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09/06/2015 | FRANCE | N°14/00289

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2o chambre, 09 juin 2015, 14/00289


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 09 JUIN 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 00289

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 OCTOBRE 2013 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER No RG 2013001472

APPELANTE :
SA BANQUE COURTOIS prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège 33 Rue de Rémusat-BP 40107 31001 TOULOUSE CEDEX 6 représentée par Me Nicolas BEDEL DE BUZAREINGUES de la SCP BEDEL DE BUZAREINGUES N./ BOILLOT G., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant assistée de M

e Adrien PERLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :
Madame Cat...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 09 JUIN 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 00289

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 OCTOBRE 2013 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER No RG 2013001472

APPELANTE :
SA BANQUE COURTOIS prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège 33 Rue de Rémusat-BP 40107 31001 TOULOUSE CEDEX 6 représentée par Me Nicolas BEDEL DE BUZAREINGUES de la SCP BEDEL DE BUZAREINGUES N./ BOILLOT G., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant assistée de Me Adrien PERLOT, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIMES :
Madame Catherine X... épouse Y... née le 22 Juin 1962 à THUMERIES... 34560 VILLEVEYRAC représentée par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/ BEAUREGARD/ MOLINIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant
Monsieur Ricardo Y... né le 08 Juin 1952 à SUECA... 34560 VILLEVEYRAC représenté par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/ BEAUREGARD/ MOLINIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

Madame Brigitte Z... ès qualités de curatrice de Monsieur Ricardo Y... et de madame Catherine X... épouse Y..., selon jugement du Tribunal d'instance de Sète du 9/ 09/ 2010... 34560 VILLEVEYRAC représentée par Me Pascale CALAUDI de la SCP CALAUDI/ BEAUREGARD/ MOLINIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 16 Avril 2015

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 MAI 2015, en audience publique, Madame Brigitte OLIVE, conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, président Monsieur Jean-Luc PROUZAT, conseiller Madame Brigitte OLIVE, conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE ¿ MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé en date du 23 avril 2008, la société Banque Courtois (la banque) a consenti à la société à responsabilité limitée Y... un prêt professionnel de 25 000 euros, remboursable en 60 mensualités de 481, 58 euros, au taux de 5, 30 % l'an.
Ce prêt a été garanti par les engagements de caution solidaire souscrits par M. Ricardo-Y... et son épouse Mme Catherine X..., associés et dirigeants de la société Y..., par actes sous seing privé du même jour, à hauteur de 32 500 euros, pour une durée de 7 ans.
Par jugement du 27 janvier 2010, le tribunal de commerce de Béziers a prononcé la liquidation judiciaire de la société Y... et a désigné M. Saint Antonin, en qualité de mandataire liquidateur.
La banque a déclaré sa créance au titre du solde de prêt au passif de la procédure collective et a vainement mis en demeure les époux Y... de régler les sommes dues en vertu de leurs engagements de caution.
Les époux Y... ont fait l'objet d'une mesure de curatelle simple par jugement du tribunal d'instance de Sète en date du 9 septembre 2010. Mme Brigitte Z... a été désignée curatrice.
La banque a fait assigner les époux Y..., en présence de leur curatrice, devant le tribunal de commerce de Montpellier, par acte d'huissier du 15 janvier 2013, pour obtenir paiement de la somme principale de 17 066, 30 euros, majorée des intérêts contractuels et de l'indemnité conventionnelle.
Par jugement contradictoire du 23 octobre 2013, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a notamment :
- dit que l'engagement de caution signé par M. Y... est nul ;
- rejeté toutes les autres demandes des époux Y... ;
- condamné Mme X... épouse Y... à payer à la Banque Courtois la somme de 17 686, 95 euros, augmentée des intérêts capitalisables annuellement au taux de 8, 30 % l'an, à compter du 28 janvier 2010 ;
- condamné solidairement M. et Mme Y... à payer à la Banque Couurtois la somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné solidairement les époux Y... aux dépens de l'instance.

La société Banque Courtois a interjeté appel du jugement demandant à la cour de l'infirmer en ce qu'il a déclaré nul l'engagement de caution souscrit par M. Y... et de condamner solidairement les époux Y... à lui payer la somme de 17 686, 95 euros, assortie des intérêts au taux conventionnel de 8, 30 % l'an, à compter du 28 janvier 2010, avec capitalisation, ainsi qu'une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle conclut à la confirmation du jugement pour le surplus et au rejet des prétentions et moyens adverses. Subsidiairement, elle demande à la cour d'ordonner une expertise en vérification de l'écriture de M. Y....
Elle soutient que :
- M. Y... ne conteste pas avoir signé l'engagement de caution même s'il prétend ne pas en être le scripteur ;
- toutefois, il existe une similitude d'écriture entre les mentions figurant sur l'acte de prêt et les mentions de l'acte de caution ;
- M. Y... a souscrit un autre engagement de caution le 13 mai 2008 dont les mentions sont identiques à celles de l'acte de caution du 23 avril 2008 ;
- M. Y... dénie à tort l'écriture figurant sur le deuxième acte de caution puisque, par jugement du 12 mars 2014, le tribunal a considéré que cet acte était valable ;
- si les pièces de comparaison produites ne sont pas suffisantes, la cour devra ordonner une expertise en vérification d'écriture ;
- les appelants ne justifient pas d'une abolition de l'expression de leur volonté lors de la souscription de leurs engagements de caution ; les certificats médicaux produits ne sont pas contemporains à la signature des actes et ne font pas état d'une insanité d'esprit ni d'un trouble mental de nature à les avoir privés de tout discernement ;
- les époux Y... ne bénéficiaient pas d'une mesure de protection lors de la souscription de leurs engagements de caution et ils ont accompli des actes importants pendant la même période, en l'occurrence, la création de 5 sociétés depuis 2007, dont certaines sont toujours en activité et gérées par eux, et l'acquisition et la vente d'immeubles sans qu'aucun trouble mental n'ait été détecté par les divers notaires, rédacteurs des actes et les cocontractants ;
- les troubles allégués n'étaient pas suffisants pour entraîner une insanité d'esprit ou n'étaient pas permanents puisqu'ils ont pu gérer leur patrimoine ;
- ils ne rapportent pas la preuve d'un trouble mental de nature à affecter leur capacité à contracter, le 23 avril 2008 ;

- elle a respecté l'obligation d'information prescrite par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et produit, à cet égard, les listages informatiques justifiant de l'envoi des lettres annuelles ; l'information a été réalisée pour l'année 2010 par le biais des mises en demeure qui contiennent toutes les précisions requises par le texte susvisé ;
- la majoration du taux d'intérêt est prévu contractuellement en cas de non-paiement des échéances ;
- le montant de l'indemnité conventionnelle n'est pas excessif et ne saurait être réduit ;
- les époux Y... qui géraient d'autres sociétés et qui se sont constitués un patrimoine immobilier important par le biais d'achats, de ventes et de crédits sont des cautions averties qui ne peuvent pas rechercher sa responsabilité pour manquement au devoir de mise en garde, alors même qu'elle ne disposait pas d'informations sur leurs facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'opération financée, qu'eux-mêmes auraient ignorées ;
- le crédit de 25 000 euros n'était pas inadapté par rapport à la capacité de remboursement de la société Y..., dont la situation n'était pas obérée lors de l'octroi du concours puisqu'elle fonctionnait en ligne créditrice et que le résultat net s'élevait à plus de 40 000 euros au 30 septembre 2007 avec une capacité d'autofinancement de 45 000 euros ;
- les engagements de caution ne présentaient pas un caractère excessif par rapport aux capacités financières déclarées par les intéressés ; dans les fiches de renseignements qu'ils ont fournies, ils ont évalué la valeur d'achat des 23 immeubles leur appartenant à 2 millions d'euros et ont fait état de revenus annuels de 485 268 euros outre une assurance-vie de 341 000 euros ;
- elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité, ce qui justifie le rejet de la demande de dommages et intérêts.

Les époux Y..., assistés de leur curatrice Mme Z..., formant appel incident, demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'engagement de caution de M. Y..., au visa des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ou à défaut, en application des articles 414-1 et 1108 du code civil et de l'infirmer en ce qu'il n'a pas prononcé la nullité de l'engagement de caution de Mme X... épouse Y..., en vertu de ces dernières dispositions. A titre subsidiaire, ils invoquent la déchéance des intérêts contractuels, en application de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et sollicitent la réduction à 1 euro de la clause pénale. Reconventionnellement, ils concluent à la condamnation de la banque à leur payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 17 686, 95 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation du préjudice résultant du défaut de devoir de mise en garde. Ils réclament le paiement d'une somme de 1 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que :
- M. Y... n'a pas écrit la mention manuscrite figurant sur l'acte de caution du 23 avril 2008, ce qui affecte sa validité, étant précisé qu'il n'est pas opposé à la demande subsidiaire d'expertise aux fins de vérification d'écriture formalisée par la banque ;
- en tout état de cause, les actes de caution des époux Y... doivent être annulés pour insanité d'esprit ;
- M. Y... souffre depuis 1973 d'une psychose dysthimique chronique de nature à perturber son comportement et la gestion de ses biens lors de phases aigües ; l'aggravation de son état a nécessité depuis août 2012 la mise en place d'un infirmier pour soutien psychologique ;
- Mme Y... présente également une pathologie psychiatrique chronique de type décompensation dépressive à expression dysthimique, diagnostiquée en 2000, qui la rend vulnérable dans la gestion des actes de la vie civile et nécessite l'assistance constante d'une tierce personne depuis 2002 ; elle bénéficie depuis mars 2004 d'une pension d'invalidité tenant compte de la nécessité de l'assistance d'une tierce personne ;
- elle était affectée de troubles mentaux qui ont altéré sa capacité de contracter, lors de la souscription de l'engagement de caution du 23 avril 2008 ;
- ils bénéficient depuis septembre 2010 d'une mesure de curatelle ;
- l'existence de troubles mentaux antérieurs à la souscription des engagements litigieux ont altéré leur discernement, de sorte que les actes de caution doivent être annulés, en vertu des articles 414-1 et 1108 du code civil ;
- la banque ne justifie pas qu'elle a respecté l'obligation d'information annuelle prescrite par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier et encourt la déchéance du droit aux intérêts contractuels ;
- l'indemnité conventionnelle et les intérêts contractuels majorés, qui constituent une clause pénale manifestement excessive, seront réduits ;
- le risque d'endettement était réel car la société Y..., créée en 2007, était lourdement endettée en avril 2008 (prêts souscrits auprès de la Société Générale représentant un encours mensuel de 8 146, 33 euros) et sa capacité d'autofinancement était insuffisante pour faire face au remboursement d'un nouveau crédit de 25 000 euros, le résultat net étant déficitaire au 30 juin 2008 (-990 ¿) ;
- la situation comptable du 30 septembre 2007 ne reflétait pas l'état de la société Y... lors de la souscription du prêt en avril 2008 ;
- ils avaient cautionné les engagements d'une autre société (la société Company) au bénéfice de la Banque Courtois à hauteur de 241 800 euros et de 65 000 euros et ils étaient également cautions de prêts importants consentis par la Société Générale à hauteur de 410 404 euros ;
- leur patrimoine immobilier est grevé d'un endettement important et l'imposition sur la fortune, à laquelle ils sont assujettis, a été faible en 2007 et 2008 ;
- leur expert comptable atteste que depuis 2005 leurs revenus sont insuffisants pour faire face aux charges des emprunts ;
- l'inadéquation entre le montant de l'emprunt de 25 000 euros et leurs facultés contributives déjà obérées, constituait un risque d'endettement qui obligeait la banque à un devoir de mise en garde ;
- ils ne sauraient être considérés comme des cautions averties au motif qu'ils ont acquis des biens immobiliers ; ils n'avaient aucune compétence particulière en matière d'exploitation d'une cafétéria-snack-brasserie et leur vulnérabilité psychique nécessitait une mise en garde renforcée ;
- leur préjudice s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter qui, compte tenu de leur grande vulnérabilité, sera réparée par des dommages et intérêts équivalents à la totalité du montant des engagements de caution.
C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 16 avril 2015.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la validité de l'engagement de caution souscrit par M. Y...
Il résulte de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 entrée en vigueur le 5 février 2004, que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X ¿, dans la limite de la somme de ¿ couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ¿, je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X ¿ n'y satisfait pas lui-même ».
Selon l'article L 341-3 du même code, également issu de la loi du 1er août 2003, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X ¿, je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X ¿ ».
Le formalisme édicté par ces textes, qui vise à assurer l'information complète de la personne se portant caution quant à la portée et à la durée de son engagement, conditionne la validité même de l'acte de cautionnement ; il en résulte que le non-respect des dispositions relatives aux mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, est sanctionné par la nullité automatique de l'acte.
M. Y... dénie être l'auteur des mentions manuscrites apposées sur l'acte de caution du 23 avril 2008.
Il y a donc lieu, en application des dispositions combinées des articles 1324 du code civil, 287 et 288 du code de procédure civile, de procéder à la vérification d'écriture.
En l'état des pièces versées aux débats, en l'occurrence, l'offre de prêt du 23 avril 2008 et l'acte de caution du 4 octobre 2007 souscrit au profit de la Société Générale, la cour est en mesure de procéder à la vérification d'écriture, sans qu'il soit besoin de recourir à une mesure d'expertise judiciaire.
L'écriture reproduite dans l'acte de caution du 23 avril 2008 est différente de celle portée sur l'acte de caution du 4 octobre 2007 et sur l'acte de prêt du 23 avril 2008, eu égard à des divergences importantes dans la forme des lettres, aux variantes graphiques et à la différence de rythme. M. Y... a une écriture heurtée, malaisée et peu lisible, ce qui n'est pas le cas de celle figurant sur l'acte de caution litigieux.
En conséquence, M. Y... n'est pas le scripteur des mentions manuscrites, ce qui est contraire aux dispositions d'ordre public des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation, qui exigent que celles-ci soient apposées par la personne qui s'engage en qualité de caution. Une telle irrégularité doit être sanctionnée par la nullité de l'acte de caution souscrit le 23 avril 2008, et ce, même si la signature n'est pas contestée par l'intéressé.
La banque sera déboutée de la demande en paiement faite à l'encontre de M. Y..., sur le fondement de cet acte de caution et le jugement sera confirmé de ce chef mais réformé en ce qu'il a condamné ce dernier, solidairement avec son épouse, au paiement d'une indemnité de procédure et au dépens de l'instance.
Sur la validité de l'engagement de caution souscrit par Mme X... épouse Y...
Aux termes de l'article 414-1 du code civil, pour faire un acte valable il faut être sain d'esprit. C'est à ceux qui agissent en nullité de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte.
Mme Y... invoque un trouble mental ayant altéré sa capacité de contracter, lors de la souscription de l'engagement de caution du 23 avril 2008.
Il résulte des pièces produites que Mme Y... souffre d'une pathologie dépressive anxieuse d'évolution chronique se manifestant par un vécu de persécution et des troubles du comportement, qui est traitée de manière médicamenteuse depuis l'année 2000 et dans le cadre d'un suivi psychothérapique depuis l'année 2007, et qui a nécessité ponctuellement, courant 2002, une aide quotidienne dans les tâches de la vie courante. La perception depuis mars 2004 d'une pension d'invalidité en tant qu'ancien agent de collectivité territoriale et d'une majoration pour tierce personne attribuée définitivement en avril 2009 ainsi qu'une mise sous curatelle simple en septembre 2010 impliquant une assistance dans les actes de la vie civile et non une représentation, n'établissent pas que lors de la souscription de l'acte de caution, en avril 2008, l'intéressée était sous l'empire d'un trouble mental, au sens de l'article 414-1 du code civil, ayant aboli son discernement et l'ayant empêchée d'agir librement et en toute connaissance de cause.
Il s'ensuit que la demande de nullité de l'acte de caution pour insanité d'esprit a été rejetée, à juste titre, par le premier juge.
Sur les sommes dues à la banque
Aux termes de l'article L. 313-22 du code monétaire et financier, les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
La banque fait valoir qu'elle a respecté l'obligation d'information annuelle de la caution et considère que cette preuve est suffisamment rapportée, conformément aux stipulations contractuelles la liant à Mme Y..., par la production de l'archivage informatique des années 2008 et 2009 et par la mise en demeure du 30 mars 2010.
L'acte de caution prévoit en son article VIII que « la banque, ayant mis en place un système de traitement informatisé permettant d'assurer une gestion automatisée de l'information due à la caution quant au montant et au terme des engagements garantis par elle, la production du listage informatique récapitulant les destinataires de l'information, édité simultanément avec les lettres d'information, constitue la preuve de l'envoi de la lettre adressée par courrier simple. »
La banque ne produit pas un relevé informatique conforme à cette convention puisqu'il s'agit d'un archivage concernant la société Y... et non d'une liste de destinataires.
En toute hypothèse, la preuve de la date d'envoi effective n'est pas rapportée et il n'est pas justifié que toutes les informations prescrites par le texte susvisé ont été effectivement portées à la connaissance de Mme Y..., qui conteste avoir reçu les courriers. L'obligation d'information pesant sur l'établissement de crédit est due à la caution jusqu'à l'extinction de la dette, ce dont il résulte que la mise en demeure et l'assignation en paiement de la somme cautionnée ne dispensent pas celui-ci d'exécuter son obligation.
La banque est donc déchue du droit aux intérêts conventionnels courus à compter du 31 mars 2009, date à laquelle la première information aurait dû être fournie, étant observé que tant la mise en demeure du 30 mars 2010, l'assignation du 15 janvier 2013 et les conclusions développées en première instance et en cause d'appel ne contiennent pas toutes les informations exigées par le texte susvisé.

La banque peut néanmoins prétendre aux intérêts au taux légal qui courent à compter de la mise en demeure du 30 mars 2010, en application de l'article 1153 du code civil.
L'indemnité d'exigibilité anticipée d'un montant de 511, 99 euros, ne revêt aucun caractère excessif justifiant la demande de réduction.
Au vu du décompte annexé à la mise en demeure et du tableau d'amortissement du prêt, les intérêts déchus qui s'élèvent à la somme de 756, 17 euros doivent être déduits du capital restant dû égal à 17 066, 40 euros, ce qui ramène la créance de la banque vis-à-vis de Mme Y..., à la somme de 16 822, 12 euros (17 066, 30 ¿-756, 17 ¿ + 511, 99 ¿), outre intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2010.
Mme Y... sera condamnée à payer à la banque la somme de 16 822, 12 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2010.
Il sera fait application des dispositions d'ordre public de l'article 1154 du code civil.
Le jugement sera réformé, de ce chef.
Sur le devoir de mise en garde
Compte tenu de l'annulation de l'engagement de caution le concernant, M. Y... n'est pas fondé à solliciter l'octroi de dommages et intérêts pour manquement de la banque au devoir de mise en garde dans le cadre de ce cautionnement.
Il est de principe que la banque n'est pas tenue à un devoir de mise en garde envers la caution avertie, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'elle ait pu avoir des informations sur les risques de l'opération financée, ignorées de celle-ci.
Au moment de la souscription des engagements de caution en avril 2008, Mme Y... était cogérante et associé de la société Y... et de la société Company, exploitant des fonds de commerce de restauration mais également de trois sociétés civiles immobilières. Elle a constitué avec son époux un patrimoine foncier important en acquérant des immeubles et en les louant. Ils ont nécessairement procédé, dans le cadre de la constitution de leur patrimoine éligible à l'impôt de solidarité sur la fortune, à des montages financiers et juridiques par le biais d'emprunts, de cautionnements et de prise de sûretés, associés à des programmes de rénovation et à la gestion locative des biens fonciers, générant des revenus substantiels, ce qui caractérise une connaissance étendue des opérations relevant de la vie des affaires.
En sa qualité de caution avertie, Mme Y... ne saurait donc se prévaloir d'un défaut de mise en garde, étant observé qu'elle ne justifie pas que la banque aurait eu des informations sur la situation de la société qu'elle-même aurait ignorées.
Au demeurant, il n'est pas sérieux de soutenir que l'emprunt de 25 000 euros, remboursable en 60 mensualités de 481, 58 euros, ait constitué un concours inadapté aux capacités financières de la société Y..., dont l'actif immobilisé s'élevait à 900 591 euros au 30 juin 2008 avec une valorisation du fonds de commerce égale à 700 000 euros.
Ainsi, la banque n'a commis aucun manquement susceptible d'engager sa responsabilité et d'ouvrir droit à indemnisation au profit de Mme Y....
Le jugement sera confirmé, de ce chef.
Sur les autres demandes
Au regard de la solution apportée au règlement du litige, Mme Y... sera condamnée à payer à la banque la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, verra sa propre demande, de ce chef, rejetée et supportera la charge des dépens d'appel.
M. Y... sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qui concerne le quantum de la condamnation prononcée à l'encontre de Mme Catherine X... épouse Y..., en ce qu'il a rejeté la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels et en ce qu'il a condamné M. Y... au paiement d'une indemnité de procédure et aux dépens de l'instance ;
Et statuant à nouveau de ces chefs,
Dit que la société Banque Courtois est déchue du droit aux intérêts conventionnels courus depuis le 31 mars 2009 ;
Condamne Mme X... épouse Y... à payer à la société Banque Courtois, la somme de 16 822, 12 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2010 ;
Dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1154 du code civil ;
Déboute la société Banque Courtois de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. Y... ;
Condamne Mme X... épouse Y... à payer à la société Banque Courtois la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. Y... et Mme X... épouse Y... de la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel ;
Condamne Mme X... épouse Y... aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT

B. O


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2o chambre
Numéro d'arrêt : 14/00289
Date de la décision : 09/06/2015

Analyses

1)Les dispositions d'ordre public des articles L. 341-2 et L.341-3 du code de la consommation exigeant que les mentions manuscrites devant figurer dans l'acte de caution soient apposées par la personne qui s'engage en qualité de caution, l'irrégularité résultant du fait qu'elle n'en est pas le scripteur doit être sanctionnée par la nullité de l'acte de caution, même si elle ne conteste pas sa signature. 2)Ne démontre pas avoir respecté l'obligation d'information annuelle de la caution édictée par l'article L. 313-22 du code monétaire et financier ni les stipulations de l'acte de caution stipulant la mise en place d'un « système de traitement informatisé permettant d'assurer une gestion automatisée de l'information due à la caution », la banque qui se borne à produire un archivage automatique mais non un relevé informatique et une liste de destinataires et ne rapporte pas la preuve de la date d'envoi effective des lettres d'information que la caution conteste avoir reçues ni du respect de toutes les informations prescrites par le texte précité.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Montpellier, 23 octobre 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-06-09;14.00289 ?
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