle de la spécialité;
Attendu que conformément aux dispositions de l'article 2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, les faits ayant donné lieu à demande d'extradition des autorités russes sont réprimés d'une peine supérieure ou égale à 1 an d'emprisonnement en l'espèce 10 ans, et les faits poursuivis sont punis par la loi française d'une peine correctionnelle en l'espèce une peine de 10 ans d'emprisonnement conformément aux dispositions de l'article 313-2 dernier alinéa du code pénal;
Attendu que conformément aux dispositions de l'article 10 de ladite convention le délai de prescription de l'exécution du dit jugement n'est pas acquis au regard de la législation de l'État requérant ni de l'État requis ;
Attendu que les pièces visées à l'article 12 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ont été adressées par la voie diplomatique dans le délai requis;
Attendu qu'il convient de rappeler que, au vu des pièces soumises à la Cour, dans le cadre de cette demande d'extradition, Gleb X... a été détenu en Espagne du 24 avril 2014 au 11 novembre 2014;
Attendu en conséquence qu'il échet de constater, que la demande d'extradition dont la Chambre de l'Instruction de la Cour d'Appel de Montpellier est saisie est régulière en la forme, et qu'il convient d'y donner un avis favorable;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant en audience publique, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957,
Vu les articles 696 et suivants du code de procédure pénale,
Rejette la demande de renvoi présentée par le conseil de Gleb X...,
Rejette les demandes de nullité de la procédure tirées de l'erreur sur le texte motivant la saisine de Monsieur le Premier Président et du défaut d'information, dans les délais prescrits, du droit de consentir ou non à l'extradition et de renoncer ou non à la règle de la spécialité,
Rejette les demandes de refus d'extradition pour défaut des conditions légales et d'erreurs manifestes présentées par le conseil de Gleb X...,

Donne un avis favorable à la demande d'extradition formée par le gouvernement russe à l'encontre de Gleb X..., aux fins de poursuites pénales du chef d'escroquerie en bande organisée pour des faits commis entre juillet et septembre 2012 à ROSTOV sur le DON,

Rappelle que dans le cadre de cette procédure d'extradition Gleb X... a été détenu en Espagne du 24 avril 2014 au 11 novembre 2014,
Ordonne le maintien de Gleb X... sous écrou extraditionnel,
Dit que le présent arrêt sera traduit en langue russe à Gleb X..., en ses motifs et en ses dispositifs.
DIT qu'à la diligence de Monsieur le Procureur Général, le dossier sera envoyé à M. Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice avec une expédition authentique du présent arrêt.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre de l'instruction
Numéro d'arrêt : 16/00038
Date de la décision : 09/02/2016

Analyses

1) Les décisions rendues par les juridictions étrangères relatives à une demande d'extradition ou de mandat d'arrêt sont dépourvues de l'autorité de chose jugée, le mécanisme du mandat d'arrêt et de la décision-cadre permettant à l'État d'émission, en complétant sa demande initiale, de demander à plusieurs reprises à l'État requis l'arrestation de la personne dénommée. Les juridictions d'un État membre de la communauté européenne ne peuvent être considérées comme définitivement liées par les décisions rendues par les juridictions d'un autre, sauf à admettre un abandon de souveraineté auquel les Etas membres n'ont nullement consenti. Il en résulte qu'une décision de refus d'extradition espagnole ne s'oppose pas aux autorités françaises saisies par l'Etat russe d'une demande d'extradition concernant la même personne. 2) Selon les réserves de la France à la convention d'extradition du 13 décembre 1957, consignées dans l'instrument de ratification déposé le 10 février 86, ¿ L'extradition ne sera pas accordée lorsque la personne réclamée serait jugée dans l'État requérant par un tribunal n'assurant pas les garanties fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense ou par un tribunal institué pour son cas particulier, ou lorsque l'extradition est demandée pour l'exécution d'une peine ou d'une mesure de sûreté infligée par un tel tribunal ¿; La loi constitutionnelle de la Fédération de Russie du 4 décembre 2015 prévoyant la possibilité de refus par la Russie de l'exécution des décisions émanant de la Cour européenne des droits de l'homme ne prévoit pas que les garanties reconnues par la Convention européenne des droits de l'homme ne seront plus applicables en Russie mais seulement que l'opposabilité des condamnations de la Fédération de Russie pour violation de ces droits ne sera plus systématique. L'existence de ce texte ne suffit pas à prouver que la personne dont l'extradition est demandée ne bénéficiera pas du droit à un procès équitable devant un juge impartial. Cette preuve n'est pas rapportée lorsque les éléments produits démontrent que le traitement procédural et judiciaire réservé aux autres mis en cause dans l'affaire est tout fait comparable à ce qui serait susceptible de se produire en France dans une affaire similaire.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2016-02-09;16.00038 ?
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