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23/03/2011 | FRANCE | N°08/00468

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 23 mars 2011, 08/00468


SD/PDH
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRÊT DU 23 Mars 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04581

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 MAI 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN
No RG08/00468

APPELANTE :

SARL DOLILE - PIZZA PAI
prise en la personne de son gérant
Centre Commercial - Mas Galté
Route Nationale 9
66000 PERPIGNAN
Représentant : Me ARIES de la SCP AVOCATS CONSEILS ASSOCIES (avocats au barreau de PYRENEES ORIENTALES)



INTIMEE :

Mademoiselle Sylvia Y...


...

66000 PERPIGNAN
Représentant : Me Georges BOBO (avocat au barreau de PYRENEES ORIENTALES)(...

SD/PDH
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRÊT DU 23 Mars 2011

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/04581

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 MAI 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PERPIGNAN
No RG08/00468

APPELANTE :

SARL DOLILE - PIZZA PAI
prise en la personne de son gérant
Centre Commercial - Mas Galté
Route Nationale 9
66000 PERPIGNAN
Représentant : Me ARIES de la SCP AVOCATS CONSEILS ASSOCIES (avocats au barreau de PYRENEES ORIENTALES)

INTIMEE :

Mademoiselle Sylvia Y...

...

66000 PERPIGNAN
Représentant : Me Georges BOBO (avocat au barreau de PYRENEES ORIENTALES)(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/002406 du 22/02/2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 FEVRIER 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, chargé(e) d'instruire l'affaire, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Sylvie DAHURON

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président de Chambre, et par Mademoiselle Sylvie DAHURON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
* *

FAITS ET PROCEDURE

Sylvia Y... a été embauchée par la société anonyme PIZZA PAI en qualité d'employée de restaurant, statut employé, niveau 1, suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à effet au 23 juillet 2001, moyennant une rémunération mensuelle brute de 573,62 € pour 86 heures de travail par mois ( 19h50 par semaine); le contrat de travail est soumis à la convention collective nationale des hotels, cafés , restaurants.

Par avenant contractuel du 1er février 2005 à effet du même jour, la durée mensuelle de travail a été fixée à 85,93 heures, soit 20 heures par semaine; par avenant du 25 février 2005, à effet au 1er février 2005, la durée mensuel du travail a été portée à 104 heures, soit 24 heures par semaine.

Par lettre simple datée du 29 avril 2008, Madame Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Perpignan pour obtenir la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 4000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement et discrimination.

Suite à des arrêts de travail pour maladie, Madame Y..., reconnue travailleur handicapé a, dans le cadre d'une première visite médicale de reprise du 11 mai 2009, été déclarée" inapte temporaire" à son poste par le médecin du travail, " à revoir pour le deuxième examen médical le 27 mai 2009 à 11h15, l'étude du poste et des conditions de travail dans l'entreprise est prévue le 14 mai 2009 à 15h30".

A l'issue de la seconde visite médicale de reprise du 27 mai 2009, le médecin du travail a émis l'avis suivant : " salariée reconnue travailleur handicapé; l'étude du poste et des conditions de travail dans l'entreprise a été effectuée le 14 mai 2009; inapte à ce poste; apte, après formation si nécessaire, à un poste aménagé tel que : préparation des entrées et remplissage du buffet, aide à la mise en place cuisine, aide en salle pour débarrasser les plateaux, ménage, aux horaires suivants : 8 heures par semaine; quelles sont les possibilités de reclassement ?"

Par lettre recommandée datée du 4 juin 2009, l'employeur a proposé à la salariée d'une part un poste de femme d'entretien, préposée au ménage de la salle de restaurant, consistant notamment à aspirer les moquettes, nettoyer les carrelages, les toilettes, les lavabos et les surfaces vitrées, dépoussièrer la décoration, les cadres et lustres du restaurant, à raison de 2 heures par semaine le jeudi de 9h à 11h, et d'autre part un poste d'employée de restaurant à temps partiel affectée à la préparation des entrées et au remplissage du buffet, consistant dans le nettoyage, l'épluchage et le râpage des légumes, le mélange des ingrédients, la mise en bol des plats obtenus pour monter le buffet des entrées, à raison de 2 heures les lundi, mardi et mercredis de 9h à 11h.

Par lettre recommandée datée du même jour, l'employeur a fait parvenir au médecin du travail les dites propositions de reclassement, en lui demandant de lui confirmer leur conformité avec l'aptitude de la salariée et ses préconisations.

Par courrier du 9 juin 2009, le médecin du travail a fait connaître à l'employeur que la salariée était apte aux postes de reclassement proposés.

Par courrier du 11 juin 2009, Madame Y... a fait savoir à son employeur qu'elle contestait les avis du médecin du travail des 11 et 27 mai 2009.

Par lettre datée du 18 juin 2009, l'inspecteur du travail a indiqué à l'employeur que par courrier du 12 juin 2009, il avait été saisi d'une contestation de l'avis médical émis par le médecin du travail le 27 mai 2009 et qu'il serait procédé à une enquête sur place avec le médecin inspecteur régional du travail et l'inspecteur du travail le 6 juillet 2009.

Entre temps, l'employeur a, par lettre recommandée datée du 12 juin 2009, convoqué la salariée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement.

Le 21 juillet 2009, l'inspecteur du travail a rendu la décision suivante :
" L'avis médical est ainsi libellé :
Madame Y... Sylvia est apte à conserver un emploi à temps partiel comme la préparation des entrées (poste crudités) et remplisssage du buffet dans l'entreprise PIZZA PAI, en poste aménagé après une formation adaptée à ce nouveau poste.
L'employeur peut recourir aux services de maintien dans l'emploi (SANETH ou CRAM) avec l'aide du médecin du travail, afin d'organiser une formation adaptée".

Par lettre recommandée datée du 23 juillet 2009, l'employeur, visant cette décision du 21 juillet 2009, a rappelé à la salariée ses propositions de reclassement formulées par courrier du 4 juin 2009 , en lui demandant de lui faire connaître sa position à réception de ce courrier; la salariée a réceptionné ce courrier recommandé le 27 juillet 2009.

Suivant lettre recommandée datée du 4 août 2009, l'employeur, constatant que la salariée n'avait pas répondu à son courrier du 23 juillet 2009, a convoqué l'intéressée à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, entretien fixé au 14 août 2009.

Par courrier recommandé daté du 19 août 2009, Madame Y... a été licenciée par son employeur, dans les termes suivants :

" Nous vous avons convoqué à un entretien préalable fixé au vendredi 14 août 2009 afin de vous exposer la raison pour laquelle nous envisagions la rupture de votre contrat de travail et de recueillir vos observations.

Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien.

Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour les raisons suivantes :

Madame le docteur B..., médecin du travail, à la suite de la visite médicale que vous avez subie le 27 mai 2009, vous a déclaré définitivement inapte au poste d'employée de restauration que vous occupez au sein de notre entreprise.

Afin de tenter d'assurer votre reclassement, nous vous avons proposé plusieurs postes par courrier du 4 juin 2009 que vous avez refusés par courrier du 11 juin 2009 bien que le docteur B... nous ait fait savoir par courrier en date du 9 juin 2009 que vous étiez apte aux postes proposés.

Vous avez contesté l'avis du docteur B....

L'inspecteur du travail par décision en date du 21 juillet 2009, rendue sur cette contestation, vous a considéré apte à conserver un emploi à temps partiel comme la préparation des entrées (poste cudités) et le remplissage du buffet en poste aménagé après une formation adaptée.

Nous vous avons en conséquence par courrier en date du 23 juillet 2009 que vous avez reçu le 27 juillet 2209, réitéré notre proposition de reclassement en vous demandant de nous faire part de votre position dés récepttion de cette proposition.

A ce jour, vous ne nous avez pas fait savoir quelle était votre décision quant à ce reclassement de sorte que nous sommes conduits à penser que celui-ci ne vous intéresse pas.
En conséquence, nous sommes dans l'obligation de vous notifier par la présente lettre, en application des dispositions des articles L 1226-2 et L 1226-4 du code du travail, la rupture pour inaptitude de votre contrat de travail qui prendra effet immédiatement.

Nous vous indiquons que la date de première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre délai de préavis d'une durée de trois mois qui ne pourra être exécuté, non de notre fait, mais en raison de votre inaptitude à effectuer votre travail.../..."

Madame Y... a formé un recours le 31 août 2009 à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail du 21 juillet 2009 et le 30 octobre 2009, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et de la ville a rendu la décision suivante :

"Article 1 : La décision du 21 juillet 2009 susvisée est annulée
Article 2 : Mademoiselle Y... est inapte à occuper le poste de ménage et de plonge mais serait apte à occuper un poste de préparation des entrées (poste crudités) et de remplissage du buffet dans l'entreprise PIZZA PAI, en poste aménagé à temps partiel après une formation à ce poste".

En cet état, dans ses dernières conclusions prises devant le conseil de prud'hommes, Madame Y... a demandé à cette juridiction, de dire et juger qu'elle a été victime de harcèlement moral, de dire et juger qu'elle doit bénéficier du statut des accidents du travail et des maladies professionnelles et de condamner l'employeur à lui payer la somme de 1572,16 € à titre de solde de salaire, celle de 5266,56 € à titre d'indemnisation du préjudice subi pour harcèlement moral, celle de 1755,52 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, celle de 1316,61 € à titre d'indemnité de licenciement, celle de 10 533,12 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif d'un salarié en accident du travail ou maladie professionnelle et celle de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, sollicitant en outre la délivrance sous astreinte d'un certificat de travail et d'une attestation Assedic conformes.

Par jugement du 6 mai 2010, la juridiction saisie a statué comme suit :

"Déboute Mlle Y... de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la maladie professionnelle;

Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mlle Y... par la SARL DOLILE PIZZA PAI;

Condamne la SARL DOLILE PIZZA PAI à verser à Mlle Y... Sylvia :
- 1755,52 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 10 000 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Ordonne à la SARL DOLILE PIZZA PAI de remettre à Mlle Y... le certificat de travail et l'attestation Assedic conformes au présent jugement;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du CPC

Dit les dépens à la charge de la SARL DOLILE PIZZA PAI ".

Par lettre recommandée du 4 juin 2010, la société DOLILE PIZZA PAI a régulièrement relevé appel de ce jugement qui lui a été notifié le 11 mai 2010.

Par lettre recommandée du 10 juin 2010, Madame Y... a également régulièrement relevé appel du dit jugement qui lui a été notifié le 21 mai 2010.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La société DOLILE PIZZA PAI demande à la cour de réformer le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de la salariée était dénué de cause réelle et sérieuse, de dire que le licenciement est causé et d'en tirer les conséquences en ce qui concerne les indemnités réclamées, de confirmer le jugement entrepris pour le surplus, de débouter la salariée de ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle soutient pour l'essentiel :

- que ses propositions de reclassement ont été validées à deux reprises par le médecin du travail et l'inspecteur du travail,
- que la salariée a contesté la décision de l'inspecteur du travail du 21 juillet 2009 sans en informer ni l'employeur, ni la juridiction prud'homale,
- que la décision ministérielle ne remet pas en cause ses propositions de reclassement, notamment sur le poste de restauration,
- que le refus de ces propositions de reclassement et l'impossibilité de reclasser ont entraîné le licenciement de la salariée,
- qu'elle a bien respecté ses obligations imposées par l'article L 1226-2 du code du travail,
- que la salariée en n'informant pas l'employeur sur ses intentions, a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi son contrat de travail,
- que la salariée ne rapporte la preuve d'agissements qui seraient constitutifs de harcèlement moral, la salariée ayant été déclaré apte sans réserves quelques mois avant son arrêt de travail.

Madame Y... demande à la cour de réformer le jugement déféré, de dire qu'elle a été victime de harcèlement moral, de dire qu'elle doit bénéficier du statut des accidents du travail et des maladies professionnelles, de condamner l'employeur à lui payer les sommes telles que réclamées devant le premier juge ci dessus reproduites, sollicitant en outre la délivrance sous astreinte d'un certificat de travail et d'une attestation Assedic conformes.

Elle soutient en substance pour sa part :

- qu'elle établit des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral et que l'employeur n'a jamais répondu sur les faits qu'elle a dénoncé et qu'il ne pouvait ignorer,
- que sa situation n'est pas constitutive d'une maladie mais résulte d'un traumatisme provenant de l'entreprise, résultant d'actes de harcèlement de sorte qu'elle doit être considérée en accident du travail et bénéficier du régime favorable des accidentés du travail,
- que selon la lettre de licenciement qui conditionne le litige, elle a été licenciée exclusivement pour inaptitude sans aucun autre motif recevable,
- qu'elle a été licenciée sur la base d'une décision de l'inspecteur du travail qui a été annulée; que l'employeur a formulé une proposition de reclassement sans attendre une décision administrative définitive; que l'employeur l'a licencié sans attendre sa réponse à une proposition de reclassement alors qu'elle ne pouvait répondre en l'absence de décision administrative définitive,
- que s'agissant de l'exécution de bonne foi du contrat de travail, la loi présume la bonne foi et l'employeur qui invoque une obligation du salarié de l'informer des recours que ce dernier peut effectuer, ne pouvait ignorer la loi pour, dans sa précipitation, se débarasser d'elle.

Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites qu'elles ont repris oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Il convient pour une bonne administration de la justice de joindre les procédures inscrites au répertoire général de la cour sous les numéros 10/4581 et 10/4767.

1. sur le rappel de salaire

La salariée réclame un rappel de salaire correspondant à la différence entre le versement de son salaire et celui des prestations servies par l'organisme social au titre de la simple maladie, soutenant qu'elle a été victime d'un accident du travail.

Force est de constater que les arrêts de travail de la salariée n'ont pas été pris en charge par l'organisme de sécurité sociale au titre de la législation professionnelle et que la salariée n'établit pas avoir contesté les décisions de cet organisme, étant observé qu'il n'appartient pas à la juridicition prud'homale de se prononcer sur le caractère professionnel des arrêts de travail de l'intéressée, ni sur l'existence d'un accident de travail.

Par suite, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté ce chef de demande.

2. sur le harcèlement

Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du Code du Travail invoquées par Madame Y... l'appui de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour
effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du dit code, lorsque survient un litige relatif à l'application de l'article 1152-1 du code, le salarié doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, le juge formant sa conviction, après avoir au besoin ordonné toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Tout d'abord il convient de relever que la salariée ne conteste pas qu'elle a saisi en juillet 2006 la juridiction prud'homale pour harcèlement moral et admet dans ses écritures qu'elle s'est désistée de sa demande à ce titre suivant décision du 25 septembre 2006.

Ensuite, pour la période postérieure à cette date, la salariée produit aux débats à l'appui de sa demande :

- des arrêts de travail délivrés par plusieurs praticiens qui n'ont pas été directement témoins de faits susceptibles de caractériser une situation de harcèlement moral,
- une attestation de Patricia C... (?) non accompagnée d'une pièce justificative de l'identité de son auteur, une attestation de François D..., une attestation de Lionel E... accompagnée de rapports de stage, documents qui font état des qualités de la salariée, mais ne rapportent aucun fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral,
- un jugement du tribunal correctionnel de Perpignan en date du 21 mai 2008 condamnant l'auteur de vols commis au préjudice de plusieurs personnes physiques et morales le 17 novembre 2007, dont notamment la salariée et un autre membre du personnel de la société PIZZA PAI, ce qui n'est pas de nature à caractériser un fait de harcèlement moral imputable à l'employeur,
- une attestation de Joëlle F..., une attestation de Fréderic G... et une attestation de Gilberte H..., les deux dernières attestations n'étant pas accompagnées de pièces justifiant de l'identité de leur auteur, attestations qui soit se rapportent à des faits de janvier 2006 (alors que la salairée s'est désistée en septembre 2006), soit ne rapportent aucun fait précis et daté, les témoignages se limitant à confirmer "un harcèlement moral",
- un jugement de la juridiction de proximité de Perpignan du 3 décembre 2007 déclarant la salariée et un autre prévenu, non coupables des faits de violences réciproques n'ayant entraîné aucune incapacité de travail, ce qui nest pas de nature à établir un fait de harcèlement moral à l'encontre de l'employeur,
- diverses plaintes ou mains courantes déposées par la salariée entre mars 2005 et février 2008 qui ne sont corroborées par aucun élément matériel ou témoignage.

En l'état de ces éléments, c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de la salariée en paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral.

3. sur le licenciement

Tout d'abord, Madame Y... ne peut prétendre au bénéfice des dispositions relatives au salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, pour les motifs ci dessus exposés et en application de l'article L 1226-6 du code du travail.

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige que la salariée a été licenciée pour inaptitude médicalement constatée et non acceptation d'une proposition de reclassement sur un poste à temps partiel affecté à la préparation des entrées et au remplissage du buffet; la lettre de licenciement apparaît suffisamment motivée.

Il résulte des dispositions de l'article L.1226-2 du Code du Travail, qu'à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident, si le salarié est déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail.

Il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir procédé au licenciement de la salariée le 19 août 2009, en l'état de la décision de l'inspecteur du travail du 21 juillet 2009, sans attendre le résultat du recours hiérarchique formé par la salariée le 31 août 2009, soit postérieurment à la notification de son licenciement.

Certes, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité et de la ville, dans sa décision du 30 octobre 2009 annule la décision de l'inspecteur du travail du 21 juillet 2009, mais en son article 2, dit que Madame Y... , inapte au poste de ménage et de plonge, serait apte à occuper un poste de préparation des entrées (poste crudités) et de remplissage du buffet, en poste aménagé à temps partiel.

Or la proposition de reclassement de l'employeur, formulée le 4 juin 2009 et réitérée le 23 juillet 2009, à savoir un poste d'employée de restaurant à temps partiel (à raison de 2 heures par jour les lundi, mardi et mercredi de 9h à 11h), consistant à la préparation des entrées et au remplissage du buffet ( nettoyage, épluchage et râpage des légumes, mélange des ingrédients, mise en bol des plats obtenus pour monter le buffet des entrées) est en tous points conforme à la décision ministérielle.

Par ailleurs, cette décision du ministre n'est pas en totale contradiction avec l'avis du médecin du travail du 27 mai 2009 formulé à l'issue de la seconde visite médicale de reprise selon lequel la salariée serait apte à un poste aménagé tel que préparation des entrées et remplissage du buffet, avis sur lequel l'employeur s'est basé pour formuler sa proposition de reclassement après l'avoir soumise à l'avis du médecin du travail qui, par courrier du 9 juin 2009 a indiqué que le poste proposé était compatible avec ses préconisations et les capacités de la salariée.

La salariée n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait pas répondre à la proposition de reclassement de l'employeur du fait que "les services de la médecine du travail n'avaient pas fixé leur position définitive", alors qu'elle n'a formé son recours hiérarchique à l'encontre de la décision de l'inspecteur du travail, plus d'un mois après avoir réceptionné la proposition de reclassement et postérieurement à la notification de son licenciement.

Par suite, il apparaît que l'employeur a bien respecté son obligation de reclassement, et c'est à tort que le premier juge a considéré que le licenciement de la salariée était dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement déféré sera donc infirmé sur ce point et la salariée débouté de sa demande en paiement d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par ailleurs, la salariée qui a été réglée de l'indemnité de licenciement, n'est pas fondée à réclamer le doublement de cette indemnité sur le fondement de l'article L 1226-14 du code du travail, inapplicable en l'espèce, l'inaptitude de la salariée n'étant pas consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle; c'est à juste titre que le premier juge a rejeté ce chef de demande.

4. sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Eu égard à la solution apportée au règlement du présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de Madame Y..., sans qu'il y ait lieu de faire application au profit de l'employeur des dispositions de l'‘article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Ordonne la jonction des procédures inscrites au répertoire général sous les numéros 10/4581 et 10/4767,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, alloué à la salariée une indemnité compensatrice de préavis et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ordonné la remise d'un certificat de travail et d'une attestation Assedic conformes au jugement et condamné l'employeur aux dépens,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés,

Dit le licenciement de Sylvia Y... fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Sylvia Y... de ses demandes en paiement d'indemnité compensatrice de préavis et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en remise d'un certificat de travail et d'une attestation Assedic rectifiés,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Sylvia Y... aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 08/00468
Date de la décision : 23/03/2011

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2011-03-23;08.00468 ?
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