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06/04/2011 | FRANCE | N°08/59

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 06 avril 2011, 08/59


CB/ PDH
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale


ARRÊT DU 06 Avril 2011




Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 04115


ARRÊT no


Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 MARS 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE
No RG08/ 59




APPELANTES :


AGS (CGEA-TOULOUSE)
72, Rue Riquet
BP 846
31015 TOULOUSE CEDEX 6
Représentant : la SELARL FERES & ASSOCIES (avocats au barreau de CARCASSONNE)


AGS STRUCTURE NATIONALE
3 rue Paul

Cézanne
75008 PARIS 08
Représentant : la SELARL FERES & ASSOCIES (avocats au barreau de CARCASSONNE)






INTIMES :


Me X... mandataire ad hoc de la SA...

CB/ PDH
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRÊT DU 06 Avril 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 04115

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 MARS 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE CARCASSONNE
No RG08/ 59

APPELANTES :

AGS (CGEA-TOULOUSE)
72, Rue Riquet
BP 846
31015 TOULOUSE CEDEX 6
Représentant : la SELARL FERES & ASSOCIES (avocats au barreau de CARCASSONNE)

AGS STRUCTURE NATIONALE
3 rue Paul Cézanne
75008 PARIS 08
Représentant : la SELARL FERES & ASSOCIES (avocats au barreau de CARCASSONNE)

INTIMES :

Me X... mandataire ad hoc de la SA CHAUSSURES MYRYS

...

...

11004 CARCASSONNE CEDEX
Représentant : la SCP DABIENS, CELESTE, KALCZYNSKI (avocats au barreau de MONTPELLIER)

Monsieur Bruno Y...

...

57330 HETTANGE GRANDE
Représentant : la SCP LEOSTIC-MEDEAU (avocats au barreau de CHARLEVILLE MEZIERES)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 JANVIER 2011, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre
Monsieur Robert BELLETTI, Conseiller
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Chantal BOTHAMY

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mme Chantal BOTHAMY, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
* *

RAPPEL DES FAITS

L'entreprise MYRYS, dont l'activité était la production et la vente de chaussures, a été fondée dans l'Aude en 1919 par M. Michel Z... et sera, au début des années 1980, le premier employeur de l'Aude avec 1800 salariés.

En 1987, elle sera rachetée par l'entreprise BATA.

Cette activité était alors partagée entre 5 structures : la SARL Etablissements MYRJEF, la SA CHAUSSURES LUCIDOR, la SARL Société d'étude sur la chaussure (SEC), la SA Z...
A... ET SES FILS, et la SA CHAUSSURES MYRYS.

Elle connaîtra de graves difficultés financières qui conduiront à une succession de procédures collectives suivies de licenciements pour motif économique.

Les différentes procédures collectives.

licenciements de 1996.

Par jugement du 12/ 04/ 1996, le Tribunal de commerce de LIMOUX ouvrait une procédure de redressement judiciaire à l'encontre des sociétés SARL Etablissements MYRJEF, SA CHAUSSURES LUCIDOR, SARL Société d'étude sur la chaussure (SEC), SA Z...
A... ET SES FILS et SA CHAUSSURES MYRYS.

Par jugement du 30/ 09/ 1996, le Tribunal de commerce de LIMOUX, constatant les difficultés du secteur de la chaussure, faisait droit à la proposition de reprise des sociétés par Messieurs B... et C..., auxquels se verra par la suite substituée la SA MYRYS INVESTISSEMENT.

En application de ce jugement une première série de licenciements était effectuée en octobre et novembre 1996.

Licenciements de 1998.

Par jugement du 31/ 10/ 1997, le Tribunal de commerce de LIMOUX constatait que la SA MYRYS INVESTISSEMENT ne respectait pas ses engagements, prononçait la résolution du plan de redressement par voie de cession des sociétés du groupe MYRYS et ouvrait une nouvelle procédure de redressement judiciaire à l'encontre des 5 sociétés.

Etaient désignés en qualité d'administrateurs judiciaires, Maître D... et Maître E....

Par jugement du 06/ 02/ 1998, le Tribunal de commerce de LIMOUX constatait une nouvelle dégradation de la situation du groupe et ordonnait la cession du groupe MYRYS aux sociétés KLESH & COMPANY LIMITED et ETAM ainsi que le licenciement des salariés non repris.

En application de ce jugement, une deuxième série de licenciements était effectuée en mars 1998.

C'est alors que la société KCP MYRYS sera créée.

Licenciements de 1999.

Par jugement du 13/ 07/ 1999, modifiant le jugement de cession du 06/ 02/ 1998, le Tribunal de commerce de LIMOUX, compte tenu de la situation financière de la KCP MYRYS, autorisait la cession de 23 fonds de commerce et autorisait le licenciement de :

58 salariés attachés aux 23 fonds de commerce cédés
8 salariés dépendant de l'administratif et du dépôt
112 salariés dépendant de la production

En application de ce jugement, une troisième série de licenciements était effectuée en octobre 1999.

Licenciements de 2000.

Le 30/ 03/ 2000 était présenté un nouveau plan social prévoyant notamment :

- la mise en place d'une cellule de reclassement dont la mission était confiée à la SODIE pour une durée de 20 mois
-une aide à la création d'entreprise et la mise en place d'une convention de conversion
-un congé de conversion pendant 20 mois dont le financement était assuré les 10 premiers mois par la collectivité et les 10 mois suivants par l'employeur
-une convention d'allocation temporaire dégressive et une aide à la mobilité géographique
-une surprime de licenciement de 90. 000 francs (16. 188 €) et des conventions FNE.

Une quatrième série de licenciement intervenait alors à compter de mars 2000.

Licenciements de 2001.

La Société KCP MYRYS faisait l'objet d'un nouveau redressement judiciaire le 25 juin 2001.

La liquidation judiciaire était prononcée le 22 août 2001 avec une poursuite d'activité provisoire jusqu'au 3 septembre 2001.

A la suite de cette liquidation judiciaire, Maître X..., liquidateur, procédait au licenciement des salariés qui restaient aux effectifs.

Les jugements du Conseil de Prud'hommes de Carcassonne.

Par jugements du 29 mars 2010, le Conseil CARCASSONNE a débouté de leurs demandes les personnes

-qui ne produisaient aucune pièce et notamment pas leur lettre de licenciement, estimant qu'elles ne justifiant pas qu'elles avaient été salariées par l'une ou l'autre des structures en litige ou licencié pour motif économique par elles,
- pour lesquelles il était établi qu'elles n'avaient en réalité pas été licenciées pour motif économique mais pour des motifs personnels qui n'étaient pas critiqués,
- qui avaient déjà engagé individuellement, par le passé, une action pour contester leur licenciement et obtenu une indemnisation suite à de précédentes condamnations prud'homales.

Les licenciements de tous les demandeurs qui n'entraient pas dans ses 3 catégories étaient déclarés sans causes réelles et sérieuses et des inscriptions de dommages et intérêts au passif des sociétés en litige étaient prononcées, l'exécution provisoire étant par ailleurs ordonnée.

C'est dans ces conditions que d'une part les salariés déboutés faisaient appel des décisions rejetant leurs demandes, que d'autre part l'AGS interjetait appel de chacune des décisions prévoyant l'inscription de condamnations au passif des sociétés liquidées.

L'exécution provisoire de ces dernières décisions ayant été ordonnée, l'AGS saisissait en référé le Premier Président de la Cour d'Appel de MONTPELLIER aux fins d'arrêter cette exécution provisoire, ou, subsidiairement, de l'autoriser à séquestrer le montant des sommes mises à sa charge.

Par ordonnances du 30 juin 2010, le délégué du Premier Président :

- ordonnait l'arrêt de l'exécution provisoire des décisions à l'encontre des salariés n'ayant plus d'adresse connue
-ordonnait l'arrêt de l'exécution provisoire des décisions à l'encontre des demandeurs ayant la qualité d'héritier d'anciens salariés
-dans les autres cas, confirmait l'exécution provisoire dans la limite de 12. 000 €.

EXPOSE DU LITIGE soumis à la cour.

Monsieur Bruno Y... a été embauché par la société CHAUSSURES MYRYS en qualité de " cadre administratif " à compter du 5 avril 1988 moyennant une rémunération moyenne brute mensuelle en dernier lieu de 2400 €.

Il a été licencié pour motif économique par lettre recommandée AR du 16 mars 1998 rédigée en ces termes :

" Nous avons le regret de vous informer qu'en application des dispositions de l'article 63 de la loi du 25 janvier 1985, il s'avère nécessaire, suite à l'arrêté du plan de cession des sociétés du groupe Myris et notamment de la SA Myris par le tribunal de commerce de Limoux le 6 février 1998, d'envisager à votre encontre une procédure de licenciement pour motif économique. Conformément aux dispositions légales, nous vous précisons que votre licenciement se justifiera pour les motifs suivants :

- Suppression de votre emploi et impossibilité d'assurer votre reclassement en raison de la non poursuite de l'activité des sociétés du groupe Myris en ce y compris la société Myris, consécutive à l'adoption par le tribunal de commerce de Limoux, le 6 février 1998, au profit de la société Klesch Capital Partners, d'un plan de cession entraînant le transfert de leur activité et la poursuite de seulement 269 contrats de travail au sein du siège dépôt de fabrication.

La mise en application de ce plan entraîne la suppression de tous les emplois des cinq sociétés du groupe Myris non repris par la société Klesch capital partners dont le vôtre qui n'appartient pas à une catégorie d'emploi concerné par le transfert. Cette situation nous contraint à envisager votre licenciement. (...)

Cependant et dans la mesure où vous êtes salarié protégé, vous bénéficiez d'un délai de réflexion prorogé de sept jours à compter de la réception de l'autorisation de Monsieur l'inspecteur du travail. (...) ".

Estimant cette rupture abusive il a saisi le conseil de prud'hommes de Carcassonne qui, par jugement du 29 mars 2010, a fixé sa créance au passif des sociétés liquidées aux sommes de 16 803 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 100 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et l'a débouté de sa demande d'indemnisation pour non-respect de l'ordre des licenciements.

Le centre de gestion et d'études AGS (CGEA) de Toulouse, délégation régionale AGS du sud-ouest et l'AGS ont régulièrement relevé appel de ce jugement le 7 mai 2010.

Ils concluent à l'infirmation de cette décision et demandent à la Cour à titre principal de déclarer les demandes irrecevables au motif que le licenciement des salariés protégés ayant été autorisé par l'inspecteur du travail, le juge judiciaire ne peut contrôler les conditions dans lesquelles l'autorité administrative a rempli ses obligations sans violer le principe de la séparation des pouvoirs.

A titre subsidiaire, ils demandent à la Cour de rejeter les demandes en soutenant qu'en conformité avec le droit alors applicable, l'employeur a mis en oeuvre des mesures exceptionnelles et en toute hypothèse proportionnées aux moyens dont il disposait, que le caractère réel et sérieux du licenciement économique ne peut être mis en cause et que l'ordre des licenciements a été respecté et les mesures de reclassement proposées ; en tout état de cause, ils demandent à la Cour de réduire les prétentions de l'intimé qui ne justifie pas véritablement du préjudice individuel qu'il réclame et sollicitent l'allocation d'une somme de 500 € pour procédure abusive et celle de 500 € au titre des frais irrépétibles.

L'intimé conclut à la confirmation du jugement déféré dans son principe, et formant appel incident demande à la Cour de fixer sa créance à la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sollicitant en outre la condamnation solidaire de l'AGS et de Maître X..., es qualité, à lui payer la somme de 300 € " de dépens fixés par l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Carcassonne " (sic) et celle de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en faisant valoir que ses demandes sont recevables et que le juge judiciaire est exclusivement compétent vis-à-vis des salariés protégés qui ont fait l'objet d'une autorisation administrative lorsque ceux-ci élèvent une contestation sur la validité du plan de sauvegarde de l'emploi comme en l'espèce ; à titre subsidiaire, il demande à la cour de " surseoir à statuer et d'ordonner que les requérants, ancien salariés protégés, saisissent le tribunal administratif afin de juger de la légalité de l'autorisation de l'inspecteur du travail ".

Le mandataire ad ho s'associe à l'argumentation de l'AGS et conclut à l'infirmation du jugement déféré aux motifs que la cour doit se placer à la date de la rupture pour déterminer le droit applicable, que les salariés ont bénéficié d'aides importantes et que leurs demandes ont subi quelques jours avant l'audience une inflation injustifiée.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, de leurs moyens et arguments, la cour se réfère à leurs conclusions écrites reprises oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel est recevable en la forme.

Il n'y a pas lieu d'écater des débats les dernières conclusions respectives des parties et leurs pièces, dés lors que la procédure est orale en matière prud'homale et que les parties ont été en mesure d'en discuter à l'audience.

En application des dispositions des articles 4, 6 et 9 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, à qui il appartient d'alléguer et de prouver conformément à la loi les faits propres à assurer le succès de ces prétentions.

Lorsque le licenciement économique d'un salarié protégé a été autorisé par l'inspecteur du travail à qui il appartient de vérifier l'obligation individuelle de reclassement pour apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, contrôler le respect de cette obligation.

Il résulte des termes du litige et des pièces communiquées que le licenciement litigieux a effectivement été autorisé par l'inspecteur du travail antérieurement à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

Cette décision administrative n'a fait l'objet d'aucune contestation et il n'appartient pas à la cour du surseoir à statuer dans l'attente de l'exercice d'un hypothétique recours, en toute hypothèse irrecevable aujourd'hui.

Saisie exclusivement d'une demande d'indemnisation du préjudice causé par le licenciement économique que l'intimé estime sans cause réelle et sérieuse, la cour n'a pas à examiner si l'éventuelle insuffisance du plan de sauvegarde pour l'emploi serait susceptible de causer un préjudice spécifique aux salariés protégés.

Il s'en déduit que les demandes de l'intimé sont irrecevables et que la décision déférée doit être infirmée.

L'AGS ne démontre pas que le droit d'agir en justice a dégénéré en abus.

Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Dit n'y avoir lieu à rejet de pièces et conclusions,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déclare les demandes irrecevables,

Rejette la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'intimé aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 08/59
Date de la décision : 06/04/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-04-06;08.59 ?
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