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15/10/2015 | FRANCE | N°15/00538

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre de l'instruction, 15 octobre 2015, 15/00538


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 15 octobre 2015
N 2015/ 00538

APPEL D'UNE ORDONNANCE REJETANT UNE DEMANDE DE CONSTATATION DE PRESCRIPTION

DECISION :
CONFIRMATION
A R R E T N
prononcé en chambre du conseil le quinze octobre deux mil quinze par Madame ISSENJOU, présidente

Vu l'information suivie au Tribunal de Grande Instance de Narbonne du chef de viols commis sur mineur de 15 ans, agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur la victime contre :

PERSONNE MISE EN EXAMEN :
X... Vinc

ent né le 10/ 01/ 1951 à PAMIERS...-11000 CARCASSONNE

Ayant pour avocat Me LEGUAY, 72 rue d'A...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 15 octobre 2015
N 2015/ 00538

APPEL D'UNE ORDONNANCE REJETANT UNE DEMANDE DE CONSTATATION DE PRESCRIPTION

DECISION :
CONFIRMATION
A R R E T N
prononcé en chambre du conseil le quinze octobre deux mil quinze par Madame ISSENJOU, présidente

Vu l'information suivie au Tribunal de Grande Instance de Narbonne du chef de viols commis sur mineur de 15 ans, agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur la victime contre :

PERSONNE MISE EN EXAMEN :
X... Vincent né le 10/ 01/ 1951 à PAMIERS...-11000 CARCASSONNE

Ayant pour avocat Me LEGUAY, 72 rue d'Alsace- 1er étage-11000 CARCASSONNE PARTIE CIVILE :

X... Bettina...-31270 CUGNAUX Ayant pour avocat Me LABRY, 21, Rue Cagire-31000 TOULOUSE

A... Christelle ...-11000 CARCASSONNE Ayant pour avocat Me LABRY, 21, Rue Cagire-31000 TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats, du délibéré :

Madame ISSENJOU, président Madame GAUBERT et Monsieur COMMEIGNES, conseillers

régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale.
GREFFIER : Madame VIGINIER et Monsieur BELLANGER, greffiers lors des débats et Madame VIGINIER lors du prononcé de l'arrêt.
MINISTERE PUBLIC : Madame BRIGNOL, substitut général lors des débats. Arrêt prononcé en présence du Ministère Public.

DEBATS
A l'audience en chambre du conseil le 17 septembre 2015, ont été entendus :
Monsieur COMMEIGNES, conseiller en son rapport
Maître SAINT AROMAN substituant Maître LABRY, avocat de la partie civile
Madame BRIGNOL, substitut général, en ses réquisitions
Maître LEGUAY, avocat de la personne mise en examen et qui a eu la parole en dernier.
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Par ordonnance en date du 19 juin 2015 le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Narbonne a rejeté la demande de constatation de prescription.
Le 26 juin 2015, l'avocat de la personne mise en examen a interjeté appel de cette ordonnance au greffe du tribunal.
Par avis, télécopies et lettres recommandées en date du 04 août 2015, le procureur général a notifié à la personne mis en examen et à son avocat, aux parties civiles et à leur avocat, la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit du procureur général a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.
Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale.
Maître LEGUAY, avocat, a déposé par lettre simple au nom de X... Vincent le 11 septembre 2015 à 10 H 00, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
Maître LABRY, avocat, a déposé par télécopie au nom de A... Christelle et X... Bettina le 15 septembre 2015 à 10 H 00, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
Cet appel, régulier en la forme, a été interjeté dans le délai de l'article 186 du code de procédure pénale ; il est donc recevable.

Le mémoire adressé par lettre simple par Maître LEGAY pour le compte de Vincent X... sera par contre déclaré irrecevable comme n'ayant pas été adressé à la chambre de l'instruction selon les modalités prévues à l'article 198 du code de procédure pénale soit par télécopie ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

La demande de condamnation du mis en examen au paiement de la somme de 1500 ¿ et aux dépens présentée par le conseil des parties civiles sera également déclarée irrecevable, la chambre de l'instruction n'étant pas une juridiction du fond.
AU FOND Le 4 mai 2007, Bettina X..., âgée de 23 ans pour être née le 28 juillet 1983, déposait plainte auprès du commissariat de police de CARCASSONNE (11) en dénonçant des faits de viol et d'agressions sexuelles dont elle aurait été victime entre 6 et 8 ans, soit entre 1989 et 1991, à l'encontre de Vincent X..., un voisin qui habitait la maison mitoyenne à celle de sa famille (D3).

Elle exposait aux enquêteurs, après avoir précisé qu'aucun lien de parenté n'existait entre la famille de Vincent X... et la sienne, qu'elle était amie avec la fille de ce dernier, Virginie X..., âgée d'un an de moins qu'elle, avec qui elle avait l'habitude de jouer au domicile de celle-ci. Elle indiquait que son frère, Fabrice X... et une autre petite fille du quartier, Christelle A..., venaient se mêler aux jeux qui se déroulaient principalement dans le salon du logement de la famille X....
Elle expliquait que les faits dénoncés avaient eu lieu dans ce contexte, à deux reprises et évoquait une scène dont elle avait le souvenir précis : alors que Virginie, Christelle, son frère et elle jouaient dans le salon à un jeu de société et qu'Anne X..., l'épouse de Vincent X..., se trouvait dans la cuisine, ce dernier, assis sur le canapé, avait insisté pour qu'elle vienne s'asseoir sur ses genoux. Une fois assise, il avait glissé " ses grosses mains dégueulasses " dans sa culotte et lui avait touché le sexe en la pénétrant " mais pas profondément ". Si elle ne se souvenait pas avoir ressenti de la douleur, elle était en revanche certaine qu'il l'avait " caressée au niveau des lèvres ".
Elle ajoutait qu'elle était ensuite parvenue à se dégager de Vincent X... en prétextant vouloir aller aux toilettes, ce qui lui avait ainsi permis de remonter sa braguette puis de se réfugier auprès de son frère, alors qu'elle était à nouveau sollicitée par le père de son amie. Selon elle, les autres enfants ne s'apercevaient pas de la scène puisqu'ils continuaient de jouer et que Vincent X... " ne laissait rien paraître ". Elle précisait encore qu'elle avait un jour révélé à sa mère les agissements de leur voisin commis sur sa personne, alors qu'elle refusait de retourner jouer chez ce dernier ; que sa mère avait ensuite interrogé son frère afin de savoir s'il avait également été victime d'attouchements commis par Vincent X... ; que répondant par la négative, ce dernier lui avait cependant expliqué que leur voisin lui avait une fois montré des films à caractère pornographique et lui avait demandé de toucher son sexe.

A la suite de telles révélations et avant de décider de rompre toute relation avec la famille X..., toujours selon Bettina, sa mère s'était entretenue avec Vincent X..., qui avait alors mis en doute les déclarations de son frère ainsi que les siennes, tout comme leur père lorsque celui-ci en avait été informé.
Interrogée par les enquêteurs sur sa démarche, Bettina X... expliquait qu'ayant souffert durant son enfance des agissements que lui avait fait subir Vincent X..., souffrance s'étant notamment manifestée par deux tentatives de suicide, elle souhaitait désormais qu'aucun autre enfant ne soit la victime de cet homme.
Il résultait de l'examen psychologique réalisé sur la plaignante qu'elle était indemne de troubles mentaux et de la personnalité, présentait une névrose traumatique, essentiellement réactionnelle aux faits allégués et au silence gardé par ses parents lors de ses révélations, cette attitude ayant eu pour effet de majorer son traumatisme. Cette névrose traumatique était notamment caractérisée par une atteinte de l'image du corps, conduisant à une violence retournée contre soi (tentatives de suicide, boulimie, automutilations), des troubles importants du sommeil, un état dépressif et un sentiment de culpabilité. Il ressortait par ailleurs que le récit des faits réalisé par Bettina X... était cohérent, précis, circonstancié, sans contradiction, ni incohérence ou invraisemblance. Il apparaissait enfin que le fonctionnement défensif développé par la plaignante visait à minimiser les faits et leur conséquence psychologique, ce qui était tout à fait contraire à une dynamique de fausse allégation (D6 à D9).
Le 30 mai 2007, Andrée-Luce E..., mère de la plaignante, était entendue par les enquêteurs (D5). Elle confirmait les déclarations de sa fille relatives aux agissements de Vincent X... ainsi que l'altercation qu'elle avait eue avec ce dernier à la suite des révélations formulées par ses enfants et ses dénégations. Elle faisait également état de la passivité du père de ses enfants qui ne les avait pas crus et précisait les difficultés comportementales que sa fille avait rencontrées, notamment ses tentatives de suicide, ayant justifié un séjour en hôpital psychiatrique. Le 26 octobre 2007, les enquêteurs entendaient Christelle A..., alors âgée de 25 ans pour être née le 3 février 1982 (D4). Si elle déclarait ne pas souhaiter déposer plainte à l'encontre de Vincent X..., elle corroborait néanmoins les faits reprochés par Bettina X... à ce dernier ainsi que le contexte dans lequel ils avaient eu lieu. Elle précisait que Virginie, la fille de Vincent X..., s'asseyait également sur les genoux de son père mais expliquait ne pas avoir vu ce dernier " toucher " sa fille, ni Bettina. Elle indiquait aux enquêteurs que lorsque c'était à son tour d'être assise sur les genoux de Vincent X..., ce dernier la caressait au niveau des fesses et des hanches mais pas au niveau du sexe.

Elle évoquait également deux scènes au cours desquelles il s'était masturbé devant elle, la seconde fois jusqu'à éjaculation et lui avait demandé de toucher son sexe, ce qu'elle avait refusé alors qu'il la tenait fermement par le poignet.
Elle mentionnait que les faits s'étaient déroulés alors qu'elle était âgée de 6 ans environ, Vincent X... ne s'intéressant plus à elle dès lors qu'elle avait été pubère et lorsque la femme de celui-ci était dans la cuisine ou bien lorsqu'il lui demandait " d'aller faire une course ".
Par la suite, Christelle A... déposait plainte auprès du procureur de la République de CARCASSONNE à l'encontre de Vincent X... pour les faits dénoncés (D43). Lors de son audition par les enquêteurs, elle devait préciser ses précédentes déclarations (D45).
Elle mentionnait ensuite qu'il s'était à plusieurs reprises, masturbé devant elle, soit dans son salon, soit dans un cabanon, soit dans une caravane stationnée à PORT-LA-NOUVELLE (11) et qu'elle devait tenir un mouchoir afin qu'il y éjacule dessus. Elle ajoutait que lorsqu'elle était sur ses genoux et ce à l'occasion de chacune de ses visites au domicile de la famille X..., il lui touchait également le sexe, passant ses mains aux ongles longs et sales dans sa culotte ; elle évoquait avoir d'ailleurs souvent souffert étant enfant de mycoses vaginales. Elle n'avait toutefois pas le souvenir de pénétration, ni de fellation.
Elle indiquait un autre moment précis durant lequel Vincent X... l'avait amenée dans sa chambre, l'avait couchée sur le lit, avait baissé le pantalon qu'elle portait alors qu'il était lui-même " nu du bas " ; elle avait senti " son sexe sur le sien ". Un tel agissement avait également eu lieu dans la caravane située à PORT-LA-NOUVELLE.
Enfin, elle expliquait qu'il était généreux avec elle, lui offrant régulièrement des cadeaux, qu'il l'appelait " sa fiancée ", même devant tout le monde et lui intimait de garder le silence si elle voulait continuer à jouer avec sa fille.
L'examen psychiatrique de Christelle A... ne relevait aucune affection mentale caractérisée mais mettait en évidence la présence d'un syndrome de stress post-traumatique à l'origine d'une personnalité vulnérable (D77, D78). L'expert indiquait que la plaignante ne présentait pas de tendance à l'affabulation ou la mythomanie et concluait que les faits dénoncés avaient eu un retentissement évident sur son psychisme, sa personnalité et sa vie sexuelle.
Le 9 avril 2008, Vincent X... était placé en garde à vue (D10). Auditionné par les enquêteurs, il reconnaissait rapidement les faits dénoncés par Christelle A... (D17).
Il expliquait ainsi qu'il avait caressé pour la première fois le sexe de la petite fille lorsqu'il l'avait aidée à s'essuyer aux toilettes. Puis, à chaque fois qu'elle venait jouer chez lui avec sa fille, il profitait d'être seul avec elle, soit aux toilettes, soit dans le salon, pour la prendre sur ses genoux et passer sa main dans la culotte de l'enfant afin de lui caresser le sexe et les fesses. Il ajoutait qu'il frottait parfois son sexe contre le sien, qu'à cette occasion il lui demandait de le toucher, ce qu'elle faisait certaines fois et qu'il parvenait jusqu'à l'éjaculation. Il précisait qu'il avait éjaculé deux fois sur la petite fille mais qu'il ne l'avait jamais pénétrée ni digitalement ni avec son sexe. Il ajoutait que de tels agissements avaient aussi eu lieu lors de vacances près de la mer.
Il reconnaissait également avoir touché le sexe de Bettina X... mais affirmait également ne l'avoir jamais pénétrée (D18). Il confirmait les propos de la plaignante en expliquant que ces " caresses " avaient eu lieu sur le canapé de son salon, alors que les autres enfants jouaient.
Il affirmait que ni Bettina, ni Christelle ne lui avaient fait de fellation et expliquait que " le contact de la peau " le stimulait et qu'il parvenait à l'orgasme et à l'éjaculation grâce aux caresses qu'il prodiguait sur les deux enfants, soit pendant qu'il se masturbait, soit par le simple fait de les avoir à ses côtés (D32).
Questionné sur le visionnage des films à caractère pornographique en présence des enfants, il indiquait que cela était arrivé une seule fois accidentellement avec Fabrice X..., lorsque le premier film enregistré sur la cassette s'était terminé et qu'à sa suite un film pornographie apparaissait (D18). Il avait tout de suite éteint la télévision et niait avoir demandé au garçon de lui toucher le sexe. Il n'était plus depuis en possession de telles vidéos. Il confirmait par ailleurs l'altercation qu'il avait eu avec la mère de Bettina et Fabrice X... uniquement à ce sujet.
Lors de la perquisition réalisée à son domicile, il désignait toutefois aux enquêteurs trois cassettes vidéos susceptibles de contenir des films à caractère pornographiques (D21).

Il affirmait enfin n'avoir jamais touché sa fille, Virginie, ni d'autres enfants, hormis Christelle A..., à l'égard de laquelle il avait ressenti du désir et Bettina X.... Il ajoutait ne plus avoir de désir à l'égard des enfants, ni des femmes d'ailleurs, en raison notamment des antidépresseurs qu'il avait pris et formulait des regrets.

L'expertise psychiatrique du mis en cause ne mettait en évidence aucune anomalie mentale ni psychique pouvant être en relation avec l'infraction reprochée ; l'expert relevait que Vincent X... ne présentait aucun état dangereux, qu'il était accessible à une sanction pénale et que lors des faits il n'était pas atteint d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant altéré ou entravé son discernement (D37).
Malgré les aveux formulés par le mis en cause au cours de sa garde-à-vue, l'affaire faisait l'objet d'un classement sans suite au motif de la prescription de l'action publique (D42, D50).
Par courrier en date du 21 juin 2010, Christelle A... déposait plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction de CARCASSONNE à l'encontre de Vincent X... (D53).
Après dessaisissement de ce magistrat au profit du pôle de l'instruction de l'AUDE situé à NARBONNE (11) eu égard à la nature criminelle des faits révélés, une information judiciaire était ouverte le 18 avril 2011 des chefs de viols et agressions sexuelles sur mineures de moins de 15 ans par personne ayant autorité sur les victimes (D51, D52, D55, D56). Par la suite, Christelle A... et Bettina X... confirmaient se constituer parties civiles (D61 à D63, D68).
Le 10 septembre 2012, Vincent X... était présenté au magistrat instructeur devant lequel il réitérait ses précédentes déclarations en garde-à-vue en reconnaissant les agressions sexuelles commises sur les plaignantes et en affirmant n'avoir à aucun moment procédé à des actes de pénétration (D70). Il expliquait à nouveau ses agissements à l'égard des petites filles en raison de l'état de stress provoqué par les conditions anxiogènes de son travail, de la dépression qui s'en était suivie, et qu'il s'agissait d'une sorte " d'exutoire ", voire de " thérapie ". A l'issue de son interrogatoire de première comparution, Vincent X... était mis en examen.
Au cours des confrontations organisées par le magistrat instructeur chacune des parties maintenait ses déclarations (D71, D72).
L'avis de fin d'information était notifié aux parties le 23 février 2015 (D97 à D102). Le 4 mai 2015, le procureur de la République de NARBONNE prenait un réquisitoire définitif aux
fins de non-lieu partiel et de renvoi de Vincent X... devant le tribunal correctionnel (D105).
Le 18 juin 2015, le conseil du mis en examen formulait des observations tendant à constater d'une part l'absence de charges suffisantes s'agissant des faits de viols sur mineures et d'autre part, s'agissant des faits d'agressions sexuelles, l'acquisition de la prescription triennale de l'action publique pour ces infractions, justifiant en conséquence un non-lieu de ces chefs au bénéfice de Vincent X... (D113).
Par ordonnance en date du 19 juin 2015, le juge d'instruction rejetait la demande tendant à faire constater la prescription de l'action publique (D114).
C'est l'ordonnance dont appel.
******
Le conseil des parties civiles aux termes de son mémoire sollicite de la chambre de l'instruction qu'elle juge que le délai de prescription de l'action publique n'est pas encouru dans le cadre des faits d'agression sexuelles dénoncés par ses clientes lorsqu'elles étaient âgées de moins de 15 ans et " déboute M. X... de l'ensemble de ses demandes, fins ou prétentions comme étant infondées ou injustes " et " le condamne à verser à Mesdames Bettina X... et Christelle A... chacune la somme de 1500 ¿ au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale et aux dépens ".
Elle fait valoir que la loi du 17 juin 1998 doit s'appliquer à l'espèce en application de l'article 50 de cette loi nonobstant les dispositions de l'article 112-2 dans sa rédaction antérieure à la loi du 09 mars 2004 ; que la plainte de Mme A... du 27 octobre 2009 et celle de Mme X... du 04 mai 2007 ont interrompu la prescription bien avant la date limite fixée par la loi.
******
M. le procureur général a requis qu'il plaise à la chambre de l'instruction de confirmer l'ordonnance déférée.
SUR QUOI :
Attendu qu'en vertu de l'article 112-2 4° du code pénal, sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur les lois relatives à la prescription de l'action publique lorsque les prescriptions ne sont pas acquises ;

Que dans sa version applicable du 1er mars 1994 au 10 mars 2004, ce même texte prévoyait une exception à ce principe d'application immédiate des lois de prescription quand elles avaient pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé ;

Attendu que le délit d'agression sexuelle sur un mineur de 15 ans par une personne ayant autorité sur la victime prévu aux articles 222-29-1 et 222-30 est réprimé d'une peine de 10 ans d'emprisonnement par l'article 222-30 du code pénal ;
Attendu qu'en matière de prescription de l'action publique des règles dérogatoires applicables à la prescription des crimes et délits commis contre les mineurs se sont succédé à partir de 1989 ;
Qu'en premier lieu c'est la loi no 89-487 du 10 juillet 1989, entrée en vigueur le 14 juillet 1989 qui a modifié l'article 7 du code de procédure pénale en prévoyant que lorsque la victime était mineure et que le crime avait été commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par une personne ayant autorité sur elle, le délai de prescription était réouvert ou courait à nouveau à son profit, pour la même durée à partir de sa majorité ;
Qu'il a été admis que cette règle devait également s'appliquer aux délits non encore prescrits au moment de son entrée en vigueur, lorsque la victime était mineure et que les faits avaient été commis par une personne ayant autorité sur elle eu égard au texte de l'article 8 lequel continuait à renvoyer « aux distinctions spécifiées à l'article précédent » ;
Que par ailleurs les dispositions de la loi du 10 juillet 1989 ont échappé à la règle posée par l'article 112-2 4o du code pénal, dans sa version initiale, postérieure à sa promulgation du 1er mars 1994 ;
Qu'au jour de l'entrée en vigueur de la loi de 1989 reportant le point de départ du délai de prescription à la majorité de la victime, la prescription triennale des faits dont il s'agit couvrant les périodes du 28 juillet 1989 au 28 juillet 1992 s'agissant de Bettina X... et du 03 février 1988 au 28 juillet 1992 s'agissant de Christelle A... n'était pas acquise ;
Attendu que la loi no 95-116 du 4 février 1995 entrée en vigueur le 05 février 1995 est venue confirmer cette analyse jurisprudentielle en ajoutant à l'article 8 du code de procédure pénale un second alinéa aux termes duquel lorsque la victime était mineure et que le délit avait été commis par un ascendant légitime, naturel ou adoptif ou par une personne ayant autorité sur elle, le délai de prescription ne commençait à courir qu'à partir de sa majorité ;

Que ce texte intervenu postérieurement à l'entrée en vigueur de l'article 112-2 dans sa version initiale susvisée, ne peut être appliqué à l'espèce s'agissant d'un texte plus sévère et en l'absence de disposition transitoire ;

Attendu qu'en il va différemment s'agissant de la loi no98-468 du 17 juin 1998 entrée en vigueur le 18 juin 1998 laquelle a prévu le report du point de départ de la prescription à la majorité de la victime pour tous les crimes commis contre les mineurs, quel qu'en soit l'auteur et pour certains délits limitativement énumérés par l'article 8 alinéa 2 du Code de procédure pénale dont les délits d'agressions sexuelles prévus par les articles 222-27 à 222-30 du code pénal ;
Que ce même texte a prévu pour certains délits dont celui prévu à l'article 222-30 que le délai de prescription serait de 10 ans lorsque la victime était mineure ;
Que l'article 50 de cette même loi a prévu sans aucune ambiguïté que les dispositions des articles 7 et 8 du code de procédure pénale dans leur rédaction résultant des articles 25 et 26 du même texte seraient applicables aux infractions non encore prescrites lors de l'entrée en vigueur de cette loi ;
Que cette disposition transitoire constitue une dérogation expresse voulue par le législateur à l'article 122-2 4o dans sa version alors applicable, nonobstant le caractère plus sévère des dispositions adoptées en matière de prescription ;
Attendu qu'enfin la loi du 09 mars 2004 entrée en vigueur le 10 mars 2004 a d'une part une nouvelle fois modifié l'alinéa 2 de l'article 8 en prévoyant que le délai de prescription de l'action publique des délits prévus par les articles 222-30 et 227-26 serait de vingt ans tout en conservant la règle relative à son point de départ et d'autre part supprimé l'exception précitée, relative à l'aggravation du sort de l'intéressé, au principe d'application immédiate des lois de prescription ;
Qu'en conséquence il y a lieu de prendre en compte les dispositions des lois du 10 janvier 1989, 17 juin 1998 et 09 mars 2004 s'agissant des faits de l'espèce puisqu'à la majorité de Bettina X... et de Christelle A... intervenue respectivement les 28 juillet 2001 et 03 février 2000, les faits d'agression sexuelle commis sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité pour lesquels Vincent X... a été mis en examen, n'étaient pas prescrits, ces dates constituant au contraire le point de départ de ce délai ;
Qu'en définitive, sans même évoquer les actes interruptifs de prescription de l'espèce, s'agissant de Bettina X..., le délai de prescription de 20 ans qui lui est désormais applicable ne sera écoulé que le 28 juillet 2021 ;
Qu'il ne le sera s'agissant de Christelle A... qu'à la date du 03 février 2020 ;
Attendu qu'en conséquence, les faits de nature délictuelle pour lesquels Vincent X... est mis en examen ne sont nullement prescrits ;
Attendu qu'en conséquence la chambre de l'instruction estime que c'est à bon droit que le juge d'instruction a rendu l'ordonnance de refus de constatation de prescription querellée laquelle sera confirmée ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 2, 52, 186, 194 à 200, 207, 212 à 216, 217 et 801 du code de procédure pénale ;
EN LA FORME
DÉCLARE l'appel recevable ;
DÉCLARE le mémoire de Maître LEGUAY irrecevable ;
DECLARE irrecevables les demandes reconventionnelles présentées par le conseil des parties civiles ;
AU FOND
DECLARE l'appel mal fondé ;
CONFIRME l'ordonnance déférée ;
DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de M. le procureur général.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre de l'instruction
Numéro d'arrêt : 15/00538
Date de la décision : 15/10/2015

Analyses

En vertu de l'article 112-2 4º du code pénal, sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur les lois relatives à la prescription de l'action publique lorsque les prescriptions ne sont pas acquises. Dans sa version applicable du 1er mars 1994 au 10 mars 2004, ce même texte prévoyait une exception à ce principe d'application immédiate des lois de prescription quand elles  avaient pour résultat d'aggraver la situation de l'intéressé. La loi du 17 juin 1998 a reporté le point de départ de la prescription à la majorité de la victime pour tous les crimes commis contre les mineurs et pour certains délits et a prévu en son article 50 que ces dispositions seraient applicables aux infractions non encore prescrites lors de l'entrée en vigueur de cette loi. Cette disposition transitoire constituait ainsi une dérogation expresse voulue par le législateur à l'article 122-2 4º dans sa version alors applicable, nonobstant le caractère plus sévère des dispositions adoptées en matière de prescription. Enfin la loi du 09 mars 2004 a d'une part conservé la règle relative au point de départ de la prescription, et d'autre part supprimé l'exception au principe d'application immédiate des lois de prescription, relative à l'aggravation du sort de l'intéressé.


Références :

Décision attaquée : Juge d'instruction près le trib. de grande instance de Narbonne, 19 juin 2015


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-10-15;15.00538 ?
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