Grosse + copie délivrées le à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 18 JUIN 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02752
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 MARS 2012 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER No RG 2009010467
APPELANTE :
BANQUE POPULAIRE DU SUD SOCIETE ANONYME COOPERATIVE prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domicilies ès qualités audit siège 38 boulevard Clémenceau 66000 PERPIGNAN représentée par la SCP CALAUDI/ BEAUREGARD/ MOLINIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants assistée de Me Muriel GASTON, avocat au barreau de MONTPELLIER loco la SCP CALAUDI BEAUREGARD MOLINIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
INTIME :
Monsieur Patrick Y...né le 31 Décembre 1968 à SÈTE (34200) de nationalité Française ...... 34270 CLARET représenté par la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants assisté de Me Arnaud JULIEN, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 23 Avril 2013
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 MAI 2013, en audience publique, Monsieur Daniel BACHASSON, président, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, président Monsieur Hervé CHASSERY, conseiller Monsieur Jean-Luc PROUZAT, conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE ¿ MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
M. Y...s'est porté caution solidaire des engagements de la société à responsabilité limitée Patrick Y...(la société Patrick Y...), dont il était l'unique associé et le dirigeant, envers la Banque populaire du Sud (la banque) :
- par acte du 10 janvier 2003 dans la limite de 22 700 euros au titre d'un prêt professionnel de 35 000 euros,
- par acte du 4 août 2006 dans la limite de 400 000 euros et pour une durée de cinq ans, pour tous les engagements de la société envers la banque,
- par acte du 9 août 2007 dans la limite de 50 % de l'encours d'un prêt d'équipement de 200 000 euros.
La société Patrick Y...ayant été placée, sur déclaration de son état de cessation des paiements, en redressement judiciaire le 23 juin 2008 (elle fera l'objet d'un plan de cession de ses actifs le 3 avril 2009 et d'une procédure de liquidation judiciaire le 24 juillet 2009), la banque a déclaré sa créance le 28 août 2008 et a vainement mis en demeure, le 7 avril 2009, la caution de s'exécuter.
Selon exploit du 23 juin 2009, la banque a fait assigner M. Y...devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement de :
-1 800, 84 euros avec intérêts au taux de 4, 30 % sur la somme de 1 616, 31 euros à compter du 16 avril 2009 et au taux légal à compter du 7 avril 2009 sur la somme de 129, 30 euros,
-400 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2009,
-103 799, 73 euros avec intérêts au taux de 6, 10 % sur la somme de 92 129 euros à compter du 16 avril 2009 et au taux légal à compter du 7 avril 2009 sur la somme de 7 370, 32 euros,
-3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le bénéfice des articles 1254 et 1154 du code civil.
Par jugement contradictoire du 12 mars 2012, le tribunal a :
- déclaré nul la cautionnement du 4 août 2006,
- condamné M. Y...à payer à la banque :
* 103 799, 73 euros avec intérêts au taux de 6, 10 % sur la somme de 92 129 euros à compter du 16 avril 2009 et au taux légal à compter du 7 avril 2009 sur la somme de 7 370, 32 euros,
* 1 800, 84 euros avec intérêts au taux de 4, 30 % sur la somme de 1 616, 31 euros à compter du 16 avril 2009 et au taux légal à compter du 7 avril 2009 sur la somme de 129, 30 euros,
avec application des articles 1254 et 1154 du code civil,
- rejeté les demandes au titre des frais irrépétibles et condamné chaque partie à la moitié des dépens.
* ** *
La banque a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de :
- son infirmation en ce qu'il a annulé le cautionnement du 4 août 2006,
- sa confirmation pour le surplus,
demandant à la cour de faire droit à ses demandes initiales, de lui allouer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. Y...aux dépens de première instance et d'appel.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le premier juge a annulé l'engagement de caution du 4 août 2006, alors que les dispositions des articles L. 341-1 et suivants du code de la consommation n'ont pas eu pour effet de rendre nuls les engagements dits « omnibus » et qu'en outre, ce cautionnement avait un objet déterminé conformément aux dispositions de l'article 1129 du code civil,
- M. Y..., dirigeant de la société Patrick Y...depuis sa création en 1988 et gérant de deux SCI, est une caution avertie,
- les crédits dont a bénéficié la société Patrick Y...ne sont pas fautifs, et elle n'a pas agi par fraude, ni ne s'est immiscée dans les affaires de son client, ni n'a exigé des garanties disproportionnées.
* ** *
M. Y...a conclu à l'infirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré nul le cautionnement du 4 août 2006 et en ce qu'il l'a condamné à payer à la banque la somme de 1 800, 48 euros au titre du prêt souscrit le 18 septembre 2003, demandant à la cour :
- à titre principal, d'ordonner avant dire droit une mesure d'instruction sur la situation comptable et financière de la société Patrick Y...,
- à titre subsidiaire,
* de dire que la banque engage sa responsabilité dans l'octroi des concours accordés à la société Patrick Y...sur le fondement de l'article L. 650-1 du code de commerce,
* d'annuler le cautionnement omnibus du 4 août 2006 et celui du 9 août 2007,
* de dire que la banque a commis des fautes dans l'octroi des concours de nature à engager sa responsabilité à concurrence des sommes qu'elle lui réclame en tant que caution,
* de dire qu'il sera déchargé des cautionnements des 4 août 2006 et 9 août 2007,
* de débouter la banque de toutes ses demandes,
* de lui allouer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que :
- l'objet du cautionnement du 4 août 2006 n'est ni déterminé ni déterminable puisque son étendue porte sur des obligations dont la liste n'est pas limitative,
- les concours octroyés par la banque ont été fautifs et de nature à engager sa responsabilité au sens de l'article L. 650-1 du code de commerce, lequel est applicable s'agissant d'une exception inhérente à la dette de la caution,
- les fautes de la banque consistent :
* dans la fraude caractérisée par le fait d'avoir laissé fonctionner le compte de la société au-delà du découvert autorisé et de lui avoir consenti un crédit de restructuration alors qu'elle était dans un situation financière difficile, ce qui justifie l'instauration d'une expertise comptable,
* dans la prise de garanties disproportionnées par rapport aux concours consentis,
- la banque a failli à son devoir de mise en garde, auquel elle était tenue puisque, simple dirigeant d'une entreprise familiale de maçonnerie et ne disposant d'aucun diplôme, il n'est pas une caution avertie.
* ** *
C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 23 avril 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que la condamnation de la caution à payer à la banque la somme de 1 800, 84 euros avec intérêts, au titre de son engagement du 10 janvier 2003, n'est pas contestée par les parties ;
1/ Sur la demande de nullité de l'engagement de caution du 4 août 2006
Attendu que cet engagement, limité à la somme de 400 000 euros et à une durée de cinq ans, avait pour objet de garantir, aux termes de son article 2, « toutes les obligations dont le débiteur principal est ou pourrait être tenu vis-à-vis de la banque ¿ telles celles nées directement ou indirectement d'engagement à l'égard de la banque et incombant au débiteur, visant par là et sans que cette énumération soit limitative, les soldes définitifs ou provisoires des comptes courants ouverts au débiteur principal, les opérations de bourse, les chèques, billets, effets ou bordereaux de cession tirés sur lui ou portant sa signature à quelque titre que ce soit, les avals ou cautions donnés par lui ou pour son compte, les crédits le concernant » ;
Qu'en conséquence, cet engagement, qui garantit toutes les obligations du débiteur envers la banque, et dont il est indifférent que la liste de celles-ci, donnée à titre d'exemple, ne soit pas limitative, a un objet déterminé ;
Qu'il s'ensuit que c'est par une appréciation erronée que le premier juge l'a annulé ;
2/ Sur la demande de nullité du cautionnement du 9 août 2007
Attendu que M. Y...ne fonde cette demande de nullité, formulée dans le dispositif de ses écritures, sur aucun moyen ;
Qu'en tout état de cause, cet engagement qui garantit à concurrence de la moitié et pour une durée de neuf un prêt de restructuration de 200 000 euros, est régulier au sens des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ;
3/ Sur l'obligation de mise en garde de la banque
Attendu que M. Y...codirigeait la société Patrick Y..., société à responsabilité limitée au capital de 151 200 euros, depuis 1988 avec son frère, puis en a assuré seul la gérance à compter du 22 août 1994 ;
Que cette entreprise de maçonnerie employait une cinquantaine de salariés, exerçait son activité sur d'importants chantiers (construction d'ensembles de logements et de réhabilitation de logements HLM, construction d'une fourrière etc.) et réalisait un chiffre d'affaires de l'ordre de 2, 5 millions d'euros ;
Attendu que M. Y...était également le gérant de la SCI Les Bastides et de la SCI Razor, ayant toutes deux pour activité la location de terrains et autres biens immobiliers ;
Attendu qu'ainsi, M. Y..., de par la nature et l'importance de ses fonctions exercées de longue date, est une caution avertie, à l'égard de qui la banque n'était pas débitrice d'une obligation de mise en garde ;
4/ Sur la responsabilité de la banque envers la société Patrick Y...
Attendu que la caution peut invoquer la faute de la banque envers le débiteur principal en vue du rejet de la demande en paiement dirigée contre elle ;
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ¿ que la banque créancière peut opposer à la caution ¿ lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, que si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ;
Attendu que M. Y...reproche à la banque d'avoir fourni à la société Patrick Y...des concours fautifs de nature à engager sa responsabilité en raison de sa fraude et de la prise de garanties disproportionnées ;
Qu'il fait essentiellement valoir à cet égard que, d'une part, le plafond du concours de caisse que lui avait consenti la banque était continuellement dépassé et que, d'autre part, lorsque le prêt de restructuration lui a été accordé, le 9 août 2007, sa situation était compromise ;
Attendu, toutefois, que la société Y...était une entreprise importante, au capital social de 151 200 euros, employant une cinquantaine de salariés (aux termes du jugement du 3 avril 2009 ordonnant la cession de ses actifs, le cessionnaire a repris vingt salariés) et ayant des chantiers de construction importants ;
Qu'elle réalisait un chiffre d'affaires élevé : 1 805 240 euros en 2004, 1 845 625 en 2005, 2 521 032 en 2006 et 3 589 000 euros en 2007 et obtenait un résultat net de 55 000, 49 000, 19 000 et 53 000 euros, respectivement ;
Qu'eu égard à la taille de l'entreprise, à ses résultats financiers et au fait qu'elle travaillait sur des marchés publics, les lignes de concours lui ayant été consentis par la banque, soit 150 000 euros de facilité de caisse, 100 000 euros d'escompte et 300 000 euros d'avance loi Dailly, étaient adaptées ;
Que l'affirmation de M. Y...selon laquelle la banque acceptait que le découvert autorisé soit toujours largement dépassé est contredite par le courrier qu'elle a adressé à la société Patrick Y...le 25 octobre 2007 lui rappelant que son compte courant présentait un solde débiteur de 294 829, 80 euros et qu'elle avait bien noté son engagement de lui remettre le 26 octobre suivant des chèques à concurrence de 105 000 euros, et lui demandant plus généralement de respecter les autorisations lui ayant été consenties ;
Que, par ailleurs, l'important découvert atteignant le 15 juillet 2008 un débit de 511 288 euros trouve sa cause dans la contre-passation de deux chèques impayés de 61 000 et 172 000 euros mis à l'encaissement les 15 et 31 mai 2008 ;
Attendu que, concernant le prêt de restructuration de 200 000 euros du 10 août 2007, il ne constitue pas un concours fautif puisqu'il est intervenu sur la base de résultats comptables de l'exercice 2006 montrant une progression du chiffre d'affaires de 36, 59 % (2 521 032 euros en 2006 contre 1 845 625 euros en 2005) et d'un rapport de gestion de la gérance du 14 juin 2007 aux termes duquel M. Y...indiquait : « Satisfaits des résultats de l'exercice écoulé 2006, nous allons poursuivre notre progression tout en essayant de maintenir à un juste niveau les frais fixes de fonctionnement » et ne faisait état d'aucune difficulté particulière au sens des dispositions de l'article L. 225-100 du code de commerce auquel renvoie l'article L. 223-26, aux termes desquelles le rapport de gestion « comprend une analyse objective et exhaustive de l'évolution des affaires, des résultats et de la situation financière de la société, notamment de sa situation d'endettement au regard du volume et de la complexité des affaires » ;
Qu'en outre, ce prêt, remboursable en 84 mois par mensualités de 2 931, 31 euros, avait l'avantage d'étaler la dette dans le temps et de représenter un faible coût de financement ;
Qu'enfin, la société n'a été placée en redressement judiciaire que le 23 juin 2008, soit près d'un an après l'octroi de ce prêt, et la date de cessation de ses paiements a été fixée au 20 juin 2008 ;
Attendu qu'ainsi, M. Y...ne rapporte pas la preuve, à sa charge et dont la carence à cet égard ne saurait être suppléée par une mesure d'instruction, que la situation de la société qu'il dirigeait était irrémédiablement compromise au jour de l'octroi du prêt ou que la banque lui a fourni des moyens ruineux ;
Qu'en l'absence de tout concours fautifs, la responsabilité de la banque n'est pas encourue ;
Attendu que l'intimé sera donc condamné au paiement des sommes réclamées par la banque au titre de tous ses engagements de caution ;
5/ Sur les autres demandes
Attendu que l'intimé, qui succombe, sera condamné à payer à la banque appelante la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, verra sa propre demande de ce chef rejetée et supportera les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a annulé le cautionnement du 4 août 2006, en ce qu'il a rejeté la demande de la Banque Populaire du Sud au titre de ses frais irrépétibles et en ce qu'il a condamné chaque partie à la moitié des dépens.
Et, statuant à nouveau,
Rejette la demande de nullité du cautionnement du 4 août 2006.
Condamne M. Y...à payer à Banque Populaire du Sud la somme de quatre cent mille euros (400 000) avec intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2009.
Le confirme pour le surplus et y ajoutant,
Condamne M. Y...à payer à la Banque Populaire du Sud la somme de quatre mille euros (4 000) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute M. Y...de l'ensemble de ses demandes.
Condamne M. Y...aux dépens de première instance et d'appel, et autorise les avocats de la cause à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
D. B.