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15/01/2013 | FRANCE | N°11/04928

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 1o chambre section d, 15 janvier 2013, 11/04928


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COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section D
ARRÊT DU 15 JANVIER 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/04928

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 JUIN 2011 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN No RG 09/4820

APPELANT :
Monsieur Jean-Louis X...né le 19 Décembre 1944 à ALGERde nationalité Française...66430 BOMPASreprésenté par la SCP Gilles ARGELLIES, Fabien WATREMET, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants et Me Willy LEMOINE loco la SCP CALAUDI, avocat au barreau de MONTPELL

IER, avocat plaidant

INTIME :
Monsieur Marc Z...né le 12 Mars 1964 à LA WALCK (67350)de natio...

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COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section D
ARRÊT DU 15 JANVIER 2013
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/04928

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 JUIN 2011 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN No RG 09/4820

APPELANT :
Monsieur Jean-Louis X...né le 19 Décembre 1944 à ALGERde nationalité Française...66430 BOMPASreprésenté par la SCP Gilles ARGELLIES, Fabien WATREMET, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants et Me Willy LEMOINE loco la SCP CALAUDI, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant

INTIME :
Monsieur Marc Z...né le 12 Mars 1964 à LA WALCK (67350)de nationalité Française...32800 EAUZEreprésenté par la SCP Yves GARRIGUE, Yann GARRIGUE, avocats au barreau de MONTPELLIER, avocats postulants et Me Jean CODOGNES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/11210 du 09/12/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

ORDONNANCE DE CLÔTURE du 29 Octobre 2012

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 19 NOVEMBRE 2012, en audience publique, Monsieur Jacques MALLET ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques MALLET, PrésidentMadame Chantal RODIER, ConseillerMadame Caroline CHICLET, Conseillerqui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS

ARRET :
- contradictoire
- prononcé en audience publique par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Jacques MALLET, Président, et par Mme Monique AUSSILLOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE
Mariés depuis le 29 décembre 1997, M. Marc Z... et Mme C... ont divorcé suivant convention homologuée le 30 novembre 2004 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Chartres. De cette union, est né le 17 janvier 2000 un enfant, Hippolyte.
Par convention du 24 juin 2008 renouvelable par tacite reconduction, la résidence de l'enfant, initialement fixée chez la mère, a été transférée au père. Cette convention ayant été dénoncée par la mère le 31 juillet 2009, M. Z... a saisi le juge aux affaires familiales en référé pour qu'il soit statué sur la résidence de l'enfant.

Dans le cadre de cette instance, était produite par la mère une consultation privée concernant l'enfant Hippolyte, effectuée par M. Jean-Louis X..., psychologue-clinicien.
Suivant exploit du 22 octobre 2009, M. Z... a fait assigner M. X... devant le tribunal de grande instance de Perpignan, sur le fondement de l'article 1382 du code civil et du code de déontologie des psychologues du 22 mars 1996, pour entendre juger qu'il a commis une faute professionnelle engageant sa responsabilité et obtenir réparation de son préjudice moral à hauteur de 11 000 €, outre la publication judiciaire de la décision à intervenir et le remboursement de ses frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire du 7 juin 2011, cette juridiction a :
• condamné M. X... à payer à M. Z... la somme de 500 € en réparation de son préjudice ;• débouté M. X... de sa demande reconventionnelle ;• ordonné l'exécution provisoire de la décision ;• condamné M. X... à payer à M. Z... la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens avec distraction conformément à l'article 699 du même code
Le 6 juillet 2011, M. X... a relevé appel de ce jugement.

Vu les dernières conclusions déposées :
* le 5 octobre 2011 par M. X... ;* le 29 novembre 2011 par M. Z....
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 octobre 2012.

M. X... conclut à l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'absence de faute professionnelle commise par lui, à l'absence de préjudice moral subi par l'intimé et en conséquence, au débouté de ce dernier de l'ensemble de ses prétentions.
À titre subsidiaire, il sollicite la condamnation de M. Z... à lui payer la somme de 3 000 € à titre d'indemnisation du préjudice moral qu'il a subi, celle de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens avec application de l'article 699 du même code.

M. Z... demande à la cour de confirmer le jugement dont appel sur le principe mais sur le quantum des condamnations, de porter à 11 000 € le montant en réparation de son préjudice moral, de réparer l'omission de statuer du premier juge en ordonnant la publication judiciaire de l'arrêt à intervenir dans un journal spécialisé du secteur de la psychologie et de condamner l'appelant à lui rembourser ses frais irrépétibles à hauteur de 3 000 €, outre ceux alloués en première instance, et les dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE :
Sur la faute imputée à M. X... :
Au soutien de son appel, après avoir rappelé dans quel contexte il procède aux entretiens et consultations qu'il effectue et en l'espèce, il a procédé à la consultation privée à la demande de Mme C..., l'appelant fait valoir :
qu'il n'a commis aucune faute professionnelle n'ayant porté aucun avis sur la personnalité de M. Z... ;que le tribunal a fait une mauvaise interprétation du contenu de cette consultation et notamment de certaines phrases qui ne peuvent être isolées d'un contexte repris en début de la consultation et qui leur donne tout leur sens ;qu'il n'a en aucune manière violé les dispositions de l'article 19 du code de déontologie des psychologues ;qu'il appartenait au magistrat devant qui était produite cette consultation privée d'écarter cette pièce ;qu'il s'est contenté, en l'espèce, de faire état du ressenti d'un enfant, sans pour cela émettre d'avis négatif sur M. Z... ni apporter de jugement de valeur sur ses méthodes d'éducation, ni prendre position quant aux arguments de discrédit qui auraient été avancés par M. Z... ;que ce dernier ne justifie d'aucun préjudice, qui plus est en lien de causalité avec une quelconque faute.
En réponse, après un rappel de certaines règles déontologiques concernant les psychologues ainsi qu'une énumération d'avis rendus par la commission nationale consultative de déontologie des psychologues, l'intimé :
met en exergue le caractère partisan de la consultation privée et donc constitutif d'une faute, soulignant que M. X... a manifestement été, dès l'origine, sollicité aux fins de mettre son titre au service de Mme C..., sans ignorer que son avis d'expert était destiné à être produit en justice ;

qu'en s'adressant ainsi directement au magistrat saisi, par l'intermédiaire de ce document, il porte à l'encontre de M. Z... des accusations extrêmement graves de nature à influencer la décision future, sans qu'à aucun moment celui-ci n'ait été consulté ;que cette consultation lui cause un préjudice moral indéniable;qu'il est inadmissible que la sérénité requise pour tout débat judiciaire soit impunément parasitée par des "consultations privées" partiales émanant de professionnels inscrits auprès de la liste des experts près la cour d'appel ;que ce document représente un atout déterminant dans la défense des intérêts de Mme C... dont l'ensemble des arguments et des pièces sont privés de toute crédibilité ;qu'ainsi que l'ont retenu les premiers juges, il s'est permis de porter un jugement sur le contenu d'une personne qu'il n'a ni vu ni entendu et pris pour acquis les arguments de discrédit portés par M. Z... à l'encontre de son ex-épouse alors qu'il ne s'agit que de propos rapportés par elle et en ce sens, outrepassé sa mission ;que M. X... a manqué, s'agissant d'un professionnel avisé, au devoir de neutralité, de réserve et de prudence.
À l'examen du document litigieux, la cour relève que M. X..., comme il le met en exergue dans ses écritures sans être utilement contredit sur ce point, a bien pris soin de préciser qu'il s'agissait d'une consultation privée, de sorte qu'elle ne saurait se confondre avec une intervention dans le cadre d'une désignation judiciaire et que le magistrat à qui elle est susceptible d'être remise, avait toute latitude pour l'écarter des débats, par ailleurs soumis à la contradiction des parties.
Dans cette consultation privée, la cour constate que M. X... n'a fait que prendre acte d'une situation que lui exposait Mme C... en s'attachant à relater entre guillemets ses propos. Il en fera de même en s'entretenant avec l'enfant, hors la présence de sa mère, en accord avec celle-ci.
Ainsi, la cour ne saurait donner le même sens que les premiers juges à la phrase suivante mentionnée dans la conclusion de la consultation privée :"A mon sens, il est tout à l'honneur de Mme C... d'avoir satisfait au souhait de l'enfant, sans avoir cherché à faire taire ce désir ni à se montrer obstructive. Sa situation personnelle pouvait justifier effectivement qu'elle se rende plus disponible pour sa recherche d'emploi, d'ailleurs menée à terme".

D'une part, contrairement à ce qui est affirmé dans le jugement, la conclusion ne débute aucunement par les termes précités mais est précédée d'environ six lignes relatives à la description de l'état clinique et psychique du jeune, soulignant que :
En confiance, spontané dans son expression, sans facteur d'influence perceptible, il déclare avoir effectivement il y a un an "avoir eu l'idée d'aller chez papa pour le voir plus souvent".
D'autre part, sauf à dénaturer les termes de la consultation dont s'agit et à ignorer le contexte même dans lequel celle-ci a été sollicitée par la mère en vue d'avoir "témoignage de l'état de l'évolution du mineur et de son ressenti dans l'actuelle situation", précisément d'un professionnel psychologue-clinicien, les premiers juges ont déduit à tort de la phrase incriminée et de l'emploi de l'allocution "A mon sens", que M. X... "a donc implicitement affirmé que contrairement à la mère de l'enfant, son père, en sollicitant du juge aux affaires familiales la résidence de son fils, ne respecte pas son désir, se montre obstructif et que cela n'est pas à son honneur" et qu'il "se permet donc de porter un jugement sur le comportement d'une personne qu'il n'a ni vu ni entendu".
Il n'est donc pas justifié d'un manquement quelconque de la part de M. X... aux prescriptions du code de déontologie des psychologues, notamment pris en son article 19 du titre II relatif au caractère relatif des interprétations faites par le psychologue et au fait qu'il ne tire pas de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, notamment lorsque ces conclusions peuvent avoir une influence sur leur existence.
Il n'a plus méconnu les dispositions du point 6 des principes généraux (titre I) de ce même code concernant la prise en considération des utilisations possibles qui peuvent être faites par des tiers de son intervention.
D'ailleurs, il n'est pas sans intérêt de noter que la cour n'est nullement renseignée, pas plus que ne l'avaient été les premiers juges, sur le sort réservé par le juge aux affaires familiales à ladite consultation, encore moins sur le caractère décisif que cette dernière a pu avoir dans la décision, au demeurant non produite aux débats.
En effet, alors même que d'évidence, il n'ignorait rien de la possible utilisation qui pouvait être faite de sa consultation privée par Mme C..., M. X... ne saurait avoir pris pour acquis, comme le soulignent les premiers juges, "les arguments de discrédits portés par M. Z... sur son ex-épouse" mais a simplement relaté les propos tenus par l'enfant sur son père, et fait état, en sa qualité de professionnel, du ressenti de l'enfant quant aux arguments de son père pour s'opposer à la demande de la mère de reprendre son droit de garde sur l'enfant après avoir dénoncé à son premier terme la convention relative à la résidence de ce dernier.
En cela, cette consultation privée ne méconnaît pas davantage les dispositions de l'article 9 du titre II du code de déontologie des psychologues qui préconise que "les avis du psychologue peuvent concerner des dossiers ou des situations qui lui sont rapportées" mais que "son évaluation ne peut porter que sur des personnes ou situations qu'il a pu examiner lui-même".
Dès lors, tout en relevant pertinemment que M. X... n'émettait aucun avis sur les aptitudes parentales de M. Z..., les premiers juges ont, de manière erronée et par une interprétation abusive des termes de la consultation, retenu que ce professionnel avait émis un avis sur sa personnalité, d'une part, en considérant que contrairement à Mme C..., il ne respectait pas le désir de son fils, se montrait obstructif et d'autre part, en prenant pour acquis les propos rapportés, sans l'avoir rencontré et qu'à ce titre, ceci apparaissait suffisant pour être constitutif d'une faute.
Dans ces conditions, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a retenu une faute à l'encontre de M. X... et l'a condamné au paiement de dommages-intérêts.
La demande relative à la publication de la décision à intervenir, et sur laquelle il a certes été omis de statuer par le jugement déféré, est dès lors inopérante.
Sur la demande reconventionnelle de M. X... :
L'appelant ne rapporte pas en l'espèce la justification d'une atteinte à son honneur et à sa probité à raison de l'action en justice exercée à son encontre par l'intimé. Sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts sera rejetée et le jugement déféré confirmé à ce titre.
Sur les demandes accessoires :
En équité, une somme de 1 500 € sera allouée à M. X... en remboursement de ses frais irrépétibles tandis que la demande de M. Z... tant en première instance qu'en cause d'appel sur le même fondement sera rejetée.

Le jugement dont appel sera infirmé en ce sens.
M. Z... sera tenu aux dépens tant de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande reconventionnelle,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que M. X... n'a commis aucune faute professionnelle dans le cadre de la consultation privée qu'il a établie à la demande de l'ex-épouse de M. Z...,
Déboute M. Z... de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et de celle y afférente de publication de la décision à intervenir,
Condamne M. Z... à payer à M. X... la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute M. Z... de ses demandes sur le même fondement tant en première instance qu'en cause d'appel,
Condamne M. Z... aux dépens de première instance et d'appel, avec pour ces derniers, distraction au profit de la SCP Argellies-Watremet, avocat, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Constate que M. Z... est bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle à hauteur de 70 %, suivant décision du 13 septembre 2011.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

JM/MA


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 1o chambre section d
Numéro d'arrêt : 11/04928
Date de la décision : 15/01/2013

Analyses

Un psychologue rédacteur d'une consultation privée dans le cadre d'un litige sur le droit de garde d'un enfant n'a pas méconnu les prescriptions du Code de déontologie des psychologues dès lors que dans son rapport il n'a pas tiré de conclusions réductrices ou définitives sur les aptitudes ou la personnalité des individus, n'a émis aucun avis sur les aptitudes parentales du père et n'a pas pris pour acquis les arguments de discrédits portés par celui-ci sur son ex- épouse mais a simplement relaté les propos tenus par l'enfant sur son père et fait état, en sa qualité de professionnel, du ressenti de l'enfant quant aux arguments de son père pour s'opposer à la demande de la mère de reprendre son droit de garde sur l'enfant après avoir dénoncé à son premier terme la convention relative à la résidence de ce dernier.


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Perpignan, 07 juin 2011


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2013-01-15;11.04928 ?
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