La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/03/2013 | FRANCE | N°10/01544

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 27 mars 2013, 10/01544


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale


ARRÊT DU 27 Mars 2013




Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 05507


ARRÊT n o


Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 JUILLET 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
No RG10/ 01544




APPELANT :


Monsieur Didier X...


...

30121 MUS
Représentant : Me Frédéric MORA (avocat au barreau de MONTPELLIER)




INTIMÉE :


SA BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE
prise en la

personne de son représentant légal
1 Bd Haussman
75418 PARIS CEDEX 09
Représentant : Me AMADI substituant Me Isabelle AYACHE REVAH (avocat au barreau de PARIS)






COMPOSIT...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale

ARRÊT DU 27 Mars 2013

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 05507

ARRÊT n o

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 JUILLET 2011 CONSEIL DE PRUD'HOMMES FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER
No RG10/ 01544

APPELANT :

Monsieur Didier X...

...

30121 MUS
Représentant : Me Frédéric MORA (avocat au barreau de MONTPELLIER)

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE
prise en la personne de son représentant légal
1 Bd Haussman
75418 PARIS CEDEX 09
Représentant : Me AMADI substituant Me Isabelle AYACHE REVAH (avocat au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 JANVIER 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre
Mme Françoise CARRACHA, Conseillère
Madame Marianne FEBVRE MOCAER, Vice Présidente placée

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire.- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Cetelem, filiale à l'origine du groupe la Compagnie bancaire, appartient au groupe BNP Paribas depuis 1999.

Après avoir fusionné avec d'autres sociétés de crédit à la consommation (Cofica en janvier 2001 et Crédit universel fin 2002), elle fusionnait le 1er juillet 2008 avec les filiales du groupe BNP Paribas spécialisées dans le crédit immobilier (UCB, MRC et BPIV) pour devenir BNP Paribas Personal Finance SA (la société).

Implantée " dans 30 pays et 4 continents " avec " 29000 collaborateurs dans le monde dont plus de 5000 en France ", elle se présente aujourd'hui sur " bnpparibas-pf. com ", pièce non cotée de l'appelante, comme :

- " Le partenaire budgétaire du quotidien des particuliers ",
- Qui " s'appuie sur des marques fortes, qui bénéficient dans leur pays d'une grande notoriété et incarnent les engagements de l'entreprise " comme Cetelem, Findomestic (Italie), crédit moderne (Dom), BNP Paribas International Buyers, Alpha crédit (Belgique-Luxembourg), Domofinance, Cmv médiforce (professionnels de la santé), Effico, Laser...,
K- " Un leader international, tout en restant une entreprise à dimension humaine, spécialiste du financement des particuliers ".

En France, la société développe les activités " conso " et " immo " du groupe bancaire BNP Paribas.

Embauché par la société Cofica à compter du 01 janvier 1996, d'abord pour une durée déterminée puis pour une durée indéterminée à compter du 01 juillet 1996 en qualité d'" attaché commercial niveau 1 ", M. Didier X...passait au service de la société Cételem après le rachat par cette dernière de son employeur initial.

Après avoir occupé différentes fonctions au sein du l'entreprise, il exerçait en dernier lieu l'emploi d'" inspecteur commercial niv. G2 " à temps complet au sein de l'agence " Montpellier Automobile " de Cételem et percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 2731 euros.

La société ayant annoncé au cours du premier trimestre 2007 son intention de réorganiser son " réseau France " et de supprimer l'agence Cételem de Montpellier, M. X...se voyait proposer différents postes de reclassement dans le cadre de la mise en place du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) dans l'entreprise.

Il était licencié pour motif économique par lettre recommandée avec AR du 01 octobre 2008 rédigée en ces termes :
" Comme vous le savez, la mise en place de la première étape de la réorganisation du réseau France a permis d'amorcer une amélioration de notre situation économique et financière.

Cette amélioration ne s'est toutefois pas avérée suffisante pour permettre la sauvegarde durable de notre compétitivité.

Nous devons en effet faire face à la pression de la concurrence, tant sur le prix que sur les coûts de production ; celle-ci se livrant à une véritable " guerre des taux ", elle tend à faire évoluer le marché vers des produits à marge nulle.

Par ailleurs, l'acquisition de nouveaux clients est toujours insuffisante, même si elle progresse légèrement depuis 2003.

Ce double phénomène a conduit à l'accélération de la baisse des marges en 2006 (sensiblement supérieure à nos hypothèses budgétaires) et à la baisse du Produit Net Bancaire de 32 millions entre 2005 et 2008. Cette baisse s'est élevée à 58 millions d'euros entre 2004 2006.

Notre modèle, basé sur un réseau d'agences de proximité, ne permet plus de répondre aux nouvelles contraintes du marché.

Ces circonstances nous ont conduit à poursuivre la réorganisation engagée, dans le cadre d'une nouvelle étape, dite " étape 2 ".

Le comité d'entreprise a rendu, les 05 et 20 mars 2007 son avis sur ce projet ainsi que sur ses conséquences sur l'emploi, clôturant ainsi la procédure de consultation.

La mise en place de cette étape 2 a impliqué la fermeture de l'agence de MONTPELLIER AUTOMOBILE au sein de laquelle vous avez travaillé et le transfert de son activité au sein d'un CRC.

Nous vous avons indiqué par courrier en date du 27 mars 2007 que votre contrat de travail était, dans ce cadre, amené à être modifié (...).

Il vous a été remis, par ailleurs, la liste des postes correspondants à votre profil et disponibles à cette date au sein de Cételem et de ses filiales ainsi qu'au sein du groupe BNP Paribas.

Vous avez pu ainsi recueillir toute explication sur les possibilités qui s'offrent à vous et vous avez exprimé lors de la remise de votre formulaire, le 08 avril 2007, le souhait de bénéficier directement des offres de reclassement (et donc de ne pas envisager immédiatement la modification de votre contrat de travail).
Vous avez précisé que vous envisagiez un reclassement au sein du groupe BNPP. (...)

Conformément à l'engagement pris dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi nous vous avons proposé deux " offres valables d'emploi " Cételem et une " offre valable d'emploi " BNP Paribas en date du 04/ 05/ 2007 :

OVE no1 : conseiller de clientèle particuliers-CRC Auto Noisy (..)
OVE no2 : conseiller de clientèle particuliers-CRC Fidélisation Lyon (...)
OVE no3 : chargé de clientèle particuliers-Montpellier (...)

Vous vous êtes porté pour la 3ème OVE. (...) Votre candidature a été acceptée et vous avez reçu un courrier daté du 27/ 07/ 2007 pour vous en informer.

Par courrier en date du 15 septembre 2007, vous avez fait savoir que vous refusiez cette proposition, estimant que celle-ci n'était pas en adéquation avec vos attentes et les compétences.

Dès lors, selon les modalités du PSE, l'étape suivante aurait dû être la proposition de modification de votre contrat de travail. Cette mesure n'a pas été mise en oeuvre à ce moment-là et nous avons poursuivi nos recherches au sein du groupe sur le secteur géographique que vous avez délimité.

Par ailleurs, lors de notre rencontre de décembre dernier à Montpellier, je vous ai indiqué que nous allions étudier les éventuelles opportunités de reclassement sur les métiers de la filière financement de l'immobilier du groupe BNP Paribas à Montpellier (filière MICS).

Nos propositions ne sont nullement liées à une absence de considération pour votre situation personnelle. (...) Malheureusement je vous confirme qu'il n'existe aucune possibilité de reclassement dans ce secteur d'activité à Montpellier.

Nous avons repris la procédure telle qu'elle est prévue par le PSE (...) nous vous avons proposé de modifier votre contrat de travail (...) selon les modalités suivantes :

- CRC RA Lyon
-conseiller de clientèle.

Par courrier du 3 juillet 2008 vous nous avez mentionné votre refus de cette proposition.

Conformément à l'engagement pris dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi nous vous avons proposé trois " offres valables d'emploi " BNPP Personal Finance (...)

Suite à vos refus successifs (proposition de modification de votre contrat de travail et OVE), les circonstances nous contraignent à vous notifier votre licenciement pour motif économique (...) ".

Outre les indemnités conventionnelles de rupture et le solde de ses droits à congés-RTT et repos compensateur-M. X...percevait 15 316 euros d'indemnité complémentaire au titre du PSE..

Estimant cette rupture abusive, M. X...saisissait le conseil de prud'hommes de Montpellier qui, par jugement rendu le 6 juillet 2011, le déboutait de toutes ses demandes.

Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 27 juillet 2011, il interjetait appel de cette décision.

M. X...conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour, statuant à nouveau, de juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui payer :
-57544 euros de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir en substance à l'appui de ses demandes que :

- Le conseil de prud'hommes s'est contenté de valider sans analyse objective les " arguties de l'intimée ", sans relever le défaut de motivation de la lettre de rupture sur les conséquences sur l'emploi, ni apprécier en quoi la sauvegarde de la compétitivité était nécessaire, ni en quoi elle résidait ;

- Il apparaît qu'entre 2007 et 2008 la société a enregistré une augmentation de 2 % et que c'est la crise économique qui a entraîné une diminution de certains indicateurs mais absolument pas une perte de compétitivité comme le relève la société elle-même dans sa communication à ses actionnaires et membres ;

- Aucune modification substantielle du contrat de travail n'est intervenue puisque la société n'a pas mis en oeuvre les dispositions de l'article L 1222-6 du code du travail en se contentant d'affirmer dans la lettre de licenciement que le contrat de travail était " amené à être modifié " alors même que son poste a été supprimé à l'occasion de la fermeture de l'agence de Montpellier et du transfert de son activité au sein d'un CRC ;
- De la même façon les premiers juges ont validé l'appréciation que faisait la société du respect de son obligation de reclassement sans tenir compte du fait que si des postes étaient proposées dans l'ensemble du groupe, rien n'était dit sur les postes à l'étranger et que plus généralement la société n'a effectué aucune recherche individuelle de reclassement précise et circonstanciée, ni dans le cadre du groupe ni hors PSE..

La société conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré en ce que la lettre de licenciement " est parfaitement motivée ", que le motif économique invoqué à l'appui du licenciement " est parfaitement fondé " et qu'elle a " parfaitement respecté " son obligation de reclassement, au débouté de toutes les demandes de M. X...et à sa condamnation à lui payer 2500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir pour l'essentiel au soutien de son argumentation que :

- Confrontée depuis plusieurs années à un net recul de sa position de leader sur le marché du crédit à la consommation et en perte de vitesse sur le plan commercial, elle a décidé en 2005 de modifier en profondeur ses structures dans le cadre d'un plan de développement de son réseau commercial (dit " Réseau France ") dans le but de permettre aux salariés de s'adapter aux nouvelles contraintes du marché, en concertation tant avec les instances représentatives du personnel qu'avec les organisations syndicales ;

- A la fin de l'année 2006, correspondant à la fin de la mise en place de l'" étape 1 ", elle a constaté que si les premières mesures avaient permis d'amorcer une amélioration de sa situation économique et financière, cette amélioration n'était pas suffisante pour permettre la sauvegarde durable de sa compétitivité, ce qui l'a conduite à poursuivre la réorganisation engagée et la mise en oeuvre du plan de développement dans le cadre d'une deuxième étape appelée " Défi 2008 " ;

- Celle-ci impliquait notamment la fermeture de l'agence " direct " de Montpellier à laquelle M. X...était rattachée, le transfert de son activité au sein d'un centre de relation clients (CRC) à compter du 31 août 2007 et de ce fait la modification de son contrat de travail ;

- Le motif économique n'est pas contestable dès lors qu'il était impératif pour elle de se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité dans son secteur d'activité, qui se définit par rapport au marché dans lequel elle intervient en sa qualité d'unique filiale spécialisée dans le crédit à la consommation au sein du groupe BNP Paribas :

- Elle a mis en oeuvre tous les moyens dont elle disposait pour procéder au reclassement de l'appelante et opéré toutes les recherches prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et conformes aux exigences légales et conventionnelles.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Le licenciement pour motif économique doit, aux termes de l'article L. 1233-3, du code du travail :

avoir une cause affectant l'entreprise parmi les " difficultés économiques ", les " mutations technologique ", la " réorganisation de l'entreprise " ou la " cessation d'activité " ; la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;
avoir une conséquence, soit sur l'emploi (suppression ou transformation), soit sur le contrat de travail (modification).

Lorsque l'employeur invoque ce motif, c'est à lui d'établir que les mesures de réorganisation ont été décidées dans le but exclusif d'assurer la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel appartient l'entreprise et que cette compétitivité était effectivement menacée.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit énoncer à la fois la raison économique qui fonde la décision et ses conséquences précises sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.

Le licenciement ne peut au surplus intervenir que si le reclassement du salarié dans l'entreprise, ou le cas échéant dans le groupe dont il relève n'est pas possible.

Il appartient ainsi à l'employeur, même lorsqu'un plan social a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans le plan social au sein du groupe parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé les emplois disponibles de même catégorie ou à défaut de catégorie inférieure, fût-ce par voie de modification des contrats, en assurant au besoin l'adaptation de ces salariés à une évolution de leur emploi.

Il résulte de l'ensemble de ces textes que si l'employeur a toute légitimité pour mettre en oeuvre les réorganisations qu'il estime utiles à l'augmentation de la productivité et à l'amélioration de la compétitivité de l'entreprise, seule la démonstration que cette compétitivité est en péril et doit être sauvegardée lui permet de justifier des licenciements économiques sur ce fondement.

Dans une économie de marché fondée sur la concurrence libre et non faussée, le constat que la société intervienne dans un secteur fortement concurrentiel ne suffit pas à caractériser une menace sur sa compétitivité.

Il résulte des pièces communiquées que l'essentiel du " défi 2008 " proposé par la direction vise à " l'industrialisation via la mise en oeuvre de Centres de Relation Client dotée d'outils technologiquement avancés et de nouveaux process " destinée à remplacer " un réseau d'agences de proximité (qui) ne permet plus de répondre à ces contraintes " (défi 2008 p. 7/ 92).

C'est ainsi qu'il est annoncé que " L'étape 2 verra la généralisation du nouveau modèle opérationnel via le CRC qui permettra au réseau France :
$ de proposer le meilleur prix à nos clients grâce à une optimisation des coûts de production et de gestion,
$ de garantir des modes de traitement et de production homogènes,
$ de bénéficier des économies d'échelle suite à la mise en place d'avancées technologiques " (défi 2008 p. 20/ 92).

La fermeture de l'agence de Montpellier-clients où travaillait M. X...est la conséquence de ce choix, cette fermeture entraînant la suppression de son poste de travail si ce n'est de son emploi.

Pour justifier ce choix la société relève essentiellement que " la compétitivité du réseau France est menacée,
$ la " guerre des taux " fait évoluer le marché vers des produits à marge nulle,
$ nos concurrents, en recherchant la baisse des coûts de production, nous contraignent à faire de même pour nous battre " à armes égales " ". (idem)

Elle précise par ailleurs que " les évolutions des environnements réglementaires et consuméristes de Cételem laissent apparaître plus de menaces et de faiblesse que de force et d'opportunités (...) Par exemple, les associations de consommateurs fortement opposés au crédit à la consommation vont bénéficier très prochainement de l'apparition de " class action " en France.../.. ", affirmation qui s'avère objectivement erronée.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que, s'il est indéniable que la société cherche l'organisation qu'elle estime la plus pertinente pour permettre une augmentation de sa productivité et le maintien de sa compétitivité, elle est toujours leader sur le marché et que si " l'amélioration de notre situation économique et financière doit être poursuivie " comme l'indique la lettre de licenciement, cette amélioration n'en est pas moins certaine et que rien n'indique que la compétitivité de l'entreprise est menacée autrement que par le jeu habituel des règles de la concurrence et de l'économie de marché comme l'adaptation de l'offre à la demande.

Il est remarquable que la lettre de licenciement du 7 octobre 2008 présente comme seules données économiques et financières celles qui sont antérieures à l'" étape 1 ", tout en reconnaissant que celle-ci " a permis d'amorcer une amélioration de notre situation économique et financière ".

Or, déjà à cette période, le rapport de l'expert comptable désigné par le CE, auquel l'employeur se rapporte abondamment pour justifier le bien-fondé du motif économique de licenciement, indiquait (pièce no42 intimée) :

K "... Le résultat d'exploitation attendu à fin 2005 devrait être inférieur à celui de 2004. Toutefois, ce recul ne doit pas masquer l'amélioration de la rentabilité du réseau France mesuré au niveau du RONE. Autre signe positif, la productivité rapportée à la production devrait atteindre son niveau le plus haut des cinq derniers exercices (...) Ces éléments traduisent le fait que la difficulté de Cételem est essentiellement commerciale et en aucun cas financière. Toutefois, la prolongation des tendances d'activité actuelle finirait à l'horizon 3 ans par peser sur les performances financières du réseau France.... ". (p. 14)

K "... La production rapportée aux ETPT du réseau France est en hausse pour le deuxième exercice consécutif (...) Par contre, en 2005, la productivité en PNB sera vraisemblablement en baisse par rapport à 2004. Cette évolution ne traduit en aucun cas une baisse de la charge de travail mais plutôt l'évolution de l'activité sur 2005 et notamment la forte hausse des prêts personnels. On notera que toute comparaison par rapport aux autres acteurs du secteur est biaisée puisque chacun présente des mix d'activité différents... " (p. 17).

K " Les éléments présentés dans le cadre du projet 2008 sont à prendre avec la plus extrême prudence, puisque les prévisions sont, par construction, d'autant plus délicates à établir qu'elles se situent dans un horizon lointain. Le projet de développement est exclusivement un projet commercial qui s'appuie sur un élargissement de l'offre et des canaux d'acquisition avec un soutien marketing important et sur une hausse de l'efficacité via des investissements informatiques... " (p. 21).

K "... Si les options retenues font effectivement apparaître des gains de productivité, on constate que sans baisse d'effectif, la société réaliserait tout de même des gains de productivité mais moins significatifs... " (p. 25).
" Conclusions :... L'ambitieux projet de développement commercial présenté s'appuie sur un élargissement de l'offre et des canaux d'acquisition avec un soutien marketing important et sur une hausse de l'efficacité commerciale via des investissements informatiques.
La mise en place de nouveaux process informatiques est à la base des gains de productivité espérée et donc des suppressions de postes envisagées (...)
En fait, ces suppressions sont la résultante des deux contraintes qui pèsent sur le compte de résultat du Cételem : la contrainte de marché qui induit une baisse des marges d'exploitation et la contrainte financière exercée par le groupe qui exige un maintien de la rentabilité mesurée au travers du RONE.../... ". (p. 38).

Il se déduit de l'ensemble des développements qui précèdent que s'il est incontestable que la société a souhaité améliorer sa compétitivité dans un secteur fortement concurrentiel et s'organiser à cette fin, la cour, qui n'a aucune appréciation à porter sur la pertinence et l'efficacité des choix opérés, ne peut que relever que ces circonstances ne constituent pas un motif économique de licenciement en l'absence de démonstration de l'existence de menace sur la sauvegarde de sa compétitivité.

Il apparaît par ailleurs que la société a mal apprécié le périmètre de son obligation légale de reclassement au regard de l'étendue du groupe auquel elle appartient et que certaines offres de reclassement n'avaient aucune réalité concrète.

Il y a lieu en conséquence, infirmant en cela le jugement déféré, de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de son âge et de son ancienneté (12 ans) à la date de la rupture ainsi que des circonstances de cette dernière, M. X...est en droit de prétendre à la somme de 20000 euros en réparation du préjudice lié à la perte injustifiée de son emploi sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, pour tenir compte à la fois de l'indemnisation perçue dans le cadre de l'application du PSE et de sa situation de demandeur d'emploi.

Il y a lieu également de condamner l'employeur à rembourser aux organismes intéressés les allocations-chômage perçues par la salariée dans la limite de six mois, en application de l'article L 1235-4 du code du travail.

PAR CES MOTIFS

La cour ;

Infirme le jugement rendu entre les parties par la section commerce du conseil de prud'hommes de Montpellier le 6 juillet 2011 ;

Et, statuant à nouveau ;

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. X...20000 euros de dommages-intérêts, somme nette de CSG et de CRDS pour le créancier ;

La condamne à rembourser aux organismes intéressés les allocations-chômage éventuellement perçues par la salariée dans la limite de six mois, en application de l'article L 1235-4 du code du travail ;

Dit qu'une copie de la présente décision sera adressée par les soins du greffe à Pôle emploi ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. X...2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 10/01544
Date de la décision : 27/03/2013

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2013-03-27;10.01544 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award