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20/03/2014 | FRANCE | N°13/00888

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3ème chambre correctionnelle, 20 mars 2014, 13/00888


CA Montpellier 3ème chambre correctionnelle, 20 mars 2014 RG 13/00888

Doivent être considérés comme des travailleurs indépensants et non des salariés deux personnes qui travaillent sous statut d'auto entrepreneurs dans un chalet de Noël, l'une se faisant prendre en photo sous un déguisement de Père Noël, l'autre les présentant sur ordinateur pour les vendre, dès lors qu'aucun élément ne démontre en quoi ils étaient soumis à un lien de subordination ou de dépendance économique à l'égard du propriétaire du chalet, qu'ils ont établi des devis puis des factures et fi

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CA Montpellier 3ème chambre correctionnelle, 20 mars 2014 RG 13/00888

Doivent être considérés comme des travailleurs indépensants et non des salariés deux personnes qui travaillent sous statut d'auto entrepreneurs dans un chalet de Noël, l'une se faisant prendre en photo sous un déguisement de Père Noël, l'autre les présentant sur ordinateur pour les vendre, dès lors qu'aucun élément ne démontre en quoi ils étaient soumis à un lien de subordination ou de dépendance économique à l'égard du propriétaire du chalet, qu'ils ont établi des devis puis des factures et fixé eux-mêmes leurs tarifs et leurs horaires et ne faisaient qu'exécuter une prestation qui est le c¿ur de leur activité axée sur la vente, de sorte que le délit de travail dissimulé défini par l'article L8221-1 du code du travail n'est pas constitué.

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 3ème CHAMBRE CORRECTIONNELLE

ARRET No

DU 20/03/2014

DOSSIER 13/00888

GN/NC

prononcé publiquement le Jeudi vingt mars deux mille quatorze, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Madame DE TALANCE, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.

et assisté du greffier : Madame BOURBOUSSON

qui ont signé le présent arrêt

en présence du ministère public près la Cour d'Appel

sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de CARCASSONNE du 17 AVRIL 2013

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Madame DE TALANCE

Conseillers : Madame BRESDIN Madame CHAPON

présents lors des débats :

Ministère public : Monsieur DEVILLE

Greffier : Madame BOURBOUSSON

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

PREVENUE

S.A.R.L. STUDIO MEDIA AUDE SYSTEME 4 Rue Frédéric Mistral - 11000 CARCASSONNE Prévenue, appelante

Non comparante

Représentée par Maître TRILLES Olivier, avocat au barreau de CARCASSONNE muni d'un pouvoir

LE MINISTERE PUBLIC, appelant

RAPPEL DE LA PROCEDURE :

Par jugement contradictoire du 17 avril 2013 le Tribunal correctionnel de CARCASSONNE saisi par citation directe, a :

Sur l'action publique : déclaré S.A.R.L. STUDIO MEDIA AUDE SYSTEME représentée par Y... Gilbert coupable :

* d'avoir à CARCASSONNE (Aude), courant décembre 2010, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription, étant employeur de Z... Isabelle et A... Philippe, omis intentionnellement de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche et omis intentionnellement de remettre un bulletin de paie lors du paiement de la rémunération;

infraction prévue par ART.L.8224-5, ART.L.8224-1, ART.L.8221-1 AL.l 1o, ART.L.8221-3, ART.L.8221-4, ART.L.822l-5 C.TRAVAIL. ART.121-2 C.PENAL. et réprimée par ART.L.8224-5, ART.L.8224-1 C.TRAVAIL. ART.131-38,ART.13l-39 1o,2o,3o,4o,5o,8o,9o C.PENAL.

et en répression, l'a condamnée à une amende de 500 euros.

APPELS :

Par déclaration au greffe le 18 avril 2013 la prévenue a interjeté appel à titre principal des dispositions pénales de ce jugement.

Le ministère public a formé appel incident le même jour.

DEROULEMENT DES DEBATS :

A l'appel de la cause à l'audience publique du 23 JANVIER 2014, Madame la Présidente a donné lecture de l'identité de la prévenue et constaté son absence.

Madame CHAPON, Conseillère, a fait le rapport prescrit par l'article 513 du code de procédure pénale.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.

Maître TRILLES pour la prévenue est entendue en sa plaidoirie. Elle dépose des conclusions, lesquelles ont été visées par la présidente et la greffière, mentionnées par cette dernière aux notes d'audience et jointes au dossier

A l'issue des débats, la Cour a mis l'affaire en délibéré et Madame la Présidente a averti les parties que l'arrêt serait prononcé le 20 MARS 2014.

RAPPEL DES FAITS

Un procès-verbal était dressé le 05-05-2011 par un inspecteur agréé de l'URSSAF à l'encontre de Gisèle B... gérante de la SARL STUDIO MEDIA AUDE SYSTEM (STUDIO MAS) dans le cadre d'une opération de contrôle des chalets de Noël, à Carcassonne, réalisée le 15-12-2010.

Trois personnes officiaient sur place:

Isabelle Z... montrait des photos à des clients sur ordinateur. Elle déclarait avoir, dans ce chalet, une activité de vendeuse depuis le 04-12-2010 et exercer, par ailleurs, sous le statut d'auto-entrepreneur, depuis le 24-04-2010, une activité de vente de produits cosmétiques ambulante. C'est sous ce statut indépendant donc sans contrat de travail qu'elle prétendait travailler dans le chalet le jour du contrôle.

Philippe A..., déguisé en Père Noël, discutait avec des passants. Il prétendait être venu donner un coup de main à Gilbert Y..., lui aussi, exerçant sous le statut d'auto-entrepreneur. Il précisait que son entreprise avait pour objet la vente de produit de solderie, depuis le 01-12-2010 et exercer dans un magasin à Narbonne.

Gilbert D..., équipé d'un appareil photo, discutait avec des clients. Il déclarait être le responsable du chalet. Selon lui, les deux personnes à ses côtés n'étaient pas salariées mais exerçaient sous le statut d'auto-entrepreneurs, de manière indépendante, ces prestations de service étant facturées selon devis. Il niait toute fraude.

Sa compagne Gisèle B..., officiellement gérante de la SARL depuis 1999, déclarait n'en être que le prête-nom.

Le conseil de la société, par courrier, développait la thèse de l'absence de travail dissimulé, de l'absence de tout lien de subordination pour deux prestations ponctuelles par deux auto-entrepreneurs, inscrits au registre des entreprises et établissements (SIRENE). Il était joint au document, les devis et factures, les justificatifs des inscriptions sous les No SIREN, outre un compte de résultat pour l'année 2010 faisant apparaître une rubrique « sous-traitance générale ».

Le contrôleur vérifiait, par la suite, la base de données de son administration et constatait que les personnes en question n'étaient pas déclarées et que la déclaration annuelle des salaires n'avait pas non plus été faite.

Il analysait l'activité comme un travail dissimulé selon l'article L8221-1 du code du travail. Selon lui, la personne physique gérante, à savoir, Gisèle B..., était pénalement responsable ainsi que la personne morale.

Le travail dissimulé serait constitué par le fait:

- d'avoir employé ces deux personnes pour échapper au paiement des cotisations sociales, étant précisé que la SARL n'était pas non plus à jour au regard de ses cotisations et qu'elle aurait dû procéder à la déclaration préalable à l'embauche et délivrer des bulletins de paye.

- de dissimuler la fraude sous le statut d'auto-entrepreneur alors que les personnes employées avaient une activité sans rapport avec celle exercée pour le compte de la SARL contrôlée.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le ministère public requiert la confirmation de la décision.

La SARL STUDIO MEDIA AUDE SYSTEM (STUDIO MAS), représentée par son conseil, soutient des conclusions de relaxe en raison de l'absence d'élément matériel constitutif de l'infraction. Elle développe sur ce point que les prétendus salariés sont auto-entrepreneurs, régulièrement inscrits, ayant fourni une prestation de service dont l'objet était d'attirer le client; que ces activités, très ponctuelles, ont été payées sur factures précédées de devis; qu'en outre, il n'a existé ni lien de subordination ni dépendance économique, les prestataires exerçant librement, sans recevoir de directives. Subsidiairement, il est soulevé l'absence d'élément intentionnel, M. Y... n'ayant pas eu conscience que ces relations contractuelles pouvaient s'analyser en contrats de travail ni la volonté de dissimuler quoi que ce soit, ces prestations figurant au bilan.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité

Les appels sont réguliers pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux.

Sur le fond

Selon l'article L8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1o Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ; 2o Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Il est reproché en l'espèce à la SARL STUDIO MAS d'avoir embauché deux personnes, pour exercer une activité ponctuelle sur un marché de Noël, sans la déclaration préalable à l'embauche et sans délivrance de bulletins de paye et ce, dans l'intention d'échapper au paiement des cotisations sociales.

L'inspection du travail était tenue, pour voir le délit caractérisé, de démontrer l'existence d'un contrat de travail, outre l'intention frauduleuse.

Sur le premier point, la cour rappelle que l'existence d'un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la qualification donnée mais des conditions de fait dans lesquelles le travail est exécuté.

Le salarié est celui qui exécute son travail dans un lien de subordination juridique permanente, par rapport à un employeur qui lui donne des ordres, le contrôle et le sanctionne, s'il y a lieu, ainsi que de dépendance économique, critère selon lequel c'est l'employeur qui détermine le salaire, la durée de l'emploi, les conditions d'exercice etc...

L'employeur qui recourt aux service d'un tiers doit vérifier la régularité de sa situation au regard de ses obligations sociales et fiscales.

En l'espèce, les deux personnes qui s'activaient sur le marché, Philippe A... et Isabelle Z..., n'étaient pas demandeurs d'emploi et avaient leur propre activité.

En effet, il est établi par les pièce qu'ils ont produites, qu'ils étaient, au moment des faits, régulièrement inscrits au registre SIRENE, Isabelle Z... depuis le 28-04-2010 et Philippe A... depuis le 01-12-2010 sous le statut d'auto-entrepreneur.

L'auto-entreprise se définit comme un contrat de louage d'ouvrage ou d'entreprise . Selon l'article 1710 du code civil, une personne s'engage à faire quelque chose pour une autre moyennant un prix convenu entre les parties.

Il appartient au ministère public de renverser la présomption de régularité d'un exercice sous ce statut.

L'inspecteur du travail s'est contenté d'affirmer que cet exercice était irrégulier en constatant l'absence de déclaration préalable à l'embauche et de paiement des cotisations et relevant comme circonstance de fait que ces deux personnes avaient une activité, comme auto-entrepreneurs sans rapport avec celle exercée pour le compte de la SARL contrôlée.

Nulle analyse ne vient étayer cette affirmation.

Effectivement, Isabelle Z... et Philippe A... dont l'activité déclarée est de vendeur ambulant ou en magasin n'étaient pas directement occupés à vendre mais plutôt à attirer le chaland.

L'objectif était tout de même bien proche puis qu'il s'agissait de faire photographier le passant par M. Y... et de lui faire acheter les photos. Ces activités sont parfaitement complémentaires. Il en aurait été autrement si par exemple ils avaient été menuisier ou coiffeur et avaient dépensé leur énergie et leur bagout à attirer le chaland vers le photographe.

Selon le premier juge, ils seraient insérés dans un lien de dépendance dans l'organisation de leur travail.

Le tribunal confond dépendance économique et subordination.

En l'espèce, aucun élément du dossier ne décrit la manière dont ils exerçaient leur activité ni s'ils étaient sous les ordres de M. Y... et, donc, ne vient démontrer en quoi ils étaient soumis à un lien de subordination ou de dépendance économique.

La cour retiendra au contraire qu'ils ont établi des devis puis des factures et, sauf preuve contraire qui n'est nullement rapportée, qu'ils ont fixé eux-mêmes leurs tarifs. Rien n'est non plus précisé sur leurs horaires qu'ils ont pu librement fixer dans leurs devis. Quant à leur rémunération elle est prévue également par eux.

Devant le contrôleur, Isabelle Z... déclarait n'avoir pas établi de devis ni discuté de sa rémunération. Il n'en demeure pas moins qu'un devis figure au dossier de son conseil et que rien ne vient démontrer qu'il a été établi pour les besoins de la cause. Il est complété par une facture du 31-12-2010.

Quant à Philippe A..., il est venu le jour même, pour dépanner, selon ses déclarations et a présenté un devis du 13-12-2010, acquitté.

Quant au dernier élément matériel dont le tribunal a cru pouvoir tirer des conséquences à savoir qu'ils n'avaient pas d'apport de matériel particulier en lien avec leur activité personnelle d'auto-entrepreneurs, se limitant à une prestation de travail, il est inopérant dès lors que ces deux personnes effectuaient justement une prestation ce qui est le c¿ur de leur activité axée sur la vente.

S'agissant de l'élément intentionnel, il n'est pas démontré : la SARL STUDIO MAS fait figurer dans ces comptes des prestations autres que les siennes propres.

C'est donc à tort que le tribunal est entré en voie de condamnation.

Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et la société appelante relaxée sans peine ni dépens.

PAR CES MOTIFS,

La COUR, statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi,

SUR LA FORME

Reçoit les appels de la société prévenue et du ministère public.

SUR LE FOND

Infirme le jugement du tribunal correctionnel de Carcassonne en date du 17 avril 2013 en toutes ses dispositions.

ET STATUANT A NOUVEAU :

Renvoie la SARL STUDIO MEDIA AUDE SYSTEM des fins de la poursuite.

Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du Code de Procédure Pénale.

Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an susdits ; le présent arrêt a été signé par la Présidente et le Greffier présents lors de son prononcé.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3ème chambre correctionnelle
Numéro d'arrêt : 13/00888
Date de la décision : 20/03/2014

Analyses

Doivent être considérés comme des travailleurs indépensants et non des salariés deux personnes qui travaillent sous statut d'auto entrepreneurs dans un chalet de Noël, l'une se faisant prendre en photo sous un déguisement de Père Noël, l'autre les présentant sur ordinateur pour les vendre, dès lors qu'aucun élément ne démontre en quoi ils étaient soumis à un lien de subordination ou de dépendance économique à l'égard du propriétaire du chalet, qu'ils ont établi des devis puis des factures et fixé eux-mêmes leurs tarifs et leurs horaires et ne faisaient qu'exécuter une prestation qui est le c¿ur de leur activité axée sur la vente, de sorte que le délit de travail dissimulé défini par l'article L8221-1 du code du travail n'est pas constitué.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Carcassonne, 17 avril 2013


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2014-03-20;13.00888 ?
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