COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 03 MARS 2015
Numéro d'inscription au répertoire général : 14/ 06450
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 JUILLET 2014
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS
No RG 14/ 1243
DEMANDERESSE SUR CONTREDIT :
EURL LANA ENTRETIEN, au capital de 1 500, 00 ¿, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
18 Avenue Jean Moulin
34370 MAUREILHAN
représentée par Me Katia FISCHER, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant
DEFENDEURS SUR CONTREDIT :
Maître Gilles X..., mandataire liquidateur de la société ODEVIA
...
34500 BEZIERS
Convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception signée le 1er octobre 2014
Maître Gilles X..., mandataire liquidateur de la Société PUBLICIWEB
...
34500 BEZIERS
Convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception signée le 2 octobre 2014
SAS LOCAM
29, Rue Léon Blum
42000 SAINT ETIENNE
représentée par Me Julie ABEN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
assisté de Me Aurélien LACINCE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Michel TROMBETTA, avocat au barreau de ST ETIENNE, avocat plaidant
Les parties ont été régulièrement convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 27 JANVIER 2015, en audience publique, Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, président
Madame Brigitte OLIVE, conseiller
Monsieur Bruno BERTRAND, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
- réputé contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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L'EURL Lana Entretien exploite une entreprise de pompes funèbres à Maureilhan (34370). A la suite d'un démarchage par un commercial de la société Odevia, entreprise de conception de sites internet, elle a conclu trois contrats le 18 janvier 2010 :
- un contrat de réalisation et d'hébergement d'un site internet dédié à son activité commerciale, avec la société Odevia, établie à Béziers (34500), moyennant le paiement de 48 mensualités de 180, 00 ¿ HT,
- un contrat de location d'espaces publicitaires avec la société Publiciweb, établie à Villeneuve-les-Béziers (34420), selon lequel cette société lui verserait la somme de 180, 00 ¿ HT par mois, en contrepartie de la mise à disposition, sur le site de la société Lana Entretien, d'un espace publicitaire qu'elle pourrait exploiter commercialement,
- un contrat de location de longue durée de matériel informatique destiné à l'exploitation du site internet, avec la SAS Locam, prévoyant 48 mensualités de 180, 00 ¿ HT chacune.
La société Publiciweb ayant cessé ses versements à partir d'octobre 2010 et la société Odevia n'assurant plus la maintenance du site depuis qu'elle était placée en liquidation judiciaire, l'EURL Lana Entretien formait opposition aux prélèvements mensuels de location destinés à la SAS Locam en janvier 2011. La SAS Locam a alors résilié le contrat en application de la clause résolutoire le 20 mars 2011.
Par assignations délivrées le 19 février 2014 à la SAS Locam et le 21 février 2014 à Me Gilles X..., mandataire judiciaire pris ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Odavia et de la société Publiciweb, devant le tribunal de commerce de Béziers, l'EURL Lana Entretien sollicitait notamment :
- l'annulation des trois contrats, constituant un ensemble indivisible, en raison du dol reproché aux sociétés Odevia et Publiciweb,
- la condamnation de la SAS Locam à lui rembourser la somme de 2. 583, 36 ¿ qu'elle avait perçue,
- subsidiairement, la résolution des trois contrats, constituant un ensemble indivisible, en raison de l'inexécution par les sociétés Odavia et Publiciweb de leurs obligations contractuelles, à la date du 1er novembre 2010,
- la condamnation de la SAS Locam à lui rembourser les sommes perçues après le 1er novembre 2010, soit un montant de 430, 56 ¿,
- la condamnation solidaire des trois sociétés à lui payer une somme de 1. 500, 00 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par jugement réputé contradictoire prononcé le 28 juillet 2014, le tribunal de commerce de Béziers a, notamment, au visa de l'article 48 du code de procédure civile :
- déclaré son incompétence territoriale au profit du tribunal de commerce de Saint Etienne, en application de la clause attributive de compétence figurant dans son contrat (article 21), invoquée par la SAS Locam,
- réservé les demandes faites au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, en fin de cause.
Le 7 août 2014 l'EURL Lana Entretien a formé contredit contre ce jugement, par déclaration au greffe du tribunal de commerce de Béziers, lequel l'a transmis au greffe de la cour d'appel de Montpellier, qui l'a reçu le 22 août 2014.
A l'appui de son contredit, la société Lana Entretien conclut, dans ses dernières conclusions parvenues au greffe le 26 janvier 2015 :
- que la clause attributive de compétence figurant dans la convention conclue avec un défendeur ne peut pas faire échec aux dispositions de l'article 42 alinéa 2 du code de procédure civile permettant au demandeur, en cas de pluralité de défendeurs, de saisir à son choix la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux, soit en l'espèce Béziers, lieu du siège social des sociétés Odavia et Publiciweb
-qu'en raison de l'indivisibilité du litige, due à l'interdépendance des trois contrats, et conformément à la jurisprudence de la chambre mixte de la Cour de Cassation (17 mai 2013), il convient d'écarter en ce cas les clauses des différents contrats qui sont inconciliables avec cette interdépendance, ce qui est le cas des clauses attributives de compétence territoriale contraires, celles figurant dans les contrats des société Odavia et Publiciweb désignant comme compétentes la juridiction du ressort de Béziers et celle se trouvant dans le contrat de la SAS Locam, le tribunal de commerce de Saint Etienne,
- en droit commun le lieu où se trouvent deux des trois défendeurs, notamment le liquidateur judiciaire, Me X..., est Béziers,
- subsidiairement, elle invoque le caractère équivoque de son acceptation de la clause attributive de compétence territoriale, qui ne répond pas aux exigences de l'article 48 du code de procédure civile, notamment quant à sa lisibilité, alors qu'elle est située au recto du contrat signé par les parties, en petits caractères,
- subsidiairement encore, les conditions de signature de ce contrat ont été ambiguës, dans le cadre d'une opération de démarchage à domicile par un commercial, qui a fait miroiter la gratuité de l'opération à l'EURL Lana Entretien et dissimulé l'existence du contrat avec la SAS Locam, ce qui fait l'objet d'une instruction pénale devant le tribunal de grande instance de Béziers.
Elle sollicite donc de la cour qu'elle dise le tribunal de commerce de Béziers compétent pour connaître de ce litige, infirmant le jugement du tribunal de commerce de Béziers du 28 juillet 2014, ainsi que la condamnation de la SAS Locam à lui payer une somme de 2. 000, 00 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions parvenues au greffe de la cour le 27 janvier 2015, la SAS Locam (Location Automobiles Matériels) soutient que :
- la clause attributive de compétence dérogeant aux règles de compétence territoriale est valable entre commerçants, conformément aux dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, et celle figurant dans le contrat de location de site Web signé entre la société Locam et la société Lana Entretien (article 21, au recto de la première page) désigne comme seul compétent le tribunal de commerce de Saint Etienne, lieu du siège social du loueur,
- les autres clauses attributives de compétence figurant sur d'autres contrats signés par la société Lana Entretien, auxquels la société Locam n'est pas partie, ne lui sont pas opposables, en raison de l'effet relatif des conventions,
- la contestation de la validité du contrat est inopérante au regard de l'application de la clause attributive de compétence y figurant, et sera donc appréciée par le tribunal de commerce de Saint Etienne,
- le moyen tiré de ce qu'une procédure pénale est en cours à l'encontre de la société Odevia, concepteur du site internet n'est pas non plus pertinent au regard de l'application de la clause attributive de compétence dans le litige civil opposant la SAS Locam à la société Lana Entretien,
- le contredit doit donc être rejeté et le jugement du tribunal de commerce de Béziers confirmé en ce qu'il se déclare incompétent et a renvoyé l'affaire devant la juridiction consulaire de Saint Etienne,
- la société Lana Entretien doit être condamnée à lui payer une somme de 1. 500, 00 ¿ par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L'affaire a été fixée à l'audience de la chambre commerciale de la cour du mardi 27 janvier 2015.
MOTIFS :
SUR LA COMPÉTENCE TERRITORIALE :
A l'appui de son exception d'incompétence territoriale et d'attribution soulevée devant le tribunal de commerce de Béziers, la SAS Locam invoque la clause figurant en haut de la première page de son contrat, au recto de la page portant le tampon commercial et la signature de la locataire, ainsi rédigée en caractères très apparents :
" article 21 : Attribution de compétence : De convention expresse, tout litige relatif au présent contrat sera de la compétence des tribunaux du siège du loueur sauf application du code de la consommation. ". Cette clause est conforme aux exigences de l'article 48 du code de procédure civile et valable s'agissant d'un contrat conclu entre sociétés commerciales.
Mais pour s'opposer aux effets de la clause attributive de compétence figurant à l'article 21 du contrat de location de site Web qu'elle a signé le 22 décembre 2009 avec la SAS Locam, l'EURL Lana Entretien soutient exactement qu'en application de l'article 42 alinéa 2 du code de procédure civile, lorsqu'il y a plusieurs défendeurs dans son litige, elle doit pouvoir choisir de les assigner devant la juridiction du lieu où l'un d'eux demeure, dès lors que le litige est indivisible, nonobstant les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, invoquées par le loueur.
Elle considère donc avoir valablement saisi le tribunal de commerce de Béziers, lieu du siège social et de l'établissement principal de la SARL Odevia, fournisseur du site internet donné en location par la SAS Locam, dont le cachet commercial figure également en première page du contrat de location litigieux. C'est aussi la juridiction compétente au regard de la domiciliation de la SARL Publiciweb, locataire d'espaces publicitaires destinés à être insérés dans le site internet fourni par la société Odevia et à rémunérer ainsi une partie de son coût pour la société Lana Entretien.
Il est de principe, ainsi que l'a rappelé la 1ère chambre civile de la Cour de Cour de Cassation dans son arrêt du 23/ 10/ 1990, qu'il résulte de la combinaison de ces textes (articles 42 alinéa 2 et 48 du code de procédure civile) que s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur peut assigner tous les défendeurs devant la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux, malgré la clause attribuant, au profit de certains d'entre eux, compétence à une juridiction particulière, à la condition qu'il y ait indivisibilité entre les demandes formées contre les divers défendeurs.
Les deux contrats de fourniture d'un site internet, par la SARL Odevia, et de mise en location de ce site internet par la SAS Locam, conclus le même jour en toute connaissance de cause par les trois parties concernées, alors qu'il avait aussi été passé un contrat entre le loueur et le fournisseur (article 15. 1 du contrat), s'inscrivaient dans une opération globale incluant une location financière et sont donc interdépendants.
Il en résulte l'indivisibilité du litige et la possibilité pour le demandeur à l'action en nullité ou résolution des contrats de choisir d'assigner les deux défendeurs au lieu où demeure l'un d'eux, conformément aux dispositions de l'article 42 alinéa 2 du code de procédure civile, auxquelles, en un tel cas, les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile ne peuvent faire échec.
L'effet relatif des contrats distincts qu'allègue la SAS Locam ne peut en effet être opposé à l'application de cette règle générale de compétence territoriale des juridictions civiles et commerciales, dès lors que le litige est indivisible et que la partie choisie comme déterminant par le lieu où elle demeure la juridiction compétente n'est pas elle-même signataire de la clause attributive de compétence invoquée ni n'invoque une autre clause attributive de compétence. Par ailleurs pour le troisième contrat, signé avec la société Publiciweb le 22 décembre 2009 également, qui est interdépendant avec le contrat de fourniture du site Web où les espaces publicitaires devaient être insérés, il n'a pas non plus été invoqué l'application d'une clause attributive de compétence territoriale.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Béziers, que la cour désigne comme territorialement compétent pour connaître de l'ensemble de ce litige indivisible.
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :
Il y a lieu d'allouer à l'EURL Lana Entretien la somme de 1. 000, 00 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que devra lui payer la SAS Locam, condamnée aux entiers dépens de la procédure de contredit.
Il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de la SAS Locam les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens.
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PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, et en dernier ressort,
Vu les articles 42, 48, 80 à 88 du code de procédure civile,
Reçoit le contredit en la forme,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Béziers prononcé le 28 juillet 2014, en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Saint Etienne,
Et statuant à nouveau :
- Désigne le tribunal de commerce de Béziers comme territorialement compétent pour connaître de l'entier litige opposant l'EURL Lana Entretien à la SAS Locam, d'une part, la SARL Odevia et la SARL Publiciweb, représentées par Me Gilles X..., mandataire judiciaire liquidateur à leurs liquidations judiciaires, d'autre part,
Condamne la SAS Locam aux dépens de la procédure de contredit et à payer à l'EURL Lana Entretien la somme de 1. 000, 00 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Dit que le greffier de cette cour notifiera le présent arrêt aux parties, par lettre recommandée avec accusé de réception,
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Ainsi prononcé et jugé à Montpellier le 3 mars 2015.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
BB