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04/11/2015 | FRANCE | N°10/01903

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 04 novembre 2015, 10/01903


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 04 novembre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06407

ARRÊT no

Sur arrêt de renvoi (RG no G12-23. 745) de la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 18 DECEMBRE 2013, qui casse et annule partiellement l'arrêt rendu le 05 juin 2012 (R. G. 10/ 01903) par la chambre sociale de la Cour d'Appel de NIMES réformant le jugement dont appel du Conseil des Prud'hommes de MENDE-section industrie-du 06 avril 2010 (R. G. 09/ 051)

APPELANTE :

SARL MIALANES

BETON, venant aux droits de la SARL SOPREMA,
Avenue Pierre Semard-48100 MARVEJOLS
Représentée par...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

4ème A chambre sociale

ARRÊT DU 04 novembre 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/06407

ARRÊT no

Sur arrêt de renvoi (RG no G12-23. 745) de la chambre sociale de la Cour de Cassation en date du 18 DECEMBRE 2013, qui casse et annule partiellement l'arrêt rendu le 05 juin 2012 (R. G. 10/ 01903) par la chambre sociale de la Cour d'Appel de NIMES réformant le jugement dont appel du Conseil des Prud'hommes de MENDE-section industrie-du 06 avril 2010 (R. G. 09/ 051)

APPELANTE :

SARL MIALANES BETON, venant aux droits de la SARL SOPREMA,
Avenue Pierre Semard-48100 MARVEJOLS
Représentée par Maître Eric ROCHEBLAVE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ :

Monsieur Alain X...

...48000 MENDE
Présent et assisté de Maître Philippe POUGET, avocat au barreau de MENDE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 JUIN 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Marc PIETTON, Président de chambre
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Mme Françoise CARRACHA, Conseillère

Greffière, lors des débats : Madame Isabelle CONSTANT

ARRÊT :

- contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 15 septembre 2015 et prorogé aux 21 octobre et 04 novembre 2015, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Marc PIETTON, Président de chambre, et par Madame Isabelle CONSTANT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
**

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. X... a été engagé en qualité de mécanicien le 1er septembre 2000 par la société SOPREMA, aux droits de laquelle vient la société Mialanes Béton (la société).

Il a été présenté par le syndicat CGT comme candidat aux élections des délégués du personnel le 9 janvier 2004, sans être élu.

Convoqué à un entretien préalable le 22 juin 2004, convocation renouvelée le 24 juin suivant, M. X... a été licencié par lettre recommandée du 15 juillet 2004, notifiée postérieurement à la période de protection issue de sa candidature aux élections de délégué du personnel, achevée depuis le 9 juillet 2004.

A la suite de son licenciement prononcé sans autorisation de l'inspecteur du travail, il a saisi le conseil de prud'hommes de Mende afin d'en obtenir l'invalidation pour violation du statut protecteur et diverses indemnités.

Par jugement du 6 avril 2010, le conseil de prud'hommes a :
• annulé le licenciement de M. X... ;
• condamné la société SOPREMA à lui payer les sommes suivantes :
-71 875, 34 euros à titre d'indemnité pour refus de réintégration ;
-7 632, 78 euros à titre d'indemnité de licenciement illicite ;
-300 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt rendu le 5 juin 2012, la cour d'appel de Nîmes a réformé le jugement et a condamné la société SOPREMA à payer à M. X... la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice causé par le licenciement illicite et a rejeté ses demandes indemnitaires liées au refus de réintégration.

Saisie du pourvoi principal no 12-13. 745 de M. X... et du pourvoi incident de l'employeur, la Cour de cassation a, par arrêt du 18 décembre 2013, tout en rejetant le moyen critiquant le chef de dispositif de l'arrêt d'appel prononçant la nullité du licenciement, cassé cet arrêt, mais seulement en ce qu'il a fixé l'indemnisation à la somme de 10 000 euros pour licenciement illicite et débouté M. X... de ses demandes indemnitaires liées au refus de réintégration opposé par son employeur.

Pour censurer l'arrêt de la cour d'appel qui, pour allouer au salarié une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, a retenu que l'intéressé ne peut prétendre à la fois à une indemnisation spécifique liée à la poursuite du contrat et à une indemnisation liée à sa rupture, la Cour de cassation a retenu qu'en statuant comme elle a fait alors que le conseil de prud'hommes avait relevé que, lors de l'audience de départage, l'employeur avait refusé de faire droit à la demande de réintégration dans l'entreprise présentée par le salarié, la cour d'appel a violé l'article L. 425-1, septième alinéa, du code du travail alors applicable.

Par lettre du 31 juillet 2014, la société Mialanes béton a déclaré saisir la cour d'appel de Montpellier désignée cour de renvoi, en application des dispositions des articles 1032 et suivants du code de procédure civile.

La société Mialanes béton demande à la Cour de :
• réformer en toutes ses dispositions le Jugement
statuant à nouveau :
à titre principal :
• dire et juger que M. X..., salarié protégé, licencié sans autorisation, a formulé sa demande de réintégration après l'expiration de la période de protection en cours pour des raisons qui lui sont imputables ;
• dire et juger abusif M. X... dans l'exercice de son droit à indemnisation
• débouter M. X... de l'intégralité de ses demandes
• ordonner à M. X... le remboursement de la somme de 10 000 euros allouée par l'arrêt cassé no 596 du 5/ 06/ 2012 de la Chambre Sociale de la Cour d'Appel de Nîmes et donc réglée indûment par la société Mialanes béton ;
à titre subisidiaire :
• dire et juger que l'indemnité éventuellement due pour violation du statut protecteur est plafonnée à 30 mois de salaire, soit un maximum 51 361, 20 euros (30 x 1. 712, 04 €) ;
• dire et juger que l'indemnisation pour violation du statut protecteur ne se cumule pas avec les prestations reçues de pôle emploi ;

• dire et juger que M. X... ne justifie pas du montant des prestations pôle emploi qu'il a perçu ;
• dire et juger que M. X... ne justifie pas de sa situation du 15 juillet 2004 au 10 juin 2015 ni d'aucun préjudice ;
• débouter M. X... de sa demande d'indemnité pour violation du statut protecteur ;
• dire et juger que l'indemnisation pour violation du statut protecteur ne se cumule pas avec les indemnités de rupture
• dire et juger qu'il n'y a pas lieu à fixer une indemnité de licenciement illicite supérieure à celle prévue à l'article l. 1235-2 du code du travail ;
• dire et juger que M. X... ne justifie pas de sa situation du 15 juillet 2004 au 10 juin 2015 ni d'aucun préjudice ;
• débouter M. X... de sa demande d'indemnité de licenciement illicite ;

en tout état de cause :
• condamner M. X... à verser à la société Mialanes béton la somme de 12 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
• condamner M. X... aux entiers dépens.

La société fait valoir que :

- M. X... a formulé sa demande de réintégration pour violation du statut protecteur après l'expiration de la période de protection pour des raisons qui lui sont imputables : du 9 juillet 2004 (après la période de protection) au 1er mars 2010, M. X... n'a jamais demandé sa réintégration et n'a jamais eu l'intention de réintégrer la société car dès son licenciement il a retrouvé un emploi au sein d'autres entreprises. Ainsi le gérant de la SARL Environnement Massif Central atteste qu'il a employé M. X... jusqu'au 24 août 2004 ;
- M. X... a attendu près de 5 années après l'expiration de la période de protection pour saisir la juridiction prud'homale.
- lors de la saisine du conseil de prud'hommes, le 26 mai 2009, M. X... n'a pas demandé sa réintégration, qu'au 28 mai 2009, date de la convocation devant le bureau de conciliation, il ne demande pas sa réintégration, ni lors de l'audience du 14 septembre 2009 devant la formation paritaire du bureau de jugement ;
- Ainsi ce n'est que sur l'audience de départage du 1er mars 2010 que pour la première fois M. X... a demandé sa réintégration ;
- la tardiveté de la demande de réintégration est imputable à M. X..., se bornant à affirmer sans le prouver que la caractère tardif de la demande est la conséquence de renseignements erronés obtenus auprès de l'inspecteur du travail ;
- peu importe le caractère tardif de l'action prud'homale, seule est en question le caractère tardif de la demande de réintégration.
- le délai de six années pour formuler cette demande depuis la fin de la période de protection n'est pas un délai raisonnable ;

La société soutient que le salarié qui tarde trop à demander sa réintégration commet un abus de droit justifiant une absence d'indemnisation.

M. X... demande à la Cour de :
• réformer le jugement ;
• condamner la société Mialanes béton à lui payer les sommes suivantes :
-111 5562, 70 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur ;
-10272, 24 euros de dommages-intérêts pour licenciement illicite ;
-3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
• condamner la société Mialanes béton aux dépens.

Sur la méconnaissance du statut protecteur, M. X... fait valoir que :
- à la date d'expiration de la période de protection le 9 juillet 2004, il n'était pas en mesure de solliciter sa réintégration puisqu'il n'avait pas encore été licencié ;
- il est donc bien fondé à solliciter l'indemnisation forfaitaire correspondant à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à la date de renonciation à sa réintégration qui doit être fixée au 1er mars 2010 ;

S'agissant de l'abus de droit invoqué par l'employeur pour avoir tardé à saisir le conseil de prud'hommes d'une réintégration, M. X... soutient que :
- il a sollicité devant le conseil de prud'hommes lors de l'audience du 14 septembre 2009 la condamnation de l'employeur à le réintégrer.
- le seul retard à saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de réintégration ne caractérise pas en soi un abus et en l'espèce, l'employeur échoue à établir l'intention fautive du salarié ;
- il justifie du délai mis à contester son licenciement devant la juridiction prud'homale :
- d'une part en raison de la difficulté de trancher la question juridique liée au bénéfice des règles protectrices du candidat aux élections des délégués du personnel lorsque le licenciement est intervenu après l'expiration du délai de protection, relevant que son employeur lui-même a nié ce bénéfice jusque devant la Cour de cassation ;
- d'autre part par l'avis recueilli dès après son licenciement auprès de l'inspection du travail selon laquelle la procédure suivie par l'employeur avait été régulière et incontestable, avis démenti quatre ans plus tard par un inspecteur du travail nouvellement nommé.

En conséquence, il sollicite la condamnation de l'employeur au titre de la méconnaissance du statut protecteur à lui payer une indemnité représentant la rémunération qu'il aurait perçue du 15 juillet 2004, jusqu'au 1er mars 2010, date de l'audience de départage, calculée à partir du salaire brut.

Subsidiairement, si un retard à saisir la juridiction lui était imputé ou si un abus de droit était retenu, la sanction ne serait pas le rejet de l'indemnisation mais une limitation de celle-ci.

Sur l'indemnisation du licenciement illicite, M. X... fait valoir qu'elle est acquise dès lors que le salarié ne sollicite pas la réintégration. Or, prenant acte du refus de son employeur de le réintégrer, opposé devant le conseil de prud'hommes, il n'a pas réitéré sa demande devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées oralement lors l'audience des débats.

MOTIFS :

Sur la demande de réparation de la violation du statut protecteur :

Le salarié protégé, licencié sans autorisation préalable, a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à la rémunération qu'il aurait perçue jusqu'à sa réintégration alors que la demande de réintégration est formulée par le salarié après l'expiration de la période de protection en cours, pour des raisons qui ne lui sont pas imputables.

Si aucun délai n'est imparti au salarié protégé pour demander sa réintégration lorsque la rupture de son contrat de travail a été prononcée en violation du statut protecteur, ce salarié commet un abus dans l'exercice de ce droit à indemnisation lorsqu'il ne peut justifier l'écoulement d'un long délai pour présenter cette demande.

Il est certain qu'à la date d'expiration de la période de protection, le 9 juillet 2004, M. X... n'était pas encore licencié et ne pouvait donc à cette date demander sa réintégration dès lors que le licenciement est intervenu le 15 juillet 2004.

Cependant, il ressort du jugement du conseil de prud'hommes de Mende du 6 avril 2010 que ce n'est qu'à l'audience de départage du 1er mars 2010, que M. X... a demandé sa réintégration dans l'entreprise et que " l'employeur a refusé sur l'audience ". Les conclusions écrites adressées au conseil de prud'hommes qui sont versées aux débats en pièce 15, ne comportent ni leur date de remise au greffe, ni le visa du greffier avec la date de ce dépôt. Ce document ne permet donc pas de retenir que la demande de réintégration qui y figure dans le dispositif, a bien été formée lors de l'audience du 14 septembre 2009, comme le soutient M. X....

Devant la Cour, M. X... confirme que sa renonciation à sa réintégration doit être fixée au 1er mars 2010.

En conséquence, la Cour ne peut que retenir, comme le soutient la société, qu'ayant demandé pour la première fois sa réintégration lors de l'audience du 1er mars 2010, il a, à la suite du refus que lui a opposé l'employeur sur l'audience du même jour, renoncé à sa réintégration.

Force est de constater qu'aucun obstacle ne s'opposait à ce que M. X... formule sa demande de réintégration après la cessation des relations contractuelles ou dans un délai raisonnable après l'expiration du statut protecteur, ce qu'un délai de plus de cinq ans n'est pas. Ainsi, l'allégation d'une absence de demande de réintégration expliquée par l'obtention d'un avis erroné de l'inspection du travail ne peut justifier ce délai, étant relevé que l'existence d'un tel avis n'est pas établi par les attestations produites dont les auteurs ne font que relater les déclarations à eux faites par M. X.... Par ailleurs, cette abstention ne peut être justifiée par une incertitude juridique sur le bénéfice des règles protectrices d'un candidat aux élections professionnelles en cas de licenciement intervenu après l'expiration du délai de protection.

Au regard du délai écoulé entre la date de son éviction de l'entreprise, le 15 juillet 2004, et celle de sa demande de réintégration, le 1er mars 2010, il y a lieu de considérer que l'exercice du droit à demander la réintégration, qui après expiration de la période de protection n'était enfermé dans aucune limite de temps, est abusif de la part de M. X... dès lors que le titulaire du droit à réintégration a délibérément tardé à demander sa réintégration, ce qui a pour effet, par sa seule volonté, d'augmenter à due proportion le montant de l'indemnité susceptible d'être allouée.

Dès lors que la demande de réintégration et la renonciation à celle-ci compte tenu du refus de l'employeur, sont intervenues toutes deux le même jour, aucune indemnité pour violation du statut protecteur n'est due. Il convient donc de rejeter la demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement nul :

Lorsqu'il est constaté judiciairement que l'employeur fait obstacle à la réintégration, le salarié a droit à une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail.

Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, M. X... sollicite la somme de 10 272, 24 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement illicite.

Comme l'a retenu le premier juge, compte tenu du refus de l'employeur de procéder à la réintégration, M. X... a droit à une indemnité de licenciement fixée dans les conditions prévues à l'article 1235-3 du code du travail. Aucun abus de droit, contrairement à ce que soutient la société, n'est caractérisé par le fait de solliciter cette indemnisation plus de 4 années après la rupture.

Compte tenu de son ancienneté (3 ans et 10 mois), de son âge au moment du licenciement, du montant de son salaire mensuel brut (1712, 04 euros) et en l'absence de tout justificatif sur sa situation professionnelle postérieure à la rupture du contrat, il y a lieu d'allouer à M. X... une somme de 10 272, 24 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

PAR CES MOTIFS :

Vu l'arrêt no 2282 de la Cour de cassation du 18 décembre 2013 ;

Réforme le jugement ;

Rejette la demande en paiement de la somme de 115 562, 70 euros à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur ;

Condamne la société Mialanes béton à payer à M. X... la somme de 10 272, 24 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les demandes ;

Condamne la société Mialanes béton aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 10/01903
Date de la décision : 04/11/2015

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Mende


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-11-04;10.01903 ?
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