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10/12/2015 | FRANCE | N°15/00437

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre de l'instruction, 10 décembre 2015, 15/00437


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 10 décembre 2015
N 2015/ 00437
APPEL D'UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU
DECISION :
INFIRMATION
A R R E T
prononcé en chambre du conseil le dix décembre deux mil quinze par Madame ISSENJOU, président
Vu l'information suivie au Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER du chef de blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois contre :
PERSONNES MISES EN EXAMEN :
X...Damien né le 22/ 05/ 1981 à CLERMONT FERRAND Domicilié : ...-48200 ST CHELY D'APCHER Ayant pour avocat Me POUGET, R

ésidence Le Mimente-7, boulevard Henri Bourrillon-48000 MENDE

Z...Pierre (DCD) né le 24/...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 10 décembre 2015
N 2015/ 00437
APPEL D'UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU
DECISION :
INFIRMATION
A R R E T
prononcé en chambre du conseil le dix décembre deux mil quinze par Madame ISSENJOU, président
Vu l'information suivie au Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER du chef de blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois contre :
PERSONNES MISES EN EXAMEN :
X...Damien né le 22/ 05/ 1981 à CLERMONT FERRAND Domicilié : ...-48200 ST CHELY D'APCHER Ayant pour avocat Me POUGET, Résidence Le Mimente-7, boulevard Henri Bourrillon-48000 MENDE

Z...Pierre (DCD) né le 24/ 11/ 1963 à LES PAVILLONS SOUS BOIS Domicilié : ...34200 SETE Ayant pour avocat Me PECHEVIS, 20, rue Auguste Comte-34000 MONTPELLIER

B...Michel né le 19/ 02/ 1971 à ST ETIENNE Domicilié : ...-34200 SETE Ayant pour avocat Me PECHEVIS, 20, rue Auguste Comte-34000 MONTPELLIER

SC CENTRE HOSPITALIER DU BASSIN DE THAU Sis : Boulevard Camille Blanc-34200 SETE Ayant pour avocat Me VERGNON, 28, rue d'Eughien-69002 LYON 02

PARTIE CIVILE :
D...Dyana ...-93200 SAINT DENIS Ayant pour avocat Me MARTIN, 11, rue de la Vieille Intendance-34000 MONTPELLIER

COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré :

Madame ISSENJOU, Président Madame GAUBERT et Monsieur COMMEIGNES, conseillers

régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale. GREFFIER : Madame CERIZOLLA lors des débats et Madame VIGINIER lors du prononcé de l'arrêt.

MINISTERE PUBLIC : Monsieur CAVAILLEZ, substitut général lors des débats. Arrêt prononcé en présence du Ministère Public.

DEBATS
A l'audience en chambre du conseil le 08 octobre 2015, ont été entendus :
Madame GAUBERT, conseiller, en son rapport
Maître MARTIN, avocat de la partie civile, en présence de cette dernière.
Monsieur CAVAILLEZ, substitut général, en ses réquisitions
Maître PECHEVIS, avocat de B...Michel et Z...Pierre, Maître POUGET, avocat de Damien X..., Maître VERGNON, avocat du Centre Hospitalier du Bassin de Thau, en leurs explications et qui ont eu la parole en dernier.
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Par ordonnance en date du 27 mai 2015, le juge d'instruction du Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER a dit n'y avoir lieu à suivre contre X...Damien, Z...Pierre, B...Michel et le Centre Hospitalier du Bassin de Thau du chef de blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois.
Par lettres recommandées du 28 mai 2015, avis a été donné aux avocats du partie civile et des mis en examen, ainsi qu'à ces derniers.
Avis de cette ordonnance, non conforme à ses réquisitions a été donnée au procureur de la République le 28 mai 2015.
Le 02 juin 2015, Maître PINET, substituant MARTIN, avocat de la partie civile, a interjeté appel de cette ordonnance au greffe du tribunal.
Le 08 juin 2015, M. Le Procureur de la République a interjeté appel de cette ordonnance au greffe du tribunal.
Maître MARTIN, avocat, a déposé au nom de D...Dyana le 15 juin 2015 à 14 H 25, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
L'affaire appelée à l'audience du 18 juin 2015 a été renvoyée par arrêt à l'audience du 08 octobre 2015.
Par avis, télécopies et lettres recommandées en date des 18 juin 2015 et 17 août 2015, le procureur général a notifié aux personnes mises en examen, à la partie civile et aux avocats, l'arrêt du 18 juin 2015 et la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit de Monsieur le Procureur Général a été déposé au greffe de la Chambre de l'Instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.
Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale.
Maître PECHEVIS, avocat, a déposé au nom de Z...Pierre et B...Michel, le 05 octobre 2015 à 15 H 25, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
Maître MARTIN, avocat, a déposé au nom de D...Dyana, le 05 octobre 2015 à 15 H 30, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
Maître POUGET, avocat, a déposé au nom de X...Damien, le 07 octobre 2015 à 14 H 05, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
Maître VERGNON, avocat, a transmis par télécopie au nom du Centre Hospitalier du Bassin de Thau, le 07 octobre 2015 à 15H00, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
L'appel de Maître MARTIN, régulier en la forme, a été interjeté dans le délai de l'article 186 du code de procédure pénale et doit donc être déclaré recevable.
* * * Il résulte des dispositions des articles 183 et 185 du code de procédure pénale que l'appel du procureur de la République, interjeté contre une décision non conforme à ses réquisitions, doit être formé par déclaration au greffe dans les 5 jours qui suivent la notification de la décision ; les avis destinés au procureur de la République lui sont adressés par tout moyen ; dans tous les cas, mention est portée au dossier par le greffier de la nature et de la date de la diligence faite ainsi que des formes utilisées.

En l'espèce, en l'état des mentions incomplètes portées par le greffier sur l'ordonnance de non-lieu, qui ne précise pas la forme utilisée pour adresser au procureur de la République l'avis qui lui était destiné, le délai d'appel n'a pas commencé à courir à son égard. En conséquence, l'appel interjeté par ce dernier en date du 8 juin 2015, sera également déclaré recevable.
AU FOND
Le 28 août 2008, les secours intervenaient à l'unité médico-psychiatrique du Centre hospitalier du bassin de Thau (CHBT), à Sète, pour l'incendie d'une chambre d'isolement dans laquelle se trouvait enfermée, à des fins thérapeutiques, Dyana D....
Il apparaissait que Dyana D...était hospitalisée, depuis le 7 juillet 2008, en unité psychiatrique à l'hôpital de SETE et que la pathologie dont elle souffrait avait pour conséquence que celle-ci portait atteinte à son intégrité physique. Il ressortait du dossier médical qu'elle était déterminée dans sa volonté d'autolyse.
Le 27 août 2008, Dyana D...se scarifiait deux fois au poignet avec des lames de rasoir en compagnie d'une autre patiente. Le soir même, elle était placée en chambre d'isolement.
Selon les prescriptions pour le placement en chambre d'isolement, Dyana D...devait être mise en pyjama de service, lequel était constitué d'un pantalon et d'une liquette sans poche. En outre, la porte de la chambre devait être verrouillée et les repas devaient être pris en chambre.
Le lendemain, vers 19 heures, Dyana D...mettait le feu aux draps de sa chambre à l'aide d'un briquet qu'elle avait dissimulé. Immédiatement, le capteur de détection de fumée déclenchait l'alarme, matérialisée par un message de localisation du lieu du sinistre au niveau de l'armoire centrale de contrôle se trouvant dans le local infirmier ainsi que par la mise en route d'un buzzer. En outre, le système d'alarme était relié à deux ordinateurs situés dans l'hôpital général, dont l'un était programmé pour renvoyer les alertes déclenchées sur les téléphones portables des agents de sécurité. Enfin, les chambres d'isolement étaient pourvues de caméras de surveillance connectées à un moniteur situé dans le local infirmier.
Il apparaissait d'une part, que personne n'entendait l'alarme incendie et que d'autre part, personne ne se trouvait dans le local infirmier. Les 3 infirmiers en fonction ce jour là indiquaient qu'ils étaient au réfectoire pour assurer la distribution des médicaments lors du repas du soir. Or l'alarme incendie du Centre Hospitalier était inaudible dans certains lieux du service et spécialement dans le réfectoire.
Les secours n'intervenaient que grâce à l'alarme qui se déclenchait sur le téléphone portable de l'agent de sécurité de l'hôpital, lequel se trouvait à l'héliport pour exécuter une mission.
Cet agent de sécurité se rendait en courant à l'unité psychiatrique se trouvant à environ 300 mètres de l'héliport. Après s'être présenté à l'accueil infirmier, où il ne trouvait personne, il se rendait aux chambres situées dans le secteur isolement. Cependant, n'ayant pas la clé de la chambre de Dyana D..., il retournait vers l'accueil afin de trouver un infirmier qui pourrait lui ouvrir la porte. Il appelait le standard pour faire prévenir les pompiers et, après recherches, finissait par trouver le personnel soignant sortant d'une pièce dans le secteur de la salle à manger.
Dès lors, les infirmiers présents, à savoir Damien X..., Pierre Z...et Michel B..., aidés par l'agent de sécurité et par une aide-soignante, intervenaient avec rapidité et, dans un délai d'une à deux minutes, ouvraient la chambre, extirpaient Mlle D...des flammes, l'enveloppaient dans un drap et maîtrisaient l'incendie à l'aide d'un extincteur.
Dyana D..., très sérieusement brûlée, était évacuée aux urgences de l'hôpital de SETE puis à l'hôpital des grands brûlés de MARSEILLE. Avant son évacuation, elle déclarait au personnel soignant, en réponse à la question relative à l'origine de l'incendie, " qu'elle avait dissimulé un briquet dans sa culotte ". Par la suite, elle relatait qu'au moment de son placement en chambre d'isolement, elle s'était déshabillée et avait mis une blouse bleue. Ses vêtements lui avaient été confisqués mais elle avait gardé ses sous vêtements. Le matin du 28 août 2008, Damien X..., infirmier, était venu la chercher dans sa chambre pour la conduire vers la salle du petit déjeuner. Ne voulant pas s'y rendre en sous-vêtements, elle lui avait demandé son short et ce dernier le lui avait rendu. Elle affirmait avoir trouvé le briquet dans la poche du short remis par Damien X....
Selon les éléments recueillis par les forces de l'ordre lors de leur transport sur les lieux, l'incendie résultait d'un acte volontaire provoqué par la victime pouvant s'apparenter à une tentative de suicide.
Dyana D...subissait une incapacité totale de travail personnel du 28 août 2008 au 6 janvier 2009 (D122). L'étendue de la surface corporelle brûlée était évaluée à 22 %, dont 15 % au troisième degré. Une expertise psychologique soulignait la fragilité de sa personnalité. Ses tentatives de suicide semblaient pouvoir être analysés comme des appels au secours, sans réelle intention de se donner la mort.
Une première plainte simple, adressée au procureur de la République en date du 4 septembre 2008, sur le fondement de l'article 222-19 du code pénal, était déposée par les parents de Dyana D..., plainte classée sans suite.
Le 15 juillet 2010, Dyana D...déposait plainte avec constitution de partie civile contre X auprès du doyen des juges d'instruction du chef " d'atteintes involontaires à l'intégrité de la personne ", délit prévu et réprimé par l'article 222-19 du code pénal (D1).
Une information judiciaire était requise en date du 3 décembre 2010, pour des faits de blessures involontaires ayant entraîné une ITT supérieure à trois mois (D10).
Le 8 septembre 2011, le magistrat instructeur faisait comparaître devant lui le Centre hospitalier du Bassin de Thau, par l'entremise de son représentant légal pris en la personne de Jean-Marie H...(D52). Le Centre hospitalier du Bassin de Thau était placé sous le statut de témoin assisté.
Par la suite, l'ensemble du personnel présent au moment des faits était entendu. Les infirmiers, Pierre Z..., Damien X...et Michel B..., étaient placés sous le statut de témoins assistés (D59, D60 et D61).
Le 31 mai 2012, un transport sur les lieux était organisé afin de tenter de reconstituer la scène survenue le 28 août 2008 (D62, D63 et D64).
Le 2 avril 2013, un avis de fin d'information était notifié à l'ensemble des parties ainsi qu'à leurs conseils (D107 à D116). Aux termes de cet avis, le magistrat instructeur notifiait concomitamment leur mise en examen au Centre hospitalier du Bassin de Thau, à Pierre Z..., Damien X...et Michel B..., en application des dispositions de l'article 113-8 du code de procédure pénale, du chef de blessures involontaires sur la personne de Dyana D...avec incapacité totale de travail de plus de 3 mois.
Par requête déposée le 3 octobre 2013, le conseil du Centre hospitalier du Bassin de Thau saisissait la Chambre de l'Instruction d'une demande aux fins d'annulation de la mise en examen de son client. Cette requête était déclarée irrecevable par arrêt de la chambre de l'instruction en date du 16 janvier 2014.
Le 18 juillet 2014, le magistrat instructeur délivrait aux parties un nouvel avis de fin d'information et communiquait le dossier au procureur de la République aux fins de règlement (D126, D127).
Le 26 novembre 2014, le procureur de la République établissait un réquisitoire définitif de non lieu partiel concernant les infirmiers Damien X..., Pierre Z...et Michel B.... Il requérait par ailleurs le renvoi du Centre hospitalier du Bassin de Thau devant le tribunal correctionnel du chef de blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois sur la personne de Dyana D..., du fait des manquements suivants :- impossibilité d'entendre l'alarme incendie dans certaines zones de 1'hôpital, notamment dans la zone du réfectoire ;- impossibilité pour l'agent de sécurité d'avoir accès aux chambres d'isolement ;- absence de système efficace de détection des objets en possession des patients.

Le 27 mai 2015, le juge d'instruction rendait une ordonnance de non lieu à suivre contre l'ensemble des mis en examen du chef de blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois. C'est l'ordonnance dont appel.
Il sera précisé que Pierre Z...est décédé le 8 juin 2015.
* * *
Par mémoires régulièrement déposés, le conseil de la partie civile sollicite l'infirmation de l'ordonnance de non lieu et le renvoi de Damien X..., Michel B...et du Centre hospitalier du Bassin de Thau devant le tribunal correctionnel pour être jugés du chef de blessures involontaires ayant causé une incapacité supérieure à 3 mois à Dyana D....
Il reproche aux infirmiers une faute caractérisée constituée par le défaut de surveillance d'une patiente particulièrement vulnérable et à Damien X...une absence de vigilance ayant conduit à la détention d'un briquet par la patiente.
Il soutient que le Centre hospitalier a commis plusieurs fautes à savoir :- l'existence d'une alarme incendie restreinte,- l'impossibilité pour l'agent de sécurité d'avoir accès aux chambres d'isolement,- l'absence de système de détection efficace des objets interdits.

* * *
Monsieur le procureur général requiert l'infirmation partielle de l'ordonnance déférée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à suivre contre le Centre hospitalier.
* * * Par mémoire régulièrement déposé le conseil du Centre hospitalier du Bassin de Thau sollicite la confirmation de l'ordonnance de non lieu à l'égard du CHBT.

Il fait valoir qu'aucune faute ne peut être relevée à l'encontre de cet établissement ; que le CHBT a respecté les obligations réglementaires s'imposant à lui ; que d'ailleurs, la commission de sécurité en date du 31 mai 2007 n'a relevé aucun manquement en matière de sécurité ; que l'article U21 de l'arrêté du 25 juin 1980 modifié fait obligation, non à l'établissement sinon aux seuls personnels soignants, de disposer du passe d'ouverture des chambres d'isolement afin de le mettre à disposition des services de secours ; qu'à la date de l'accident du 28 août 2008, seule une alarme à diffusion restreinte devait être installée ; qu'aucune solution technique ne permet de mettre en place un système efficace de détection des objets en possession des patients ; que d'autre part, la fouille corporelle d'un patient ou la fouille de sa chambre par le personnel sont interdites en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires en la matière.
Il soutient que c'est exclusivement en raison des seules fautes imputables aux 3 infirmiers qui ont quitté tous ensemble le poste de contrôle, et plus généralement la zone où se trouvaient les résidents, alors qu'ils avaient l'obligation d'assurer la surveillance en permanence des personnes placées en chambre d'isolement, que les faits à 1'origine de la plainte ont pu se produire.
* * * Par mémoire régulièrement déposé le conseil de Damien X...sollicite la confirmation de l'ordonnance de non-lieu au bénéfice de ce dernier.

Il expose que les infirmiers ont l'obligation de se trouver soit au PC infirmier, soit dans le service ; qu'en l'espèce Damien X...se trouvaient dans le réfectoire occupé à préparer et délivrer les médicaments aux patients ; qu'eu égard à leur nombre, les infirmiers n'étaient pas en mesure de se trouver simultanément au PC infirmier et au réfectoire pour assurer le service de 19h00 ; que la circonstance, à la supposer établie, qu'ils avaient conscience du comportement suicidaire de Mademoiselle D...n'est pas en soit suffisante à démontrer l'existence d'une faute caractérisée ; que le personnel hospitalier n'est pas autorisé à fouiller les patients, de sorte que Damien X...n'avait aucun moyen de découvrir que Melle D...était en possession d'un briquet à son retour du réfectoire ; qu'il n'existe en outre aucune certitude sur les conditions dans lesquelles celle-ci s'est procurée cet objet.

Il soutient que les fautes de la victime et du Centre hospitalier (absence d'alarme audible dans le réfectoire, impossibilité pour l'agent de sécurité d'accéder aux chambres d'isolement, absence de système efficace de détection des objets en possession des patients), sont les causes exclusives de l'accident et exonèrent nécessairement les infirmiers.
* * * Par mémoire régulièrement déposé le conseil de Pierre Z...et Michel B...demande de confirmer l'ordonnance de non lieu à leur égard et de constater l'extinction de l'action publique à l'égard de Pierre Z....

Il fait valoir que la victime et le Centre hospitalier sont co-responsables du drame ; que Dyana D...en prenant la décision de mettre le feu a causé son propre préjudice ; que le Centre hospitalier, par une succession de manquements aux obligations de sécurité posées par l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les ERP (choix de l'alarme restreinte, impossibilité pour l'agent de sécurité d'avoir accès aux chambres d'isolement, présence d'un seul agent de sécurité pour l'ensemble du site hospitalier, absence de système de détection des objets interdits, rapide combustion de la literie), a contribué à la réalisation de l'accident.
Il soutient que les infirmiers n'ont commis aucune faute ; qu'il est impossible d'affirmer qu'ils se trouvaient à l'extérieur du service au moment des faits ; qu'ils se trouvaient dans le réfectoire soit au sein même du service du secteur psychiatrique ; qu'il n'y a pas d'obligation pour le personnel de se tenir en permanence dans le PC infirmier ; que la distribution des traitements en début de repas mobilise tout le personnel soignant ; que Michel B...n'était pas en mesure de savoir que Mlle D...avait en sa possession un briquet et qu'elle souhaitait mettre le feu à sa chambre.
SUR QUOI :
A titre liminaire, il convient de rappeler que le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois, constitue le délit d'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne, prévu par les dispositions du premier alinéa de l'article 222-19 du code pénal.
D'autre part, selon les troisième et quatrième alinéas de l'article 121-3 précité, il y a délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait. Dans ce cas, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.
En l'espèce il convient en conséquence de distinguer la situation du Centre hospitalier du Bassin de Thau (CHBT), personne morale et celle des infirmiers, personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, dès lors qu'une faute simple suffit à engager la responsabilité pénale du premier alors que les seconds ne peuvent se voir reprocher le délit précité que s'ils ont commis une faute qualifiée.
Sur l'existence de charges à l'encontre du CHBT :
Les manquements reprochés aux CHBT par les parties sont les suivants :
La rapide combustion de la literie.
S'agissant des éléments de literie, il ressort des dispositions du § 3 de l'article U 23 du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP) approuvé par arrêté du 25 juin 1980 et modifié par arrêtés ultérieurs, dans sa version consolidée au 28 août 2008, applicable en l'espèce que :
- Les matelas doivent satisfaire aux essais encadrés par la norme NF EN 597-1.- Les draps, alèses et couvertures non matelassées doivent satisfaire aux essais encadrés par la norme NF EN ISO 12952-1 et 2.

Dans le cas présent, le CHBT a produit, au cours de l'information, l'ensemble des rapports d'essais, selon la norme précitée, de l'alèse et des draps, confirmant le caractère conforme des matériels utilisés.
S'agissant du matelas, le CHBT a produit les rapports d'essais conformes effectués par renvoi à la recommandation no D1-90 du GPEM, également visée au titre de la réglementation applicable par le guide relatif à la sécurité vis-à-vis de l'allumabilité de matelas et d'articles de literie destinés aux établissements à hauts risques prisons, services psychiatriques des hôpitaux, édité par la direction des affaires juridiques du ministère de l'Economie des Finances et de l'Industrie.
Par ailleurs l'information n'a pas permis de mettre en évidence une non conformité du matelas, dès lors que les témoignages recueillis sont indirect ou font état de considérations d'ordre subjectif et que les conclusions du rapport de l'analyse incendie effectuée par l'INPS sur un échantillon du scellé renfermant un morceau de matelas et d'alèse n'ont pas été réalisés en référence à la norme EN 597-1 (D49). Aucune faute d'imprudence ou de négligence du CHBT n'est par ailleurs alléguée ou susceptible d'être établie à cet égard.
La présence d'un seul agent de sécurité pour l'ensemble du site hospitalier.
Selon le § 1 de l'article MS 46 du règlement précité, dans sa version applicable à la date des faits, le service de sécurité incendie doit être assuré suivant le type, la catégorie et les caractéristiques des établissements :
- soit par des personnes désignées par le chef d'établissement et entraînées à la man ¿ uvre des moyens de secours contre l'incendie et à l'évacuation du public ;- soit par des agents de sécurité incendie ;- soit par des sapeurs-pompiers.

Le § 1 de l'article U43 du même arrêté précise que ce n'est que dans les établissements classés en 1ière catégorie que la surveillance des bâtiments doit être assurée par des agents de sécurité.
En l'espèce, les procès verbaux dressés par la sous-commission départementale de sécurité contre les risques d'incendie font apparaître que l'hôpital psychiatrique est un établissement de quatrième catégorie (D 87). Dès lors, dans cet établissement, la surveillance incendie incombait au moment des faits à des employés spécialement désignés et entraînés à la mise en oeuvre des moyens de secours.
C'est donc à tort que le conseil de Michel B...fait état des termes du § 2 de l'article MS 46 du même arrêté, qui prévoient que l'effectif doit être de trois personnes au moins présentes simultanément, dont un chef d'équipe. En effet, ces dispositions, qui ne concernent que le cas où le service de sécurité incendie doit être assuré par des agents de sécurité incendie, ne sont pas applicables dans la situation présente.
Au moment de l'accident, la surveillance incendie de l'unité psychiatrique était assurée, conformément à la réglementation, par Nicolas I..., employé de la société Sécuritas, désignée pour intervenir tous les jours de la semaine entre 16 heures 15 et 8 heures 15, lequel disposait des qualifications nécessaires puisqu'il était par ailleurs titulaire du diplôme d'agent des services de sécurité incendie et d'assistance à personnes. Aucune faute d'imprudence ou de négligence du CHBT sur ce point n'est par ailleurs alléguée ou susceptible d'être établie.
L'absence de système efficace de détection des objets en possession des patients.
Il s'évince des déclarations de Dyana D..., qu'il a été demandé à cette dernière, avant son placement en chambre d'isolement, de se déshabiller et de revêtir un blouse.
L'incendie s'est déclenché parce que Dyana D...s'est retrouvée en possession d'un briquet jetable en plastique. Cet objet a été découvert sur les lieux par les enquêteurs.
Dyana D...soutient qu'elle a trouvé ce briquet dans la poche d'un short qui lui été remis par Damien X....
Ces affirmations sont toutefois contredites par les déclarations concordantes de Damien X...et de l'aide soignante, Catherine J..., dont il résulte que Dyana D..., après avoir été sortie de sa chambre, a immédiatement indiqué qu'elle avait caché un briquet dans sa culotte depuis la veille au soir. D'autre part, aucun des témoins entendus n'a relaté que Dyana D...était vêtue d'un short au moment de son extraction et Elodie K..., également hospitalisée à l'unité psychiatrique au moment des faits, a quant à elle affirmé qu'elle était sûre que Dyana D..., qui nourrissait depuis plusieurs jours son projet d'incendie, avait caché un briquet pour mettre le feu.
Il n'existe en conséquence aucune certitude sur les conditions dans lesquelles Dyana D...s'est procurée le briquet en question et il est vraisemblable que cet objet ait été dissimulé par elle dans ses sous-vêtements, voire dans ses parties intimes, alors même que le personnel hospitalier, par respect de leur intimité et de leur dignité, n'est pas habilités à procéder à des fouilles corporelles sur les patients.
Il est reproché au CHBT de ne pas avoir prévu de système pour tenter de remédier à cette difficulté.
Il apparaît toutefois qu'aucune disposition particulière de la loi ou du règlement n'impose au CHBT de norme particulière relative aux fouilles des patients ou des chambres d'isolement. L'établissement a par ailleurs mis en place un protocole de mise en chambre d'isolement prévoyant le dépôt des effets personnels du patient dans une pièce distincte et l'établissement d'une feuille d'inventaire.
L'installation d'un détecteur électrique suggérée par la partie civile ou la mise en place d'un portique de sécurité permettant la détection des métaux n'auraient pas permis dans le cas d'espèce la découverte du briquet en plastique utilisé par la victime. Aucun autre moyen technique réalisable permettant d'apporter une solution satisfaisante à cette situation de fait n'est proposé par le parquet ou les parties.
Compte tenu de ces éléments, il convient de constater, qu'en ce qui concerne la détection des objets dangereux en possession des patients placés en chambre d'isolement, le CHBT a accompli les diligences normales auxquelles il était tenu compte tenu de la nature de ses missions et des moyens dont il disposait et aucune faute ne peut être retenue à son encontre sur ce point.
L'impossibilité d'entendre l'alarme incendie dans la zone du réfectoire.
S'agissant de la réglementation applicable, il convient de préciser que le règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public (ERP), approuvé par arrêté du 25 juin 1980, formule les dispositions générales applicables en matière de sécurité quelque soit le type de bâtiments, dès lors qu'il s'agit d'un ERP.
Plusieurs arrêtés, notamment les arrêtés des 23 mai 1989 et 10 décembre 2004 sont venus approuver diverses dispositions complétant ou modifiant le règlement initial, les établissements de soins, ou établissements de type " U ", devenant alors un chapitre IX spécifique de ce règlement.
L'article GN10 du règlement précité, qui définit les modalités d'application de ce texte, prévoit qu'à l'exception des dispositions à caractère administratif, de celles relatives aux contrôles et aux vérifications techniques, ainsi qu'à l'entretien, ce règlement ne s'applique pas aux établissements existants. Toutefois, lorsque des travaux de remplacement d'installation, d'aménagement ou d'agrandissement sont entrepris dans ces établissements, les dispositions du règlement sont applicables aux seules parties de la construction ou des installations modifiées.
En conséquence, l'article U44, issu de la modification du règlement précité approuvée par arrêté du 10 décembre 2004, qui dispose que dans les établissements de soins abritant des locaux à sommeil la zone d'alarme doit englober l'ensemble de l'établissement, ne s'applique que si des travaux modificatifs sont réalisés dans les locaux.
Dans le cas présent, en l'absence de travaux intervenus sur le bâtiment rattaché à l'unité psychiatrique, entre le 22 avril 2005, date d'entrée en vigueur de l'arrêté du 10 décembre 2004 et le 28 août 2008, date de l'accident, les nouvelles dispositions issues de cet arrêté ne pouvaient trouver à s'appliquer à la date des faits, seules les dispositions issues de l'article U45 approuvées par l'arrêté du 23 mai 1989, prévoyant la diffusion de l'alarme limitée à l'alarme restreinte, demeurant dès lors applicables.
C'est en conséquence de façon pertinente que le magistrat instructeur a considéré que le système d'alarme restreinte, dont l'établissement était pourvu à la date des faits, était conforme à la réglementation en vigueur et qu'aucun manquement du CHBT à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement ne pouvait être relevé à cet égard.
Il apparaît toutefois que le directeur du CHBT n'ignorait pas, au vu des fiches de poste, que les infirmiers étaient amenés à se rendre au réfectoire 4 fois par jour afin de distribuer les médicaments aux patients ou d'aider à la surveillance des repas. Dès lors, le Centre hospitalier aurait dû prévoir de mettre en place une diffusion de l'alarme restreinte dans cette zone du service très fréquentée par le personnel soignant. En s'abstenant de faire réaliser les travaux d'équipement qui s'imposaient et d'accomplir ainsi les diligences normales eu égard aux pouvoirs et aux moyens dont ils disposaient, les organes dirigeants du CHBT, agissant pour le compte de celui-ci, sont susceptibles d'avoir commis une faute d'imprudence ou de négligence qui a contribué à retarder l'intervention des secours dans la chambre de Dyana D...et en conséquence à causer ses blessures.
Il est d'ailleurs significatif de relever que le CHBT indique avoir engagé des " travaux de remise à niveau " après les faits du 28 août 2008.
Enfin, comme le souligne avec justesse le procureur de la République dans son réquisitoire définitif, le fait que la commission locale de sécurité n'ait relevé aucun manquement en matière de sécurité, ne peut créer un fait justificatif en matière pénale.
L'impossibilité pour l'agent de sécurité d'avoir accès aux chambres d'isolement.
Le § 1 de l'article U21 du règlement de sécurité précité, dans sa version applicable à la date des faits, dispose que dans les hôpitaux ou les services nécessitant une surveillance particulière des patients, les portes des locaux ou unités de soins peuvent être maintenues exceptionnellement verrouillées, à condition d'être placées chacune sous la responsabilité d'un préposé à leur ouverture.
Ce verrouillage peut être réalisé par un verrouillage par clés. Dans ce cas :- les personnels soignants doivent être dotés du passe correspondant ;- ce passe doit être mis à disposition des services de secours en cas d'incendie ;- il est interdit de munir ces portes de clés ou de crémones sous verre dormant.

Il résulte des dispositions claires de ce texte que le CHBT était, dans le cas présent, soumis à une obligation réglementaire de sécurité lui imposant d'une part, de doter les personnels soignants du passe permettant le déverrouillage de la chambre d'isolement de Dyana D..., et d'autre part, de mettre ce passe à disposition des services de secours.
C'est donc à tort que le CHBT soutient que le texte précité fait obligation " non à l'établissement, sinon aux seuls personnels soignants " de mettre à disposition des services de secours le passe permettant le déverrouillage des portes verrouillées des locaux ou des unités de soins.
Il ressort d'ailleurs du témoignage de Nicolas I..., que les clés nécessaires au déverrouillage des portes d'accès à l'unité de soins psychiatriques, au local infirmier et au secteur d'isolement avaient été mises à sa disposition au bureau du service technique de l'hôpital général, conformément à l'article U21 susmentionné. La seule clé dont il ne disposait pas était précisément celle permettant d'ouvrir la chambre de Dyana D.... De ce fait l'agent de sécurité, contraint de partir à la recherche des infirmiers, n'a pu apporter un secours immédiat à la victime.
Le rapport d'enquête interne établi après l'accident confirme en outre, qu'au moment des faits, seuls les infirmiers étaient habilités à détenir les clés des chambres d'isolement.
Le directeur du CHBT bien que pourvu des moyens nécessaires, s'est donc abstenu de respecter les dispositions réglementaires de sécurité précitées, qu'il ne pouvait ignorer compte tenu de ses fonctions et de ses compétences, et qui lui imposaient de mettre à disposition des services de secours le passe du local verrouillé dans lequel se trouvait Dyana D....
En toutes hypothèses, il apparaît qu'en se dispensant de prévoir les mesures d'organisation adéquates pour pallier à une défaillance ou à un possible empêchement des infirmiers, les organes dirigeants du CHBT, agissant pour le compte de celui-ci, sont susceptibles d'avoir commis une faute d'imprudence ou de négligence qui a contribué à retarder la mise en oeuvre des secours dans la chambre de Dyana D...et en conséquence à causer ses blessures.
Comme indiqué précédemment, l'absence d'observation de la commission départementale de sécurité sur ce point ne constitue pas un fait justificatif autorisant le CHBT à se soustraire à ses obligations.
* * * Les fautes ainsi relevées, imputables au CHBT, à savoir l'absence de diffusion de l'alarme dans le réfectoire et l'absence de mise à disposition des services de secours du passe permettant de déverrouiller le local dans lequel se trouvait Dyana D..., ont concouru à la réalisation du dommage, dès lors que celui-ci aurait pu être évité si les mesures faisant défaut avaient été prises.

En conséquence, les fautes éventuellement commises par infirmiers, qui ne peuvent être considérées comme causes exclusives de l'accident, ne sont pas susceptibles d'exonérer le CHBT de sa responsabilité pénale.
* * * Au vu de ce qui précède, il existe contre le Centre hospitalier du Bassin de Thau, charges suffisantes constitutives du délit de blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois, du chef duquel il a été mis en examen.

Sur l'existence de charges à l'encontre de Damien X...et de Michel B...:
Les manquements reprochés aux infirmiers par la partie civile ou le CHBT par les parties sont les suivants :
L'absence de vigilance de Damien X...ayant conduit à la détention d'un briquet par la patiente :
Il ressort des explications précédentes, que les affirmations de Dyana D..., selon lesquelles celle-ci aurait fortuitement trouvé un briquet dans la poche du short qui lui avait été remis par Damien X..., sont contredites par les déclarations concordantes de Damien X..., de Catherine J...et d'Elodie K....
En conséquence, dès lors qu'aucun élément ne permet d'établir les conditions dans lesquelles la victime s'est procurée le briquet en question ; qu'il ne peut être exclu que cet objet ait été dissimulé par celle-ci dans ses sous-vêtements, voire dans ses parties intimes ; qu'aucun règlement n'impose de norme de prudence ou de sécurité en ce qui concerne la fouilles des patients placés en chambres d'isolement et qu'en toutes hypothèses le personnel hospitalier n'est pas habilités à procéder à des fouilles corporelles sur les patients, aucune faute qualifiée ne peut être retenue à l'encontre de Damien X...à cet égard.
Le défaut de surveillance de la patiente :
L'article R. 4311-6 du code de la santé publique prévoit expressément que dans le domaine de la santé mentale, l'infirmier accomplit les actes et soins suivants : (...) 3o Surveillance des personnes en chambre d'isolement.
En l'espèce, il est établi qu'au moment des faits, les trois infirmiers s'étaient absentés ensembles de la zone du poste de surveillance et de l'unité d'isolement pour se rendre dans le secteur du réfectoire, lieu dans lequel il était impossible non seulement de surveiller les patients en chambre d'isolement, mais également d'entendre I'alarme incendie.
A cet égard, Nicolas I..., a indiqué qu'il avait dû effectuer un tour complet du service avant de trouver les infirmiers ensembles, en train de " rigoler ", dans une pièce d'où ils ne pouvaient pas entendre l'alarme (D56).
Cet éloignement de tous les infirmiers, pour assurer le service du repas au réfectoire, n'était pas indispensable et il n'était nullement prévu par le règlement de l'hôpital, qui pour la tranche horaire 19h00/ 19h45 ne requérait, au titre du dîner des patients, que la présence obligatoire d'au moins un infirmier. En outre, il ressort des déclarations réitérées de Catherine J...que cette absence aurait été prolongée par une pause cigarette (D57, D63). De son coté, Dyana D...a relaté qu'elle avait vainement tenté d'appeler l'infirmier, avant de mette le feu à son drap.
Or, il apparaît que les infirmiers n'ignoraient pas que Dyana D..., hospitalisée à l'unité psychiatrique le 7 juillet 2008 après avoir tenté de se jeter du haut des urgences de l'hôpital Lapeyronie, puis de se stranguler avec un drap, se mettait régulièrement en danger. L'étude de son dossier médical révèle ainsi qu'il s'agissait d'une patiente déterminée dans sa volonté suicidaire, ayant exprimé son désir de se donner la mort et qui, dans la nuit du 12 au 13 juillet 2008, avait essayé de se pendre dans la salle de bain. Le 27 août 2008, Dyana D...avait d'ailleurs été placée en chambre d'isolement après s'être scarifiée deux fois au poignet à l'aide de lames de rasoir.
Dès lors, les infirmiers de service étaient parfaitement informés de la nécessité d'exercer une vigilance particulière à l'égard de cette patiente et de prendre toutes mesures de surveillance nécessaires pour prévenir toute nouvelle tentative par l'intéressée de mettre fin à ses jours.
Il ressort de ces éléments que les infirmiers, en s'éloignant conjointement de la zone permettant le contrôle des patients et en s'abstenant, comme ils en avaient l'obligation, de prendre les précautions nécessaires pour assurer la surveillance effective de Dyana D..., placée en chambre d'isolement, ont fait preuve d'une particulière imprudence, ayant exposé la victime à un risque grave et connu. Ce comportement est de nature à constituer une faute caractérisée qui a favorisé la réalisation du passage à l'acte par la victime et qui est en outre à l'origine du retard dans les secours qui lui ont été apportés.
En l'état de la faute ainsi relevée à l'encontre de Damien X...et de Michel B..., il apparaît que la faute commise par la victime, qui ne constitue pas la cause unique et exclusive de l'accident, ne saurait exonérer les intéressés de leur responsabilité pénale.
De la même façon, les fautes éventuellement commises par le CHBT, qui ne peuvent être considérées comme causes exclusives de l'accident, ne sont pas susceptibles d'exonérer les infirmiers de leur responsabilité pénale.
* * * Il existe en conséquence contre Damien X...et Michel B..., charges suffisantes constitutives du délit de blessures involontaires avec incapacité supérieure à 3 mois, du chef duquel ils ont été mis en examen.

* * * Au regard de l'ensemble de ces éléments il échet d'infirmer l'ordonnance rendue par le juge d'instruction et de renvoyer le Centre hospitalier du Bassin de Thau, Damien X...et Michel B...devant le tribunal correctionnel de Montpellier selon le dispositif ci-après.

Sur l'extinction de l'action publique à l'égard de Pierre Z...:
Aux termes de l'article 6 du code de procédure pénale, l'action publique s'éteint par le décès du prévenu.
Dans le cas présent, il résulte de l'acte de décès versé aux débats que Pierre Z...est décédé le 8 juin 2015. En conséquence, il y a lieu de déclarer l'action publique éteinte à son encontre et de constater que la demande de Maître PECHEVIS, tendant à voir confirmer le non-lieu prononcé à l'égard de Pierre Z..., est sans objet.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 177, 182, 183, 184, 185, 186, 194 à 200, 207, 212 à 216, 217 et 801 du code de procédure pénale ;
EN LA FORME
Déclare les appels recevables.
AU FOND
Infirme l'ordonnance déférée et statuant à nouveau :
Dit qu'il résulte de l'information des charges suffisantes à l'encontre du :
Centre hospitalier du Bassin de Thau, représenté par son directeur en exercice :

D'avoir à Sète, le 28 août 2008, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce :- en s'abstenant de mettre en place une diffusion de l'alarme restreinte dans la zone du réfectoire et,- en s'abstenant de mettre le passe d'accès aux chambres d'isolement à disposition de l'agent de sécurité chargé des secours en cas d'incendie, involontairement causé, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3 du code pénal, une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois sur la personne de Dyana D...; délit prévu et réprimé par les articles 222-21, 121-2, 222-19 alinéa1, 131-38, 131-39 2o, 3o, 8o, 9o du code pénal.

Dit qu'il résulte de l'information des charges suffisantes à l'encontre de :
Damien X...et Michel B...:
D'avoir à Sète, le 28 août 2008, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, en l'espèce :- en s'abstenant d'assurer la surveillance effective de Dyana D..., patiente suicidaire placée en chambre d'isolement, involontairement causé, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3 du code pénal, une incapacité totale de travail supérieure à 3 mois sur la personne de Dyana D...; délit prévu et réprimé par les articles 222-19 alinéa1, 222-44 et 222-46 du code pénal.

Ordonne le renvoi de l'affaire devant le TRIBUNAL CORRECTIONNEL de MONTPELLIER pour être jugée conformément à la loi.
Déclare l'action publique éteinte à l'égard de Pierre Z....
Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de confirmation du non-lieu à l'égard de Pierre Z....
DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le PROCUREUR GENERAL.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre de l'instruction
Numéro d'arrêt : 15/00437
Date de la décision : 10/12/2015

Analyses

1º Aucune faute ne peut être retenue à l'encontre d'un Centre Hospitalier qui n'a pas détecté un briquet en plastique dissimulé dans les sous vêtements d'une patiente à tendance suicidaire placée en chambre d'isolement et avec lequel elle a mis le feu à sa literie, dès lors qu'aucune disposition de la loi ou du règlement ne lui imposait de norme particulière relative aux fouilles des patients ou des chambres d'isolement, qu'il avait mis en place un protocole prévoyant le dépôt de leurs effets personnels dans une pièce distincte et l'établissement d'une feuille d'inventaire  et que ni un détecteur électrique ou un portique de sécurité ni aucun autre moyen technique réalisable n'aurait permis la découverte du briquet utilisé par la victime. Il en résulte que le Centre Hospitalier a accompli les diligences normales auxquelles il était tenu en application des troisième et quatrième alinéas de l'article 121-3 du Code Pénal, compte tenu de la nature de ses missions et des moyens dont il disposait. 2º. Même si le Centre Hospitalier était pourvu à la date des faits d'un système d'alarme restreinte conforme à la réglementation en vigueur , il aurait du prévoir, du fait que les infirmiers étaient amenés à se rendre au réfectoire 4 fois par jour afin de distribuer les médicaments aux patients ou d'aider à la surveillance des repas, de mettre en place une diffusion de l'alarme restreinte dans cette zone du service très fréquentée par le personnel soignant. En s'abstenant de faire réaliser les travaux d'équipement qui s'imposaient et d'accomplir ainsi les diligences normales eu égard aux pouvoirs et aux moyens dont elle disposait , la direction de l'établissement, agissant pour son compte, a commis une faute d'imprudence ou de négligence qui a contribué à retarder l'intervention des secours dans la chambre de la victime et en conséquence à causer ses blessures. Le fait que la commission locale de sécurité n'ait relevé aucun manquement en matière de sécurité ne peut créer un fait justificatif en matière pénale. 3º L'article U21 du règlement de sécurité, dans sa version applicable à la date des faits, imposait au Centre Hospitalier d'une part, de doter les personnels soignants du passe permettant le déverrouillage de la chambre d'isolement de la patiente, et d'autre part, de mettre ce passe à disposition des services de secours. En mettant les clés des chambres d'isolement à la disposition des seuls infirmiers et en ne prévoyant aucune mesure pour pallier une défaillance ou un possible empêchement de leur part, le directeur de l'établissement s'est abstenu de respecter les dispositions réglementaires de sécurité et a commis une faute d'imprudence ou de négligence qui a concouru à la réalisation du dommage en retardant la mise en oeuvre des secours à la victime dans la mesure où l'agent de sécurité, contraint de partir à la recherche des infirmiers, n'a pu lui apporter un secours immédiat. 4º Ont fait preuve d'une particulière imprudence et commis une faute caractérisée qui a favorisé le passage à l'acte de la victime et est à l'origine du retard dans les secours les infirmiers qui se sont éloignés tous les trois simultanément de la zone du poste de surveillance et de l'unité d'isolement pour se rendre dans le secteur du réfectoire, lieu dans lequel ils ne pouvaient ni surveiller les patients en chambre d'isolement ni entendre l'alarme incendie, alors qu'ils étaient parfaitement informés de la nécessité d'exercer une vigilance particulière à son égard pour prévenir toute nouvelle tentative par elle de mettre fin à ses jours.


Références :

Décision attaquée : Juge d'instr. près le trib. de grande instance de Montpellier, 27 mai 2015


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-12-10;15.00437 ?
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