COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
CHAMBRE DE L'INSTRUCTION
DU 06 novembre 2014
N 2014/ 00163
APPEL D'UNE ORDONNANCE D'IRRECEVABILITE DE CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE
DECISION :
INFIRMATION
A R R E T N
prononcé en chambre du conseil le six novembre deux mil quatorze par Madame ISSENJOU, Président
PARTIES EN CAUSE :
Vu l'information suivie au Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER contre :
X
du chef de escroquerie, recel de bien obtenu à l'aide d'une escroquerie
PARTIE CIVILE :
X...Sandra
...-75017 PARIS
Ayant pour avocat Me LAFARGE, 41 rue des Acacias-75017 PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt :
Madame ISSENJOU, Président
Madame GAUBERT et Monsieur COMMEIGNES, Conseillers
régulièrement désignés conformément à l'article 191 du code de procédure pénale.
GREFFIER : Madame CERIZOLLA et Mademoiselle MERIDJEN lors des débats et Madame CERIZOLLA lors du prononcé de l'arrêt.
MINISTERE PUBLIC : Monsieur GUGLIELMI, Substitut Général lors des débats.
Arrêt prononcé en présence du Ministère Public.
DEBATS
A l'audience, en chambre du conseil le 02 octobre 2014, ont été entendus :
Madame ISSENJOU, président, en son rapport
Monsieur GUGLIELMI, Substitut Général, en ses réquisitions
Maître DUMENIL substituant Maître LAFARGE, avocat de la partie civile.
RAPPEL DE LA PROCEDURE
Par ordonnance en date du 30 janvier 2014 l'un des juges d'instruction du Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de Sandra X....
Par lettre recommandée du 31 janvier 2014, avis a été donné à la partie civile et à son avocat.
Le 06 février 2014, Maître SALVIGNOL substituant Maître LAFARGE, avocat de la partie civile a interjeté appel de cette ordonnance au greffe du tribunal.
Par avis, télécopie et lettre recommandée en date du 19 août 2014, Monsieur le Procureur Général a notifié à la partie civile et à son avocat la date à laquelle l'affaire serait appelée à l'audience.
Le dossier comprenant le réquisitoire écrit de Monsieur le Procureur Général a été déposé au greffe de la Chambre de l'Instruction et tenu à la disposition des avocats des parties.
Il a été ainsi satisfait aux formes et délais prescrits par les articles 194 et 197 du code de procédure pénale.
Maître LAFARGE, Avocat, a déposé par télécopie au nom de Sandra X...le 1ER octobre 2014 à 16H11, au greffe de la Chambre de l'Instruction un mémoire visé par le greffier et communiqué au Ministère Public.
DECISION
prise après en avoir délibéré conformément à la loi ;
EN LA FORME
Cet appel, régulier en la forme, a été interjeté dans le délai de l'article 186 du code de procédure pénale ; il est donc recevable.
AU FOND
Le 12 février 2012 le Procureur de la République du Tribunal de grande instance de Montpellier requérait l'ouverture d'une information des chefs d'escroqueries au préjudice du Crédit Mutuel, au préjudice d'Antonio A..., d'escroqueries par recours à de la cavalerie, de recel d'escroqueries en visant :
1/ la plainte du Crédit Mutuel de Sète en date du 18 mai 2011,
2/ les procès verbaux 11-1381 de la Section de Recherches de Montpellier, la plainte d'Antonio A...du 23 août 2011,
3/ la note d'information TRACFIN du 9 novembre 2011.
1/ Dans sa plainte le Crédit Mutuel de Sète qui s'estimait victime d'escroqueries relatait qu'il avait consenti à Monsieur Cédric B...commerçant exploitant un tabac-PMU, entre le mois d'août 2009 et le mois de mars 2010 divers prêts personnels et professionnels.
Or un contrôle comptable avait mis en évidence :
- que Monsieur B...avait bénéficié de nombreux prêts sans établissement de dossiers et contrats,
- que des proches de Monsieur B...avaient également bénéficié de prêts en l'absence de contrat ou encore sur la base de contrats s'apparentant à des faux.
Le Crédit Mutuel de Sète joignait à sa plainte tous documents établissant les listes des dossiers de prêts supportant vraisemblablement de fausses signatures et des prêts consentis sans contrat.
2/ Les investigations menées en la forme préliminaire par la Section de Recherches de Montpellier permettaient de confirmer la réalité des faits dénoncés par le Crédit Mutuel de Sète, Monsieur B...reconnaissant d'ailleurs sa responsabilité dans ces faits : avec la complicité de son chargé de clientèle, des techniques avaient été mises en place afin que, sur la base de dossiers constitués à des noms fictifs ou aux noms de personnes de son entourage, il obtienne des fonds dès lors versés sur ses divers comptes.
3/ Le 9 novembre 2011, la cellule TRACFIN dénonçait au Procureur de la République de Montpellier des opérations bancaires douteuses réalisées par les époux B..., titulaires de nombreux comptes ouverts à titre personnel et professionnel auprès d'établissements bancaires et d'établissements de crédit, ces opérations ne semblant avoir aucune justification économique.
TRACFIN se référait également à l'octroi de crédits immobiliers et personnels frauduleux (émission de faux documents, ouverture de comptes fictifs...).
TRACFIN suspectait au surplus au regard de l'examen de toutes ces opérations un exercice illégal de la profession de banquier et un éventuel circuit de blanchiment de contrebande de cigarettes.
***
Les documents joints à ces plainte, procédure et rapport synthétisaient toutes les opérations douteuses et désignaient les identités des personnes au nom desquelles elles avaient été réalisées.
***
Au cours de l'information le Crédit Mutuel de Sète, Monsieur A..., Monsieur et Madame Bernard B...Messieurs D...et E...étaient admis en leur constitution de partie civile.
***
Le 7 novembre 2013 Madame Sandra X..., qui se référait à son audition réalisée le 18 octobre 2013 par les enquêteurs agissant sur commission rogatoire se constituait partie civile.
Sur réquisitions conformes du Procureur de la République, le juge d'instruction rendait le 20 janvier 2014 une ordonnance d'irrecevabilité de cette constitution de partie civile au motif que le réquisitoire introductif ne vise que deux parties civiles, que l'état d'avancement du dossier ne permettait pas d'apprécier l'opportunité d'éventuelles réquisitions supplétives et que cette constitution de partie civile était prématurée.
Cette ordonnance était déférée à la Cour selon acte d'appel du 6 février 2014.
Monsieur le Procureur Général requiert qu'il plaise à la chambre de l'instruction :
- infirmer l'ordonnance,
- renvoyer le dossier au juge d'instruction pour être complété par l'audition de témoin de madame Sandra X..., puis communiqué au procureur de la république aux fins de nouvelles réquisitions sur sa recevabilité comme partie civile et si nécessaire d'une nouvelle ordonnance se prononçant sur celle-ci.
Dans son mémoire tendant à l'infirmation de l'ordonnance entreprise et à la recevabilité de la constitution de partie civile de Madame X..., le conseil de cette dernière fait valoir :
- que le juge d'instruction est saisi in rem par le réquisitoire introductif qui inclut les faits pour lesquels Madame X...souhaite se constituer partie civile,
- que Madame X...a été entendue sur commission rogatoire du juge d'instruction et a remis copie de l'audit réalisée par la banque, les faits dont elle est victime étant englobés dans la saisine du juge d'instruction de sorte qu'aucune réquisition supplétive ne s'impose,
- qu'il n'existe pas de constitution de partie civile prématurée.
SUR QUOI :
Les faits visés au réquisitoire introductif ont saisi le juge d'instruction d'escroqueries au préjudice du Crédit Mutuel, au préjudice de Antonio A...ainsi que d'escroqueries par recours à de la cavalerie, de recel d'escroqueries, dans un contexte, au regard des documents versés par la banque, du contenu de la procédure dressée par la Section de Recherches de Montpellier et des termes de la dénonciation de TRACFIN, de diverses malversations relevant d'opérations de cavalerie accompagnées de la rédaction de faux documents bancaires souscrits au nom de particuliers.
Ces pièces en outre font apparaître, entre autres, des opérations douteuses réalisées sous le nom de Sandra X..., l'audit du Crédit Mutuel de Sète relevant à cet égard des anomalies quant à la signature portée sur différents actes, signature au demeurant non conforme à celle figurant sur les documents d'identité de Madame X...(D 15 page 5/ 8).
C'est donc de manière erronée que le juge d'instruction, saisi in rem conformément aux dispositions de l'article 80 du Code de Procédure Pénale, a estimé sa saisine limitée aux seuls faits commis au préjudice du Crédit Mutuel de Sète et de Monsieur A...et c'est sans fondement qu'il a évoqué l'éventuelle opportunité de réquisitions supplétives visant à inclure les faits objet de la constitution de partie civile de Madame X...qui n'ont pas lieu d'être.
L'article 2 du Code de Procédure Pénale énonce : " l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ".
Pour qu'une constitution de partie civile soit recevable devant la juridiction d'instruction, il suffit que les circonstances sur lesquelles elle s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et la relation directe de celui-ci avec une infraction à la loi pénale.
Au cas d'espèce ces conditions sont remplies, sans qu'il y ait lieu de disposer de l'audition de Madame Sandra X..., les éléments compris dans la saisine du juge d'instruction induisant l'existence du préjudice allégué par celle-ci en lien avec les infractions visées au réquisitoire introductif.
L'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée et la constitution de partie civile de Madame Sandra X...déclarée recevable.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant en chambre du conseil, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu les articles 2, 87, 183, 184, 185, 186, 194 à 200, 207, 212 à 216, 217 et 801 du code de procédure pénale ;
EN LA FORME
Déclare l'appel recevable.
AU FOND
Le dit fondé.
Infirme l'ordonnance déférée.
Déclare recevable la constitution de partie civile de Madame Sandra X....
Ordonne le retour du dossier au juge d'instruction saisi pour poursuivre l'information.
DIT que le présent arrêt sera exécuté à la diligence de Monsieur le PROCUREUR GENERAL.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,