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07/09/2011 | FRANCE | N°09/203

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 07 septembre 2011, 09/203


BR/ YR
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRÊT DU 07 Septembre 2011



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05979

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 JUILLET 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS
No RG09/ 203



APPELANT :

Monsieur Olivier X...


...

34500 BEZIERS
Représentant : la SCP PIJOT POMPIER (avocats au barreau de BEZIERS)

INTIMEE :

SA CLINIQUE Z... MEDITERRANEE
prise en la personne de son représentant

légal
32 avenue Enseigne Albertini
34500 BEZIERS
Représentant : la SCP SCHEUER, VERNHET ET ASSOCIES (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSIT...

BR/ YR
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRÊT DU 07 Septembre 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05979

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 JUILLET 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS
No RG09/ 203

APPELANT :

Monsieur Olivier X...

...

34500 BEZIERS
Représentant : la SCP PIJOT POMPIER (avocats au barreau de BEZIERS)

INTIMEE :

SA CLINIQUE Z... MEDITERRANEE
prise en la personne de son représentant légal
32 avenue Enseigne Albertini
34500 BEZIERS
Représentant : la SCP SCHEUER, VERNHET ET ASSOCIES (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 JUIN 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
**

EXPOSE DU LITIGE

M. Olivier X... était embauché le 19 février 1992 par la polyclinique du docteur Z... en qualité de « directeur-niveau 20- échelon 3- coefficient 835 », le montant de sa rémunération faisant l'objet de plusieurs avenants successifs.

Aux termes d'un nouvel avenant à son contrat de travail en date du 7 mars 1997, il devenait le directeur salarié unique des SA " polyclinique du docteur Z... " et " polyclinique de la Méditerranée ", lesquelles s'implantaient sur le même site et se regroupaient en 2004 au sein d'une holding, la SA Z...- Méditerranée.

En juin 2007 la SA " Axe santé " représentée par son PDG M. Roger A..., entre autres propriétaire de la clinique Causse à Colombier (34), rachetait 70 % des parts de la SA Z...- Méditerranée.

C'est dans ces conditions que le 1er juillet 2007 à l'initiative de la nouvelle direction commune des deux établissements, les deux entités SA Z...- Méditerranée et SA clinique du Dr Jean Causse signaient un accord aux termes duquel la SA clinique Z...- Méditerranée acceptait " de réduire de moitié le temps de travail de son directeur M. Olivier X... afin qu'il puisse réserver son temps ainsi dégagé à la SA clinique du Dr Jean Causse " pour y exercer les fonctions de directeur.

M. X... était ainsi amené à signer un contrat de travail à temps partiel avec cette dernière, lequel précisait expressément " compte tenu de la nature de ses fonctions de cadre supérieur, M. Olivier X... ne sera tenu à aucun horaire de travail, sa rémunération sera fixée forfaitairement sans tenir compte de quelque dépassement que ce soit ", chacune des deux entités prenant à sa charge la moitié du salaire mensuel de leur directeur commun soit 3493, 82 € en net, soit 4397, 48 en brut pour la clinique Z....

Le 5 novembre 2008, la SA Z...- Méditerranée (la société) adressait à M. X... une lettre recommandé AR " d'observations ", stigmatisant le fait que " le nom de la clinique Z... ou votre rattachement à une clinique de Béziers disposant d'une maternité (seule la clinique Z... répondant à ce critère) est systématiquement mentionné dans vos interventions et articles de presse " et le mettant en demeure de ne pas engager " à l'avenir la clinique Z... par vos propos ou vos actes sans notre aval ".

Cette démarche était suivie d'une mise au point du directeur mis en cause le 17 novembre 2008.

Par lettre recommandée AR du 22 janvier 2009 lui notifiant sa mise à pied à titre conservatoire, M. X... était convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement pour faute grave fixé au 4 février 2009 en raison de " votre comportement professionnel inacceptable et votre attitude, ainsi que les fautes que vous commettez ".

Il était licencié pour faute grave par lettre recommandée AR du 10 février 2009 rédigée en ces termes :

" 1. Par lettre en date du 5 novembre 2008, je vous ai demandé expressément de ne plus faire de confusion entre la clinique Z..., dont vous êtes le directeur salarié, et vos diverses activités extérieures à vos fonctions. Malgré cette demande, vous avez continué à faire référence à la clinique dans différentes déclarations intervenues dans divers médias, et l'associer ainsi à vos activités extérieures à notre établissement. Cette situation caractérise d'ores et déjà une insubordination manifeste.

Ainsi, j'ai pu prendre connaissance d'un article que vous aviez signé dans le mensuel « FAMILI » du mois de décembre 2008, par lequel vous vous présentez encore une fois comme directeur de la clinique Z... à Béziers, pour persévérer dans vos critiques personnelles des produits cosmétiques pour bébés distribués dans les mallettes distribuées par les maternités.

2. Bien pire, malgré l'absence de confusion que j'avais sollicitée, vous avez persisté dans cet amalgame puisqu'à l'occasion du décès de Mme Édith Z..., en date du 15 décembre 2008, vous vous êtes autorisé à utiliser le coffre-fort de la clinique Z... pour y placer des bijoux, chèques signés en blanc et autre valeurs appartenant à la défunte et dans le but :

- D'une part de les mettre en sécurité dans un lieu dont vous n'aviez pas la libre disposition. Cette opération ne pouvait s'effectuer qu'au détriment de la clinique, puisque vous précisez avoir été obligé d'enlever les chéquiers et sauvegardes informatiques de la clinique afin de déposer les bijoux et différentes valeurs de Mme Z... (...) Ils sont aujourd'hui toujours sans protection, au mépris de l'obligation absolue de sécurité et de loyauté qui pesait sur vous.

- Mais également de les soustraire au fils de Mme Z... Edith, M. Albert Z..., actionnaire par ailleurs de la clinique.
Là encore la clinique ne doit pas être associée aux actes qui relèvent de votre vie privée et cette prise de position a été justement dénoncée par M. Albert Z... qui a subi une discrimination en sa qualité d'associé (...) Votre attitude a jeté ainsi un profond trouble dans le fonctionnement et l'administration de l'établissement.

3. Persistant dans ce comportement forcené de confondre la clinique et votre patrimoine personnel, ainsi que d'oublier le lien de subordination qui vous lie à la clinique, vous vous êtes autorisé à adresser, en date du 21 janvier 2009 un message électronique agressif à M. Y... Alexandre François, contrôleur général, lui reprochant d'avoir occupé, avec mon autorisation, au cours de la journée du 20 janvier 2009, la table de conférence située dans la pièce où se trouve votre bureau. Vous êtes allé jusqu'à lui en interdire l'accès dorénavant, empêchant par ailleurs tout accès à cette pièce en récupérant la clef détenu jusqu'alors par la secrétaire.

Je vous rappelle que vous êtes soumis à un lien de subordination du fait de votre contrat de travail et que vous devez, à ce titre, respecter les directives données, sachant que vous n'avez aucune interdiction à me signifier.
À titre d'exemple et pour simplement vous faire réaliser le peu de temps réservé à vos fonctions de directeur dans notre établissement, durant la semaine du 19 au 24 janvier 2009, seule la journée du 21 janvier a enregistré votre présence, journée que vous avez mise à profit pour rédiger cette correspondance on ne peut plus agressive.

4. Enfin, contrairement à vos allégations, je vous ai demandé de mettre un terme, durant les heures de travail, à vos activités syndicales mais également à celles de président de l'association CD2S, le tout générant un absentéisme record se traduisant par une présence au sein de la clinique Z... de moins d'un quart de temps. Je précise que cette faible présence est utilisée à la gestion de votre syndicat et de vos associations, c'est-à-dire à des activités totalement extérieures et étrangères au fonctionnement de la clinique, seule activité pour laquelle vous percevez une rémunération.

L'ensemble de ces faits constitue des fautes graves, justifiant votre licenciement pour le même motif, privatif d'indemnité de préavis et de licenciement (...) ".

Il était concomitamment licencié de son emploi de directeur de la clinique Causse (dossier no 10/ 5978).

Estimant cette rupture abusive, M. X... saisissait le conseil de prud'hommes de Béziers qui, par jugement rendu le 5 juillet 2010, le déboutait de toutes ses demandes.

Par lettre recommandée avec AR reçue au greffe de la cour d'appel le 19 juillet 2010, M. X... interjetait appel de cette décision.

Il conclut à son infirmation et demande à la cour, statuant à nouveau, de juger le licenciement abusif et dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société à lui payer :

• 26 385 € d'indemnité compensatrice de préavis ;
• 2638, 50 € d'indemnité de congés payés sur préavis avec les intérêts de droit à compter du licenciement ;
• 116 899, 68 € d'indemnité de licenciement ;
• 158 309, 28 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
• 30 000 € de dommages-intérêts complémentaires liés aux conditions de la rupture ;
• 2735, 47 € de rappel de salaires au titre de la période de mise à pied outre 196, 95 € au titre des congés payés correspondants ;
• 2000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la communication tardive des documents sociaux ;
• 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir en substance à l'appui de ses demandes que :

- Il s'est comporté comme un " lanceur d'alerte " et a fait usage du principe constitutionnel de précaution en interdisant la distribution dans la maternité qu'il dirigeait de produits cosmétiques potentiellement dangereux pour les bébés ;
- l'employeur était non seulement au courant de cette initiative comme de ses diverses interventions médiatiques mais a autorisé expressément plusieurs émissions montrant la clinique Z... sous le jour d'une « éco-clinique » exemplaire, l'établissement tirant un bénéfice certain de la publicité qui lui était ainsi faite ;
- l'interdiction de l'employeur n'est intervenue que le 5 novembre 2008 et il a immédiatement cessé toute intervention médiatique, sans avoir aucun contrôle sur la diffusion des interviews et émissions accordées antérieurement ;
- il n'a jamais utilisé le coffre-fort de la société mais celui qu'il avait fait placer à l'entrée de son bureau pour ses besoins personnels, en raison de circonstances très particulières et à la demande et sous le contrôle des policiers qui l'ont désigné comme « gardien des scellés » ;
- s'il ne conteste pas avoir été souvent en déplacement, c'était toujours dans le cadre de ses fonctions et pour défendre les intérêts des établissements d'hospitalisation privés, sans que cela entame sa totale disponibilité pour son travail comme en attestent de nombreux témoins.

La société conclut à titre principal à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et au rejet de l'ensemble des demandes, à titre subsidiaire à l'existence à tout le moins d'une cause réelle sérieuse de licenciement si ce n'est d'une faute grave, à titre infiniment subsidiaire à la réduction à de plus justes proportions du montant des indemnités en l'absence de préjudice lié aux conditions de la rupture et de retard dans la transmission des documents de fin de contrat, en toute hypothèse à la condamnation de l'appelant à lui payer 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

- M. X... consacrait la majeure partie de son temps à des activités personnelles en usant de son statut de directeur d'établissement, s'est désintéressé de ses fonctions salariées et opérait un total amalgame entre ses activités privées et son statut de directeur laissant penser pour renforcer l'impact médiatique de ses activités que la société partageait ses idées ;
- il s'est cru ainsi autorisé au titre du comité de développement durable à jeter dans la presse, de façon imprudente et sans réserve, " des propos alarmistes auxquelles il a fallu réagir de toutes parts " sur la dangerosité des produits cosmétiques utilisés pour les soins des nouvaux-nés ;
- la persistance de ce comportement fautif malgré l'avertissement du 5 novembre 2008 rendait impossible son maintien dans l'entreprise en ce qu'il traduisait une violation de ses devoirs de loyauté et de réserve inhérents à ses fonctions salariées et à son statut de cadre ;
- l'amalgame entre la sphère privée et l'exercice de ses fonctions salariées s'est manifesté au surplus à l'occasion du décès de Mme Édith Z..., ancienne gestionnaire de la clinique, de telle sorte que la société s'est trouvée dépositaire de biens ne lui appartenant pas et responsable de leur maintien en sécurité alors que ses biens propres se trouvaient hors du coffre et " mis en péril " ;
- la lettre agressive adressée par M. X... à M. D..., " contrôleur général " que M. A... avait " expressément autorisé à utiliser la table de conférence située dans son bureau ", traduit son " insubordination totale " et justifie de plus fort le licenciement intervenu.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les motifs de rupture.

La faute grave, dont la preuve incombe à l'employeur et à lui seul, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié d'une importance telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise, y compris pendant la durée limitée du préavis.

Le contrat de travail signé avec la société " polyclinique de la Méditerranée " le 10 mars 1997 et toujours en vigueur à la date de la rupture accorde au
« directeur » :

un pouvoir de décision pour la gestion courante, l'élaboration des budgets de fonctionnement et d'investissement soumis au conseil d'administration, les relations avec le personnel (fonctions de " chef du personnel "), le recrutement dans le cadre des budgets votés, l'engagement et la réalisation des dépenses de fonctionnement et d'investissement, les relations avec les fournisseurs, les sous-traitants et les prestataires de services ;

un pouvoir de proposition pour les budgets annuels de fonctionnement et d'investissement, les opérations de rapprochement avec d'autres établissements, les opérations de modification d'activité qui serait rendue nécessaire par la stratégie à long terme adoptée par l'établissement ;

un pouvoir de représentation auprès des organismes de contrôle, des instances professionnelles et des banques, à charge de rendre compte a posteriori au conseil d'administration de ses activités dans ce domaine.

Il est remarquable que la lettre de licenciement du 10 février 2009, qui fixe les limites du litige, n'exprime aucune critique et ne porte même aucune indication sur les conditions dans lesquelles M. X... exécutait les différentes missions inhérentes à ses fonctions de direction que ce soit en terme de résultats obtenus par les structures qu'il dirige, de gestion des établissements, de management du personnel, de relations avec les fournisseurs et la tutelle, de qualité du service rendu, d'indice de satisfaction de la clientèle etc...

Sont seuls évoqués comme constitutifs de fautes suffisamment graves pour justifier la rupture immédiate du contrat de travail d'un salarié qui dirige la polyclinique depuis 17 ans, d'une part le comportement qualifié " de forcené " par lequel il entretiendrait une " confusion " entre " la clinique Z... " et les " diverses activités extérieures " à ses fonctions, qu'elles soient de nature syndicale, associative ou en raison de ses liens avec l'ancienne gérante de la société, d'autre part l'insubordination caractérisée que constitue l'interdiction faite à M. Y... François d'utiliser son bureau sans son autorisation, enfin son " absentéisme record " en raison desdites activités syndicales et associatives.

Sur les activités syndicales et associatives.

Les droits et libertés dans l'entreprise sont reconnues et protégés par la constitution et les engagements internationaux de la France.

Il résulte notamment des dispositions des articles L2141-1 et
L 1121-1 du code du travail que tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et que, sauf abus, il jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

Il n'est pas contesté que M. X... a eu durant l'exécution de son contrat de travail des responsabilités dans divers syndicats et associations, savoir :

depuis 2002, le syndicat SCS. COM chargé de défendre les intérêts des cliniques privées françaises. Ce syndicat a été absorbé par la FHP (Fédération de l'hospitalisation privée) dont le président atteste par courrier du 10 mai 2010 de l'" action remarquable " de M. X... " à la défense des intérêts de notre profession " ajoutant " tout au long de ces années, M. Olivier X... a toujours démontré son sens de l'intérêt collectif, conscient que son action, en bénéficiant à tout un secteur, se répercutait nécessairement sur son établissement " ;

depuis 2000, le " Comité pour le développement durable en santé " (C2DS), créée par une vingtaine d'établissements hospitaliers et à l'origine d'actions et de réflexions sur une démarche " développement durable dans le domaine de la santé " ; la première " université d'été " de cette organisation s'est tenue à la clinique Causse 34 440 Colombiers les 9 et 10 août 2007, en présence de M. Roger A..., PDG ;

depuis 2000, l'association " Passerelles " créée avec des médecins actionnaires de la clinique, dont les actions figurent sur la plaquette de présentation de la clinique comme significative de ce que " la clinique Z... et ses professionnels favorisent ou animent une vie associative riche " (sic) ;

l'association " Béziers-réseau-santé-plus " dont l'objet est " l'aide au sevrage tabagique ", créée pour obtenir des financements pour former le personnel ;

l'association " Sosten " créée avec tous les médecins et directeurs de tous les établissements de biterrois pratiquant les soins palliatifs, dont l'AG s'est tenue à la clinique Causse le 19/ 12/ 2008 avec l'accord et en présence de M. A... ;

la commission de " relations avec les usagers " destinée à " induire une meilleure politique de gestion des soins et des répercussions positives en santé " ;

depuis 2003, l'association " Bien naître en Languedoc-Roussillon " qui regroupe les 10 maternités privées du Languedoc-Roussillon et dont l'objet est " de répondre au plus juste aux attentes des futures mamans en garantissant une grande qualité de l'environnement, des soins et des prestations ".

Il se déduit de cette longue énumération que ces diverses activités ont toutes un lien avec le domaine de la santé et la défense des intérêts des établissements d'hospitalisation privés, dont la polyclinique Z...- Méditerranée, et que la société était au courant, plusieurs années avant la rupture, des engagements et responsabilités de son directeur quand elle ne les a pas validés expressément.

En ce qui concerne l'exposition médiatique en résultant, la cour ne peut que constater que la société n'y a rien trouvé à redire pendant de longues années et qu'il y a tout lieu de penser qu'elle en tirait un bénéfice en termes de notoriété comme le confirment les nombreux " prix " et autres distinctions dont elle a bénéficié pendant la période durant laquelle M. X... assumait les fonctions de direction.

Au demeurant, le seul fait qu'il soit précisé dans un article de presse ou une émission de télévision que celui qui intervient pour le compte d'un syndicat professionnel ou d'une l'association est par ailleurs " directeur de la clinique Z... à Béziers " n'est pas de nature à associer les actionnaires et le PDG de la société aux prises de position de l'intervenant, qui dispose d'un droit d'expression qui lui est propre.

Alors au surplus que l'employeur n'a manifesté pour la première fois une opposition aux propos tenus dans un cadre syndical par son directeur que le 5 novembre 2008, date après laquelle l'appelant démontre qu'il a cessé toute intervention médiatique, quand bien même ont été diffusées postérieurement des interviews et émissions réalisées antérieurement.

Pour la moralité des débats, la cour constate que les courriels adressés par M. X... à M. A... démontrent que ce dernier était au courant de la nature des prises de position litigieuses bien avant de les contester.

Étant précisé sur le fond que le directeur d'une maternité est dans son rôle lorsqu'il interroge en fonction des données actuelles de la science la nature et la qualité des produits distribués gratuitement aux clientes de l'établissement qu'il dirige par les fabricants de cosmétique, par hypothèse extérieurs à l'établissement, pratique susceptible d'engager la responsabilité de la clinique en cas de mauvaise utilisation ou d'intolérance d'un nourrisson à l'un ou l'autre des composants des produits ainsi " généreusement " diffusés.

D'autant que l'employeur s'abstient de justifier que ces fabricants avaient sollicité et obtenu l'autorisation d'intervenir au sein de l'établissement, ce que l'appelant conteste sans être contredit dans son courrier du 17 novembre 2008.

Enfin la société ne peut sérieusement prétendre que la participation à ces différentes activités, dont il a déjà été souligné que dans leur majorité elles ne pouvaient pas être considérées comme " extérieures " au domaine d'intervention de la polyclinique et aux fonctions de direction de l'appelant, entraînait un « absentéisme record » en fondant sa démonstration sur la seule semaine du 19 au 24 janvier 2009.

En effet la preuve est rapportée que l'absence de M. X... cette semaine là était entre autres justifiée par un déplacement à Paris en vue de se voir remettre le 20/ 12/ 2008 par M. E..., ancien premier ministre, le " trophée EDC éthique & gouvernance-catégorie entreprise de taille moyenne " décernée à la " clinique Z..., la première « clinique verte » française ".

C'est donc à tort que l'employeur considère cet événement à ce point " extérieur " à l'activité de la clinique que la participation de son directeur à la cérémonie de remise du prix est assimilée à de " l'absentéisme ".

Sur le coffre-fort.

Il est constant et résulte des pièces régulièrement communiquées et notamment des procès-verbaux établis par les services de police que M. X..., informé de ce que l'ancienne dirigeante de la clinique Mme Édith Z... qui habitait à proximité immédiate de celle-ci n'était pas passée prendre son courrier le matin du 15/ 12/ 2008, se rendait sur place, la retrouvait décédée et appelait le médecin et les services de police.

Les policiers ayant trouvé sur place de nombreux bijoux et valeurs les entreposaient sur la proposition de M. X... dans un coffre-fort situé à proximité de son bureau, l'intéressé étant officiellement désigné
« gardien des scellés » en son nom propre et non au nom de la société.

Contrairement à ce que soutient la société, il est établi par le témoignage de la secrétaire de direction Mme F..., présente à l'époque, que le " petit " coffre-fort utilisé à cette occasion avait été installé par M. X... " il y a fort longtemps " pour son usage personnel et qu'il ne contenait pas les " sauvegardes " de la société ; laquelle ne peut donc prétendre sérieusement que l'intervention de son directeur a laissé des données essentielles " sans protection " et l'a " mise en péril ".

Du reste l'employeur a attendu l'envoi de la lettre de licenciement 20 jours plus tard pour se plaindre d'une situation dont le caractère exceptionnel n'échappe à personne.

Quant à l'intervention de M. Albert Z..., ancien directeur de la clinique en conflit avec sa mère et sa soeur Dominique depuis de nombreuses années, par ailleurs actionnaire de la société, rien ne prouve qu'elle ait été opportune et fondée ni qu'elle ait causé le moindre tort à l'employeur de Monsieur X....

Sur l'utilisation du bureau.

Il est constant que le 20 décembre 2008, alors que l'employeur avait délégué M. X... à Paris pour recevoir le prix évoqué supra, M. D..., officiellement " pharmacien " salarié de la clinique Causse, utilisait à l'insu de l'occupant habituel des lieux " la table de conférence située dans la pièce où se trouve votre bureau " au sein de la polyclinique Z... pour reprendre les termes de la lettre de licenciement ; ce qui en français courant veut dire qu'il occupait le bureau de M. X... en son absence et sans que ce dernier en ait été avisé au préalable que ce soit par l'intéressé lui-même ou par M. A....

Le lendemain 21 janvier, M. X... adressait à M. D... un courriel dans lequel il indiquait :

" Vous avez organisé une réunion dans mon bureau ce mardi 20 janvier !

Vous n'avez pas à rentrer dans mon bureau sans mon accord et je vous interdis formellement de toucher aux documents qui sont en place.
Je constate avec stupéfaction ce matin que tous les dossiers que je traite ont été mélangés et déplacés, tout était classé de manière extrêmement précise et nécessite maintenant un retraitement complet.
Je trouve cela inacceptable.

Un tel manque de respect ne saurait se pérenniser à l'avenir.
Je vous demande donc de ne rentrer dans mon bureau qu'avec mon plein et entier accord, Mme F... n'en détient plus la clé à compter de ce jour ".

Non seulement cette réaction, qui n'a rien d'excessive ni d'injurieuse dans la forme, n'apparaît pas comme l'expression d'un " comportement forcené " ni d'une " confusion entre la société et votre patrimoine personnel " pour s'en tenir là encore à la lettre de licenciement, mais il apparaît à la cour tout à fait légitime que le directeur d'une clinique s'inquiète de l'utilisation de son bureau par un tiers qu'il ne connaît pas sans en avoir été avisé auparavant et considère qu'il s'agit là d'un évident " manque de respect ".

Le fait que l'employeur mette M. X... " à pied " immédiatement après l'envoi de ce courriel et explique aujourd'hui qu'il venait de nommer M. D... comme « contrôleur général » et l'avait expressément autorisé à occuper le bureau du directeur sans que M. X... ne soit même avisé ni de cette nomination ni de cette autorisation est une illustration de sa détermination d'évincer le directeur par tout moyen.

En résumé il ressort des éléments qui précèdent que l'employeur ne démontre pas que les faits invoqués dans la lettre de licenciement soient fautifs et qu'ils justifiaient une sanction disciplinaire, a fortiori la rupture immédiate du contrat de travail ; le licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise à la date de la rupture (16 ans 11 mois 20 jours) et de sa rémunération mensuelle moyenne brute (4397, 48 €), M. X... est en droit de prétendre à :

une indemnité compensatrice de préavis égale à six mois de salaire compte tenu de son statut de cadre soit 26 385 € outre 2638, 50 € au titre des congés payés afférents, en brut ;

une indemnité de licenciement égale d'après la convention collective à 1/ 2 mois de salaire par année d'ancienneté dans la fonction jusqu'à 5 ans et à un mois pour chacune des années suivantes, soit :

• 2198, 75 x 510 993, 75 €
• 4397, 50 x 1148 372, 50 €
• 4397, 50 x 11/ 12 4 031, 04 €
• 366, 46 x 20/ 30 244, 30 €
• total63 641, 59 €

le rappel de salaires correspondant à la période de mise à pied durant laquelle il a été privé de rémunération, soit 2735, 47 €, le montant des congés-payés correspondants devant être ramené à la demande présentée à ce titre soient 196, 95 € ;

80 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la perte injustifiée de l'emploi sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, le fait que l'intéressé ait créé sa propre entreprise quelque mois seulement après le licenciement n'ayant pas pour effet de faire disparaître son préjudice mais seulement d'en limiter le montant.

Sur les circonstances de la rupture

Marginalisé volontairement par son employeur avant la rupture, M. X... a au surplus été mis à pied sans motif valable, a dû engager une procédure judiciaire pour récupérer ses affaires personnelles, a été accusé de " soustraction " et de " recel de bijoux " par l'avocat de l'employeur, a été accusé de " comportement forcené " et de confondre les intérêts de la polyclinique et son " patrimoine personnel ".

Par ailleurs, indépendamment du droit qu'avait l'employeur de prendre l'initiative de la rupture unilatérale du contrat de travail, son éviction brutale lui a interdit de se séparer dans des conditions décentes et dignes du personnel, des clientes et des partenaires habituels de la clinique et obligé à partir dans des conditions explicitement présentées comme suspectes par l'employeur.

Ces conditions de départ particulièrement humiliantes et vexatoires lui ont causé un préjudice moral qu'il y a lieu d'évaluer à la somme de 30 000 € demandée compte tenu des éléments qui précèdent, des fonctions qu'il exerçait, du niveau de ses responsabilités et du montant de sa rémunération.

Sur les autres demandes

L'appelant ne s'explique pas sur sa demande de dommages-intérêts liée à une prétendue " transmission tardive des documents sociaux " et ce chef de demande doit être rejeté.

PAR CES MOTIFS

La cour ;

Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 juillet 2010 par la section encadrement du conseil de prud'hommes de Béziers et, statuant à nouveau sur le tout ;

Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que la rupture est intervenue dans des conditions humiliantes et vexatoires ;

Condamne la SA Z...- Méditerranée prise en la personne de son PDG en exercice à payer à M. Olivier X... :

• 26 385 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 2638, 50 € au titre des congés payés afférents, en brut ;

• 63 641, 59 € d'indemnité de licenciement ;

• 2735, 47 € de rappel de salaires correspondant à la période de mise à pied outre 196, 95 € de rappel de congés payés pendant la même période, en brut ;

• les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 24 mars 2009, date de la convocation devant le bureau de conciliation valant demande en justice ;

• 80 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

• 30 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé par les circonstances de la rupture ;

• Les intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de ce jour ;

Rejette la demande en dommages-intérêts en raison d'une prétendue
" transmission tardive des documents sociaux " ;

Condamne la société intimée à payer à l'appelant 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en appel ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 09/203
Date de la décision : 07/09/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-09-07;09.203 ?
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