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30/04/2015 | FRANCE | N°15/00147

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre de l'instruction, 30 avril 2015, 15/00147


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 30 avril 2015
N 2015/ 00147
APPEL D'UNE ORDONNANCE DE MAINTIEN DE SAISIE PENALE DE SOMMES INSCRITES AU CREDIT D'UN COMPTE BANCAIRE
DECISION :
CONFIRMATION
A R R E T No
prononcé en chambre du conseil le trente avril deux mil quinze, par Madame ISSENJOU, président
Vu l'enquête préliminaire diligentée à la demande de Monsieur le procureur de la République du tribunal de grande instance de Béziers du chef d'escroquerie contre :
PERSONNE MISE EN CAUSE :
Y...Audrey épouse X...née le 30 octob

re 1976 à BEZIERS

Domiciliée : ...
Ayant pour avocat Maître TEISSEDRE, 8 place Saint Côm...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 30 avril 2015
N 2015/ 00147
APPEL D'UNE ORDONNANCE DE MAINTIEN DE SAISIE PENALE DE SOMMES INSCRITES AU CREDIT D'UN COMPTE BANCAIRE
DECISION :
CONFIRMATION
A R R E T No
prononcé en chambre du conseil le trente avril deux mil quinze, par Madame ISSENJOU, président
Vu l'enquête préliminaire diligentée à la demande de Monsieur le procureur de la République du tribunal de grande instance de Béziers du chef d'escroquerie contre :
PERSONNE MISE EN CAUSE :
Y...Audrey épouse X...née le 30 octobre 1976 à BEZIERS

Domiciliée : ...
Ayant pour avocat Maître TEISSEDRE, 8 place Saint Côme-34000 MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats, du délibéré :

Madame ISSENJOU, Président Madame GAUBERT et Monsieur COMMEIGNES, conseillers,

régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale. GREFFIER : Madame CERIZOLLA en présence de Madame BRENGUES et Madame MERIDJEN, greffiers stagiaires lors des débats et Madame VIGINIER lors du prononcé de l'arrêt.

MINISTERE PUBLIC : Madame BRIGNOL, substitut général lors des débats. Arrêt prononcé en présence du Ministère Public.

DEBATS
A l'audience en chambre du conseil le 19 mars 2015, ont été entendus :
Madame GAUBERT, conseiller, en son rapport
Madame BRIGNOL, substitut général, en ses réquisitions
Maître TEISSEDRE, avocat de la personne mise en cause, et qui a eu la parole en dernier.
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Le 10 février 2015, le juge des libertés et de la détention du Tribunal de Grande Instance de BEZIERS a rendu une ordonnance d'autorisation de maintien de saisie pénale de sommes inscrites au crédit d'un compte bancaire.
Cette ordonnance a été notifiée au titulaire du compte, le 10 février 2015, par lettre recommandée avec accusé de réception.
Par déclaration au greffe du Tribunal de Grande Instance de BEZIERS en date du 12 février 2015, Maître TEISSEDRE, avocat, a fait connaître sa volonté d'interjeter appel de ladite ordonnance.
Par avis, lettre recommandée et télécopie en date du 26 février 2015, le procureur général a notifié à Madame Audrey Y... épouse X... et à son avocat la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit du procureur général a été déposé au greffe de la chambre de l'instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.
Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale.
Maître TEISSEDRE, avocat, a déposé au nom de Madame Audrey Y... épouse X..., le 17 mars 2015 à 10H45, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
Cet appel, régulier en la forme, a été interjeté dans le délai de l'article 706-154 du code de procédure pénale ; il est donc recevable.
AU FOND
Le 3 septembre 2014, suite à la plainte déposée par la CPAM de l'Hérault, une enquête préliminaire était diligentée à l'encontre d'Audrey Y..., chirurgien-dentiste exerçant à AGDE.
Il résultait des investigations diligentées par la section de recherches de la police judiciaire de MONTPELLIER, saisie de l'enquête, qu'Audrey Y...exerçait son activité
professionnelle dans le cadre de la SELARL " Cabinet du docteur Y..." dont elle était la gérante et détenait 99,5 % des parts.
Il apparaissait qu'entre octobre 2011 et octobre 2013, et alors qu'elle avait déjà fait l'objet d'une condamnation pour des faits similaires couvrant la période de 2006 à 2008 (condamnation non définitive car frappée d'un appel en cours), elle aurait obtenu frauduleusement de la CPAM de l'Hérault et du RSI Languedoc-Roussillon d'importants paiements, en facturant notamment plusieurs fois le même acte ainsi que des actes fictifs ou non conformes et qu'elle aurait également utilisé de façon frauduleuse les cartes vitales de ses patients. Le préjudice de la CPAM était évalué à 312 844, 27 euros, celui du RSI à 37 725, 20 euros.
Par ailleurs, l'enquête révélait qu'Audrey Y...avait sollicité, auprès de la CACI, la prise en charge du remboursement mensuel de trois crédits, entre le 14 septembre 2010 et le 1er août 2014, pour un montant global de 56 189 euros, au motif qu'elle subissait un arrêt de travail à temps plein, alors qu'elle aurait continué à exercer son activité pendant cette période sans discontinuer. Alors que son médecin, le docteur Z..., affirmait avoir établi des arrêts de travail à mi-temps thérapeutique, les copies de ces documents adressés par Audrey Y...à la CACI, ne portaient aucune mention d'une reprise du travail à mi-temps thérapeutique.
Au cours des investigations, la CPAM de l'Hérault informait les enquêteurs de la survenance d'anomalies à nouveau relevées à l'encontre du chirurgien-dentiste entre le 1er juillet 2014 et le 31 octobre 2014, lui causant un préjudice supplémentaire évalué à 61 197, 57 euros. Le 21 janvier 2015, l'expert juridique de la CPAM signalait qu'Audey Y...poursuivait toujours ses agissements.
Le 4 février 2015, Audrey Y...était interpellée et placée en garde à vue.
Au cours de ses auditions, elle contestait les faits reprochés, indiquant que s'il était constaté qu'un même acte avait été plusieurs fois facturés, cela s'expliquait soit par la circonstance qu'elle avait dû refaire l'acte en question, soit en raison d'anomalies générées par la télétransmission. Selon elle, quelques irrégularités pouvaient lui être reprochées mais seulement à titre d'erreurs, les autres étant induites par le système informatique ou commises par le dentiste-conseil intervenu à son cabinet. Elle produisait un rapport d'expertise informatique, en date du 22 novembre 2013, qu'elle avait fait réaliser, selon lequel un grand nombre des anomalies constatées étaient notamment imputables à une mauvaise intégration des principes informatiques de la télétransmission dans les procédures du cabinet et au désordre affectant la base des données des patients.
S'agissant des règlements effectués par la CACI afin d'assurer le paiement des mensualités des crédits contractés, Audrey Y...déclarait ignorer que l'assurance ne prenait le relais qu'au seul cas d'un arrêt de travail total et soutenait que la compagnie d'assurance l'avait contactée, au mois de mai 2014, pour lui signaler qu'elle avait été indemnisée par erreur mais que rien ne lui serait réclamé puisque la CACI s'estimait fautive. Elle déniait avoir dissimulé qu'elle faisait l'objet d'un mi-temps thérapeutique en maquillant les documents transmis à l'assurance.
Il résultait des auditions des patients, pour lesquels des irrégularités avaient été constatées par la CPAM, que la majorité d'entre eux bénéficiait de la CMU et qu'Audrey Y...avait multiplié des soins injustifiés.
Il était également découvert que la SELARL " Cabinet du docteur Y..." était titulaire de plusieurs comptes bancaires, dont un compte no ..., ouvert auprès de l'agence HSBC-FRANCE de BOURGES, sur lequel avaient été principalement versés les remboursements de la CPAM et du RSI. Le 4 février 2015, ce compte présentait un solde créditeur de 70. 000 € qui était saisi par le SRPJ de Montpellier, après autorisation verbale du procureur de la République en date du 3 février 2015, et transférée à l'AGRASC le 5 février 2015.
Par requête, en date du 10 février 2015, le procureur de la République de BÉZIERS saisissait le juge des libertés et de la détention d'une demande d'autorisation de maintien de cette saisie pénale.
Par ordonnance du 10 février 2015, le juge des libertés et de la détention faisait droit à cette requête. C'est l'ordonnance dont appel.
* * * Le procureur général requiert la confirmation de l'ordonnance déférée.

* * * Dans son mémoire régulièrement déposé, le conseil d'Audrey Y...sollicite l'annulation de la saisie pénale opérée par le SRPJ de Montpellier ou sa mainlevée.

Il fait valoir qu'aucune preuve de l'autorisation préalable de la saisie par le procureur de la République ne figure au dossier ; qu'à supposer que cette autorisation puisse être verbale, aucun procès verbal, mentionnant la date, l'heure et l'identité de son destinataire, ne fait état d'un ordre précis écrit ou oral du procureur en ce sens.
Il expose par ailleurs que les infractions reprochées sont contestées, qu'il n'y a pas eu de détournement, que les sommes ont été encaissées sur le compte professionnel de la SELARL qui ne se confond pas avec Madame Y..., personne physique. Il soutient qu'aucun élément du dossier ne permet de soupçonner que les sommes saisies pourraient être dissipées.
SUR QUOI :
Selon l'article 706-153 du code de procédure pénale, au cours de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête du procureur de la république, peut autoriser par ordonnance motivée la saisie, aux frais avancés du trésor, des biens ou droits incorporels dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal.
Par dérogation à ces dispositions, l'article 706-154 du code de procédure pénale permet à l'officier de police judiciaire, d'opérer une saisie des sommes d'argent se trouvant au crédit d'un compte de dépôt, sous réserve d'y être autorisé par le procureur de la République ou le juge d'instruction. Aux termes de ce texte, cette autorisation peut être faite " par tout moyen " et peut dès lors valablement être délivrée de façon verbale.
En l'espèce, le procès verbal no 2014/ 000494/ PIAC/ 8, dressé le 4 février 2015 à 12 heures 53, par Aurélie A..., officier de police judiciaire en fonction au SRPJ de Montpellier, qui fait état de l'autorisation verbale donnée en date du 3 février 2015, par Monsieur Jean-Louis X..., vice procureur de la République près le TGI de Béziers, de procéder à la saisie de la somme inscrite au crédit du compte bancaire no ..., ainsi que la réquisition judiciaire annexée, visant cette autorisation de procéder à la saisie de la somme inscrite sur le compte bancaire ouvert après de l'établissement bancaire HSBC France sis à Bourges, suffisent à établir l'existence de l'autorisation requise et le respect à cet égard des formalités prescrites par l'article précité. Le moyen tiré de la nullité de la saisie opérée par le SRPJ de Montpellier n'apparaît dès lors pas fondé.
Selon l'article 131-21 du code pénal, la peine complémentaire de confiscation est encourue dans les cas prévus par la loi ou le règlement. Elle est également encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse. Cette peine est en conséquence encourue pour les délits d'escroquerie ainsi que de faux et usage de faux, mis en évidence par l'enquête préliminaire concernant Audrey Y..., lesquels sont respectivement punis de cinq ans et trois ans d'emprisonnement.
Il ressort des dispositions précitées que la confiscation peut porter sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime.
Dans le cas présent, il ressort des investigations réalisées que les actes illicites pouvant avoir été accomplis par la mise en cause lui ont permis d'obtenir frauduleusement, au préjudice des organismes de sécurité sociale, des remises de fonds versés sur le compte de la SELARL, dans le cadre de laquelle elle exerce son activité professionnelle et dont elle est la gérante. Ainsi, le compte HSBC, objet de la saisie contestée, a été alimenté à compter du 9 février 2012 par des virements reçus de la CPAM de l'Hérault à hauteur de 111 750,67 € pour l'année 2012, 527 592, 81 € pour l'année 2013, 770 489, 04 € pour l'année 2014 et par des virements reçus du RSI Languedoc pour un montant total de 80 886, 61 €.
Les sommes figurant au crédit de ce compte sont dès lors susceptibles d'encourir la confiscation en tant qu'objet ou produit des infractions relevées.
Dès lors qu'il ressort des explications précédentes que la confiscation est bien prévue par la loi, il n'y a pas lieu en outre, à stade, de débattre de la constitution des infractions, susceptibles d'avoir été commises par Audrey Y...à titre personnel ou en sa qualité de gérante de la SELARL Cabinet du docteur Y..., que l'enquête préliminaire en cours a précisément pour objet de vérifier.
Le risque de dissipation des fonds n'est pas à exclure, alors qu'Audey Y...dispose, en sa qualité de gérante de la SELARL, des pouvoirs de gestion les plus étendus et que des variations importantes du solde du compte sur lequel la saisie a été opérée ont été enregistrées par les enquêteurs. C'est en conséquence de manière pertinente que le juge des libertés et de la détention a considéré qu'en l'absence de saisie pénale, la dissipation des fonds saisis aurait pour effet d'empêcher la juridiction, qui pourrait être éventuellement saisie, de prononcer la peine complémentaire de confiscation.
L'ordonnance déférée sera en conséquence confirmée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 99, 186, 194 à 200, 207, 212 et 217, 706-141 à 706-147, 706-53 et 706-154 du code de procédure pénale ;
EN LA FORME
Déclare l'appel recevable.
AU FOND
Le dit mal fondé.
Confirme l'ordonnance déférée.
DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de M. le procureur général.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre de l'instruction
Numéro d'arrêt : 15/00147
Date de la décision : 30/04/2015

Analyses

L'article 706-154 du code de procédure pénale permet à l'officier de police judiciaire d'opérer une saisie des sommes d'argent se trouvant au crédit d'un compte de dépôt, sous réserve d'y être autorisé par le procureur de la République ou le juge d'instruction, autorisation qui peut être valablement délivrée ¿par tout moyen¿ y compris de façon verbale. Le procès verbal de saisie qui fait état de l'autorisation verbale donnée par un magistrat nommément désigné aux fins de procéder à la saisie de la somme inscrite sur le compte bancaire numéroté ouvert après d'un établissement précis, ainsi que la réquisition judiciaire annexée visant cette autorisation, suffisent à établir l'existence de l'autorisation requise et le respect à cet égard des formalités prescrites par l'article précité. Le moyen tiré de la nullité de la saisie n'apparaît dès lors pas fondé.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Béziers, 10 février 2015


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2015-04-30;15.00147 ?
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