COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 19 février 2015
N 2014/ 01088
REQUETE ARTICLE 173 DU C. P. P.
DECISION :
Rejet de la requêteA R R E T N
prononcé en chambre du conseil le dix neuf février deux mil quinze par Madame ISSENJOU, président
Vu la procédure d'information suivie au Tribunal de Grande Instance de Montpellier du chef de recels d'un bien provenant d'un vol, vol en réunion, détention d'arme de catégorie D-1 non enregistrée, détention non autorisée d'arme, munition ou élément essentiel de catégorie B, usage de fausse plaque ou de fausse inscription apposée sur un véhicule à moteur ou remorque à l'encontre de :
PERSONNES MISES EN EXAMEN :
X...Chris né le 07/ 01/ 1993 à ALBI Domicilié ...-34750 VILLENEUVE LES MAGUELONE Décision de placement sous contrôle judiciaire du 27 avril 2014 Ayant pour avocat Me CORBIER D'HAUTEVILLE, 3 rue Auguste Comte-34000 MONTPELLIER
Y...Gino né le 31/ 03/ 1995 à LE MANS Domicilié ...-72230 RUAUDIN Décision de placement sous contrôle judiciaire du 27 avril 2014 Ayant pour avocat Me DEHANT, 10 bd Ledru Rollin-34000 MONTPELLIER
A...Emilie née le 01/ 09/ 1989 à MONTPELLIER Domicilié ...-34750 VILLENEUVE LES MAGUELONE Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 27 avril 2014 Ayant pour avocat Me BENTIVEGNA, 4 rue de l'Ancien Courrier-34000 MONTPELLIER
PARTIE CIVILE :
SOCIETE WEISS 95, rue Derobert-73400 UGINE sans avocat
COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats, du délibéré :
Madame ISSENJOU, Président Madame GAUBERT et Monsieur COMMEIGNES, Conseillers,
régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale.
GREFFIER : Madame VIGINIER lors des débats et Madame TARRISSE lors du prononcé de l'arrêt.
MINISTERE PUBLIC : Monsieur LAURENT, substitut général lors des débats. Arrêt prononcé en présence du Ministère Public.
DEBATS
A l'audience en chambre du conseil le 08 janvier 2015, ont été entendus :
Madame ISSENJOU, président, en son rapport
Monsieur LAURENT, substitut général, en ses réquisitions
Maître BENTIVEGNA, avocate de Madame A...Emilie, personne mise en examen et en présence de Madame A...Emilie.
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Par requête reçue au greffe de la Chambre de l'Instruction le 06 octobre 2014, Maître BENTIVEGNA a sollicité conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure pénale l'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 25 novembre 2014, le Président de la Chambre de l'Instruction a considéré qu'il convenait de saisir la chambre et a ordonné la transmission du dossier à Monsieur le Procureur Général.
Par avis et lettres recommandées en date du 27 novembre 2014, Monsieur le Procureur Général a notifié aux personnes mis en examen et aux avocats la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit de Monsieur le Procureur Général a été déposé au greffe de la Chambre de l'Instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.
Par arrêt de renvoi en date du 18 décembre 2014, l'examen de l'affaire a été renvoyé à l'audience du 08 janvier 2015 à 09H00.
Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale. DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
La requête, régulière en la forme, est recevable ; la procédure prévue par les articles 170 à 174-1 du code de procédure pénale a été régulièrement engagée.
AU FOND
Le 25 avril 2014, à 10 heures 30, Jhonnio Z..., chauffeur livreur employé par la société LACOSTE PAPETERIE, constatait l'absence du véhicule FORD TRANSIT immatriculé BS-059- ZK, appartenant à ladite société, alors qu'il procédait à une livraison de matériel de bureau. Il signalait la disparition de ce dernier à son employeur qui avisait ensuite le commissariat.
Le véhicule équipé d'un tracker était rapidement géolocalisé sur la commune de MAURIN.
Alors qu'ils procédaient sur le véhicule à diverses constatations, les enquêteurs remarquaient la progression, dans leur direction, d'un véhicule RENAULT TRAFIC immatriculé ....
L'identité des trois occupants était contrôlée ; le conducteur était ainsi identifié en la personne de Gino Y...et les deux passagers respectivement en la personne de Chris X...et Edmond F.... Ces derniers étaient rapidement interpellés, la présence dans le véhicule d'objets correspondant à ceux dérobés à Jhonnio Z...ayant été constatée.
Un rapprochement était effectué avec une surveillance réalisée le matin même, près d'un camp de gens du voyage à VILLENEUVE-LES-MAGUELONE, où ces trois mêmes individus avaient été aperçus en train de décharger du matériel d'un fourgon vers deux caravanes.
Les enquêteurs décidaient alors de procéder aux perquisitions de ces deux caravanes appartenant à Chris X...et à Emilie A..., sa belle-soeur.
Des objets volés au préjudice de la société LACOSTE PAPETERIE, ainsi que des armes de catégories B et D-1, des munitions et du matériel hi-fi étaient découverts dans la caravane de Chris X....
La perquisition de la caravane d'Emilie A...révélait la présence d'armes (une carabine REMINGTON calibre 22, un fusil calibre 36, un fusil BROWNING de calibre 12 de munitions de calibre 12 et 35 ainsi que divers objets multimédia (disque dur, tablette, clés USB...). Aucun des objets dérobés à la société LACOSTE n'était en revanche découvert.
A l'issue de la perquisition, Emilie A...était invitée à suivre les enquêteurs à l'hôtel de police.
Au cours de son audition libre, les enquêteurs étaient informés que certains des objets trouvés au domicile de Emilie A...(deux clés USB) provenaient de vols commis à la fin de l'année 2013 de sorte qu'ils plaçaient alors l'intéressée en garde à vue et lui notifiaient ses droits.
Une information judiciaire était ouverte à l'encontre de Chris X..., Gino Y...et Emilie A...des chefs de recels d'objets provenant de vols, détention d'armes et de munitions de catégorie B et D-1.
Mise en examen le 27 avril 2014, Emilie A...contestait les faits reprochés en expliquant que les armes retrouvées dans sa caravane y avaient été mises à son insu ; elle ajoutait avoir été interpellée suite à la perquisition et emmenée au commissariat de police sous la contrainte.
Les dispositions de l'article 175 du code de procédure pénale étaient notifiées aux parties le 22 septembre 2014.
Dans le cadre du délai imparti par ce texte, le conseil d'Emilie A..., par déclaration au greffe en date du 6 octobre 2014, a saisi la chambre de l'instruction d'une requête en nullité pour violation des règles édictées par les articles 63 et 63-1 du code de procédure pénale, la notification de la mesure de garde à vue de sa cliente ainsi que celle des droits y afférents ayant été tardives.
Des réquisitions aux fins de renvoi devant le Tribunal correctionnel étaient prises le 6 novembre 2014.
***
Il est soutenu dans la requête qu'Emilie A...a été conduite dans les locaux de police par la contrainte et présentée devant l'officier de police judiciaire sans autre choix pour elle de sorte qu'elle ne pouvait être entendue en audition libre et devait recevoir immédiatement notification de ses droits.
Le conseil d'Emilie A...en déduit que les auditions et interrogatoires de celle-ci doivent être annulés tout comme les procès verbaux qui se réfèrent à ces déclarations.
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Monsieur le procureur général requiert qu'il plaise à la chambre de l'instruction déclarer la requête en nullité mal fondée et la rejeter.
SUR QUOI :
Aux termes de l'article 802 du code de procédure pénale, il n'y a nullité que lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par les dispositions du code de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne.
Par application de l'alinéa 1 de l'article 62 du Code de Procédure Pénale, les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition sans que cette durée ne puisse excéder quatre heures.
En vertu des dispositions combinées des articles 62 deuxième alinéa, 63 et 63-1 du code de procédure pénale, une personne à l'encontre de laquelle il apparaît, au cours de son audition, qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, ne peut être maintenue sous la contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue et doit immédiatement recevoir notifications des droits attachés à cette mesure ; que tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.
Dans sa décision en date du 18 novembre 2011, le Conseil constitutionnel a formulé une réserve d'interprétation à propos des dispositions du deuxième alinéa de l'article 62 du code précité, en considérant à cet égard que la personne, devenue suspecte, avant son audition ou au cours de celui-ci, ne peut être entendue ou continuer à être entendue librement par les enquêteurs que si elle a été informée de la nature et de la date de l'infraction et de son droit de quitter à tout moment les locaux de police ou de gendarmerie.
À l'issue de la perquisition effectuée le 25 avril 2014 à 14 h 15 mn, l'officier de police judiciaire a convoqué Madame Emilie A...pour audition (D 9), une telle convocation n'ayant pas à revêtir un formalisme particulier.
Le procès verbal dressé le 25 avril 2014 à 14 h 25 mn (D11) montre par ailleurs que les policiers ont invité Madame Emilie A..., à les suivre, ce qu'elle a fait, à l'hôtel de police, cette mention d'invitation vidant de son sens le terme " obtempérer " improprement employé par les policiers.
Si Madame Emilie A...soutient que les policiers ont tenté de lui placer des menottes, ses seules assertions ne constituent pas preuve dès lors qu'elle n'apporte aux débats aucune pièce de nature à démentir les mentions figurant sur les procès verbaux régulièrement dressés par les enquêteurs.
Il résulte en conséquence de ces énonciations que Madame Emilie A...n'a pas été présentée devant l'officier de police judiciaire sous la contrainte.
La perquisition opérée chez Madame Emilie A...n'a pas mis en évidence la possession d'objets dérobés notamment à la société LACOSTE PAPETERIE et les vérifications relatives aux armes découvertes (soumises à enregistrement) n'avaient pas encore été diligentées (elles l'ont été le 25 avril 2014 à 20 h 32 mn D 19) de sorte qu'il n'existait aucune raison plausible de soupçonner qu'elle avait commis ou tenté de commettre une infraction.
Madame Emilie A...a, dans ces conditions, été entendue librement le 25 avril 2014 à partir de 15 h 35 mn dans le respect des dispositions de l'article 62 alinéa 1 du Code de Procédure Pénale.
Ce n'est qu'à 16 heures 05 que l'officier de police judiciaire qui procédait à l'audition de l'intéressée a été informé de l'origine frauduleuse (révélée à 16 heures : D 12) de deux des clés USB appréhendées.
Mettant un terme à l'audition libre le 25 avril 2014 à 16 h 05 mn, l'officier de police judiciaire a aussitôt informé Madame Emilie A..., devenue suspecte, de son placement en garde à vue à compter de sa présentation à 14 h 30 mn et lui a immédiatement après notifié ses droits aux termes d'un procès verbal formalisé à 16 h 24 mn de sorte que les prescriptions des articles 63 et 63-1 ont été parfaitement respectées, étant observé au surplus que l'avocat amené à assister l'intéressée dès après la notification de garde à vue n'a élevé aucune contestation sur la régularité et déroulement de celle-ci.
Il en découle que les actes critiqués n'encourent aucune nullité et que la requête présentée doit être rejetée.
La chambre de l'instruction par ailleurs constate l'absence de cause de nullité dans le dossier de la procédure arrêtée à la cote D 117. PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 170 à 174-1, 194 à 200, 201, 206, 216, 217 et 802 du code de procédure pénale ; EN LA FORME
Déclare recevable la requête en nullité présentée par le conseil d'Emilie A...;
AU FOND
Vu le dossier de la procédure dont la dernière cote est D 117 ;
Rejette comme mal fondés les moyens tirés de la violation des articles 63 et 63-1 du Code de Procédure Pénale, de la nullité des procès-verbaux établis les 25 et 26 avril 2014 dans le cadre de la garde à vue de Madame Emilie A..., de la nullité de l'interrogatoire de première comparution en date du 27 avril 2014 et de l'interrogatoire du 19 septembre 2014 ;
Ordonne le retour de la procédure au magistrat instructeur qui en est saisi.
DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le PROCUREUR GENERAL. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,