DV/YR
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRÊT DU 17 Octobre 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/08751
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 OCTOBRE 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NARBONNE
No RG10/00006
APPELANTE :
SA FRAIKIN FRANCE
prise en la personne de son PDG, M. Y... représentant légal
102 Terrasse Boieldieu
Tour Winterthur
92085 PARIS LE DEFENSE
Représentant : la SCPA FROMONT BRIENS & ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS)
INTIME :
Monsieur Jacques Z...
...
34440 COLOMBIERS
Représentant : Me Bruno SIAU (avocat au barreau de BEZIERS)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 SEPTEMBRE 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre
Mme Françoise CARRACHA, Conseillère
Madame Gisèle BRESDIN, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Dominique VALLIER
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement initialement prévu le 10 octobre 2012 et prorogé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Madame Dominique VALLIER, Adjointe administrative principale f.f. de greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
Embauché pour une durée indéterminée à compter du 21 novembre 1984 comme directeur de sa succursale de Perpignan par la société Fraikin Locamion SA (la société), M. Jacques Z... était affecté à compter du 2 octobre 1996 à la succursale de Toulouse puis à compter du 15 décembre 1998 de nouveau à celle de Perpignan, avant d'être nommé en dernier lieu directeur de la succursale de Narbonne/Carcassonne à compter du 28 avril 2005.
Se plaignant de la réduction autoritaire de son salaire depuis 1999 et d'une discrimination liée à l'âge, M. Z... saisissait le conseil de prud'hommes de Narbonne qui faisait droit à ses demandes par jugement du 31 janvier 2008.
Cette décision était infirmée pour partie par un arrêt rendu par cette chambre le 24 septembre 2008, qui reconnaissait toutefois l'existence "d'une discrimination ou tout au moins une absence de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail" et condamnait la société à lui payer 5000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi de ce chef.
Le 24 décembre 2008 l'employeur lui notifiait pour la première fois un avertissement en raison du « non respect de la procédure commerciale concernant la saisie des rapports de visite et suivi insuffisant des avoirs établis à notre client MTM » que le salarié contestait le 9 janvier 2009.
Le 18 juin 2009 la société lui notifiait un second avertissement en raison de « graves manquements concernant la sécurité de l'établissement de Narbonne » faute de visite annuelle par un organisme habilité, que le salarié contestait le 18 août 2009.
Convoqué à un entretien préalable dans le cadre d'une « procédure de licenciement éventuellement pour faute grave » par lettre recommandée avec AR du 2 décembre 2009 lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, M. Z... était licencié pour faute grave par lettre recommandée avec AR du 22 décembre 2009 pour les motifs suivants :
".../...Votre fonction, vos responsabilités, vos délégations de pouvoir impliquent de votre part un encadrement étroit de vos équipes, un suivi constant de votre clientèle et la sécurisation de votre budget et des conditions de travail.
À compter des années 2005,2006 et 2007 vous avez connu de nombreuses difficultés dans la gestion du site de Narbonne (...)
Une amélioration a été notée en 2008 (...) mais a immédiatement replongé en 2009(...).
Ces résultats sont catastrophiques et traduisent un refus réitéré de suivre nos directives et d'assumer vos fonctions et responsabilités (...)
Nous vous avons notifié le 24 décembre 2008 un premier avertissement relatif à l'absence de comptes rendus de visites client, essentiel au suivi commercial, au développement du chiffre d'affaires.
Votre seule réaction a été de tenter vainement de masquer vos manquements par un prétendu manque de temps et de moyens alors que votre expérience sur le poste et les moyens mis à votre disposition vous permettaient de prendre en charge normalement vos responsabilités.
Nous vous avons adressé le 18 juin 2009 un second avertissement lié à des problèmes de sécurité ressortant de votre responsabilité que, cette fois encore, vous avez justifié par un manque d'informations (...).
En revanche les difficultés que nous connaissons vous concernant ne portent pas sur un ou deux indicateurs mais sur l'ensemble de vos axes de responsabilité et sont liés à votre comportement de refus délibéré d'améliorer vos pratiques sur au moins une partie de ces axes.
Nous aurions souhaité que vous usiez de l'énergie déployée pour répondre négativement à nos demandes légitimes d'amélioration aux fins d'assumer vos fonctions et par exemple, de répondre au courrier des clients insatisfaits.
Il apparaît en effet que vos résultats en termes de satisfaction clientèle sont tout aussi à la dérive que vos résultats d'agence, les deux étant évidemment intimement liés.
Nous avons relevé que de nombreux courriers de clients insatisfaits demeurent régulièrement sans réponse (...)
Au-delà des problématiques de satisfaction clientèle, vos résultats sont également en deçà de nos attentes légitimes dans votre rôle d'encadrement de vos équipes, devenu inexistant.
Nous avons avec inquiétude relevé l'absence de tenu des réunions des délégués du personnel, qui constitue une infraction à la législation sociale, pénalement réprimée et dont notre société pourrait être tenue pour responsable.
Votre agence présente également les plus mauvais résultats en terme de nombre d'infractions commises par les conducteurs sur la région sud-ouest, pour 2009, ce qui caractérise votre refus de tenir compte de vos obligations en termes d'encadrement et notamment sur des aspects de sécurité essentiels, pour ne retenir que cet exemple.
En dernier lieu nous avons découvert avec stupeur, à titre d'exemple, en reprenant récemment vos compte rendu d'activité, que vous n'aviez, pour ce mois de novembre 2009, réalisé aucun compte rendu de visite (..).
Ce fait d'une extrême gravité, au surplus répété, ensuite de notre avertissement du mois de décembre 2008, relatif à l'absence de compte rendu de visite, vous est exclusivement imputable et ne peut être excusé en aucune manière.
Aucune des responsabilités qui sont les vôtres n'est plus prise en charge alors que votre expérience, votre équipe stable, et votre savoir-faire vous permettraient, sans trop d'efforts, et sans y passer beaucoup de temps, de redresser la barre.
Votre niveau de responsabilité, votre connaissance des impératifs du poste, la responsabilité des collaborateurs placés à vos cotés, votre expérience sont autant de faits aggravants le comportement d'insubordination délibérée qui est le votre.
Votre attitude s'inscrit depuis plusieurs mois dans une stratégie de rupture, qui vous a conduit à méconnaître votre contrat de travail pour nous pousser à vous licencier sans pour autant vous placer en position de faute flagrante.
Notre positionnement ayant été de vous faire « réussir » à votre poste, y compris contre votre gré, vous avez de toute évidence choisi de durcir votre attitude en multipliant les actes d'insubordination, comme le montrent les faits récents relevés.
Ce faisant, au-delà de la gravité intrinsèque de vos agissements, vous vous placez dans une situation inéluctable du rupture ne serait-ce que pour préserver les intérêts de votre succursale et, partant, de vos collaborateurs proches.
Le péril qui pèse aujourd'hui sur votre agence, vos collaborateurs, en termes de sécurité, sur notre société en termes de respect de nos impératifs légaux les plus élémentaires et la pérennisations de la clientèle nous mettent dans l'impossibilité de vous maintenir aux effectifs..../...".
Estimant cette rupture abusive M. Z... saisissait le conseil de prud'hommes de Narbonne qui, par jugement rendu le 14 octobre 2010, jugeait le licenciement " nul car fondé sur une discrimination liée à l'âge", la procédure de licenciement " irrégulière en la forme" et condamnait la société à lui payer, sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 5 450,12 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2010 :
• 195 000 € net de dommages-intérêts pour discrimination ;
• 5 450 € de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure (condamnation non reprise dans le dispositif) ;
• 4922,69 € au titre de la période de mise à pied injustifiée ;
• 492,27 € de congés payés afférents ;
• 16 350,36 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 1635,04 € de congés payés afférents, en brut ;
• 50 4501,20 € d'indemnité conventionnelle de licenciement, en net;
• 4311,99 € de dommages-intérêts au titre du DIF, en net ;
• 2000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société était en outre condamnée à lui délivrer sous astreinte les bulletins de paie de novembre 2009 et décembre 2009, l'attestation pôle emploi rectifiée et à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage éventuellement payées, dans la limite de six mois.
Par lettre recommandée reçue au greffe de la cour d'appel le 4 novembre 2010, la société interjetait appel de cette décision.
Elle conclut à son infirmation en sa totalité et demande à la cour, statuant à nouveau, de reconnaître l'absence de discrimination et de harcèlement moral, le bien-fondé des motifs du licenciement, de débouter M. Z... de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer 3500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir en substance à l'appui de ses demandes que :
- M. Z... tente insidieusement de refaire juger les faits déjà examinés par la cour d'appel et à l'origine de son arrêt du 24 septembre 2008 auquel s'attache l'autorité de la chose jugée, alors que les faits isolés qui lui sont postérieurs sont justifiés et ne peuvent à eux seuls caractériser une quelconque discrimination ou harcèlement moral à son égard entraînant la nullité de son licenciement ;
- L'agence dirigée par M. Z... occupait la dernière place du classement de la région pour 4 des 5 critères utilisés pour déterminer le pourcentage de satisfaction de la clientèle et il lui est reproché, non de n'avoir satisfait aucun client, mais d'avoir adopté un comportement provoquant de l'insatisfaction chez un certain nombre d'entre eux, y compris les plus importants pour la succursale, sans chercher par la suite à y remédier ;
- C'est la raison pour laquelle l'intimé a été licencié pour faute grave et non pour insuffisance professionnelle, les mauvais résultats et l'insatisfaction de la clientèle qui lui sont reprochés résultant non pas de son incapacité à assumer ses fonctions mais de son attitude délibérée et répétée d'insubordination et de refus d'exécution de ses fonctions, ce désengagement de ses fonctions les plus essentielles ne pouvant s'expliquer que par sa volonté de se faire licencier.
M. Z... conclut à la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation en réparation du "préjudice distinct résultant du caractère discriminatoire du licenciement ou à tout le moins des pressions exercées par la société dans le cadre d'un licenciement disciplinaire infamant", demande à la cour de débouter la société de toutes ses demandes et, statuant à nouveau, de lui accorder en sus des sommes allouées par les premiers juges :
• 30 000 € de dommages-intérêts pour "préjudice distinct" ;
• 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir pour l'essentiel à l'appui de ses prétentions que :
- Il rapporte des indices matériels concordants établissant une discrimination fondée sur l'âge opérée sciemment par la société dans le cadre d'une politique de « rajeunissement » qui s'est poursuivie malgré la décision de la cour d'appel et a amené la société à programmer la suppression de son poste ;
- " Ce licenciement sera donc annulé puisque discriminatoire avec toutes les conséquences de droit" ;
- À titre subsidiaire, les griefs développés dans la lettre de licenciement sont faux et non seulement l'agence de Narbonne n'avait pas le résultat le plus médiocre mais il rapporte la preuve que la clientèle était pleinement satisfaite de sa gestion des agences audoises, que les réunions de délégués du personnel se tenaient régulièrement et qu'aucune faute disciplinaire ne peut lui être reprochée s'agissant de la gestion des chauffeurs ;
- La procédure de licenciement est irrégulière puisque la lettre de convocation crée une confusion sur le motif disciplinaire ou non du licenciement.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
Sur les conditions d'exécution du contrat de travail.
Le salarié soutient que la décision de l'employeur de rompre unilatéralement le contrat de travail est fondée à la fois sur l'existence d'un(e) «Discrimination/harcèlement », ce qui le rendrait nul.
Il indique lui-même que ces deux notions juridiques différentes sont prévues par des articles distincts (articles L 1132-1 et L 1152-1 du code du travail) et que chacune est soumise à des règles de preuve qui lui sont propres, mais ne prend pas la peine de les distinguer.
L'examen des documents régulièrement communiqués et de ses conclusions écrites développées oralement à l'audience démontre que pour l'essentiel il se fonde sur les éléments de fait portant sur les années 2006 à 2008 déjà soumis à cette même cour dans le cadre du précédent contentieux entre les mêmes parties, dont la juridiction avait tiré les conséquences qui lui paraissaient s'imposer.
Le fait qu'elle décide le 24 septembre 2008 que les conditions d'exécution du contrat de travail les années précédentes mettaient à jour « une discrimination ou tout au moins une absence de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail» n'est pas en soi un élément établissant que le licenciement notifié le 22 décembre 2009 est motivé par une discrimination liée à l'âge.
De la même façon, s'il n'est pas discuté que l'intéressé n'a pas bénéficié d'une évaluation professionnelle en 2009 contrairement aux années précédentes, ce fait ne suffit pas à caractériser la mise en place d'une « politique de rajeunissement » dans l'entreprise qui serait discriminatoire à son égard, comme il tente de le faire croire.
L'employeur justifie à cet égard que sur les 13 licenciements opérés en 2009 seuls 5, dont celui de M. Z..., ont affecté des salariés âgés de plus de 50 ans.
Par ailleurs le fait que M. Z... ait fait l'objet les 24 décembre 2008 et 18 juin 2009 de deux avertissements, alors qu'il n'avait jamais été sanctionné auparavant, établit sans contestation possible une dégradation des relations de travail mais est insuffisant en soi à faire présumer une discrimination ou un harcèlement moral.
D'autant que s'il contesta en leur temps ces sanctions disciplinaires, l'intimé n'a jamais discuté la matérialité des faits évoqués par l'employeur pour prendre ces décisions et s'abstient aujourd'hui de demander leur annulation devant la cour.
Il ressort de ce qui précède que M. Z... n'est pas en mesure d'établir des faits caractérisant la discrimination liée à l'âge dont il se prétend la victime ni l'existence d'un harcèlement moral dont par ailleurs il ne dit rien.
Les certificats médicaux versés aux débats, dans lesquels le médecin traitant se contente de reprendre les déclarations du salarié, n'apportent aucun élément de preuve supplémentaire sur ces deux points.
Sur le licenciement.
La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur et à lui seul, est celle qui rend impossible le maintien du contrat de travail et situe nécessairement le débat sur le terrain disciplinaire.
Dès lors que l'exécution défectueuse de la prestation de travail due à une inadaptation au poste ou à une insuffisance professionnelle est en elle-même dépourvue de caractère fautif, l'employeur qui fonde un licenciement disciplinaire sur les conditions d'exécution du contrat de travail doit rapporter la preuve que l' exécution défectueuse alléguée est due à l'abstention volontaire du salarié ou à sa mauvaise volonté délibérée.
La société estime que M. Z... s'est placé délibérément dans une situation de rupture par rapport à sa hiérarchie en refusant délibérément d'assumer ses responsabilités de chef d'agence et qu'il a multiplié les actes d'insubordination, la preuve de cette attitude étant rapportée par la chute catastrophique des bilans de "satisfaction clientèle", l'absence de tenue des réunions des délégués du personnel et les plus mauvais résultats de la région sud-ouest pour 2009 en terme d'infractions commises par les chauffeurs.
Bilan satisfaction clientèle.
En ce qui concerne l'indice de satisfaction clientèle, la société reconnaît elle-même ( conclusions p. 31) que l'agence occupait la dernière place du classement de la région dans 4 des 5 critères utilisés par son "prestataire extérieur" et la 66e place sur 73 au niveau national.
Il s'en déduit, à s'en tenir à l'argumentation de l'employeur, que sur 1 des critères l'agence donnait satisfaction et que, sur le plan national, 7 agences avaient des résultats moins bons sans qu'il élève les mêmes griefs à l'encontre de leur responsable.
Au demeurant l'examen attentif du « baromètre de satisfaction clients » figurant au no26 de ses pièces démontre une tendance à la hausse en 2008 d'un certain nombre de critères jugés importants dans l'appréciation de la « satisfaction globale», ce qui à tout le moins contredit le systématisme prêté à l'intimé.
Celui-ci produit au surplus un nombre significatif (15) d'attestations de clients témoignant de la constance de son professionnalisme et de son sérieux dans l'exécution de sa tâche, y compris en 2009, et de la satisfaction qu'ils ont trouvée dans leur collaboration avec lui.
Il produit également (pièce 31) sa propre évaluation de l'indice de satisfaction des clients de l'agence démontrant que celle-ci bénéficiait d'une «perception générale » satisfaisante de la part de ses clients locaux, y compris les plus importants.
Si l'employeur était en droit d' estimer que les résultats ne correspondaient pas à son attente, pour autant ces données brutes ne lui permettent pas d'arguer d'un refus délibéré de l'intimé d'assumer les obligations envers la clientèle correspondant à ses fonctions et à sa délégation de pouvoir de chef d'agence.
Les réunion des délégués du personnel.
Il n'est pas discuté que M. C..., délégué du personnel, atteste que des réunions avaient lieu "régulièrement" avec la direction de l'agence.
Il importe peu que la preuve du respect de la périodicité mensuelle prévue par le code du travail ne soit pas rapportée, ce témoignage, qui n'est pas argué de faux, suffit à mettre à mal l'affirmation contenue dans la lettre de licenciement selon laquelle l'employeur aurait « relevé l'absence de tenue des réunions des délégués du personnel ».
Le fait sur lequel il se fonde n'étant pas établi, le postulat selon lequel M. Z... se désintéresse délibérément des obligations qu'il tient de sa délégation de pouvoir ne peut qu'être écarté.
Les infractions des conducteurs.
Si les tableaux communiqués par l'employeur (pièce no 27) établissent sans contestation possible un nombre important d'infractions, leur examen détaillé démontre que:
Le nombre le plus important d'infractions concerne la réglementation du travail en matière de transport et notamment le respect des temps de conduite et des temps de pause ;
Les éléments de comparaison fournis ne concernent qu'une partie des agences de la région sud-ouest et sont au surplus limités à l'année 2009.
Si l'employeur peut légitimement s'inquiéter de ces chiffres, ils n'établissent pas pour autant le refus ferme et délibéré de M. Z... d'assumer ses "obligations en terme d'encadrement".
D'autant qu'il est acquis aux débats que l'intéressé a été absent pour maladie à plusieurs reprises pendant l'été 2009, qu'aucune directive, note ou observation de la société ne relève ce que celle-ci considère aujourd'hui comme une dérive catastrophique et que les avertissements, notamment celui du 18 juin 2009, n'en font pas état.
Il se déduit de ce qui précède que la société n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, que M. Z... ait refusé, de façon volontaire et délibérée, d'exécuter loyalement son contrat de travail et notamment d'assumer les fonctions d'encadrement résultant des délégations de pouvoir dont il disposait.
L'intention prêtée au salarié de mal faire pour se faire licencier ne peut être un motif de licenciement.
L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain disciplinaire, le licenciement pour faute doit en conséquence être déclaré sans cause réelle ni sérieuse.
Compte tenu de son âge (60 ans) et de son ancienneté (25 ans) à la date de la rupture, M. Z... était en droit de percevoir, sur la base d'un salaire mensuel moyen brut exactement fixé par les premiers juges à 5450,12 € :
Des indemnités de rupture (préavis, congés payés sur préavis et indemnité conventionnelle de licenciement) dont le montant a été exactement évalué par les premiers juges dont la décision sur ce point doit être confirmée en l'absence de critique ;
Un rappel de salaires correspondant à la période de mise à pied exactement évalué par les premiers juges, cette évaluation ne faisant pas l'objet de critique ;
Des dommages-intérêts sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, d'un montant minimal de 32 700,72 €, qu'il y a lieu de fixer à 150 000 € pour tenir compte de la difficulté dans laquelle s'est trouvé le salarié de retrouver un emploi en raison de son âge sans pouvoir bénéficier d'une retraite à taux plein et de la nécessité dans laquelle il s'est trouvé de vendre l'immeuble constituant son habitation principale pour faire face à ses besoins financiers.
Sur l'irrégularité de la procédure.
Contrairement au conseil de prud'hommes, les parties n'ont jamais soutenu que la lettre de convocation « donne à penser que la décision de licenciement était déjà acquise ».
Le seul fait que l'employeur, qui assortit sa convocation à un entretien préalable d'une mise à pied conservatoire, se réserve la possibilité de licencier "éventuellement pour faute grave" ne peut raisonnablement créer aucune confusion sur le caractère disciplinaire ou non de la procédure engagée.
Outre que l'article L 1235-2 exclut le cumul d'indemnisation dans une telle hypothèse, l'irrégularité alléguée n'existe pas.
Sur le droit au DIF.
Il est constant qu'en invoquant la faute grave l'employeur a privé le salarié des informations nécessaires au bénéfice des droits acquis au titre de la formation et que ce dernier a subi un préjudice de ce chef dont les premiers juges ont fait une exacte évaluation qui ne fait pas l'objet de critique.
Sur les dommages-intérêts en raison des circonstances de la rupture.
S'il n'est pas établi que le licenciement était fondé sur la volonté de l'employeur de discriminer M. Z... en raison de son âge, les développements qui précèdent démontrent que l'employeur n'a pas hésité à engager une procédure disciplinaire pour écarter à tout prix un salarié présent depuis 25 ans dans l'entreprise, n'hésitant pas à cette occasion à utiliser les arguments les plus outrés pour tenter d'établir l'existence d'une faute grave privative de toute indemnité.
Cette attitude caractérise en effet un abus, générateur d'un préjudice que la cour est en mesure d'évaluer à 10 000 € pour tenir compte d'une part de la violence des critiques, notamment des termes de la lettre de licenciement, d'autre part de leur impact psychologique et de leur incidence sur l'état de santé du salarié qui en est la victime.
Sur les allocations-chômage
Il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné l'employeur à rembourser aux organismes intéressés les allocations-chômage éventuellement perçues par le salarié dans la limite de six mois, en application de l'article L 1235-4 du code du travail.
PAR CES MOTIFS
La cour ;
Infirme le jugement rendu par la section encadrement du conseil de prud'hommes de Narbonne le 14 octobre 2010 en ce qu'il a retenu l'existence d'une discrimination liée à l'âge, la nullité du licenciement et l'irrégularité de la procédure ;
Statuant à nouveau dans cette limite ;
Rejette les demandes liées à l'existence d'une discrimination et/ou d'un harcèlement moral ;
Rejette la demande de nullité du licenciement ;
Dit la procédure de licenciement régulière et rejette la demande d'indemnité présentée de ce chef ;
Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SA Fraikin Locamion prise en la personne de son représentant légal en exercice à payer à M. Jacques Z... :
• 150 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
• 10 000 € de dommages-intérêts en raison des circonstances brutales et vexatoires de la rupture ;
• Dit que ces sommes seront nettes de tout prélèvement et contribution pour le créancier ;
Le confirme pour le surplus ;
Y ajoutant ;
Dit qu'une copie de la présente décision sera adressée par les soins du greffe à Pôle emploi ;
Condamne la société aux dépens d'appel et à payer à M. Jacques Z... 1500€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,