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12/05/2015 | FRANCE | N°12/00084

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 12 mai 2015, 12/00084


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER


2o chambre


ARRET DU 12 MAI 2015


Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 00933




Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 JANVIER 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
No RG 12/ 00084




APPELANTE :


Madame Brigitte X...

née le 27 Juillet 1956 à BEZIERS
de nationalité Française

...

34490 LIGNAN SUR ORB
représentée par Me Bernard BORIES de la SCP MAGNA BORIES CAUSSE CHABBERT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat post

ulant et plaidant






INTIMES :


Monsieur Philippe Y...

né le 05 Mai 1955 à ORAN-ALGERIE

...

34500 BEZIERS
représenté par Me Alain COHEN BOULAKIA d...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2o chambre

ARRET DU 12 MAI 2015

Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 00933

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 JANVIER 2014
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS
No RG 12/ 00084

APPELANTE :

Madame Brigitte X...

née le 27 Juillet 1956 à BEZIERS
de nationalité Française

...

34490 LIGNAN SUR ORB
représentée par Me Bernard BORIES de la SCP MAGNA BORIES CAUSSE CHABBERT, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant

INTIMES :

Monsieur Philippe Y...

né le 05 Mai 1955 à ORAN-ALGERIE

...

34500 BEZIERS
représenté par Me Alain COHEN BOULAKIA de la SELARL JURIPOLE SELARL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assisté de Me Xavier CHAYRIGUES, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

SCI SAINT FRANCOIS prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège social
116 impasse de muscat
34490 LIGNAN SUR ORB
représentée par Me Alain COHEN BOULAKIA de la SELARL JURIPOLE SELARL, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assistée de Me Xavier CHAYRIGUES, avocat au barreau de BEZIERS, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 19 Mars 2015

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 AVRIL 2015, en audience publique, Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence
Madame Brigitte OLIVE, Conseiller
Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire

-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
* *
*

Par acte sous seing privé en date du 3 février 1984, a été constituée une société civile immobilière Saint François entre M. Philippe Y..., propriétaire de 85 parts sociales sur 100 et M. Denis Z..., propriétaire des 15 parts sociales restantes.

Par jugement du 12 juin 1989, M. Philippe Y... et son épouse, Mme Brigitte X..., qui étaient mariés depuis le 30 octobre 1976 sans contrat, ont changé de régime matrimonial. La liquidation du précédent régime de communauté légale réduite aux acquêts a eu lieu mais Mme X... soutient que le sort des 85 parts sociales de la SCI Saint François, tombées en communauté, n'a pas été tranché à cette occasion.

Par acte sous seing privé en date du 22 décembre 1994, M. Denis Z... a cédé les 15 parts sociales de la SCI Saint François qu'il détenait à Mme Brigitte X... épouse Y.... Toutefois cette cession n'a pas fait l'objet d'une modification des statuts sociaux ni d'une publicité quelconque et elle n'a pas été signifiée par acte d'huissier à la société, en application des dispositions de l'article 1690 du code civil.

Par jugement du tribunal de grande instance de Béziers en date du 6 décembre 2007, les époux Y...- X... ont divorcé.

Se plaignant du refus de son ancien mari, gérant de la SCI Saint François, de respecter les procédures sociales et ses droits d'associée, Mme Brigitte X... l'a assigné, par acte d'huissier délivré le 29 décembre 2011, devant le tribunal de grande instance de Béziers pour voir prononcer la dissolution judiciaire de la société et la désignation d'un liquidateur. Subsidiairement elle sollicitait la désignation d'un administrateur provisoire, chargé d'administrer les 85 parts sociales dépendant selon elle de leur ancienne communauté matrimoniale, dont la moitié de la valeur lui revient.

Par jugement contradictoire prononcé le 13 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Béziers a, notamment :
- déclaré recevables les demandes formées par Mme Brigitte X..., nonobstant la contestation de sa qualité d'associée par M. Philippe Y... et la SCI Saint François,
- mais rejeté, au fond, les prétentions de Mme Brigitte X...,
- condamné Mme X... aux dépens.

Par déclaration d'appel transmise au greffe de la cour le 6 février 2014, Mme Brigitte X... a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions parvenues au greffe le 31 juillet 2014, Mme Brigitte X... soutient notamment que :
- sa qualité d'associée n'est pas contestable par le gérant qui a volontairement négligé de modifier les statuts sociaux mais qui était à l'origine de la cession des parts sociales de M. Z... à son profit, pas plus que la SCI Saint François ne le peut, dès lors qu'elle a été convoquée et devait participer en qualité d'associée à une assemblée générale de cette société tenue le 1er avril 2011, peu important que la cession ne soit pas opposable aux autres tiers,
- la demande reconventionnelle des intimés tendant à la voir condamner sous astreinte à signifier par acte d'huissier, en application de l'article 1690 du code civil, l'acte de cession de ses parts sociales à la SCI Saint François, est irrecevable comme nouvelle en appel, et en tous cas mal fondée,
- M. Y..., gérant et associé majoritaire, a refusé de communiquer les documents comptables et sociaux de la SCI Saint François des cinq dernières années à Mme X..., n'a jamais distribué les dividendes, allant même jusqu'à convoquer le 7 mars 2013 l'ancien associé, M. Denis Z..., à sa place, à l'assemblée générale de la société, alors qu'il n'existe plus de siège social, ce qui justifie la dissolution judiciaire de celle-ci,
- subsidiairement, compte-tenu des circonstances, il convient de désigner un administrateur chargé de gérer les 85 parts sociales indivises entre les anciens époux, qui participera aux votes dans le cadre de l'assemblée générale, pour la représenter également,
- M. Y... doit être condamné à lui payer une somme de 3. 000, 00 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens déclarés frais privilégiés de liquidation.

Dans leurs dernières conclusions transmises au greffe le 15 septembre 2014, la SCI Saint François et M. Philippe Y... soutiennent notamment que :
- l'acte de cession des parts sociales entre M. Denis Z... et Mme Brigitte X... n'a pas été enregistré, nonobstant les dispositions de l'article 635 du code général des impôts, ce qui aurait empêché sa signification par huissier de justice à la SCI Saint François et donc la tenue d'une assemblée générale extraordinaire de celle-ci, ainsi que la modification des statuts devant en résulter,
- la cession des parts sociales est donc inopposable à la société, même si le gérant, M. Philippe Y..., y a consenti par écrit, le 20 décembre 1994, ce qui rend l'action en dissolution de la société intentée par Mme Brigitte X... irrecevable pour défaut de qualité d'associée,
- subsidiairement, en l'absence de paralysie du fonctionnement de la société ou d'autres justes motifs, il n'y a pas lieu d'ordonner la dissolution judiciaire de celle-ci, le conflit existant entre les anciens époux ne faisant pas obstacle au fonctionnement social, pas plus que le caractère indivis des 85 parts sociales qu'il détient ne l'entravent, du fait de l'application possible des règles de l'indivision,
- à titre d'appel incident, ils sont fondés à solliciter la condamnation sous astreinte de Mme Brigitte X... à faire enregistrer puis signifier à la SCI Saint François l'acte de cession des parts sociales, conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil, sous astreinte de 100, 00 ¿ par jour de retard, au profit de la SCI Saint François,
- cette demande est recevable car déjà présentée en première instance et rejetée par le tribunal de grande instance de Béziers,
- elle est nécessaire pour faire enregistrer au registre du commerce et des sociétés le changement d'adresse du siège social, refusé par le greffe en raison de l'absence d'accomplissement des formalités liées au changement d'associé, considéré comme un préalable,
- Mme X... doit être condamnée à leur payer une somme de 3. 500, 00 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 mars 2015.

MOTIFS :

SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :

sur la qualité d'associée de la SCI Saint François de Mme Brigitte X... :

Mme Brigitte X... invoque sa qualité d'associée de la SCI Saint François, que lui dénie son ancien époux, M. Philippe Y..., au motif qu'elle a personnellement acquis les 15 parts sociales de cette société que détenait un autre associé, M. Denis Z..., par acte sous seing privé qu'elle dit dater du 22 décembre 1994, ce que confirme aussi M. Philippe Y... dans ses conclusions.

Elle ne produit (pièce no3) que la première page d'un acte sous seing privé portant son nom et celui de M. Denis Z..., avec un paraphe mais qui n'est pas signé ni daté, sur cette page. M. Denis Z... n'est pas partie à cet acte, mais a confirmé à Me Eric B..., huissier de justice à Béziers, dans son procès-verbal de constat dressé le 28 mars 2013 (pièce no21) qu'il avait effectivement cédé ses 15 parts sociales à Mme X...- Y... en 1994. La SCI Saint François invoque l'inopposabilité à son égard de cette cession de ses parts sociales, faute d'enregistrement conforme aux dispositions de l'article 635 du code général des impôts, d'une part et faute de signification à son égard de celui-ci, conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil, laquelle, selon elle, est impossible si l'acte sous seing privé n'a pas été enregistré aux impôts.

M. Philippe Y..., gérant de la SCI Saint François, déclare qu'il avait, conformément aux statuts, personnellement agréé la cession projetée, le 20 décembre 1994, dans une lettre, mais qu'en l'absence d'enregistrement régulier de l'acte de cession, il n'a pas été possible de tenir une assemblée générale extraordinaire de la SCI Saint François modifiant en conséquence les statuts sociaux ni de procéder à la publicité légale de la cession, ce qui la rend aussi inopposable aux tiers. Il en tire que M. Denis Z... doit être considéré comme toujours associé, bien que ce dernier l'ait formellement contesté dans le procès-verbal d'huissier de justice du 28 mars 2013 susvisé, et Mme Brigitte X... comme n'étant pas associée personnellement.

Toutefois, il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 5 octobre 1998, tenu par la SCI Saint François (pièce no10) que M. Philippe Y... a établi et signé en qualité de gérant et associé propriétaire de 85 parts sociales, que Mme Brigitte Y..., alors encore mariée avec lui, y est indiquée comme associée, propriétaire de 15 parts sociales et a participé aux votes figurant à l'ordre du jour. M. Denis Z... n'y est par contre plus indiqué comme associé.

Il s'ensuit que nonobstant l'absence de publicité rendant opposable aux tiers la cession de parts sociales entre M. Denis Z... et Mme Brigitte X..., anciennement épouse Y..., tant la SCI Saint François que M. Philippe Y..., son gérant, ont depuis le 5 octobre 1998 été clairement informés de cette cession et l'ont acceptée comme régulière et valable, sans réserves ni équivoque, ne remettant notamment jamais en cause la validité de l'assemblée générale extraordinaire susvisée, depuis 17 ans.

Il est en effet de principe, ainsi que l'a rappelé la première chambre civile de la Cour de Cassation dans son arrêt rendu le 22 mars 2012, qu'à défaut de respect des formalités exigées par l'article 1690 du code civil, la cession qui a été portée à la connaissance du débiteur cédé et qui a été acceptée par celui-ci, avec certitude et sans équivoque, lui est néanmoins opposable.

D'autre part, l'assignation régulièrement délivrée le 29 décembre 2011 à la SCI Saint François, à l'adresse de son siège social, vise en pièce communiquée no3, l'acte de cession des parts sociales de 1994. Elle vaut donc signification de la cession de créance, respectant les dispositions de l'article 1690 du code civil qui étaient exigées par les statuts sociaux (article 9-1), ainsi que l'a rappelé la chambre commerciale de la Cour de Cassation dans son arrêt du 18 février 1969.

Par ailleurs et en toute hypothèse, les parties s'accordent à reconnaître que lors de l'acquisition par M. Philippe Y... des 85 parts sociales de la SCI Saint François, qu'il détient toujours, le 3 février 1984, les époux Y...- X... étaient mariés sous le régime légal de la communauté depuis le 30 octobre 1976, soit la communauté de biens réduite aux acquêts, prévue aux articles 1400 et suivants du code civil. M. Philippe Y... n'ayant jamais soutenu avoir acquis ces parts sociales par remploi de fonds propres, celles-ci constituaient donc des biens communs des deux époux. Ceci jusqu'à la date de leur changement de régime matrimonial, en faveur de la séparation de biens, par jugement d'homologation du tribunal de grande instance de Béziers en date du 12 juin 1989.

Faute pour eux d'avoir inclus ces parts sociales, dont aucun d'eux n'a prétendu ni ne prétend à ce jour justifier de la propriété exclusive, dans la communauté des biens à liquider, celles-ci sont devenues indivises par moitié entre les époux séparés de biens, puis divorcés ultérieurement, conformément aux dispositions de l'article 1538 du code civil.

Il s'ensuit que Mme Brigitte X... a aussi la qualité d'associée en tant que propriétaire indivis avec M. Philippe Y... des 85 parts sociales inscrites au seul nom de celui-ci, depuis l'adoption du régime de séparation de biens entre eux, en juin 1989.

D'autre part, l'absence d'enregistrement dans le délai d'un mois de cet acte sous seing privé portant cession de parts sociales, en contravention avec les dispositions de l'article 635 du code général des impôts, invoquée par M. Philippe Y... et la SCI Saint François n'a pas en elle-même pour conséquence d'obérer la validité juridique du contrat de cession des parts sociales, ni de le rendre inopposable à la société et à son gérant, sauf pour ce qui concerne sa date, qui n'est ainsi pas certaine.

De même, le défaut d'accomplissement par le gérant de la SCI Saint François des obligations légales et statutaires lui incombant, pour modifier les statuts sociaux quant à la répartition nouvelle du capital, déposer au greffe du tribunal de commerce les actes relatifs à cette cession de parts sociales et publier celle-ci, n'at pas non plus d'effet remettant en cause la validité de cette cession. Elle n'a pas non plus de conséquence sur son opposabilité à l'égard de la société et de son gérant, dès lors qu'ils en ont bien eu connaissance et l'ont clairement, certainement et pleinement acceptée comme régulière, lui faisant produire tous ses effets lors de l'assemblée générale extraordinaire tenue le 5 octobre 1998, notamment.

Il convient donc, confirmant de ce chef le jugement déféré, de rejeter la fin de non-recevoir opposée par les intimés à Mme Brigitte X..., tirée d'un prétendu défaut de qualité d'associée de la SCI Saint François, qui lui aurait interdit d'agir en dissolution de la société.

Sur la demande de dissolution de la SCI Saint François :

Mme Brigitte X..., seule autre associée avec M. Philippe Y..., de la SCI Saint François, dont l'objet social unique selon ses statuts (pièce no2) était l'acquisition d'un terrain à Béziers et la construction d'un immeuble de bureaux, puis son exploitation, sollicite la dissolution judiciaire de la société, sur le fondement des dispositions de l'article 1844-7 du code civil.

Elle soutient que la société ne fonctionne pas normalement, M. Philippe Y... l'ayant gérée seul depuis l'origine, n'ayant jamais distribué de dividende, et refusant même de reconnaître à Mme X... sa qualité d'associée et donc de la convoquer régulièrement aux assemblées générales de la SCI Saint François ou de l'informer sur la gestion sociale, notamment. Ces allégations ne sont au demeurant pas particulièrement contestées par M. Philippe Y... et la SCI Saint François. Le gérant n'a convoqué Mme Brigitte X... à l'assemblée générale ordinaire de la société que depuis 2011, après l'engagement de la présente procédure et y a ensuite convoqué également malgré ses dénégations quant à sa qualité d'associé, M. Denis Z..., contestant ainsi toujours la qualité d'associée de Mme X.... Ceci caractérise un dysfonctionnement manifeste de la société, puisque, en fait, seul le gérant associé majoritaire, M. Philippe Y... se reconnaît la qualité d'associé dans celle-ci et la fait fonctionner socialement sans rendre compte à quiconque. En effet :
- il conteste la qualité d'associée de Mme Brigitte X..., et donc la validité de sa participation à la vie de la société,
- il prétend que M. Denis Z... serait toujours associé, ce que ce dernier conteste formellement, et donc il ne participe pas non plus à la vie de la société, en réalité.

Par ailleurs, même si au vu du présent arrêt M. Philippe Y... acceptait désormais de reconnaître la qualité d'associée de la SCI Saint François à son ex-épouse, Mme Brigitte X..., la mésentente grave et persistante entre ces deux seuls associés, détenant indivisément ensemble 85 % des parts sociales, entraînera la paralysie de la société. Celle-ci ne fonctionne actuellement que par la passivité de Mme X..., dans l'attente de l'issue de la présente procédure où elle sollicite que soit ordonnée la dissolution judiciaire d'une société dont elle ne veut plus être associée.

En effet, M. Philippe Y... ne détenant que la moitié indivise des 85 parts sociales ne pourra continuer à gérer la société, dont il est le gérant, qu'avec l'accord, au moins tacite, de Mme Brigitte X..., qui détient l'autre moitié indivise des 85 parts sociales, outre les 15 parts sociales subsistantes. Inversement Mme X..., à supposer qu'elle le souhaite ce qui n'est pas le cas actuellement, ne pourrait non plus gérer seule la société, si M. Philippe Y... s'opposait aux décisions sociales qu'elle voudrait prendre, en usant de ses droits d'associé détenant indivisément la moitié des 85 % du capital social, lui aussi.

Il convient de relever à cet égard qu'aucun des époux ne détient les 2/ 3 des droits indivis sur les 85 parts sociales, qui lui permettraient de disposer seul de celles-ci pour les administrer normalement, conformément aux dispositions de l'article 815-3 du code civil.

Les règles de l'indivision (articles 815-5, 815-6, 815-9 et 815-11 notamment du code civil), permettraient certes, ainsi que l'a relevé le premier juge, de régler judiciairement une partie des blocages prévisibles entre les indivisaires, mais leur usage fréquent que l'on peut légitimement augurer s'agissant de gérer des parts sociales donnant un droit de vote majoritaire, entraînera un coût et des délais de prise de décision qui apparaissent en l'espèce incompatibles avec la gestion normale de la SCI Saint François, ainsi de nature à mettre son existence en péril, de même que l'intérêt de chacun des associés.

Le fonctionnement actuel est également anormal en ce que, nonobstant le maintien dans l'immatriculation de la SCI Saint François au registre du commerce et des sociétés de Béziers, comme dans les conclusions d'appel des intimés, de l'adresse de son siège social, depuis 1984, au 116, impasse du Muscat à Lignan-sur-Orb, il ressort de l'assignation introductive d'instance du 29 décembre 2011, ayant donné lieu à un procès-verbal de recherches infructueuses par l'huissier de justice dressé conformément aux dispositions de l'article 659 du code de procédure civile, que la SCI Saint François n'a donc plus de siège social réel depuis plusieurs années.

En outre, il apparaît qu'il n'y a manifestement plus aucun " affectio societatis " entre les deux seuls associés et anciens époux divorcés, concernant la SCI Saint François.

Il convient donc de faire droit à la demande de Mme Brigitte X... et d'ordonner la dissolution de la SCI Saint François. Il y a lieu de désigner en qualité de liquidateur, M. Michel A..., mandataire judiciaire à Béziers, chargé de procéder aux opérations de dissolution et de liquidation de l'actif et du passif social, ainsi qu'aux formalités de publicités légales de la liquidation, ses frais et honoraires étant pris en frais privilégies de liquidation.

SUR L'APPEL INCIDENT :

Relevant appel incident du jugement déféré, M. Philippe Y... et la SCI Saint François sollicitent la condamnation reconventionnelle de Mme Brigitte X... à enregistrer son acte de cession des parts sociales et à le lui faire signifier à la société, au visa de l'article 1690 du code civil, sous astreinte de 100, 00 ¿ par jour de retard au bénéfice de la société.

Mme Brigitte X... invoque l'irrecevabilité de cette demande nouvelle, au visa de l'article 564 du code de procédure civile.

Il est exact que ces prétentions ne figurent pas dans les demandes présentées par la SCI Saint François et M. Philippe Y... au tribunal de grande instance de Béziers, récapitulées dans son jugement en date du 13 janvier 2014. Elles sont donc nouvelles en appel mais s'agissant de demandes reconventionnelles, qui se rattachent par un lien suffisant aux prétentions originaires relatives à la reconnaissance de la qualité d'associée au sein de la SCI Saint François de Mme Brigitte X..., elles sont recevables, conformément aux dispositions de l'article 567 du code de procédure civile.

Toutefois la signification de l'acte sous seing privé de cession des parts sociales de M. Denis Z... à Mme Brigitte X..., en date, incontestée par les parties, du 22 décembre 1994, ayant été effectuée lors de l'assignation introductive d'instance à la SCI Saint François, il n'y a pas lieu de l'ordonner à nouveau.

Par contre, la demande est bien fondée en ce qu'elle sollicite qu'il soit enjoint à Mme Brigitte X... de procéder, dans le délai d'un mois, à l'enregistrement de l'acte sous seing privé de cession des parts sociales du 22 décembre 1994, cette formalité étant exigée par les statuts sociaux (article 9), qui engagement Mme X.... Il n'apparaît toutefois nullement nécessaire, compte-tenu des circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :

Il y a lieu d'allouer à Mme Brigitte X... la somme de 2. 000, 00 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile que devra lui payer M. Philippe Y...,
Comme sollicité par Mme X..., il convient de déclarer les dépens de première instance et d'appel frais privilégiés de la liquidation de la SCI Saint François.

Il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de M. Philippe Y... et de la SCI Saint François les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens ;

* * * * * * * * * *
PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Vu les articles 6, 9, 564 et 567 du code de procédure civile,
Vu les articles 1134, 1315, 1690 et 1844-7, 5o, 1844-8, 1844-9 et 1845 du code civil,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Béziers prononcé le 13 janvier 2014, mais seulement en ce qu'il a :
- rejeté les demandes présentées par Mme Brigitte X...,
- condamné Mme Brigitte X... aux dépens,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

- Prononce la dissolution judiciaire de la Société Civile Immobilière Saint François, dont le siège social est situé 116, impasse du Muscat, à Lignan-sur-Orb (34490) selon les indications portées sur sa fiche d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Béziers, sous le no329 746 812,

- Désigne M. Michel A..., mandataire judiciaire professionnel demeurant 47, avenue Jean Moulin, à Béziers (34500), en qualité de liquidateur, avec mission de procéder aux opérations de dissolution et de liquidation de l'actif social et du passif social de la SCI Saint François, ainsi qu'aux formalités légales de la liquidation,

- Dit que les frais et honoraires du liquidateur seront passés en frais privilégiés de la liquidation de la SCI Saint François,

Y ajoutant, sur l'appel incident,

- Déclare recevables demandes reconventionnelles de la SCI Saint François et de M. Philippe Y...,

- Rejette la demande d'injonction sous astreinte à Mme Brigitte X... se signifier l'acte de cession des parts sociales en date du 22 décembre 1994 à la SCI Saint François, conformément aux dispositions de l'article 1690 du code civil,

- Enjoint à Mme Brigitte X... de procéder, dans le délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, à l'enregistrement de l'acte sous seing privé du 22 décembre 1994 portant cession des 15 parts sociales de M. Denis Z... à son profit, et de le remettre à la SCI Saint François, prise en la personne de son liquidateur,

Dit que les dépens de première instance et d'appel seront pris en frais privilégiés de la liquidation de la SCI Saint François,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Condamne M. Philippe Y... à payer à Mme Brigitte X... la somme de 2. 000, 00 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes des parties ;

Ainsi prononcé et jugé à Montpellier le 12 mai 2015.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

BB


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 12/00084
Date de la décision : 12/05/2015

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béziers


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2015-05-12;12.00084 ?
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