CB/ YR COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4o chambre sociale
ARRÊT DU 11 Mai 2011
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 03416
ARRÊT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 FEVRIER 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER No RG08/ 02355
APPELANT :
Monsieur Pierre-Emmanuel X...... Représentant : Me Pascal ADDE SOUBRA (avocat au barreau de MONTPELLIER)
INTIMEE :
SAS DYNEFF prise en la personne de son représentant légal Parc Club du Millénaire-Bt 5 1300, ave Albert Einstein 34000 MONTPELLIER Représentant : Me CRISTAU pour la SELAFA CAPSTAN (TOULOUSE) (avocats au barreau de TOULOUSE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 MARS 2011, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre Madame Bernadette BERTHON, Conseillère Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Chantal BOTHAMY ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Chantal BOTHAMY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Créé en 1958 la société Dyneff SA (la société), dont l'activité principale est le commerce de gros de combustibles et produits annexes, est devenu en 2006 une filiale du groupe pétrolier Rompetrol N. V, compagnie d'origine roumaine basée à Amsterdam et active principalement dans le raffinage, le marketing, le commerce de produits pétroliers mais aussi dans l'exploration, la production, le forage et le transport.
Fin 2007 la société KazMunayGaz (KMG) d'origine kazakhe prenait une participation de 75 % dans le groupe Romepetrol.
La société recrutait successivement :
M. X...le 13 juin 2005, initialement en qualité de " juriste social-niveau IV echelon 1- coefficient 210 " puis à compter du 01/ 08/ 2006 pour exercer les fonctions de « directeur des ressources humaines-cadre niveau VII, coefficient 600 » ;
M. C...le 12 juin 2006, celui-ci exerçant en dernier lieu les fonctions de « responsable distribution région Languedoc-Roussillon-cadre niveau VI, coefficient 340 » ;
M. D...le 2 janvier 2007 en qualité de « directeur commercial détail-cadre niveau VII-coefficient 600 » ;
M. E...le 25 juin 2007 en qualité de « directeur administratif et financier ».
Par ailleurs M. F...était nommé au cours du premier semestre 2007 PDG de la société et M. G...directeur général délégué.
M. F...ayant dû quitter l'entreprise pour raison de santé, il était remplacé en mars 2008 par M. G...qui, nommé en qualité de " président " de la société transformée en SAS lors de l'AG du 25 juin 2008, désignait le 23 juillet 2008 M. H...au poste de directeur général.
Au cours d'un entretien qui s'est tenu le 2 septembre 2008, M. G...évoquait avec M. X...l'éventualité d'une rupture conventionnelle du contrat de travail de ce dernier, information que l'intéressé partageait aussitôt avec MM. E..., D...et C....
Les quatre hommes se présentaient ensemble le 9 septembre 2008 à un entretien initialement convenu entre MM. G...et Borne pour faire suite à celui du 02 septembre.
Le lendemain M. X...assurait à M. G...: " Nous tenons à te réaffirmer que nous avons agi dans un souci de transparence, pour apaiser les tensions que tu as vis-à-vis de nous, dans l'optique d'arriver à une solution saine et cohérente tout cela dans l'intérêt de l'entreprise.../... Nous espérons aujourd'hui qu'à l'honnêteté que nous avons témoigné, la confidentialité que nous t'avons garantie, il sera fait écho d'une solution constructive et responsable dans l'intérêt des deux parties.../... ".
Par lettre du 11 septembre 2008 MM D..., X..., E...et C...s'adressaient aux membres du conseil d'administration et aux dirigeants de la société mère KMG en ces termes :
" Nous, cadres dirigeants de Dyneff, considérons dans l'exercice de nos fonctions qu'il est de notre devoir de vous exposer les faits suivants :
Depuis plusieurs mois, nous avons alerté notre direction générale sur l'absence d'orientation stratégique, l'absence de décision ou des prises de décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l'entreprise Dyneff.
De fait, un désordre interne se propage au sein de l'entreprise depuis quasiment un an, matérialisé par les faits suivants :
- L'absence de coordination : chaque service de l'entreprise défend ses propres intérêts, parfois divergents (...) sans rechercher l'objectif commun que représente le développement de Dyneff. Cela se traduit par un nombre croissant d'altercations entre les personnes. En effet ce manque de cohésion autour d'un projet d'entreprise génère des conflits qui deviennent personnels. D'ailleurs, l'absence de DMT meeting durant plus de sept mois n'a fait qu'amplifier le phénomène.../..- Désordre organisationnel et préconisation de l'ingérence. Certains managers se voient chargés de missions qui ne rentrent pas dans leur champ de compétences. Les personnes qualifiées sont donc écartées de leurs prérogatives.../...- Détournement des énergies : ce flottement dans la définition du périmètre de chacun fait que les managers de Dyneff sont détournés de leur mission car ils gaspillent leur énergie à pouvoir justifier leurs actions plutôt que de se consacrer au développement de l'activité.- Non respect de la structure hiérarchique de Dyneff. Certains subordonnés agissent à l'insu de leurs responsables remettant en cause les décisions prises par ces derniers. Ces actes ne sont pas sanctionnés ce qui crée une situation de désordre, de déperdition d'autorité, engendrant de sérieux problèmes d'organisation et la décrédibilisation des managers.- L'absence de décision même lorsque les faits l'imposent.- Abus d'autorité : certains managers critiquent publiquement leurs collaborateurs ce qui les rabaisse et les met mal à l'aise vis-à-vis des autres. Cela provoque des divisions au sein des équipes et favorise la création de clans..../...- Cette forte tension interne a provoqué des départs successifs de collaborateurs récemment recrutés qui éprouvaient les pires difficultés à s'intégrer, à trouver leurs repères et donc à évoluer dans un contexte leur permettant de développer leur potentiel.
Ces errements et certains de ces faits sont notamment mentionnés dans le règlement intérieur de Rompétrol comme répréhensibles du fait de porter préjudice à l'entreprise.../... les conséquences financières sont plus que préoccupantes. Alors que le groupe Dyneff dégagerait un Ebit instruments de couverture inclus à l'équilibre jusqu'en 2007 (-96 K €), il est à fin juillet 2008 de-4, 5 millions d'€ à comparer avec celui de fin juillet 2007 qui atteignait + 1, 6 millions d'€. Nos volumes sont inférieurs à ceux de l'an passé et notre trésorerie ne cesse de se dégrader.../... Inquiets de cette situation et dans la mesure où des démarches de sensibilisation auprès de notre président n'ont pas abouti, plusieurs cadres de l'entreprise dans le cadre de leur fonction se sont tournés vers la VP HR Camélia Cringus pour évoquer ces différents problèmes. Il était attendu de sa part conseil et soutien afin de relayer l'information au niveau du groupe. À ce jour nous sommes au regret de constater qu'aucune évolution positive n'est intervenue au sein de l'entreprise. Nous avons longuement hésité avant de vous adresser cette note interne. En effet, il n'est nullement dans notre intention de provoquer une rébellion mais simplement, en se basant sur les faits concrets énumérés ci-dessus, attirer votre attention sur les conséquences financières et sociales désastreuses pour Dyneff à court terme.../... "
Le 16 septembre 2008, Messieurs D..., X...et E...étaient reçus collectivement par le président du groupe Rompetrol assisté de MM G...et H...qui leur remettait en mains propres une convocation à un entretien préalable devant se dérouler le 30 septembre 2008 assortie d'une mise à pied conservatoire, M. C..., alors en congé, étant convoqué aux mêmes fins.
Comme ses trois collègues, M. X...était licencié pour faute lourde par lettre recommandée AR du 11 octobre 2008 rédigée en ces termes :
".../... vous avez été embauché à compter du 13 juin 2005 en contrat à durée déterminée en qualité de juriste social et en dernier lieu vous occupiez un emploi de directeur des ressources humaines, emploi relevant du statut de cadre. Dans le cadre de l'accomplissement de votre mission vous jouissez d'un degré élevé d'autonomie et de responsabilité. Au regard de votre statut, de vos fonctions de direction et de vos responsabilités, vous êtes donc tenu à une obligation de loyauté et de fidélité particulière.
Or, nous avons été contraints de constater lors de ces dernières semaines, de graves manquements à ces obligations contractuelles fondamentales, votre attitude étant en totale contradiction avec la position qui est la vôtre.
Ainsi vous êtes cosignataire d'un courrier adressé le 11 septembre 2008 aux membres du conseil d'administration, ainsi que Messieurs André J...« vice président », Dan K...« Coo and trading business unit leader » et Éric L...« senior vice président business unit trail » de la société-mère « The Rompetrol Group NV » au sein duquel vous vous livrez à une véritable entreprise de dénigrement de la société Dyneff et de sa direction, jetant ainsi le discrédit sur la compétence et le professionnalisme de votre président.
Votre action et votre comportement sont tout simplement intolérables.
La méthode que vous avez employée est inacceptable. En effet, l'envoi du courrier du 11 septembre 2008 résulte d'une action concertée avec Messieurs Arnaud E..., Nicolas D...et Marc C..., visant à obtenir l'isolement et la révocation de votre président. À ce titre, tant l'entretien du 9 septembre 2008 durant lequel vous avez collectivement (...) tenté de négocier votre départ moyennant le versement de très fortes indemnités, que la présentation de votre courrier sous forme pétitionnaire, stigmatisent votre déloyauté et votre insubordination.
En outre, les termes de votre courrier du 11 septembre 2008 dépassent largement les standards de communication acceptée au sein d'une entreprise et plus particulièrement en direction de personnes extérieures à cette dernière. Ainsi, vous n'avez pas hésité à utiliser les termes de « décisions incohérentes », « contradictoires », de « désordre interne » se propageant, d'« errements », de « préjudice pour l'entreprise », voir de « conséquences financières et sociales désastreuses » pour la société.
Au surplus, vous n'avez pas hésité à décrire dans votre courrier des situations entre collègues qui s'apparentent à des actes de malveillance, alors que la réalité de l'entreprise est tout autre, les éventuelles tensions entre collègues étant, comme dans toute entreprise, inhérentes à toute relation de travail. De la même manière, vous avez procédé à une présentation économique de volontairement alarmiste et dénuée de toute pertinence.
Ainsi, vous avez volontairement répandu des rumeurs malsaines sur le devenir de la société et sur la précarité de la situation de ses salariés. Vous avez communiqué ces propos, sans réserve ni retenue à des personnes extérieures à la société à des fins déstabilisatrices.
L'ensemble de ces griefs constituent à cet égard des manquements intolérables à vos obligations contractuelles et préjudicient au bon fonctionnement de l'entreprise. C'est la raison pour laquelle nous vous notifions votre licenciement pour faute lourde..../.... "
Estimant cette rupture abusive, M. X...saisissait le conseil de prud'hommes de Montpellier qui, par jugement rendu le 15 février 2010, ordonnait la requalification en CDI de son contrat initial à durée déterminée, condamnait la société à lui payer 5 500 € de ce chef outre 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civil, le déboutait du surplus de ses demandes et le condamnait à remettre à la société " le mot de passe du business plan ".
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 4 mai 2010, M. X...interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 10 avril 2010.
Il conclut à sa confirmation sur la requalification du contrat et ses conséquences, à son infirmation pour le surplus et demande à la cour, statuant à nouveau, de reconnaître la véracité des faits énoncés dans la lettre du 11/ 09/ 2008 laquelle n'est qu'un droit de réponse à l'annonce faite par M. G...de l'envoi d'une version tendancieuse de la situation au conseil d'administration, que cette lettre ne comporte aucun terme injurieux ni diffamatoire ou excessif et ne vise nommément personne, de retenir que ce faisant il a respecté son obligation de loyauté dans le cadre de la liberté d'expression qui lui était reconnue, de juger qu'il a effectué de nombreuses heures supplémentaires restées impayées et de condamner la société à lui payer :
• 2084, 37 € d'indemnité de congés payés en brut ; • 4656, 53 € de rappel de salaires en brut (mise à pied) ; • 16 500 € d'indemnité compensatrice de préavis en brut ; • 7875 € d'indemnité conventionnelle de licenciement en net ; • 73 781, 67 € de rappel d'heures supplémentaires en brut ; • 2187, 58 € de rappel de salaires sur les heures de nuit en brut ; • 9712, 58 € d'indemnité compensatrice de congés payés sur les condamnations de nature salariale en brut ; • 45 082, 56 € d'indemnisation de perte du droit au repos compensateur ; • 33 000 € d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; • 2211 € de dommages-intérêts consécutifs à la perte du droit au DIF ; • 99 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; • 8000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral lié aux circonstances de la rupture ; • " les intérêts légaux capitalisés depuis l'introduction de l'instance " ; • 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande au surplus que soit ordonné sous astreinte :
l'affichage du dispositif de l'arrêt dans l'entreprise sur les panneaux légaux obligatoires durant un mois à compter de l'arrêt et la mise à l'ordre du jour de l'arrêt rendu à la réunion du comité d'entreprise qui suivra la notification de l'information aux représentants du personnel ; la diffusion du jugement sur l'intranet, la société devant en justifier à première demande ; la remise des bulletins de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi rectifiés faisant apparaître les condamnations prononcées.
La société conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et soutient que les signataires de la lettre du 11/ 09/ 2008 ont opéré un véritable chantage dans le cadre d'un complot et menacé de nuire à M. G...dans le seul but d'obtenir des conditions de départ financièrement avantageuses, que le licenciement est bien fondé sur une faute lourde, que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant ce qui exclut toute demande au titre des heures supplémentaires et qu'en tout état de cause elle n'a manqué à aucune de ses obligations en matière de paiement d'heures supplémentaires, de repos compensateur et d'heures de nuit.
Formant un appel incident, elle sollicite la condamnation de l'appelant à lui payer :
• 362 688, 13 € de dommages-intérêts sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ; • 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère au jugement du conseil de prud'hommes et aux conclusions écrites auxquelles elles se sont expressément rapportées lors des débats.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la rupture.
Il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler, moyennant rémunération, pour le compte et sous la subordination d'une autre.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression à laquelle des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent toutefois être apportées.
Il est constant que les termes de la lettre du 11/ 09/ 2008 ne sont pas injurieux et que ses signataires ont modifié le projet initial qui désignait expressément le " mode de gouvernance de notre président " comme le responsable des faits détaillés par la suite.
Pour autant il n'est pas discutable que les termes « décisions incohérentes et contradictoires qui compromettent la pérennité de l'entreprise Dyneff » comme ceux de « désordre interne-désordre organisationnel-détournement-abus d'autorité-tension interne-conséquences financières et sociales désastreuses » n'en sont pas moins violents et dénués de nuance autre que négative et qu'il s'évince de la simple lecture du document que, malgré les précautions prises, leur usage a pour seule finalité de caractériser l'incurie et l'impéritie du président de la société.
Par ailleurs la longue énumération des " faits " qui ont vocation à matérialiser le " désordre interne " annoncé dans le propos liminaire n'est pas l'énoncé de faits précis présentés de façon neutre si ce n'est objective mais est constituée pour l'essentiel de formules globales et imprécises, les auteurs n'hésitant pas à pratiquer l'amalgame entre des situations diverses pour tenter de justifier leur démarche.
C'est ainsi par exemple qu'il n'y a pas grand-chose à voir entre les tensions inhérentes aux relations de travail dans une entreprise dans laquelle chaque service défend ses propres intérêts avec les termes mis en exergue supra.
Enfin il est remarquable qu'alors que trois des quatre signataires sont des cadres supérieurs membres du comité de direction et exercent des fonctions aussi importantes dans l'entreprise que « directeur commercial », « directeur des ressources humaines » et « directeur administratif et financier », ceux-ci n'évoquent à aucun moment leur responsabilité propre dans le fonctionnement de l'entreprise et donc dans la situation qu'ils décrivent.
Sauf à démontrer qu'ils avaient pris ou proposé de prendre depuis plusieurs mois des mesures susceptibles ne serait-ce que de limiter les " désordres ", " abus " et autres " détournements " qu'ils dénoncent et qui sont sans rapport avec les quelques anicroches évoquées dans les courriels communiqués.
Force est de constater à cet égard qu'ils ne sont pas en mesure de justifier de décisions individuelles ou collectives, dans leurs domaines de compétence propre, mettant à jour des divergences de vue entre eux et le chef d'entreprise sur le fonctionnement et la gouvernance de cette dernière à ce point durables et importantes qu'elles légitiment une mise en cause catégorique de l'action, si ce n'est de la personne, du président et l'envoi d'une lettre de dénonciation aux dirigeants du groupe.
Les documents communiqués par l'appelant démontrent a contrario au vu de leurs messages électroniques que les divergences qui pouvaient opposer M. F...et M G...n'amenait pas le premier à remettre en cause les compétences du second ou à lui imputer des " désordres " ou " tensions " susceptibles d'entraîner des " conséquences financières ou sociales désastreuses pour l'entreprise ", ce qui n'empêchait pas l'ancien PDG d'émettre à l'occasion des opinions tranchées.
Il s'évince de ce qui précède que le courrier du 11/ 09/ 08 :
dépasse les standards habituels de communication au sein d'une entreprise, décrit de façon tendancieuse des situations qui s'apparentent à des actes de malveillance, fait une présentation volontairement alarmiste de la situation économique et sociale de l'entreprise, répand des rumeurs sur le devenir de la société et la précarité de la situation de ses salariés, et manifeste l'intention de ses auteurs de mettre en cause et déstabiliser son président.
Il s'ensuit que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement sont avérés.
Ce comportement est d'autant plus fautif qu'il est le fait de cadres supérieurs disposant eux-mêmes d'une large autonomie et d'une autorité non négligeable dans l'entreprise, qui s'adressent directement et collectivement aux nouveaux actionnaires du groupe, alors au surplus que la société Dyneff était en septembre 2008 en pleine réorganisation et qu'un directeur général, dont le poste était resté vacant pendant plusieurs mois, venait d'être nommé.
Cette attitude rendait impossible le maintien du contrat de travail pendant la durée d'un préavis de trois mois et justifie que soit retenue la faute grave.
En revanche l'employeur ne démontre pas l'existence d'un " complot " dans le but d'exercer un " chantage " qui caractériserait selon lui l'intention de nuire des auteurs de la lettre litigieuse ; thèse au surplus en contradiction avec la chronologie puisque, si l'on admettait que le but de l'opération était de faire pression sur le président afin d'obtenir des indemnités de départ les plus élevées possible, les salariés auraient eu tout intérêt à attendre l'expiration de l'ultimatum fixé d'après la société au 12 septembre 2008.
Le jugement déféré doit donc être infirmé en ce qu'il a retenu la faute lourde.
Si le salarié est en droit de prétendre au paiement des congés payés acquis à la date de la rupture et dont le mode de calcul ne fait pas l'objet de contestation, ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la perte injustifiée de l'emploi doivent être rejetées.
Par ailleurs, sauf à penser que l'appelant n'a pas imaginé que l'envoi de la lettre collective du 11/ 09/ 2008 pouvait déplaire, il ne peut sérieusement prétendre que la réaction immédiate de la société donne un caractère particulièrement brutal à la rupture ; et le fait d'accorder à un salarié mis à pied à titre conservatoire, fut-il cadre de haut niveau, 45 mn pour prendre ses affaires personnelles dans son bureau n'est pas en soi vexatoire.
D'autant que les attestations versées aux débats établissent que l'intéressé avait fait le ménage sur son ordinateur et supprimé ses fichiers à caractère personnel quelques jours auparavant.
Les dommages-intérêts complémentaires liés aux circonstances de la rupture doivent être également rejetés.
Sur la notion de " cadre dirigeant ".
Pour retenir ou écarter la qualité de cadre dirigeant d'un salarié, il appartient au juge d'examiner la fonction que le salarié occupe réellement au regard de chacun des critères cumulatifs énoncés par l'article L3111-2 du code du travail, à savoir qu'un cadre dirigeant se voit confier des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, qu'il est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, qu'il perçoit une rémunération se situant parmi les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise ou l'établissement.
Il n'est pas sérieusement discuté que M. X...perçoit une des rémunérations les plus importantes de la société.
En revanche les deux autres critères font défaut.
En ce qui concerne l'organisation du temps de travail il est constant que l'intéressé était tenu de " badger " et que son horaire de travail était donc soumis à celui en vigueur dans l'entreprise.
Du reste le contrat de travail prévoit expressément que le salaire brut mensuel est calculé sur la base d'un horaire de 35 heures hebdomadaires et qu'" il pourra vous être demandé d'effectuer des heures supplémentaires dans le respect des dispositions légales. Celles-ci auront un caractère obligatoire et vous ne pourrez refuser de les effectuer ".
Quant à l'habilitation à prendre des décisions de manière autonome, il ressort de l'organigramme de la société que l'intéressé se trouvait au même niveau hiérarchique que sept autres cadres de l'entreprise, lesquels dépendaient du président et du directeur général, eux-mêmes soumis au conseil d'administration du groupe.
Ce niveau de responsabilité était pris en compte dans la définition et la classification de son emploi au niveau sept de la classification conventionnelle alors que l'accord de branche fixe au niveau huit celui des cadres dirigeants.
Il s'ensuit que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a retenu la qualité de cadre dirigeant de l'appelant pour rejeter ses demandes en rappel de salaires au titre des heures supplémentaires.
Sur les heures supplémentaires.
Il résulte des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.
En application des dispositions de l'article L3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rend sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas un temps de travail effectif ; toutefois, s'il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l'objet d'une contrepartie déterminée par une convention ou, à défaut, par une décision unilatérale de l'employeur.
En revanche le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail fait partie du temps de travail effectif.
Il n'est pas discuté que M. X...n'était soumis à aucune convention de forfait et que toute heure de travail accomplie au-delà de 37 h 30 devait lui être rémunérée conformément à la " note d'information sur les horaires de travail " applicable depuis le 1er janvier 2001 dans l'entreprise.
Pour étayer les décomptes détaillés pour l'ensemble de la durée du contrat de travail qu'il présente de ce chef, M. X...produit notamment les relevés de la badgeuse installée sur le site de Montpellier, les notes de frais intégralement prises en charge par la société et justifiant tant ses déplacements entre les différentes agences de la société que les repas d'affaires pris à l'extérieur, ainsi que des courriels émis par ses soins pour le compte de l'entreprise avec la date et l'heure correspondantes.
Si elle critique heure par heure ces décomptes comme les justificatifs qui y sont joints et propose pour chacune des années 2005, 2006, 2007 et 2008 une évaluation sur la base d'une durée de travail " recalculée " à la baisse par rapport aux demandes (dont le montant total s'élève néanmoins à 30 351, 74 € pour les heures supplémentaires et à 21 403, 95 € pour le repos compensateur " obligatoire ") la société, qui a l'obligation de définir les moyens permettant au salarié de maîtriser la charge de travail et sa répartition dans le temps qu'elle rémunère, s'abstient de produire ses propres justificatifs sur l'horaire effectif de travail pendant la période considérée.
De sorte que les seuls éléments objectifs dont dispose la cour sont les justificatifs fournis par le salarié qui dans ses calculs exclut le temps du trajet domicile-travail.
Il y a lieu en conséquence de s'en tenir aux décomptes proposés par le salarié et étayés par l'ensemble des pièces justificatives qu'il verse aux débats, qui justifient que sa créance de rappel de salaires s'élève à la somme de 73 781, 67 € au titre des heures supplémentaires pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008, outre 7378, 17 € au titre des congés payés correspondants.
S'y ajoute l'indemnité à laquelle le salarié est en droit de prétendre dès lors qu'il n'a pas été en mesure, du fait de l'employeur, de formuler une demande de repos compensateur, soit 45 082, 56 € pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008.
Par ailleurs l'appelant justifie d'une créance au titre de la majoration due pour les heures de nuit qu'il a réalisées à hauteur de 2187, 58 € pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008.
Ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, qui seront capitalisées dans les conditions de la loi en l'absence de demande précise sur ce point.
Sur le travail dissimulé.
En application des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé " travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié " le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement soit à la formalité de la déclaration préalable à l'embauche, soit à la délivrance des bulletins de paie ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli sauf dispositions conventionnelles contraires.
En l'absence de toute contestation entre les parties antérieurement à la saisine du conseil des prud'hommes sur le nombre d'heures effectuées, l'appelant ne démontre pas que l'employeur s'est soustrait intentionnellement au paiement des heures supplémentaires qu'il réclame aujourd'hui.
La demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L8223-1 du code du travail doit en conséquence être rejetée.
Sur la requalification.
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1242-1 et L. 1242-2 du code du travail, que le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif,
ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise,
ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tache précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés par la loi. Tout contrat conclu en méconnaissance de ces dispositions est réputé à durée indéterminée et, s'il est fait droit à la demande de requalification du salarié, il doit lui être accordé une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, sans préjudice des indemnités dues en cas de rupture injustifiée.
Il est constant que M. Pierre Emmanuel X...a été embauché dans un premier temps dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée pour « surcroît temporaire d'activité liée à la réorganisation du service des ressources humaines » en qualité de « juriste social-niveau IV-échelon 1- coefficient 210 ».
En l'absence de preuve contraire de la société, cet emploi ne correspond pas à l'exécution d'une tache précise et temporaire et a manifestement pour objet de pourvoir un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
La décision des premiers juges doit en conséquence être confirmée en ce qu'elle a fait droit à la demande de requalification et accordé l'indemnité correspondante.
Sur le DIF.
Il est constant qu'en application des dispositions de l'article L6323-19 du code du travail l'employeur est tenu de faire figurer expressément dans la lettre de notification du licenciement les droits acquis par le salarié en matière de « droit individuel à la formation » et de la possibilité offerte au salarié licencié de demander à bénéficier d'un bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation.
Force est de constater que la lettre de licenciement est vierge de toute mention à ce titre ce qui cause un préjudice au salarié que la cour est en mesure d'évaluer à 500 € en l'absence de justification d'un préjudice complémentaire de ce chef.
Sur les mesures de publicité.
La solution donnée au litige sur le motif de la rupture comme sur les heures supplémentaires ne justifie en rien les mesures de publicité sollicitées et ce chef de demande doit être rejeté.
PAR CES MOTIFS
La cour ;
Confirme le jugement rendu par la section Encadrement du Conseil de Prud'hommes de Montpellier le 15 février 2010 en ce qu'il a fait droit à la demande de requalification et jugé que le licenciement avait pour cause une faute du salarié privative d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts liés à la rupture ;
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau ;
Dit que la preuve de la faute lourde n'est pas rapportée ;
Condamne la société Dyneff SAS prise en la personne de son président en exercice à payer à M. X...:
• 2084, 37 € de solde de congés payés sur la période de référence en cours ;
• 73 781, 67 € de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008 ;
• 7378, 17 € de congés payés afférents ;
• 2187, 58 € de rappel de salaires pour les heures de nuit ;
• les intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2009 date de la convocation devant le bureau de conciliation valant demande en justice sur ces sommes calculées en brut, qui seront capitalisées par année entière dans les conditions du Code civil ;
• 45 082, 56 € d'indemnité compensatrice de repos compensateur pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008 ;
• 500 € en réparation du préjudice subi en raison du non-respect par l'employeur de son obligation d'information sur le DIF ;
Condamne en outre la société à remettre à l'appelant un bulletin de salaire récapitulant les sommes accordées à titre de rappel de salaires et une attestation pôle emploi rectifiée pour tenir compte de la décision ;
Dit que la remise de ces documents devra intervenir dans le mois de la notification de la présente décision et à défaut sous astreinte de 100 € par jour de retard ;
Rejette les demandes principales en paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et sur la mise en place de mesures spécifiques de publicité ;
Rejette la demande incidente sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Condamne la société à payer à M. X...2000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT