La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2013 | FRANCE | N°11/06245

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 2o chambre, 26 mars 2013, 11/06245


Grosse + copiedélivrées leà

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 26 MARS 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06245

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 AOUT 2011 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER No RG 2010018928

APPELANTE :
SAS JIFMAR OFFSHORE SERVICES représentée par son Président en exercice, domicilié ès qualités au dit siège1 rue du Cinéma13016 MARSEILLEreprésentée par Me Joséphine HAMMAR, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulantassistée de Me Jérôme MOULET, avocat au barreau de MARSE

ILLE, avocat plaidant

INTIMEE :
SARL MONACO REMORQUAGE MARITIME (MRM) représentée par son gérant en ex...

Grosse + copiedélivrées leà

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 26 MARS 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06245

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 AOUT 2011 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER No RG 2010018928

APPELANTE :
SAS JIFMAR OFFSHORE SERVICES représentée par son Président en exercice, domicilié ès qualités au dit siège1 rue du Cinéma13016 MARSEILLEreprésentée par Me Joséphine HAMMAR, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulantassistée de Me Jérôme MOULET, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant

INTIMEE :
SARL MONACO REMORQUAGE MARITIME (MRM) représentée par son gérant en exercice domicilié ès qualités audit siège socialAvenue JF KennedyQuai des Etats-Unis98000 MONACOreprésentée par la SCP ERIC NEGRE, MARIE CAMILLE PEPRATX NEGRE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulantsassistée de Me Frédéric DE BAETS, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 29 Janvier 2013

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 FEVRIER 2013, en audience publique, Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, PrésidentMonsieur Hervé CHASSERY, ConseillerMonsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseillerqui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES :
La société Jifmar Offshore Services (la société Jifmar) a confié à la société Monaco Remorquage Maritime (la société MRM) le remorquage du port de Cannes vers le port de Sète de dix-huit barges assemblées en cinq pontons ; lors du transport, une tempête survenue en Méditerranée, dans la nuit du 21 au 22 octobre 2008, a provoqué la perte de quatre des cinq pontons remorqués, qui ont pu cependant être récupérés et acheminés jusqu'au port de Sète.
En l'état des avaries affectant les barges remorquées, la société Jifmar a obtenu, par une ordonnance rendue sur requête, le 25 novembre 2008, par le président du tribunal de commerce de Sète, la désignation d'une expert, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, aux fins de décrire et constater l'exécution des travaux de remise en état des barges et de déterminer le montant de tous les préjudices matériels et immatériels subis ; l'expertise confiée à M. C... n'a pas toutefois été réalisée.
Les avaries ont été constatées, dans un premier rapport établi le 27 janvier 2009, par le cabinet Clément et associés, commissaire d'avaries, intervenant pour le compte de la société Jifmar ; la société MRM ayant déclaré le sinistre à son propre assureur, « The Shipowners'Protection Ltd. (PetI Club) », celui-ci a mandaté le cabinet d'expertise MCL Surveys ; à la suite d'une seconde expertise organisée le 11 mars 2009, le cabinet MCL Surveys a donné son accord au cabinet Clément et associés pour que les travaux de réparation des barges endommagées soient effectués sur la base du devis de la société TMIS.
Après l'exécution des travaux de réparation, le bureau Véritas a délivré, le 1er juillet 2009, les certificats de franc-bord des barges, en permettant la navigabilité et l'exploitation ; parallèlement, l'assureur de la société MRM a réglé à la société Jifmar, en trois versements, la somme de 153 630 ¿, bien qu'ayant fait connaître à son assuré que la police souscrite ne couvrait pas l'activité de remorquage.
Par acte du 7 octobre 2010, la société Jifmar a fait assigner la société MRM devant le tribunal de commerce de Montpellier en paiement des sommes supplémentaires de 22 431,30 ¿ au titre des frais exposés à la suite du sinistre et de 334 820 ¿ au titre de la perte d'exploitation par elle subie.
Devant le tribunal, la société MRM a invoqué l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal de première instance de la Principauté de Monaco ; elle a également contesté sa responsabilité et les sommes réclamées par la société Jifmar en invoquant notamment le caractère non contradictoire des expertises effectuées, l'exonération résultant de l'application du projet de contrat relatif à l'opération de remorquage, la faute de la société Jifmar ne l'ayant pas informée de la spécificité technique de l'assemblage des barges et l'existence d'un cas de force majeure lié à la tempête survenue durant le transport.
Par jugement du 26 août 2011, le tribunal de commerce a rejeté l'exception d'incompétence, a retenu que la responsabilité de la société MRM dans les avaries occasionnés aux barges transportées était engagée, mais a débouté la société Jifmar de ses demandes en considérant que celle-ci ne justifiait ni de frais restés à sa charge, ni du préjudice d'exploitation consécutif à l'immobilisation des barges entre le 22 octobre 2008 et le 1er juillet 2009 ; il a toutefois condamné la société MRM à lui payer la somme de 4 800 ¿ à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Jifmar a régulièrement relevé appel de ce jugement en vue de sa réformation.
Elle demande à la cour (conclusions déposées le 30 novembre 2011) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du conseiller de la mise en état, saisi d'une demande d'expertise ; subsidiairement, elle conclut à la confirmation du jugement en tous points, sauf en ce qu'il a estimé qu'elle ne justifiait pas des sommes réclamées, et sollicite de ce chef la condamnation de la société MRM à lui payer la somme de 22 431,30 ¿ au titre des frais exposés à la suite du sinistre et celle de 334 820 ¿ au titre de la perte d'exploitation subie, outre les intérêts à compter du 15 octobre 2009, capitalisés ; enfin, elle réclame l'allocation de la somme de 10 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que :
-la société MRM ne peut soutenir que le constat des avaries, par voie d'expertise, n'a pas été mené à son contradictoire, alors que le cabinet MCL Surveys, agissant pour le compte du PetI Club, lui-même agissant pour le compte de son assuré, a établi un rapport d'expertise le 26 mars 2009,
-il n'est intervenu aucun accord entre elle et l'assureur de la société MRM quant à l'existence d'un règlement de 153 630 ¿ fait « pour solde de tout compte »,
-le projet de contrat, qu'elle a refusé de signer, mettant à sa charge tous les dommages subis notamment par les engins remorqués « quelles qu'en soient les causes », ne saurait lui être appliqué au seul motif de la réalisation de l'opération de remorquage,
-en l'occurrence, le remorquage sur près de 160 milles nautiques, entre Cannes et Sète, de barges dépourvues de moyen de propulsion et de direction et à bord desquelles ne se trouvait ni capitaine, ni officier, ni personnel d'exécution, doit être considéré, non comme un remorquage portuaire, mais comme un remorquage en pleine mer s'effectuant sous la responsabilité du remorqueur, qui prend alors en charge les dommages de tous ordres, conformément à l'article 28 de la loi no 69-8 du 3 janvier 1969 devenu l'article L. 5342-4 du code des transports,
-la société MRM, dont le remorqueur a pris la mer sans que son capitaine n'ait, préalablement, pris connaissance de la situation météorologique, ne peut valablement se prévaloir de la tempête comme constitutive d'un cas de force majeure exonératoire de responsabilité,
-responsable du remorquage et de ses conditions d'exécution, la société MRM ne peut davantage lui faire grief de ne pas lui avoir fourni les certificats de navigabilité des barges,
-elle a dû supporter divers frais (mise à disposition d'appareils de soudure, fournitures, frais de stationnement au port de Sète, frais d'expertise, frais d'huissiers, frais d'inspection du bureau Véritas) à hauteur de 22 431,30 ¿, non pris en charge par l'assureur de la société MRM,
-les barges ayant été immobilisées durant 244 jours jusqu'au 1er juillet 2009, elle a subi un préjudice d'exploitation, n'ayant pu honorer pendant cette période de nombreuses demandes de location,
-pour la période allant du 1er septembre 2009 au 31 décembre 2009, soit 122 jours, le chiffre d'affaires généré par les barges, attesté par son expert-comptable, s'est ainsi élevé à 167 410 ¿, ce dont il résulte que son préjudice pour une perte d'exploitation de 244 jours peut être chiffré à 334 820 ¿.
La société MRM demande à la cour (conclusions déposées le 7 février 2012) de confirmer le jugement ayant débouté la société Jifmar de ses demandes d'indemnisation, mais de le réformer en ce qu'il l'a condamnée à lui payer la somme de 4 800 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; elle sollicite, pour sa part, la condamnation de la société Jifmar à lui payer une indemnité de procédure de 10 000 ¿.
Elle expose en substance que :
-la tempête survenue dans la nuit du 21 au 22 octobre 2008 avec des hauteurs de vagues de quatre mètres et une mer de force 8, à l'origine de la perte de certains pontons, qui se sont détachés de la chaîne de remorquage par suite de la rupture d'aussières, doit être regardée comme un cas de force majeure, exonératoire de sa responsabilité contractuelle par application de l'article 1148 du code civil,
-le capitaine du remorqueur a effectué, avant de prendre la mer, toutes les vérifications météorologiques, sachant que lors de l'opération de remorquage, Météo France était en grève depuis le 13 octobre 2008 et qu'aucun bulletin n'avait annoncée cette tempête, qui n'était donc ni prévue, ni prévisible,
-le contrat de remorquage, daté du 17 octobre 2008, qu'elle a adressé à la société Jifmar avant le transport n'a pas été signé par celle-ci mais a été accepté par elle du fait de la réalisation de l'opération de remorquage, en sorte que les dispositions contractuelles, qui mettent à la charge du remorqué la responsabilité de ses dommages, doivent être appliquées,
-les dispositions de l'article 28 de la loi du 3 janvier 1969, devenu l'article L. 5342-4 du code des transports, concernent le remorquage en haute mer, c'est-à-dire dans les eaux internationales et non, comme en l'espèce, le remorquage effectué dans les eaux territoriales françaises,
-la société Jifmar s'est gardée de lui communiquer les certificats de navigabilité des barges, qui prévoyaient certains assemblages des barges pour former des pontons, dont seules certaines avaient obtenu l'agrément des affaires maritimes, ce dont il résulte qu'elle a commis une faute et doit être déclarée seule responsable des dommages subis,
-à aucun moment, elle n'a été présente ou représentée lors des expertises réalisées et tenant le règlement de la somme de 153 630 ¿ effectué, elle considérait le dossier définitivement clôturé,
-les frais exposés, qui ont nécessairement été pris en compte par le PetI Club dans le cadre du règlement effectué, ne sont pas justifiés,
-quant au préjudice économique prétendument subi, il ne repose sur aucun élément sérieux, alors que les barges remorquées étaient destinées à l'hivernage, qu'aucun bon de commande n'est produit en vue de la location de barges durant la période du 21 octobre 2008 au 1er juillet 2009, qu'au cours de cette période, la société Jifmar disposait de la possibilité d'exploiter au moins quatre barges, que le chiffre d'affaires réalisé de septembre à décembre 2009 n'est justifié par aucune pièce comptable et que la demande indemnitaire pour perte d'exploitation correspond à plus de six fois le bénéfice de la société Jifmar pour l'année 2007,
-en multipliant les recours judiciaires, alors même que les assureurs étaient saisis, la société Jifmar a elle-même contribué à allonger les délais de réparation du sinistre.
***
Par ordonnance rendue le 4 avril 2012, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'expertise présentée par la société Jifmar.
***
Le 29 janvier 2013, soit le jour même du prononcé de l'ordonnance de clôture, la société Jifmar a déposé de nouvelles conclusions et pièces (reçues par le RPVA), dont la société MRM a sollicité le rejet.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 29 janvier 2013.
MOTIFS de la DECISION :
En déposant le jour même du prononcé de l'ordonnance de clôture de nouvelles conclusions et pièces, la société Jifmar a mis son adversaire dans l'impossibilité d'en prendre connaissance et d'y répondre ; il convient dès lors de déclarer ses nouvelles conclusions et pièces irrecevables comme ayant été déposées en méconnaissance du principe du contradictoire, posé à l'article 16 du code de procédure civile.
***
L'une et l'autre des parties s'estiment liées par un contrat de remorquage maritime ; à cet égard, la société MRM n'est pas fondée à soutenir qu'est applicable le projet de contrat établi par elle le 17 octobre 2008, prévoyant que les responsabilités sont à la charge du remorqué pour tous dommages et pertes causés ou subis par le remorqué, le remorquer ou des tiers quelles qu'en soient les causes (article IV), au seul motif qu'il aurait été accepté tacitement par la société Jifmar, à laquelle il a été transmis, du fait de la réalisation de l'opération de remorquage ; l'adhésion audit contrat ne peut, en effet, résulter que d'une manifestation expresse de volonté de la part du remorqué, qui ne saurait se déduire de l'exécution matérielle du remorquage en dépit de l'absence de signature du contrat proposé.
En l'absence de contrat, doivent être appliquées les dispositions supplétives des articles 26 à 29 de la loi no 69-8 du 3 janvier 1969, aujourd'hui codifiées aux articles L. 5342-1 à L. 5342-4 du code des transports ; la société MRM et la société Jifmar s'opposent toutefois sur la qualification du remorquage, qui constitue, pour la première, un remorquage portuaire et, pour la seconde, un remorquage hauturier ; la distinction est fondamentale dès lors que, selon les textes susvisés, les opérations de remorquage portuaire s'effectuent sous la direction du capitaine du navire remorqué, tandis que les opérations de remorquage en haute mer s'effectuent sous la direction du capitaine du remorqueur.
En l'occurrence, s'agissant du remorquage de dix-huit barges flottantes assemblées en cinq pontons, dépourvus d'engins de propulsion propre et de personnel navigant, devant être acheminées par mer entre les ports de Cannes et de Sète sur 160 milles nautiques, l'opération en cause ne consiste pas seulement en un remorquage en entrée ou en sortie de port, mais bien en un remorquage en haute mer, réalisée au large au-delà de la zone portuaire, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il ait été effectué à l'intérieur ou pas des eaux internationales.
Il résulte de ce qui précède qu'est applicable au litige, comme l'a justement retenu le premier juge, l'article L. 5342-4 du code des transports, qui énonce que les opérations de remorquage en haute mer s'effectuent sous la direction du capitaine du remorqueur et que les dommages de tous ordres survenus au cours des opérations sont à la charge du remorqueur, à moins qu'il n'établisse la faute du navire remorqué.
Pour tenter de s'exonérer de sa responsabilité contractuelle, la société MRM invoque la tempête survenue en mer, dans la nuit du 21 au 22 octobre 2008, constitutive, selon elle, d'un cas de force majeure ; elle communique le rapport de mer établi par le capitaine du remorqueur « Perceval », dont il ressort que le navire a appareillé du port de Cannes le 20 octobre à 17 heures 20, mais a rencontré, le 21 octobre à partir de 17 heures, un vent de sud-est de force 4 à 5 avec de la houle, qui a forci jusqu'à force 8 à partir de 21 heures 05 avec des hauteurs de vague de 4 mètres, provoquant des ruptures successives de remorques, en dernier lieu entre le premier (no 121) et le deuxième ponton (no123) ; elle fait valoir qu'à la date de l'opération de remorquage, le personnel de Météo France était en grève depuis le 13 octobre 2008 et qu'aucun bulletin météorologique n'avait annoncé cette tempête.

En dépit de la grève du personnel de Météo France ayant entraîné la suspension de la diffusion des bulletins marine spéciaux (BMS), la société MRM ne justifie pas du caractère imprévisible de la tempête survenue dans la nuit du 21 au 22 octobre 2008, lorsque le remorqueur a appareillé le 20 octobre 2008 en fin d'après-midi ; rien ne permet, en effet, d'affirmer que cet événement n'avait pas été prévu ou n'était pas connu à l'avance par des sources autres que Météo France (CROSS méditerranée, sémaphores, capitaineries), joignables par radio marine ou Navtex, voire par des services de prévisions météorologiques accessibles par Internet (Windfinder, Météo Consult Marine, Previmétéo ¿), auprès desquels le capitaine du remorqueur aurait pu s'informer, sachant que les prévisions sont fiables à trois jours.
La société MRM, qui a organisé un convoi « en chapelet » des cinq pontons raccordés entre eux par des aussières, n'établit pas en quoi les assemblages de barges en pontons agréés par les affaires maritimes n'auraient pas été respectés lors de l'opération de remorquage, au point de caractériser une faute de la société Jifmar pour ne pas lui avoir fourni, préalablement, les certificats de navigabilité ou certificats de franc-bord ; il lui appartenait, en toute hypothèse, étant seule responsable de l'organisation du convoi et du mode de remorquage, de solliciter la délivrance des certificats de navigabilité, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait ; elle ne saurait donc prétendre que la société Jifmar a commis une faute à l'origine des dommages.
Le cabinet Clément et associés, intervenant pour le compte de la société Jifmar, a organisé une réunion d'expertise, le 19 décembre 2008 sur le port de Sète où étaient stockées les dix-huit barges, en présence notamment de l'expert du cabinet MCL Surveys, mandaté par le PetI Club, assureur de la responsabilité civile de la société MRM ; cette société ne saurait prétendre que les opérations d'expertise n'ont pas été menées contradictoirement à son égard au motif qu'elle n'y a été ni présente, ni représentée, alors qu'il résulte des annexes au premier rapport d'expertise du cabinet Clément et associés en date du 27 janvier 2009 qu'elle a été convoquée à la réunion suivant lettre du 16 décembre 2008 lui ayant été adressée en télécopie ; elle ne conteste d'ailleurs pas les constatations faites relativement aux dommages affectant les quatorze barges concernées par le sinistre, se bornant à soutenir que l'évaluation des travaux de réparation à la somme totale de 153 630 ¿ (sur la base d'un devis de la société TMIS en date du 10 février 2009) résultant du second rapport d'expertise du cabinet Clément et associés en date du 11 mars 2009, a été faite par la société Jifmar et son propre assureur, mais hors sa présence ; ces deux rapports d'expertise extra judiciaires lui ont été régulièrement communiquées, la mettant ainsi en mesure d'en discuter le contenu.
Enfin, la société MRM n'est pas fondée à soutenir que le règlement de la somme de 153 630 ¿ effectué par le PetI Club à la société Jifmar, au titre des travaux de réparation des barges (découpe et mise en place des inserts, redressage des dépressions, reprise des renforts intérieurs, réalisation des soudures, sablage et peinture des parties réparées ¿), était de nature à faire obstacle au droit de celle-ci de solliciter ultérieurement la réparation de ses préjudices annexes.
Sur ce point, le cabinet d'expertise Clément et associés retient que l'ensemble des barges a subi des dommages pouvant raisonnablement (sic) être imputés à l'événement de mer survenu pendant le remorquage ; après avoir rappelé que le bureau Véritas avait procédé, à la demande de l'armateur, à l'inspection des dix-huit barges concernées par le sinistre, le 21 novembre 2008, en vue du maintien des certificats de franc-bord, il a, dans son second rapport du 11 mars 2009, dressé une liste des douze barges affectées de dommages dits « structurels », constatés tant par le bureau Véritas lors de son inspection préalable, qu'à l'occasion de la réunion d'expertise du 19 décembre 2008 ; dès lors, si les dix-huit barges ont subi des dommages lors de l'opération de remorquage, nécessitant des travaux de réparation, seules douze d'entre elles ont été atteintes de dommages structurels, de nature à en compromettre la navigabilité et donc, l'exploitation commerciale.
La société Jifmar sollicite, en premier lieu, le remboursement de frais en lien avec le sinistre et restés à sa charge ; elle communique diverses factures éditées entre le 25 février et le 30 juillet 2009 (Sud Roulements, TMIS, Nouvelle Quincaillerie Sétoise), dont elle n'établit pas cependant qu'elles correspondent à des fournitures ou des prestations strictement nécessaires à la réparation des dommages ; de tels frais ne sont d'ailleurs pas évoqués dans le rapport d'expertise du cabinet Clément et associés du 11 mars 2009 ; les frais d'huissier exposés en vue de la signification de l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Sète en date du 25 novembre 2008 prescrivant, à sa demande, une expertise destinée à chiffrer ses préjudices, ne sauraient, non plus, être remboursés à la société Jifmar, alors que celle-ci indique avoir renoncé à l'expertise, qui n'a pas ainsi été exécutée ; en revanche, elle apparaît bien fondée à obtenir le paiement des frais de stationnement et des droits portuaires, dont elle a dû s'acquitter auprès du port de Sète entre le 1er décembre 2008 et le 30 juin 2009, période durant laquelle les barges ont été stockées à quai, des frais et honoraires d'expertise, qui lui ont été facturés par le cabinet Clément et associés, et des honoraires, également facturés par le bureau Véritas en vue du suivi des réparations et de la délivrance des certificats de franc-bord, soit la somme totale de15 216,56 ¿.
A l'appui de sa demande tendant à l'indemnisation d'une perte d'exploitation pour la période du 22 octobre 2008 au 1er juillet 2009, correspondant à 244 jours, période durant laquelle les dix-huit barges ont été immobilisées en vue de l'exécution des travaux de réparation, la société Jifmar fait valoir que le chiffre d'affaires généré par l'exploitation des barges au cours de la période du 1er septembre au 30 décembre 2009, soit 122 jours, a été de 167 410 ¿, ce dont elle déduit, pour la période d'immobilisation considérée, une perte de revenus locatifs de 334 820 ¿ ; elle produit son compte de résultat pour l'exercice 2009, un extrait de sa comptabilité analytique, l'ensemble des factures de location pour la période de septembre à décembre 2009, ainsi qu'une attestation de son expert-comptable certifiant que le chiffre d'affaires généré par la location des dix-huit barges a bien été de 167 410 ¿ du 1er septembre au 31 décembre 2009, somme comptabilisée au poste « production de services ».
Pour autant, il a été indiqué plus haut que sur les dix-huit barges concernées par le sinistre, une douzaine seulement ont été affectées de dommages structurels, qui en compromettaient l'exploitation, en sorte que les six barges restantes, dont les travaux de réparation auraient pu être différés, étaient immédiatement disponibles à la location ; de plus, au cours de la période de septembre à décembre 2009, prise par la société Jifmar comme période de référence pour le calcul de son préjudice, les dix-huit barges, qui venaient d'être réparées, n'ont pas été louées en totalité, de façon continue, la location des dix-huit barges ayant été faite, à une seule reprise, du 3 au 16 septembre 2009, à la société MRM elle-même ; enfin, si la société Jifmar communique les courriers de diverses entreprises (Fugro Géotechnique, MRM, Hydrokarst, DFC Battage ¿), datant de janvier, février ou mars 2009, indiquant s'être adressées à un autre loueur de pontons du fait de l'indisponibilité des barges ou sollicitant l'établissement d'une proposition de location, force est de constater que, hormis le courrier de la société DFC Battage relatif à la location d'un ponton modulaire pour un chantier en mai et juin 2009, aucune précision n'est donnée quant au nombre de barges, dont la location est demandée, et/ou la période de location concernée.
La perte d'exploitation, dont l'indemnisation est sollicitée en raison de l'immobilisation des barges durant l'exécution des travaux de réparation, ne constitue pas dès lors un préjudice réel et certain ; c'est donc à juste titre que le premier juge a débouté la société Jifmar de ce chef de demande.
Le jugement entrepris doit en conséquence être réformé en ce qu'il a débouté la société Jifmar de sa demande de remboursement des frais exposés à la suite du sinistre ; la société MRM doit ainsi être condamnée à lui payer la somme de 15 216,56 ¿ assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2010, date de l'assignation valant mise en demeure, capitalisés conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 1154 du code civil.
***
Il convient, en outre, de réformer le jugement ayant alloué à la société Jifmar la somme de 4 800 ¿ à titre d'indemnité de procédure, somme qu'il y a lieu de réduire à 1 500 ¿.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d'appel, la société MRM doit être condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Jifmar la somme supplémentaire de 2 000 ¿ au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Déclare irrecevables les conclusions et pièces de la société Jifmar, déposées le 29 janvier 2013,
Au fond, réforme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 26 août 2011 en ce qu'il a qu'il a débouté la société Jifmar de sa demande de remboursement des frais exposés à la suite du sinistre et alloué à celle-ci la somme de 4 800 ¿ à titre d'indemnité de procédure,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la société Monaco Remorquage Maritime à payer à la société Jifmar Offshore Services la somme de 15 216,56 ¿ en remboursement des frais exposés à la suite du sinistre, assortie des intérêts au taux légal à compter du 7 octobre 2010, capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,
Condamne la société MRM à payer à la société Jifmar la somme de 1 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
Condamne la société MRM aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à la société Jifmar la somme supplémentaire de 2 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

JLP


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 2o chambre
Numéro d'arrêt : 11/06245
Date de la décision : 26/03/2013

Analyses

En dépit de la grève du personnel de Météo France ayant entraîné la suspension de la diffusion des bulletins marine spéciaux (BMS), il n'est pas justifié du caractère imprévisible d'une tempête tempête, qui a provoqué la perte de barges flottants remorquées en haute mer, alors que rien ne permet , d'affirmer que cet événement n'avait pas été prévu ou n'était pas connu à l'avance par des sources autres que Météo France (CROSS méditerranée, sémaphores, capitaineries), joignables par radio marine ou Navtex, voire par des services de prévisions météorologiques accessibles par Internet (Windfinder, Météo Consult Marine, Previmétéo ¿), auprès desquels le capitaine du remorqueur aurait pu s'informer, sachant que les prévisions sont fiables à trois jours.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de commerce de Montpellier, 26 août 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2013-03-26;11.06245 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award