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13/11/2014 | FRANCE | N°14/00863

France | France, Cour d'appel de Montpellier, Chambre de l'instruction, 13 novembre 2014, 14/00863


CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

DU 13 novembre 2014

N 2014/ 00863

REQUETE ARTICLE 173 DU C. P. P.

DECISION :

ANNULATION DE PIECES DE LA PRECEDUREA R R E T N
prononcé en chambre du conseil le treize novembre deux mil quatorze par Madame ISSENJOU, Président

Vu la procédure d'information suivie au Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER du chef de blanchiment : concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'importation non autorisée de stupéfiants en bande organisée ; blanchiment : aide à la justification me

nsongère de l'origine des biens et revenus de l'auteur d'importation non autorisée de stupéfian...

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION

DU 13 novembre 2014

N 2014/ 00863

REQUETE ARTICLE 173 DU C. P. P.

DECISION :

ANNULATION DE PIECES DE LA PRECEDUREA R R E T N
prononcé en chambre du conseil le treize novembre deux mil quatorze par Madame ISSENJOU, Président

Vu la procédure d'information suivie au Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER du chef de blanchiment : concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'importation non autorisée de stupéfiants en bande organisée ; blanchiment : aide à la justification mensongère de l'origine des biens et revenus de l'auteur d'importation non autorisée de stupéfiants en bande organisée ; importation et complicité d'importation non autorisée de stupéfiants-trafic ; transport, détention, offre ou cession, acquisition non autorisée de stupéfiants et complicité de ces même délits ; blanchiment : concours à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d'un délit de trafic de stupéfiants ; blanchiment : aide à la justification mensongère de l'origine des biens et revenus de l'auteur d'un délit de trafic de stupéfiants ; blanchiment : aide à la justification mensongère de l'origine des biens et revenus de l'auteur d'un délit puni d'une peine n'excédant pas 5 ans ; à l'encontre de :

PERSONNES MISES EN EXAMEN :
Y...Antoine né le 30/ 10/ 1977 à MONTPELLIER Fils de Louis Y... et de Victorine Z...Détenu au centre pénitentiaire de BEZIERS Mandat de dépôt du 26 juin 2014 Ayant pour avocat Me MARTIN, 11, rue de la Vieille Intendance-34000 MONTPELLIER

Y...Rocindo né le 11/ 04/ 1984 à MARSEILLE Domicilié ...-34300 AGDE Libre sous contrôle judiciaire Ayant pour avocat Me DILLY-PILLET, 230 Place Jacques Mirouze-Espace Pitot-Bât E-34000 MONTPELLIER

A...David né le 08/ 01/ 1977 à MONTPELLIER Fils de Antoine A...et de Francette B...Domicilié ...-34000 MONTPELLIER Libre sous contrôle judiciaire par Ordonnance de refus de placement en détention provisoire et placement sous contrôle judiciaire du 26 juin 2014 Ayant pour avocat Me MALGRAS, 2, rue Auguste Comte-34000 MONTPELLIER

C...Henri né le 02/ 09/ 1979 à MONTPELLIER Détenu VILLENEUVE LES MAGUELONE Mandat de dépôt du 27 juin 2014 Ayant pour avocat Me CHALIE, 27, rue de l'Aiguillerie-34000 MONTPELLIER

Q...Jean né le 05/ 05/ 1937 à MONTPELLIER Domicilié ...-34000 MONTPELLIER Libre sous contrôle judiciaire par ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 25 juin 2014 Ayant pour avocat Me TOUR, 1 rue de Verdun-34000 MONTPELLIER

D...François né le 16/ 06/ 1979 à MARTIGUES Domicilié ...-30000 NIMES Libre sous contrôle judiciaire Ayant pour avocat Me FERRI, 4, rue de la Couronne-B. P. 213-30000 NIMES

H...Jimmy né le 26/ 06/ 1988 à MONTPELLIER Domicilié chez Jessica I...-...-34000 MONTPELLIER Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 25 juin 2014 Ayant pour avocat Me GAILLARD, 11 rue Auguste Comte-34000 MONTPELLIER

H...José né le 15/ 12/ 1981 à MONTPELLIER Détenu VILLENEUVE LES MAGUELONE Mandat de dépôt du 25 juin 2014 Ayant pour avocat Me GAILLARD, 11 rue Auguste Comte-34000 MONTPELLIER

H...Toussaint né le 24/ 11/ 1981 à MONTPELLIER Domicilié ...-34300 AGDE Libre sous contrôle judiciaire Ayant pour avocat Me ABRATKIEWICZ, 48 rue Pitot-34000 MONTPELLIER

M...Jean-Pierre né le 20/ 03/ 1976 à CHAMBRAY LES TOURS Domicilié ...34000 MONTPELLIER Libre sous contrôle judiciaire par Ordonnance de placement sous contrôle judiciaire du 24 juillet 2014 sans avocat

COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats, du délibéré :

Madame ISSENJOU, Président Madame GAUBERT et Monsieur COMMEIGNES, Conseillers,

régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale.
GREFFIER : Madame CERIZOLLA lors des débats et Madame TARRISSE lors du prononcé de l'arrêt.
MINISTERE PUBLIC : Monsieur GUGLIELMI, Substitut Général lors des débats. Arrêt prononcé en présence du Ministère Public.

DEBATS

A l'audience en chambre du conseil le 30 octobre 2014, ont été entendus :
Madame ISSENJOU, Président, en son rapport
Monsieur GUGLIELMI, Substitut Général, en ses réquisitions
Maître TOUR, avocat de Monsieur Q..., et Maître FOURNIER substituant Maître CHALIE, avocat de Monsieur C..., personnes mises en examen s'en étant remis.
Maître PALIES substituant MALGRAS, avocat de Monsieur A..., personne mise en examen et qui s'en est remis.
Maître IMPERIAL et Maître MARTIN, avocats de Y...Antoine personne mise en examen et qui ont eu la parole en dernier.

RAPPEL DE LA PROCEDURE

Par requête reçue au greffe de la Chambre de l'Instruction le 01 septembre 2014, Maître MARTIN a sollicité conformément aux dispositions de l'article 173 du code de procédure pénale l'annulation de pièces de la procédure.
Par ordonnance du 09 septembre 2014, le Président de la Chambre de l'Instruction a considéré qu'il convenait de saisir la chambre et a ordonné la transmission du dossier à Monsieur le Procureur Général.
Par avis, télécopies et lettres recommandées en date du 16 septembre 2014, Monsieur le Procureur Général a notifié aux personnes mise en examen et à leurs avocats la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience.

Le dossier comprenant le réquisitoire écrit de Monsieur le Procureur Général a été déposé au greffe de la Chambre de l'Instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.

Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale.
Maître MARTIN, Avocat, a déposé au nom de Y...Antoine le 28 octobre 2014 à 10 H 05, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
Maître TOUR, Avocat, a déposé au nom de Q...Jean le 29 octobre 2014 à 10 H 55, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
La requête, régulière en la forme, est recevable ; la procédure prévue par les articles 170 à 174-1 du code de procédure pénale a été régulièrement engagée.
AU FOND
Le vingt sept novembre 2013, les policiers de la brigade des stupéfiants de Montpellier recevaient une information d'une personne désirant garder l'anonymat, portant sur un important trafic de stupéfiants depuis début 2013, à Montpellier, dont les principaux protagonistes seraient les frères H...: Jimmy, " F...", et José.
Ces derniers, issus de la communauté gitane, organiseraient sur le secteur de Montebeyrou, 1'approvisionnement et la revente d'importantes quantités de stupéfiants, particulièrement de la cocaïne, avec un de leur beau-frère. L'informateur anonyme donnait les immatriculations des véhicules utilisés ainsi que les numéros de téléphones dont il disposait pour les divers protagonistes. Il précisait que le chef du groupe semblait être le nommé " F...", qui, sans aucune activité, disposait pourtant de deux véhicules : une Renault Mégane cabriolet, et une Citroën C'2 ou C'3.
Enfin, 1'argent de ce trafic serait pris en charge par un nommé " E..." de AGDE, qui ferait transiter de fortes sommes, via un compte au nom de ses parents.
Un transport effectué sur le secteur concerné, permettait d'observer un Citroën Berlingo, ..., et un HYUNDAI Santa Fé, ...correspondant aux informations données, stationnés Rue des Pivoines et Rue le Greco, secteur " Pres d'Arène " à Montpellier. Ces véhicules appartiendraient au beau frère de " F...".
" F..." était identifié en la personne de H...Anthony né le 13/ 01/ 1991 à Montpellier ; connu des services de police pour des délits routiers et des violences. H...Anthony a été incarcéré à Nîmes pour une autre affaire de transport, détention, offre et cession de stupéfiants du 03 décembre 2013 au 2 avril 2014.
H...Jimmy est né le 26/ 06/ 1988 à Montpellier et est connu pour des infractions à la législation sur les stupéfiants en 2012 et violences en 2009. Il est également mis en cause dans un accident de la circulation, comme conducteur d'un véhicule Peugeot 405 au nom de I...Patrick.
Les recherches effectuées concernant le véhicule HYUNDAI Santa Fé immatriculé ...faisait apparaître que celui-ci appartenait à I...Jessica et devrait avoir fait l'objet d'un changement d'immatriculation depuis le 22/ 12/ 2011. Les diverses recherches auprès des organismes sociaux, révélaient que Jessica I...était déclarée mère célibataire, avec trois enfants à charge, dont le nommé H...Jimmy né le 03/ 11/ 2007.
Le travail de téléphonie permettait d'établir que les protagonistes disposaient de nombreux numéros de téléphone, non identifiés, ou en tout cas pas à leur nom. Ainsi le détenteur de la ligne no ..., donné comme étant celle de H...José, disposait également des numéros : ..., ..., .... Il " ventilait " les cartes IMSI, dans un seul boîtier No IMEI-862, méthode utilisée par les trafiquants de stupéfiants.
Les contacts pris avec la brigade anti-criminalité d'Agde confortaient les premiers éléments d'enquête, selon lesquels les nommés H...Anthony dit " F...", Jimmy et José étaient impliqués dans un trafic de stupéfiants, principalement de la cocaïne. Il apparaissait que José ait pris le relais, pendant l'incarcération d'Anthony.
Ces individus étaient, par ailleurs, en contact avec d'autres individus de la communauté gitane demeurant à Agde : H...Toussaint dit " J...", Y...Rocindo dit " E..., " et G...Patrick.
Enfin, le travail de téléphonie, révélait un voyage vers la frontière Espagnole le 29/ 12/ 2013, à partir du ..., utilisé semble-t il, par H...José, ce qui semblait confirmer une source d'approvisionnement en Espagne ou à Perpignan.
En outre, l'identification de certains interlocuteurs habituels des différentes lignes téléphoniques, usagers de
stupéfiants, ainsi que les surveillances physiques dévoilant des transactions de cocaïne, confirmaient le renseignement initial.
Le 11 février 2014, une information judiciaire était ouverte contre X des chefs de : importation, acquisition, détention, transport, offre ou cession de stupéfiants et des écoutes téléphoniques étaient mises en place sur les différentes lignes dont disposaient les enquêteurs.
Ces interceptions téléphoniques étaient particulièrement confondantes pour Y...Antoine surnommé " Folete ", " Juan " ou " petits pois ", vendeur très actif de cocaïne, son trafic pourrait être qualifié de familial : sa compagne Jessica U...s'occupe de la comptabilité et de servir les clients son absence, tout comme ses fils Chayan et Célio. Plusieurs communications démontraient que le premier pesait le produit et encaissait l'argent des clients, tandis que le second allait chercher le produit stupéfiant ou de l'argent pour son père dans diverses planques du camp des Marels. (D359 à D 452)
L'enquête de téléphonie établissait également qu'Y...Antoine ne stockait pas tout son produit ou son argent au même endroit et disposait de plusieurs nourrices : Tatiana T..., Jean Q..., Thérèse U.... À partir des communications retranscrites les policiers soupçonnait Angel ...D...demeurant Barcelone d'être son fournisseur, les livraisons s'effectuant au domicile du mis en examen.
Les interceptions téléphoniques permettait l'identification de nombreux clients dont certains étaient eux-mêmes des revendeurs : Jean-Pierre M...dit K..., Massoud W...dit L..., Emmanuel XX...dit N...et Hubert YY...dit O..., ce dernier prêtait également de fortes sommes d'argent à Antoine Y... pour acheter les stupéfiants.
Plusieurs conversations faisaient état d'importantes sommes d'argent à réunir pour l'approvisionnement (1529 : doit donner l'argent pour acheter, il a déjà 46000 ¿ mais ne veut pas aller en Espagne pour retirer 10000 ¿) d'arrivage (8 kg le 18 avril) de " nouvelle ", de travail avec les colombiens.
Devant les enquêteurs Y...Antoine ne s'exprimait que partiellement.
Devant le magistrat instructeur il faisait valoir son droit au silence. (D884)
Les investigations patrimoniales établissaient qu'un compte livret A ouvert au nom de son fils Logan U...né en 2001, avait été crédité de décembre 2011à octobre 2013 par 22 versements de 400 à 3000 ¿ d'une somme de 32135 ¿. Par ailleurs Antoine Y... avait acquis trois véhicules de marque BMW au cours de l'année 2013, alors que sans revenus professionnels déclarés il ne payait aucun impôt sur le revenu, vivant de prestations sociales.

L'exploitation de ces écoutes révélait également des liens étroits entre Y...Antoine et un certain " P..." qui sera identifié en la personne de A...David né le 8 janvier 1977 à Montpellier et déjà condamné pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, notamment le 24 janvier 2007, par la cour d'appel de Montpellier, à la peine de 4 ans d'emprisonnement pour des faits de détention, de transport, acquisition, offre ou cession de stupéfiants. Son casier judiciaire porte également la mention de deux condamnations pour détention d'arme de première ou quatrième catégorie, l'une en 1997, l'autre plus récente en décembre 2013.
Au cours d'une conversation en date du 19 avril 2014 (No 283), entre Antoine Y... et un certain " R... ", la question suivante était posée : " La came elle vient d'où, de " P..." ou de mon cousin d'Espagne qui est arrivé hier ? " Antoine Y... faisait la réponse suivante, à plusieurs reprises : " non j'ai pris à P...", puis : " j'ai pris trois kilos à P...hier ".
Antoine Y...et David A...soutenaient la même version, à savoir qu'ils se connaissaient pour avoir joué au foot ensemble, mais niaient être " en affaire pour " la cocaïne ".
***
Le casier judiciaire de Antoine Y... mentionne trois condamnations pour port d'armes prohibées, mise en circulation de fausse monnaie, et le 11 janvier 2012 pour infractions à la législation sur les stupéfiants pour des faits commis du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 en compagnie de sa compagne Jessica U.... Il se trouve donc en état de récidive légale.
*** Par déclaration en date du 1er septembre 2014, le conseil de Antoine Y... a déposé une requête en nullité portant sur les actes dressés lors de la garde à vue du mis en examen, sur l'interrogatoire de première comparution et sur l'ordonnance de placement en détention provisoire.

*** Monsieur le Procureur Général requiert le rejet de la requête mal fondée. ***

Dans son mémoire, le conseil de Antoine Y... fait valoir :

1/ s'agissant du procès verbal de notification de la garde à vue :
- que la date des infractions reprochées n'est pas conforme à celle figurant dans la commission rogatoire,- que le lieu des infractions reprochées n'est pas précisé,- que la notification effective des droits du gardé à vue fait défaut : alors qu'Antoine Y... ne sait ni lire ni écrire le français, le procès verbal de notification de garde à vue et certains autres n'indiquent pas que lecture du document lui a été faite,- que le premier conseil désigné pour assister Antoine Y... n'a pu avoir accès aux pièces qu'il était en droit d'obtenir et n'a pu s'entretenir avec le gardé à vue,- que les auditions n'ont pas fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel alors que la procédure en lecture du mandat de dépôt décerné est de nature criminelle,

2/ s'agissant de l'interrogatoire de première comparution :
- qu'il n'a pas fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel,- qu'il comporte une date des faits antérieure à celle notifiée lors de la garde à vue,

3/ s'agissant de l'ordonnance de placement en détention provisoire, du mandat de dépôt et du procès verbal de débat contradictoire :
- que les dispositions de l'article 145-1 du Code de Procédure Pénale n'ont pas été respectées dès lors que la chambre de l'instruction comme elle l'a fait dans son arrêt du 24 octobre 2014 persiste a considérer que la procédure est de nature délictuelle.
Aux termes de son mémoire le conseil de Jean Q... s'en remet à l'appréciation de la Cour.
***
SUR QUOI :
Il y a nullité lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par une disposition du Code de Procédure Pénale ou tout autre disposition de procédure pénale a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne.
La notification de la garde à vue :
Antoine Y... ne sait pas écrire le français et ne sait pas ou peu le lire.
Les procès-verbaux de ses auditions et de notification de fin de garde à vue qui mentionnent qu'il invoque ne savoir ni lire ni écrire ou encore ne pas bien savoir lire le français (D706, D 713, D 715, D 716) lui ont été relus soit par l'enquêteur soit par son conseil présent.
En revanche les mentions figurant dans le procès-verbal de notification de son placement en garde à vue (D 702) ne permettent pas de déterminer de quelle manière la lecture de ce procès-verbal est intervenue, aucune des mentions attestant de la lecture par " lui-même " ou par l'OPJ ou par " l'interprète " n'étant cochée.
En l'absence de ces indications, étant acquis que Antoine Y... ne sait à tout le moins que difficilement lire le français, il convient de considérer que ce dernier n'a pas été mis en mesure de connaître l'étendue de ses droits comme l'exige de manière impérative l'article 63-1 du Code de Procédure Pénale, cette situation lui faisant nécessairement grief.
Il en découle, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de nullité soutenus, que le procès-verbal de notification de mise en garde à vue D 702 encourt l'annulation, l'absence de notification effective des droits étant équivalente à une absence de notification des droits.
Par voie de conséquence les actes qui trouvent leur support nécessaire dans le procès verbal de notification de garde à vue vicié seront annulés.
Il en sera ainsi des procès verbaux d'audition de Antoine Y... D 706, D 713 et D 715, des procès verbaux de prolongations et fin de garde à vue D 704, D 709 et D 716, aux fins d'examens médicaux D 705, D 707, D 710, D 714, d'avis à avocat D 711, D 712.

En revanche l'annulation du procès-verbal de notification de mise en garde à vue ne saurait affecter :

1/ le procès-verbal de perquisition au domicile de Antoine Y... (D 703) effectuée dès après son interpellation en ce lieu et le procès-verbal de fouille du véhicule immatriculé BA 940 WH (D 708).
En effet, la perquisition et la fouille trouvent leur support dans les commissions rogatoires délivrées ; elles n'exigent pas le placement en garde à vue de la personne soupçonnée, elles auraient en toute hypothèse été effectuées et ne peuvent en conséquence être affectées par la situation de garde à vue irrégulière dès lors que cette mesure n'en a pas été le préalable nécessaire. 2/ l'interrogatoire de première comparution (D 884) lors duquel Antoine Y... a fait valoir son droit de se taire, de sorte qu'aucune référence à ses précédentes auditions n'y est faite, sa mise en examen des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, de blanchiment, de justification mensongère de ressources liées à un trafic de stupéfiants reposant sur des indices et éléments autres que ses déclarations recueillies au cours de la garde à vue, en l'espèce notamment les surveillances téléphoniques (D 359 à D 452) dont une synthèse est rapportée dans le procès verbal D 359, les investigations menées sur son patrimoine et celui de sa compagne (D 727) ou encore les mises en cause dont il fait l'objet en particulier de la part de François D...(D 649).

Le conseil de Antoine Y... soutient toutefois que l'interrogatoire de première comparution serait en tout état de cause nul en raison, au regard de la nature criminelle des faits poursuivis, de l'absence d'enregistrement audiovisuel et de la notification de faits durant une période non comprise dans la saisine du juge.

L'interrogatoire de première comparution :

1/ Initialement saisi sur la base d'un réquisitoire introductif en date du 11 février 2014 des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, infractions commises du 27 novembre 2013 au 10 février 2014 (D 22), le magistrat instructeur a vu sa saisine élargie ensuite de réquisitions supplétives prises les 2 et 20 juin 2014 (D 108, D 110 et D 112), de sorte qu'il s'est trouvé saisi d'infractions à la législation sur les stupéfiants, de blanchiment, de justification mensongère de ressources liées à un trafic de stupéfiants et d'aide à la justification mensongère de l'origine des biens ou revenus de l'auteur d'un délit, infractions commises, pour certaines en état de récidive légale, entre le 1er juillet 2011 et le 20 juin 2014.

C'est donc en respectant les contours de sa saisine que le juge d'instruction a notifié à Antoine Y... sa mise en examen pour les infractions susvisées commises entre le 1er juillet 2011 et le 20 juin 2014.
2/ Le conseil de Antoine Y... estime que la procédure ouverte à l'encontre de ce dernier est de nature criminelle, l'ordonnance de mise en détention provisoire se référant à une peine criminelle et le mandat de dépôt visant une procédure criminelle.
Il a été notifié à Antoine Y... sa mise en examen des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, de blanchiment, de justification mensongère de ressources liées à un trafic de stupéfiants et d'aide à la justification mensongère de l'origine des biens ou revenus de l'auteur d'un délit.
Les qualifications développées de ces infractions qui sont énumérées dans l'interrogatoire de première comparution (D 884) et qui sont des qualifications correctionnelles n'énoncent pas la circonstance aggravante d'infractions commises en bande organisée seule susceptible de conférer à la procédure une nature criminelle.

Antoine Y... qui était assisté lors de son interrogatoire de première comparution de son conseil n'a pu en conséquence se méprendre sur l'étendue et la nature de sa mise en examen, l'indication surabondante dans les textes applicables de l'alinéa 2 de l'article 222-36 du Code pénal ne pouvant lui causer grief.
De la sorte, la procédure suivie contre Antoine Y... étant de nature correctionnelle, l'article 116-1 du Code de Procédure Pénale dont se prévaut le conseil du mis en examen et qui impose en matière criminelle l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des personnes mises en examen y compris l'interrogatoire de première comparution et des confrontations, ne peut trouver à s'appliquer.
Les moyens de nullité soutenus seront donc écartés.

L'ordonnance de placement en détention provisoire, le mandat de dépôt, l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire :

Les dispositions des trois premiers alinéas de l'article 173 du Code de Procédure Pénale ne s'appliquent pas aux actes de procédure susceptibles d'appel et notamment aux décisions concernant la détention provisoire de sorte que l'ordonnance de mise en détention provisoire et le mandat de dépôt qui fait corps avec celle-ci, tout comme l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire ne peuvent faire l'objet d'une requête en nullité, cette impossibilité s'étendant nécessairement aux actes (ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention, procès verbal de débat contradictoire) qui sont obligatoirement prescrits par le Code de Procédure Pénale comme devant précéder la délivrance des titres de détention.
Les moyens de nullité de ces pièces sont donc irrecevables.
***
La chambre de l'instruction constate l'absence dans le dossier de la procédure arrêtée à la cote D 1057 d'autres causes de nullité.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 170 à 174-1, 194 à 200, 201, 206, 216, 217 et 802 du code de procédure pénale ;
EN LA FORME
Déclare recevable la requête en nullité présentée par Maître IMPERIAL avocat substituant Maître MARTIN, avocat de Antoine Y....
AU FOND
Vu la procédure dont la dernière pièce est D 1057,
Déclare irrecevables les moyens tirés de la nullité de l'ordonnance de placement en détention provisoire, du mandat de dépôt, de l'ordonnance de saisine du juge des libertés et de la détention, du procès verbal de débat contradictoire, de l'ordonnance de prolongation de la détention provisoire.
Rejette comme mal fondés les moyens tirés de la nullité de l'interrogatoire de première comparution.
Dit fondé le moyen tiré de la nullité de la notification du placement en garde à vue d'Antoine Y..., cote D 702.

Constate la nullité et prononce la nullité des actes cotés D 702, D 706, D 713 et D 715 (procès verbaux d'audition de Antoine Y...), D 704, D 709 et D 716 (procès verbaux de prolongations et fin de garde à vue), D 705, D 707, D 710 et D 714 (procès verbaux aux fins d'examens médicaux), D 711 et D 712 (avis à avocat).

Ordonne le retrait de ces pièces du dossier de la procédure et son classement au greffe de la Cour.
Ordonne le retour de la procédure au magistrat instructeur qui en est saisi.
DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le PROCUREUR GENERAL. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : Chambre de l'instruction
Numéro d'arrêt : 14/00863
Date de la décision : 13/11/2014

Analyses

1) L'annulation du procès-verbal de notification de mise en garde à vue n'entraîne que celle des actes dont il est le support, tels que les procès verbaux d'audition, de prolongations et fin de garde à vue, les requêtes aux fins d'examens médicaux. En revanche, les procès verbaux de perquisition et de fouille, qui trouvent leur support dans les commissions rogatoires délivrées, n'exigent pas le placement en garde à vue de la personne soupçonnée, et auraient en toute hypothèse été effectuées, ne peuvent être affectées par la situation de garde à vue irrégulière dès lors que cette mesure n'en a pas été le préalable nécessaire. N'est pas davantage affecté l'interrogatoire de première comparution dès lors que l'intéressé ayant fait valoir son droit de se taire, aucune référence à ses précédentes auditions n'y est faite, et que sa mise en examen repose sur des indices et éléments autres que ses déclarations recueillies au cours de la garde à vue, tels que surveillances téléphoniques, investigations patrimoniales et mises en cause par des tiers. 2/ Les qualifications des infractions notifiées lors de la mise en examen étant toutes correctionnelles, le seul visa erroné dans l'ordonnance de mise en détention provisoire et le mandat de dépôt d'une procédure criminelle n'a pas causé de grief à l'intéressé qui, étant assisté d'un conseil lors de son interrogatoire de première comparution n'a pas pu se méprendre sur l'étendue et la nature de sa mise en examen. Ainsi, la procédure étant de nature correctionnelle, l'article 116-1 du Code de Procédure Pénale imposant l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires des personnes mises en examen ne peut trouver à s'appliquer.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2014-11-13;14.00863 ?
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