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18/06/2013 | FRANCE | N°12/02522

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2o chambre, 18 juin 2013, 12/02522


Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2o chambre
ARRET DU 18 JUIN 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02522
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 MARS 2012 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER No RG 2011000341

APPELANTE :
BANQUE POPULAIRE DU SUD SA prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domicilies ès qualités audit siège 38 boulevard Clémenceau 66000 PERPIGNAN représentée par la SCP CALAUDI/ BEAUREGARD/ MOLINIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants assi

stée de Me Muriel GASTON, avocat au barreau de MONTPELLIER loco la SCP CALAUDI BEAUREGARD MOLINIE...

Grosse + copie délivrées le à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2o chambre
ARRET DU 18 JUIN 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/ 02522
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 MARS 2012 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER No RG 2011000341

APPELANTE :
BANQUE POPULAIRE DU SUD SA prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domicilies ès qualités audit siège 38 boulevard Clémenceau 66000 PERPIGNAN représentée par la SCP CALAUDI/ BEAUREGARD/ MOLINIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants assistée de Me Muriel GASTON, avocat au barreau de MONTPELLIER loco la SCP CALAUDI BEAUREGARD MOLINIER, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIME :

Monsieur Jacques Y...né le 25 Juillet 1941 à SETE (34200) de nationalité Française ... ...34280 GRANDE MOTTE représenté par la SCP GILLES ARGELLIES, FABIEN WATREMET, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants assisté de Me Bruno APOLLIS, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 23 Avril 2013

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 MAI 2013, en audience publique, Monsieur Daniel BACHASSON, président, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, président Monsieur Hervé CHASSERY, conseiller Monsieur Jean-Luc PROUZAT, conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :

- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE ¿ MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

Par acte sous seing privé du 7 décembre 2005, M. Y..., gérant de la société Le Mas Bleu, s'est porté caution solidaire de tous engagements de cette société envers la Banque populaire du Sud (la banque) à concurrence de 40 000 euros pour une durée de dix ans.
La société Le Mas Bleu ayant été placée en redressement judiciaire le 9 février 2009, puis en liquidation judiciaire le 30 juillet 2010, la banque a déclaré le 11 mars 2009 sa créance, qui était admise à titre chirographaire le 18 janvier 2010 à concurrence de 45 543, 42 euros.
La mise en demeure adressée le 3 septembre 2010 à la caution étant restée vaine, la banque l'a fait assigner devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement de 40 000 euros, outre intérêts.
Par jugement contradictoire du 7 mars 2012, le tribunal a rejeté la demande en retenant le caractère disproportionné de l'engagement et le manquement de la banque à son devoir de conseil vis-à-vis de la société emprunteuse.

* ** *

La banque a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation, sauf en ce qu'il rejeté la demande au titre de la nullité de l'engagement de caution, demandant à la cour de condamner M. Y...à lui payer la somme de 40 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2010, celle de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'appliquer les dispositions des articles 1254 et 1154 du code civil et de dire que, dans l'hypothèse où à défaut du règlement spontané des condamnations prononcées, l'exécution forcée devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par cet officier ministériel en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1990 devra être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que :
- le fait que les deux mentions manuscrites des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation ne soient pas séparées et que la caution n'ait apposé qu'une seule signature au bas de cette mention n'affecte pas la régularité de l'engagement,
- au moment de son engagement, M. Y...percevait un revenu mensuel de 3 200 euros et détenait un patrimoine composé de 50 % des parts sociales de la SCI L'Espiguette, estimées à 300 000 euros, et de tables ostréicoles sur le bassin de Thau évaluées à 150 000 euros, si bien qu'il n'est pas fondé à soutenir que cet engagement était disproportionné,
- elle n'a pas failli à son obligation de conseil envers la société Le Mas Bleu et, de plus, ce prétendu manquement constitue une exception purement personnelle au débiteur dont la caution ne peut se prévaloir,
- elle n'était débitrice d'aucune obligation de mise en garde envers la caution ou envers la société emprunteuse, M. Y...étant de par ses activités professionnelles et les opérations immobilières qu'il réalisait une caution avertie et la société Le Mas Bleu étant un professionnel également averti,
- elle n'a pas accordé un crédit ruineux à la société Le Mas Bleu, et d'ailleurs, L. 650-1 du code de commerce qui est applicable dans le cas de concours consentis à une entreprise en difficulté tant antérieurement que postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, s'oppose à ce que sa responsabilité soit recherchée en dehors des trois cas prévus par ce texte, et enfin, la caution ne peut se prévaloir de prétendus concours abusifs et ruineux consentis au débiteur principal.

* ** *

M. Y...a conclu à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de la banque à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que :
- son engagement de caution est nul en ce qu'il ne respecte pas les dispositions des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation puisque les mentions manuscrites de ces deux textes ne sont pas séparées et qu'il n'a apposé qu'une seule signature aux bas de ce texte,
- lors de son engagement de caution, ses revenus étaient limités à 1 200 euros par mois ¿ et non pas 3 200 euros comme indiqué par erreur dans ses écritures de première instance ¿ et les parts sociales de la SCI L'Espiguette étaient « non libres de charges »,
- actuellement, ses revenus sont composés de sa pension de retraite et il est propriétaire en indivision d'un appartement qui est hypothéqué,
- la banque a manqué à son devoir de conseil à accordant à la société Le Mas Bleu une ouverture de crédit de 40 000 euros représentant plus de cinq fois son capital social et alors qu'elle enregistrait des pertes importantes, et il peut s'en prévaloir en sa qualité de caution,
- les dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ne sont applicables qu'aux concours consentis à une entreprise d'ores et déjà dans les liens d'une procédure collective, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

* ** *

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 23 avril 2013.

MOTIFS DE LA DECISION

1/ Sur la demande en nullité du cautionnement
Attendu que l'acte de cautionnement du 7 décembre 2005 contient les mentions manuscrites des articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation et, à la fin, la signature de M. Y...;
Que ces dispositions légales n'imposent pas que ces deux mentions soient séparées ;
Qu'est valable le cautionnement où la caution a successivement recopié ces deux mentions manuscrites en ne signant qu'une fois, à la fin de la rédaction de la seconde mention ;
Attendu que c'est donc à bon droit que le premier juge a rejeté la demande en nullité de ce cautionnement ;
2/ Sur la disproportion
Attendu que si l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude de cette déclaration ;
Attendu qu'en l'espèce, la fiche de renseignement remplie par M. Y...mentionne à la rubrique « Patrimoine immobilier ¿ Biens propres à la caution » la propriété de 50 % des parts de la SCI L'Espiguette, ayant une valeur estimée à 300 000 euros, et de tables ostréicoles ayant une valeur estimée à 150 000 euros ;
Que M. Y...percevait, au moment de son engagement, un revenu annuel de 16 479 euros ;
Qu'il s'ensuit que l'engagement de caution, à concurrence de 40 000 euros, n'était pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. Y...;
Que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;
3/ Sur l'obligation de mise en garde
Attendu que M. Y...dirigeait la société à responsabilité limitée Le Mas Bleu depuis le 20 décembre 1999 ;
Que, par ailleurs, il réalisait depuis 1973 des opérations immobilières dans le cadre de la société à responsabilité limitée L'Espiguette, au capital social de 230 000 euros (en 1988), transformée en SCI en 1993, au capital social de 250 000 euros, et qui exploitait notamment un fonds de commerce de dégustation de coquillages, discothèque et restaurant sous l'enseigne « Le Clipper's » à la Grande Motte ;
Qu'il est donc une caution avertie, à l'égard de qui la banque n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde ;
4/ Sur la responsabilité de la banque
Attendu que la caution peut invoquer la faute de la banque envers le débiteur en vue du rejet de la demande en paiement dirigée contre elle ;
Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L. 650-1 du code de commerce ¿ que la banque créancière peut opposer à la caution ¿, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou de disproportion des garanties prises, que si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs ;
Que ces dispositions s'appliquent à tous les concours dont a bénéficié l'entreprise placée en procédure collective et non pas, comme le soutient à tort l'intimé, uniquement à ceux qui lui ont été consentis après l'ouverture de la procédure ;
Attendu que M. Y...reproche à la banque d'avoir fourni à la société Le Mas Bleu un crédit ruineux en lui accordant une facilité de caisse de 40 000 euros ;
Que, toutefois, une facilité de caisse n'est qu'une possibilité offerte au client qui peut ou non l'utiliser ;
Que, par ailleurs, alors que ce concours a été accordé à la société Le Mas Bleu en 2004, ce n'est que plusieurs années après, le 9 février 2009, qu'elle a été mise en redressement judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 31 janvier 2009 ;
Qu'enfin, eu égard au chiffre d'affaires de l'entreprise (397 679 euros en 2004), le montant de ce découvert autorisé était adapté, étant observé que si la société a enregistré en 2004 des pertes (62 593 euros), durant le même exercice, les associés ont remboursé partiellement leurs comptes courants, celui de M. Jacques Y...passant de 55 892 euros en 2003 à 18 892 euros en 2004, celui de C. Y...passant de 54 862 euros à 27 230 euros et celui de P. Y...de 13 844 euros étant entièrement remboursé ;
Attendu qu'ainsi, la preuve que la banque a commis une faute en accordant son concours à la société Le Mas Bleu n'est pas rapportée ;
Que c'est donc par une appréciation erronée que le premier juge a retenu la faute de la banque ;
5/ Sur la demande en paiement et les autres demandes
Attendu que, tenant le rejet de ses divers moyens de défense, la caution sera condamnée à payer le montant de son engagement, soit 40 000 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 3 septembre 2010, avec le bénéfice des dispositions des articles 1254 et 1154 du code civil ;
Attendu que l'intimé, qui succombe, sera condamné à payer à la banque la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, verra sa propre demande de ce chef rejetée et supportera les dépens de première instance et d'appel ;
Qu'enfin, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la banque tendant à ce que soient mis à la charge de l'intimé des frais de recouvrement qui ne sont pour l'heure qu'éventuels ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande au titre de la nullité du cautionnement.
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau, condamne M. Y...à payer à la Banque Populaire du Sud la somme de quarante mille euros (40 000) avec intérêts au taux légal à compter du 3 septembre 2010.
Accorde à la Banque Populaire du Sud le bénéfice des articles 1254 et 1154 du code civil.
Condamne M. Y...à payer à la Banque Populaire du Sud la somme de deux mille euros (2 000) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute M. Y...de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute la Banque Populaire du Sud de sa demande tendant à voir imputer à M. Y...les éventuels frais de recouvrement de leur créance.
Condamne M. Y...aux dépens de première instance et d'appel, et autorise les avocats de la cause à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT

D. B.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2o chambre
Numéro d'arrêt : 12/02522
Date de la décision : 18/06/2013

Analyses

1) Si l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus déclarés par la caution, le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier l'exactitude de cette déclaration. Un engagement de caution, à concurrence de 40 000 euros n'était pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de la personne engagée, dès lors que la fiche de renseignement remplie par elle mentionnait la propriété de 50 % des parts d'une SCI ayant une valeur estimée à 300 000 euros et de tables ostréicoles estimées à 150 000 euros, et qu'elle percevait, au moment de son engagement, un revenu annuel de 16 479 euros. 2) La caution peut invoquer la faute de la banque envers le débiteur en vue du rejet de la demande en paiement dirigée contre elle. Il n'est pas établi que la banque a fourni fautivement au débiteur un crédit ruineux en lui accordant une facilité de caisse de 40 000 euros elle lui, alors qu'il ne s'agit que d'une possibilité offerte au client qui peut ou non l'utiliser, que ce n'est que plusieurs années après qu'il a été mis en redressement judiciaire et que le montant de ce découvert autorisé était adapté au chiffre d'affaires de l'entreprise.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Montpellier, 07 mars 2012


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2013-06-18;12.02522 ?
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