COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4ème chambre sociale
ARRÊT DU 01 Février 2012
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/00713
Sur arrêt de renvoi (RG no 2161 f-d) de la Cour de Cassation en date du 09 DECEMBRE 2010, qui casse et annule dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 20 juillet 2009 par la Cour d'Appel de Nîmes statuant sur appel du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Vaucluse en date du 18 septembre 2008 ;
APPELANTE :
SA FONDASOL TECHNIQUES, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège social290 rue des GaloubetsBP 76784140 MONTFAVETReprésentant : Me ROIG substituant Me Olivier BAGLIO (avocat au barreau D'AVIGNON)
INTIMES :
Monsieur Maurice Z......84510 CAUMONT SUR DURANCEReprésentant : Me Philippe MOURET (avocat au barreau D'AVIGNON)
CPAM DU VAUCLUSEBP 3247, rue François 1er84043 AVIGNON CEDEXreprésenté par Mme ROUX Sylvianne en vertu d'un pouvoir en date du 14/12/11
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 DECEMBRE 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Pierre D'HERVE, Président de ChambreMonsieur Robert BELLETTI, ConseillerMadame Gisèle BRESDIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCEDURE
Maurice Z... salarié de la société Fondasol Techniques (la Société), en qualité d'agent technique mécénicien PL, a été victime le 28 mai 2002 d'un accident dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse (la Caisse), accident survenu dans les circonstances suivantes : " en voulant sortir un jumelage arrière gauche d'un véhicule GMC, M. Z... s'est fait mal au dos".
Après fixation d'un taux d'incapacité de 12%, la Caisse lui a notifié l'attribution d'une rente d'incapacité permanente à compter du 1er octobre 2004.
Le 9 janvier 2006, monsieur Z... a saisi la Caisse d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Après convocation par la Caisse de monsieur Z... et de la Société (l'employeur), un procès verbal de non conciliation a été établi le 254 avril 2006.
En cet état, monsieur Z... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Vaucluse lequel, par jugement du 18 septembre 2008 a statué ainsi qu'il suit :- Déclare recevable en la forme la requête de M. Maurice Z... qui n'est donc pas atteinte par la prescription biennale et au fond y fait droit comme suit :- constate que l'employeur, la société Fondasol Techniques a commis une faute inexcusable lors de l'accident du travail dont a été victime monsieur Z... le 28 mai 2002,- ordonne une expertise médicale,- désigne pour y procéder le docteur B... Marc, ... avec mission de prendre connaissance de son dossier médical et d'examiner monsieur Z... Maurice, d'évaluer à partir de ses constatations et ensuite des examens pratiqués, les préjudices personnels subis par monsieur Z... dans toutes ses composantes (pretium doloris, préjudice d'agrément et professionnel);-dit que l'expert accomplira sa mission conformément aux dispositions du code de procédure civile,- dit que l'expert déposera son rapport au secrétariat dans les trois mois à compter de sa saisine, sauf prorogation dûment autorisée par le magistrat, à la demande de l'expert,-dit qu'en cas de refus, empêchement ou négligence, l'expert commis sera remplacé par simple ordonnance,-déclare ce jugement commun et opposable à la CPAM du Vaucluse,- dit que monsieur Z... a droit à une somme provisionnelle de 1500 €,- sursoit à statuer sur le fond dans l'attente du dépôt de l'expertise médicale,- déboute les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires.
Sur appel de la société Fondasol Techniques, la cour d'appel de Nîmes par arrêt du 20 juillet 2009, a infirmé ce jugement et statuant à nouveau, a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée par monsieur Maurice Z... à l'encontre de la société Fondasol Technique à la suite de son accident du travail du 28 mai 2002, et a dispensé monsieur Z... du droit prévu à l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale.
Sur pourvoi formé par Maurice Z..., la Cour de cassation, deuxième chambre civile, par arrêt du 9 décembre 2010, a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Nîmes.
La Cour de cassation, au visa de l'article L 431-2 du code la sécurité sociale dans sa rédaction applicable en l'espèce, relève que pour dire prescrite l'action de M. Z..., l'arrêt se borne à retenir que le versement des indemnités journalières a cessé le 25 juin 2002 et que, pour la période courant de cette date au 24 septembre 2002, M. Z... ne justifie pas d'arrêts de travail ni de versement de telles indemnités, et "qu'en se déterminant ainsi, alors que par conclusions écrites jointes au dossier, M. Z... soutenait, en produisant des certificats médicaux, avoir perçu des indemnités journalières du 28 mai 2002 au 30 septembre 2004, repris son travail le 25 juin 2002 "à l'essai" selon le médecin du travail, puis bénéficié ultérieurement d'arrêts de travail établis "au titre de la prolongation", la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision".
Par déclaration reçue au greffe le 3 février 2011, la société Fondasol Techniques a saisi la Cour d'appel de Montpellier désignée comme juridiction de renvoi.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La société appelante à la Cour de réformer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de dire irrecevable le recours intenté par monsieur Z... sur le terrain de la faute inexcusable de l'employeur, comme étant prescrit pour ne pas avoir été intenté dans le délai de deux ans qui suit la fin du versement des indemnités journalières et antérieur à sa rechute du 23 septembre 2002, sollicitant l'allocation d'une somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Après avoir rappelé les dispositions de l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale, elle fait valoir en substance tout d'abord que par rapport au jour de l'accident ou de la première constatation médicale (soit le 28 mai 2002), la prescription biennale est acquise dés le 27 mai 2004, qu'il en est de même, par rapport à la date de cessation du travail et que le caractère professionnel de l'accident a été reconnu sans faire l'objet d'une enquête de la part des services de la Caisse.
Ensuite, elle fait valoir pour l'essentiel par rapport au jour de la cessation du paiement des indemnités journalières de sécurité sociale :- que l'examen des arrêts de travail produits démontre que l'assuré a bénéficié d'un arrêt de travail initial du 29 mai 2002 puis de 26 arrêts de travail, qu'il n'existe aucun arrêt de travail de prolongation couvrant la période du 25 juin 2002 au 23 septembre 2002; qu'en effet le médecin traitant de l'assuré a établi un certificat médical de reprise du travail à compter du 25 juin 2002; que par la suite, il n'y a eu aucun autre certificat médical jusqu'à celui improprement qualifié " de prolongation" et qui est un certificat d'arrêt de travail à compter du 23 septembre 2002;- que pour la période du 25 juin 2002 au 23 septembre 2002, monsieur Z... n'a pas perçu d'indemnités journalières, ayant d'ailleurs repris son poste de travail au sein de l'entreprise, ce que l'intimé reconnaît finalement devant la présente cour après soutenu le contraire jusqu'alors; que la reprise du travail de l'intéressé a été conforme à la fiche d'aptitude de reprise établie par le médecin du travail; que l'avis du médecin du travail d'aptitude à l'essai n'est pas un avis d'inaptitude au poste;- que le certificat d'arrêt de travail du 24 septembre 2002 prévoyant un arrêt de travail à compter du 23 septembre 2002 n'est pas un certificat de prolongation, même si le médecin traitant de l'assuré a coché la case "prolongation" et non pas la case "rechute"; qu'il ne pouvait pas s'agir d'une prolongation dés lors que l'intimé avait entre temps repris son travail après avis du médecin du travail;- que la circonstance que par un certificat postérieur, le médecin du travail ait indiqué que le non respect des contre-indications médicales devait entraîner pour l'assuré, et pour le même accident du travail, un nouvel arrêt du 23 septembre 2002, ne démontre pas davantage qu'il ne s'agit pas d'une rechute; qu'il ne peut au contraire s'agir que d'une rechute dés lors que l'assuré déclaré apte a repris son poste, a été rémunéré et a cessé de percevoir les indemnités journalières;- que l'argumentation basée sur " l'article 2170-1 de l'ancien code civil (?)" est inopérante, au regard des dispositions de l'article L 451-1 du code de la sécurité sociale;- que la survenance d'une rechute n' a pas pour effet de faire courir à nouveau la prescription biennale; que la circonstance que M. Z... n'ait été consolidé que le 30 septembre 2004 n'a aucune incidence sur la prescription légale, la cessation du versement des indemnités journalières et la notion de consolidation étant totalement indépendantes;- que les indemnités journalières n'ayant été versées à l'intimé que jusqu'au 24 juin 2002, l'assuré ayant rechuté au mois de septembre, la prescription doit s'étendre du 24 juin 2002 au 24 juin 2004.
Monsieur Z... demande à la Cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à désigner un autre médecin expert et de condamner la société appelante à lui payer la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux dépens.
Il fait valoir pour sa part essentiellement :- que lorsqu'un même accident de travail donne lieu à deux périodes d'arrêts de travail interrompues par quelques mois de reprise (en l'espèce à l'essai), sans qu'il y ait rechute et que la consolidation n'intervient qu'à l'issue de la seconde, le point de départ de la prescription biennale est la date à laquelle les paiements des indemnités journalières ont définitivement cessé à l'issue de la seconde période;- que tel est le cas en l'espèce; qu'en effet, après une première série d'arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail et une reprise de quelques mois, il a de nouveau été placé en arrêt de travail à compter du 25 septembre 2002; qu'à cette date, le paiement des indemnités journalières qui avait cessé temporairement, a repris; qu'il a été consolidé le 30 septembre 2004;- que les deux périodes sont intimement liées puis que les paiements ont la même cause : un même accident du travail, une même lésion et une seule date de consolidation; que c'est à la date de consolidation qu'il a eu connaissance de l'exacte étendue de son dommage; qu'en droit commun, les actions en responsabilité civile extra contractuelle se prescrivent par 10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation; que ce principe doit s'appliquer dans la présente affaire;- que tous les arrêts de travail du 24 septembre 2002 au 30 septembre 2004 font état de prolongation et non de rechute;- que l'interruption du paiement des indemnités journalières entre le 25 juin 2002 et le 24 septembre 2002, période de reprise " à l'essai" est sans incidence et n'a pas fait courir le délai fixé par l'article L 431-2 du code de la sécurité sociale; que son action est donc recevable;- que par ailleurs son action est bien fondée ainsi que l'a justement reconnu le premier juge; qu'il convient toutefois de désigner un autre expert, dans la mesure où il a été amené à rencontrer déjà à deux reprises l'expert désigné par le tribunal dans le cadre de différentes procédures.
La caisse primaire d'assurance maladie du Vaucluse demande acte de ce qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour quant à la reconnaissance du caractère inexcusable de la faute éventuellement commise par l'employeur et s'il y a lieu, quant au montant de l'indemnisation à accorder à la victime, étant précisé que les dites indemnités seront versées par la Caisse qui en récupérera ensuite le montant auprès de l'employeur, si la faute inexcusable est reconnue de condamner l'employeur à lui reverser les sommes avancées en application des articles L 452-2 et L 452-3 du code de la sécurité sociale, ajoutant qu'elle ne saurait être tenue à indemniser l'assuré au delà des obligations mises à sa charge par les dispositions précitées, notamment à lui verser une somme allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle indique que monsieur Z..., au titre de son accident du travail survenu le 28 mai 2002, a été indemnisé par la caisse, du 29 mai 2002 au 7 juin 2002, du 11 juin 2002 au 24 juin 2002 et du 23 septembre 2002 au 30 septembre 2004; elle ajoute qu'aucune rechute n'a été accordée par la caisse.
Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites qu'elles ont reprises oralement à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Il résulte des dispositions de l'article L 431-2 dans sa rédaction applicable en l'espèce que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur se prescrit par deux ans à compter du jour de l'accident ou de la clôture de l'enquête ou de la cessation du paiement des indemnités journalières.
En l'occurrence, compte tenu de la date de l'accident survenu le 28 mai 2002, du fait qu'il n'y a pas eu d'enquête, et de la date à laquelle l'assuré a engagé son action en reconnaissance de la faute inexcusable, soit le 9 janvier 2006, la fin de non recevoir relative à la prescription biennale ne doit être examinée qu'au regard de la date de cessation du paiement des indemnités journalières par l'organisme social.
A cet égard, et contrairement à ce que Mr Z... a soutenu tant devant les premiers juges que devant la Cour d'appel de Nîmes et aussi devant la Cour de cassation, l'intéressé n'a pas perçu d'indemnités journalières sans discontinuer du 29 mai 2002 au 30 septembre 2004, mais du 29 mai 2002 au 7 juin 2002, puis du 11 juin 2002 au 24 juin 2002 et enfin du 23 septembre 2002 au 30 septembre 2004, ainsi qu'il en ressort des pièces justificatives produites aux débats, ce que l'assuré admet en définitive devant la présente cour dans ses dernières écritures.
Il est de principe que la survenance d'une rechute d'un accident du travail n' a pas pour effet de faire courir à nouveau la prescription biennale prévue par l'article L 431-2 sus visé du code de la sécurité sociale.
Même si la Caisse indique qu' "aucune rechute n'a été accordée par la CPAM", force est de constater que les certificats médicaux d'arrêts de travail délivrés par le médecin traitant de l'assuré à partir du 23 septembre 2002 qualifiés par le praticien de certificats " de prolongation" ne viennent pas dans le prolongement de précédents certificats médicaux d'arrêts de travail pour une période immédiatement antérieure; au demeurant, le salarié a repris son travail au sein de la société Fondasol après avoir été déclaré apte à une reprise "à l'essai" par le médecin du travail et a été rémunéré par son employeur pour la fin du mois de juin 2002, le mois de juillet 2002, le mois d'août 2002 et pour la période du 1er au 23 septembre 2002; aucune indemnité journalière n'a été servie à l'assuré au cours de la période du 25 juin au 22 septembre 2002, période au cours de laquelle l'assuré avait repris son activité professionnelle.
En cet état, les certificats médicaux d'arrêts de travail délivrés après une reprise du travail pendant près de trois mois ne peuvent être considérés comme des certificats de "prolongation" d'arrêts de travail; que certificats médicaux relatifs aux arrêts de travail prescrits à compter du 23 septembre 2002 doivent être considérés comme des certificats de rechute.
Dés lors, monsieur Z... disposait d'un délai de deux ans à compter du 25 juin 2002 pour engager son action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur; que l'ayant engagé le 9 janvier 2006, la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action doit être accueillie et l'intimé déclaré irrecevable en son action.
Par suite, le jugement déféré sera infirmé.
La cour estime qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ni de statuer sur les dépens, la procédure étant gratuite et sans frais devant les juridictions de sécurité sociale.
Bien que succombant, l'intimé sera dispensé du droit fixe prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable comme prescrite, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable engagée par Maurice Z... à l'encontre de son employeur, la société Fondasol Techniques à la suite de l'accident du travail dont il a été victime le 28 mai 2002;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens ni à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Dispense Maurice Z... du droit fixe prévu à la'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale.
LE GREFFIER LE PRESIDENT