BR/ RBI/ CBCOUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 11 MAI 2011
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 05449
ARRÊT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 JUIN 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS No RG09/ 00684
APPELANT :
Monsieur Richard X......Représentant : la SCP DABIENS, CELESTE, KALCZYNSKI (avocats au barreau de MONTPELLIER)
INTIMEE :
Madame Angéla Z...... Représentant : Me Magali FIOL (avocat au barreau de NIMES)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 MARS 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre Madame Bernadette BERTHON, Conseillère Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller
Greffière, lors des débats : Mme Brigitte ROGER
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 20/ 04/ 2011 et prorogé au 11/ 05/ 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Chantal BOTHAMY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Madame Angéla Z...a été embauchée au sein du laboratoire de prothèses dentaires de Monsieur X...à compter du 11 mai 1998 en qualité de prothésiste.
Il ne sera pas signé de contrat écrit mais, quatre mois après, soit le 1er octobre 1998 un avenant ne remettant pas en cause la durée indéterminée du contrat a précisé la durée du temps de travail fixée à 19 heures hebdomadaires.
Ce document établi en double exemplaire a été signé par les deux parties (pièce no 1).
En juillet 2009 Madame Z...fait l'objet de divers arrêts de travail pour maladie non professionnelle et lors de sa visite de reprise, le 19 janvier 2010, le médecin du travail conclut à son inaptitude à tout poste au sein de l'entreprise sans second examen par référence au danger immédiat.
Le docteur D..., médecin du travail a en outre complété son avis par la mention suivante : " Il ne faut pas rechercher un poste de reclassement dans cette entreprise " (pièce no 8).
Convoquée le 29 janvier 2010 à un entretien préalable fixé au 09 février 2010, auquel la salariée n'a pas assisté mais s'est fait à sa demande représenter par un conseiller, elle est licenciée par lettre en date du 12 février 2010 pour inaptitude médicalement constatée.
Saisi par Madame Z...notamment d'une demande en " requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée et à temps complet " le conseil de prud'hommes de Béziers a, par jugement du 25 juin 2010, dit qu'elle a bien été embauchée en contrat à durée indéterminée et à temps complet et condamne l'employeur à lui payer 38 562, 80 € de rappels de salaire, 3856, 28 € de congés payés correspondants, 380, 00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute du surplus de ses prétentions.
Appelant de cette décision Monsieur X...a déposé des écritures le 08 mars 2011 qu'il a reprises à l'audience en faisant valoir que dés le début de la relation professionnelle il était clairement entendu entre les parties que cette relation s'inscrivait dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée mais à temps partiel.
Il se prévaut de l'avenant du 1er octobre 1998 venu matérialiser le contrat de travail à temps partiel mais également du fait que la salariée ne dément pas la réalité de l'accomplissement d'un travail à temps partiel même si au début de sa réalisation des heures complémentaires ont été effectuées et rémunérées.
Il ajoute que Madame Z...a toujours eu une claire connaissance de ses horaires de travail lesquels étaient réguliers et tenaient à ses contraintes familiales.
Il soutient que contrairement à ce qu'avancé par la salariée celle-ci n'a jamais eu à souffrir d'un quelconque harcèlement moral, il conclut à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamné au paiement de rappels de salaire, d'indemnités de congés payés afférents ainsi qu'à une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande que Madame Z...soit débouté de l'intégralité de ses réclamations et qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Suivant écritures déposées le 08 mars 2011 et soutenues à l'audience Madame Z...réitère sa demande initiale en requalification de son contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet.
Elle affirme avoir été victime de harcèlement moral et conclut à la confirmation du jugement entrepris tout en réclamant paiement des sommes suivantes :
-1337, 70 € d'indemnité de requalification,-39 312, 00 € de rappels de salaire,-3931, 00 € pour les congés payés correspondants,-4338, 99 € de rappel d'indemnité de licenciement,-15 000, 00 € d'indemnité pour harcèlement moral et rupture abusive,-2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Elle demande également " la remise des documents administratifs sous astreinte définitive de 50 € par jour de retard ", " l'exécution provisoire sur la moyenne de 1 mois de smic " (sic.) et laisse " à l'appréciation du juge en appel la possibilité de la liquidation d'astreinte ".
SUR QUOI
Sur la requalification
Sans qu'il soit utile de s'étendre en de longs et vains commentaires il sera simplement observé qu'il n'est pas et n'a jamais été discuté que le contrat verbal ayant pris effet le 11 mai 1998 entre Monsieur X...et Madame Z...était bien un contrat à durée indéterminée.
Madame Z...ne discute pas davantage dans ses écritures que dés le début de la relation professionnelle elle a travaillé à temps partiel (pages 2, 3, 5, de ses conclusions), qu'elle a réalisé des heures complémentaires et qu'elles lui ont bien et toujours été payées ainsi que cela ressort des bulletins de salaire produits, lesquels couvrent l'intégralité de la période où la relation professionnelle a existé entre les parties.
Il ne peut non plus être discuté que dés le 1er octobre 1998 un avenant a été signé entre les parties pour préciser les modalités horaires du temps partiel accompli par la salariée.
Ce document ne remet pas en cause le fait que le contrat demeure ce qu'il était et précise que " la modification du présent contrat intervient uniquement sur la durée de travail hebdomadaire ".
Au demeurant Madame Z...n'allègue ni ne démontre qu'il serait intervenu une modification sur les conditions substantielles du contrat initial telles que le montant de sa rémunération, sa qualification ou ses conditions d'exercice.
Alors que la salariée soutient que l'avenant ne spécifie pas les heures de début et fin journalière de travail et qu'il faudra attendre le 1er décembre 2007 pour que soit enfin reconnue sa véritable fonction de prothésiste dentaire, force est de constater à la lecture des pièces du dossier que l'avenant du 1er octobre 1998 mentionne clairement que la durée du travail est de 3 heures le matin du lundi au jeudi et de 7 heures le vendredi soit 19 heures par semaine.
L'employeur apportant au surplus une précision, non démentie par la salariée, que très rapidement et à la demande de Madame Z...les horaires ont été du lundi au vendredi de 8h30 à 12h auxquels le vendredi s'ajoutaient 1h30 de 14h à 15h30 et ce afin de rendre compatibles les horaires de travail avec ceux de la garderie des enfants de Madame Z....
Madame Z...peut d'autant moins prétendre qu'elle se trouvait à la disposition de l'employeur et subissait l'obligation d'effectuer régulièrement des heures complémentaires qu'avec la régularité d'un métronome elle a reproduit dans ses écritures le nombre, toujours identique d'un mois et d'une année sur l'autre, d'heures accomplies et payées figurant sur ses fiches de paye à savoir 82, 27 h pour, dans le cadre de sa demande, réclamer le paiement de rappels de salaires.
S'agissant enfin de la reconnaissance de sa fonction elle n'aura pas attendu, tel qu'écrit en page 5 de ses conclusions le 1er décembre 2007, dans la mesure où cette mention figure sur tous ses bulletins de salaire depuis le mois de mai de l'année 1999.
Les témoignages produits par l'une et l'autre parties, qu'elles se complaisent au demeurant à critiquer, n'apportent rien de plus aux éléments constants ci-dessus déclinés qui établissent que la relation professionnelle était effectivement sur la base d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.
La Cour, par infirmation du jugement du conseil de prud'hommes, déboutera Madame Z...de sa demande en requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée à temps complet ainsi que de ses demandes en paiement de rappels de salaires et de congés payés correspondants.
Sur le harcèlement moral
l'article L. 1152-1 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En outre l'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application des articles L. 1152 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, dés lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que la décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Madame Z...invoque dans ses écritures, constituées de montages les rendant difficilement compréhensibles, l'intention de l'employeur de lui nuire et soutient que " sa maladie est due aux agissements et agressions répétées de l'employeur qui a tenté à plusieurs reprises de provoquer un électrochoc pouvant l'inciter à démissionner ".
Par déduction des éléments figurant dans les conclusions de la salariée il semble que les faits reprochés à l'employeur se situent entre la période s'étendant de mars à juillet 2009 et résulteraient :
d'un désaccord entre la salariée et l'employeur sur la date envisagée de la fermeture de l'entreprise en avril et mai et qui finalement ne se fera pas ; d'une convocation à un entretien préalable fixé au 20 mai, entretien auquel la salariée s'est présentée assistée d'un conseiller et à l'issu duquel l'employeur a abandonné la procédure ; d'une nouvelle lettre de la salariée datée du 29 mai et donc postérieure à l'entretien préalable dans le corps de laquelle la salariée reproche à l'employeur qu'il " n'arrête pas de la harceler ", sans autre précision ; d'un nouveau différent sur les dates des congés d'été 2009, la salariée les prenant d'habitude en août et l'employeur souhaitant en raison de contraintes professionnelles qu'elle les prenne en juillet.
Madame Z...produit en outre deux certificats médicaux : dans le premier daté du 18 août 2009 le médecin généraliste parle " d'un état de stress psychologique important avec inhibition psychologique et anxiété majeure " sans précision aucune sur l'origine de cet état.
Dans le deuxième certificat en date du 08 février 2011 un autre médecin, toujours généraliste, indique avoir arrêté " courant 2009 " Madame Z...qui lui " disait avoir un conflit au sein de son entreprise, avec toujours d'après elle un harcèlement moral ".
Elle se prévaut enfin d'une lettre qu'elle a transmise le 12 août 2009 à l'inspection du travail pour se plaindre de l'employeur et en suite de laquelle l'inspection n'a pas estimé nécessaire de répondre et moins encore de procéder à une enquête.
Force est de constater au vu des éléments ci-dessus déclinés que si Madame Z...soutient que la dégradation de son état de santé trouve son origine dans l'entreprise, l'existence d'un lien direct entre cette dégradation et sa situation personnelle au sein de l'entreprise n'est pas établi et aucun élément objectif du dossier ne laisse présumer l'existence d'agissements répétés de la part de l'employeur de nature à caractériser une situation de harcèlement moral.
Sur la rupture du contrat de travail
Madame Z...a été déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise suivant avis médical de la médecine du travail en date du 19 janvier 2010.
L'inaptitude physique qui s'apprécie par rapport au poste occupé par le salarié, s'analyse comme l'incapacité à remplir le contrat de travail ; elle oblige l'employeur, bien que non tenu d'aboutir à un reclassement, d'établir l'existence d'une recherche sérieuse.
Il appert des éléments et pièces du dossier que le laboratoire de prothèses dentaires de Monsieur X...n'employait en 2009 qu'un salarié, Madame Z..., ce que cette dernière ne discute pas.
L'avis médical du 19 janvier 2010 prononçant l'inaptitude précisait en outre " il ne faut pas rechercher un poste de reclassement dans cette entreprise ".
Consécutivement à cet avis, l'employeur a pris de nouveau attache avec le médecin du travail le 21 janvier 2010 (pièce no 9) en lui rappelant qu'indépendamment de la mention explicite ci-dessus reproduite il se trouve dans " l'obligation de rechercher toutes les solutions de reclassement préalablement à une éventuelle procédure de licenciement ", il sollicite en conséquence que lui soient indiquées les " éventuelles transformations, adaptations ou aménagements de poste " à réaliser.
Ce même jour 21 janvier 2010 il expédie en recommandé un courrier à Madame Z...en lui indiquant s'être rapproché de la médecine du travail afin d'étudier " les modalités de reclassement susceptibles d'être envisagées " (pièce no 10).
Le 27 janvier 2010 il est répondu par le médecin du travail à l'employeur : " Madame Z...ne peut effectuer aucun travail dans votre entreprise et ce de façon définitive " (pièce no11).
Il s'induit de ce qui précède que Monsieur X...s'est efforcé en toute loyauté avec les moyens dont il disposait de rechercher un reclassement dont il démontre que compte tenu de l'état de santé de la salariée il était impossible au sein de sa structure laquelle n'emploie qu'un unique salarié et n'appartient pas à un groupe.
La Cour confirmera le conseil de prud'hommes en ce qu'il déclare fondé le licenciement de Madame Z....
Sur les demandes indemnitaires
Il est établi par les pièces no 14 et 16 de l'employeur constituées du solde de tout compte et de l'attestation ASSEDIC que Madame Z...a été servie de ses droits au titre de l'indemnité de licenciement en ayant bénéficié du versement de l'indemnité conventionnelle, plus favorable que l'indemnité légale.
N'ayant pu exécuter le préavis compte tenu de l'inaptitude, non professionnelle, la salariée ne peut prétendre au paiement de l'indemnité compensatrice ni aux congés payés afférents.
Enfin, le harcèlement moral n'étant pas établi et le licenciement ayant été déclaré fondé Madame Z...est déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il déboute Madame Angéla Z...de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive et harcèlement moral, d'indemnité de préavis et de congés payés sur préavis ainsi que d'indemnité de licenciement ;
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,
Constate que l'embauche de Madame Z...s'est faite suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel,
Dit non établi le harcèlement moral invoqué par la salariée,
Déclare le licenciement de Madame Z...fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute Madame Z...de l'intégralité de ses demandes indemnitaires,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à prononcer condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Madame Z...aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT