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04/04/2012 | FRANCE | N°00/00286

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 04 avril 2012, 00/00286


BR/ RBICOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale


ARRÊT DU 4 AVRIL 2012


Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 08545


ARRÊT no


Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 OCTOBRE 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE
No RG00/ 00286


APPELANTE :


SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DE LA RESIDENCE ANTINEA
prise en la personne de son représentant légal
Allée du Grand Pin
11700 LAREDORTE
Représentant : Me REY substituant la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES (avocats au

barreau de MONTPELLIER)




INTIMEE :


Madame Félicetta X...


...

11200 FABREZAN
Représentant : la SCP CARTIER-DE MARION GAJ...

BR/ RBICOUR D'APPEL DE MONTPELLIER4o chambre sociale

ARRÊT DU 4 AVRIL 2012

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 08545

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 OCTOBRE 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE
No RG00/ 00286

APPELANTE :

SAS SOCIETE D'EXPLOITATION DE LA RESIDENCE ANTINEA
prise en la personne de son représentant légal
Allée du Grand Pin
11700 LAREDORTE
Représentant : Me REY substituant la SCP CAPDEVILA ET VEDEL SALLES (avocats au barreau de MONTPELLIER)

INTIMEE :

Madame Félicetta X...

...

11200 FABREZAN
Représentant : la SCP CARTIER-DE MARION GAJA-LAVOYE (avocats au barreau de CARCASSONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 FEVRIER 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller et Madame Gisèle BRESDIN, Conseillère, chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre
Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller
Madame Gisèle BRESDIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 21 mars 2012 et prorogé au 4 avril 2012, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
**

EXPOSE DU LITIGE

Madame Felicetta X... a été embauchée en qualité d'aide-soignante suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps complet du 03 février 2000, par la société d'exploitation de la résidence ANTINEA (Résidence ANTINEA) qui est spécialisée dans l'accueil des malades âgés fortement dépendants.

Madame X... est affectée à un poste d'aide-soignante de nuit.

Dans le cadre d'une information judiciaire, ouverte le 07 septembre 1998 à la suite de la plainte déposée par une famille de résidents, visant le fonctionnement de la Résidence ANTINEA Madame X... a, au même titre que nombre de ses collègues de travail, été entendue sans pour autant être mise en examen contrairement à Madame Y..., directrice de l'établissement et Madame Z...médecin coordonnateur au sein du même établissement, qui toutes deux ont été condamnées suivant jugement du tribunal correctionnel de Carcassonne rendu le 23 janvier 2008, devenu définitif, lequel les a reconnues coupables de complicité du délit d'exercice illégal de la profession d'infirmier et condamnées au paiement d'une amende.

Le 19 septembre 2000 Madame X... adresse tant à Madame Z..., directrice, qu'à Madame Y..., médecin coordonnateur, un courrier aux termes duquel, faisant référence à des discussions précédentes dont la dernière en date du 13 septembre 2000, elle leur demande de respecter leurs obligations afin que le travail au sein de l'établissement " se fasse conformément au code de la santé " ainsi que sur la nécessité de prévoir " un ((e) infirmier (e) de nuit ".

Suivant lettre également datée du 19 septembre 2000, Madame X... est convoquée par l'employeur à un entretien préalable fixé au 03 octobre 2000 et mise à pied immédiatement à titre conservatoire ; elle est licenciée par lettre recommandée en date du 06 octobre 2000, distribuée le 09 octobre 2000, pour " attitude d'insubordination grave " tenant au refus, réitéré lors de l'entretien préalable, " d'effectuer la distribution des médicaments (préalablement préparés par les infirmiers en exécution des ordonnances du médecin), de surveiller des résidants sous perfusion ou stomisés, mettre les collyres, etc... ".

Le 09 octobre 2000 Madame X... conteste, dans une longue correspondance adressée à la directrice de l'établissement, la légitimité de la mesure de licenciement en rappelant l'absence d'infirmier de nuit et sa propre volonté d'être encadrée par un infirmier afin de collaborer, sous sa responsabilité, aux soins dans les limites de sa compétence et de sa formation.

Madame X... a saisi le 03 novembre 2000 le conseil de prud'hommes de Carcassonne d'une demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ainsi que d'une indemnité de préavis.

Il a été, à la demande des parties, sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale et par jugement rendu le 05 octobre 2010 la juridiction prud'homale a dit le licenciement prononcé à l'encontre de Madame X... dénué de cause réelle et sérieuse, condamné l'employeur à lui payer 971, 58 € d'indemnité de préavis outre 2500, 00 € de dommages-intérêts et ordonné le remboursement à Pole Emploi, par la Résidence ANTINEA, des indemnités de chômage versées à la salariée à concurrence de trois mois d'indemnisation.

Appelante de cette décision la Résidence ANTINEA soutient que la mesure de licenciement est fondée, la salariée ayant refusé d'accomplir des " tâches qui font intégralement partie de la fonction d'aide-soignante ".

Elle affirme, se prévalant en cela de l'arrêté du 25 janvier 2005, qu'il appartient aux aides-soignantes " de réaliser certains soins " et conclut à l'infirmation du jugement déféré, au déboutement de l'ensemble des demandes formulées par la salariée ainsi qu'à sa condamnation à lui verser la somme de 3000, 00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Madame X... fait valoir qu'à aucun moment elle n'a refusé d'accomplir les actes relevant de sa profession, mais a simplement demandé a être encadrée par un infirmier dont l'absence durant son service de nuit a été expressément visée dans le cadre de la procédure pénale.

Elle ajoute que la lettre de licenciement est insuffisamment motivée sur les faits susceptibles d'avoir constitué " l'attitude d'insubordination grave " et que le seul texte qui peut lui être opposé est le décret du 15 mars 1993 applicable à l'époque du licenciement et non l'arrêté du 25 janvier 2005.

Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris, sauf à majorer le montant des dommages-intérêts accordés dont elle demande qu'ils soient portés à la somme de 15 000, 00 € ; elle réclame enfin condamnation de la Résidence ANTINEA à lui verser 3000, 00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives, la Cour se réfère aux conclusions notifiées par les parties, auxquelles elles ont expressément déclaré se rapporter lors des débats.

SUR QUOI

Afin d'assurer une meilleure compréhension du contexte dans lequel les faits se sont déroulés, la Cour se doit de mentionner que lorsque le licenciement est intervenu les effectifs en personnel de la Résidence ANTINEA, qui possédait une autorisation d'ouverture pour 60 lits, n'étaient constitués, hormis la directrice et deux médecins, que d'une seule infirmière et de deux aides-soignantes ; l'ensemble des autres salariés étant cuisinières, lingères, aides des collectivités ou pour la majeure partie d'entre-elles " auxiliaires de gériatrie " dont l'instruction avait permis d'établir que cette " qualification " ne correspondait à aucun diplôme mais avait été crée par l'équipe de direction.

Sur la rupture du contrat de travail

La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et situe nécessairement le débat sur le terrain disciplinaire

A titre liminaire la Cour ne peut que relever que l'employeur sur qui repose la charge de la preuve, se prévaut à l'encontre de la salariée d'un arrêté du 25 janvier 2005 (en réalité arrêté du 22 octobre 2005 relatif au diplôme professionnel d'aide-soignant) qui en tout état de cause n'intéresse pas la présente procédure en ce que le licenciement lui est antérieur de plus de cinq années et que n'étant pas en application à l'époque il ne peut être opposé à la salariée.

Il appert de la lecture du décret no93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier, paru au JORF du 16 mars 1993, pris en son article 3 que " dans le cadre de son rôle propre, l'infirmier accompli les actes ou dispense les soins infirmiers suivants, visant notamment à assurer le confort du patient et comprenant, en tant que de besoin, son éducation et celle de son entourage : soins d'hygiène corporelle et de propreté, vérification de la prise des médicaments et surveillance de leurs effets,..., surveillance de l'élimination intestinale et urinaire,..., surveillance des cathéters courts : veineux, artériels ou épicrâniens, surveillance des cathéters ombilicaux... "

En son article 4 que " L'infirmier est habilité à accomplir sur prescription médicale, qui, sauf urgence doit être écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, les actes ou soins infirmiers suivants :..., mise en place et ablation d'un cathéter court ou d'une aiguille pour perfusion dans une veine superficielle des membres ou dans une veine épicrânienne,..., administration des médicaments,..., pulvérisations médicamenteuses,..., irrigation de l'oeil et instillation de collyres,... ".

Après interrogation de l'Académie Nationale de Médecine, le Conseil d'Etat, dans un avis d'assemblée a souligné la nécessité d'assouplir les conditions d'application du décret sus-visé ; cet avis a fourni la base d'une circulaire de la direction générale de la santé publique, en date du 04 juin 1999, relative à la distribution des médicaments qui, opère une distinction entre d'une part les circonstances et d'autre part le mode de prise et la nature du médicament.

Cette circulaire énonce notamment que lorsque la distribution du médicament ne peut s'analyser comme une aide à la prise apportée à une personne malade empêchée temporairement ou durablement d'accomplir certains gestes de la vie courante, elle relève de la compétence des auxiliaires médicaux habilités à cet effet lesquels interviennent alors, soit en vertu de leur rôle propre (article 3 du décret du 15 mars 1993), soit en exécution d'une prescription médicale (article 4 du même décret).

Il résulte ainsi des dispositions combinées du décret et de la circulaire que l'aide à la prise du médicament ne correspond à un acte de la vie courante que dans la mesure où le mode d'administration et la nature du médicament ne présentent pas de difficulté particulière ; toutefois lorsque le mode d'administration présente au sens des textes " une difficulté particulière ", qu'il s'agisse d'injection ou de soluté buvable ne pouvant garantir l'administration d'une dose précise et ne pouvant être préparé d'avance dans un pilulier, l'on se trouve en présence d'actes exclusivement réservés à un personnel infirmier.

Dès lors que l'administration de médicaments, la surveillance des cathéters et l'instillation de collyres, tous faits visés dans la lettre de licenciement, constituent des actes relevant soit du rôle propre de l'infirmier, soit d'une exécution par celui-ci sur prescription médicale écrite, il ne peut être reproché à Madame X..., aide-soignante, de s'y être opposé dans son exécution hors la présence et l'assistance d'un infirmier seul habilité à le faire.

La Résidence ANTINEA est au surplus dans l'incapacité de justifier avoir informé le personnel de l'établissement du contenu de la circulaire de juin 1999 et plus encore d'en avoir assuré une communication individuelle à ceux et celles qui, dans le cadre des fonctions qui leur étaient dévolues, étaient enjointes par leur hiérarchie d'assurer l'administration des médicaments aux personnes hébergées dont il a été dit qu'il s'agissait de malades âgés fortement dépendants.

Ce faisant n'ayant pas placé les salariés en situation de connaître le contenu de cette circulaire elle ne peut s'en prévaloir à leur encontre.

En confirmant le conseil de prud'hommes la Cour déclarera le licenciement dont Madame X... a fait l'objet dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En considération de l'ancienneté acquise par la salariée, de sa qualification et de sa rémunération, des difficultés justifiées par elle pour retrouver un nouvel emploi, des circonstances et de l'attitude de l'employeur dans la conduite de la rupture du contrat de travail, la Cour confirmera la juridiction prud'homale en ce qu'elle a alloué des dommages-intérêts à la salariée, mais elle l'infirmera sur le quantum en condamnant la Résidence ANTINEA à payer à Madame X... la somme de 10 000, 00 €.

Le conseil de prud'hommes sera enfin confirmé en sa condamnations de la Résidence ANTINEA à verser à Madame X... la somme de 971, 58 € à titre d'indemnité de préavis dont l'employeur a discuté le principe mais non le mode de calcul.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il condamne la société d'exploitation de la Résidence ANTINEA à verser à Madame Félicetta X... la somme de 2500, 00 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau du chef de cette disposition infirmée,

Condamne la société d'exploitation de la Résidence ANTINEA, prise en la personne de son représentant légal, à payer à Madame X... 10 000, 00 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Y ajoutant,

Dit que les sommes allouées à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sont nettes de tous prélèvements pour la salariée,

Condamne la société d'exploitation de la Résidence ANTINEA, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Madame X... la somme de 1500, 00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société d'exploitation de la Résidence ANTINEA aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 00/00286
Date de la décision : 04/04/2012

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-04-04;00.00286 ?
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