BR/ BB/ BR
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRÊT DU 02 Mars 2011
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 04358
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 AVRIL 2010 CONSEIL DE PRUD'HOMMES-FORMATION PARITAIRE DE BEZIERS
No RG09/ 438
APPELANTE :
EURL MACERE
X...
, prise en la personne de son représentant légal
12 impasse Morastel
34500 BEZIERS
Représentant : la SCPA SEGUIER-BONNET, (avocats au barreau de BEZIERS)
INTIME :
Monsieur Mamadou Y...
...
34500 BEZIERS
Représentant : la SCP GUIRAUD-LAFON-PORTES (avocats au barreau de BEZIERS)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 9204 du 22/ 06/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 FEVRIER 2011, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette BERTHON, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire ;
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre
Madame Bernadette BERTHON, Conseillère
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Yves ROLLAND, Président de chambre, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
**
FAITS ET PROCEDURE
Mamadou Y... a été engagé par l'EURL
X...
qui a pour activité le nettoyage courant des bâtiments dans le cadre d'un contrat de travail " nouvelles embauches " à temps complet en date du 7 mai 2007 en qualité d'ouvrier d'exécution coefficient 150 de la de la convention collective nationale du Bâtiment ouvriers (moins de 10 salariés).
Le 20 août 2008, l'employeur a notifié au salarié un premier avertissement pour laxisme et absences injustifiées, notamment le 19 août après midi sur le chantier de la Médiathèque à Béziers.
Le 24 octobre 2008, l'employeur a délivré au salarié un second avertissement pour agression verbale le 21 octobre 2008 sur la personne de Macéré
X...
lors de son arrivée sur le chantier, en présence de personnes extérieures.
Le 9 avril 2009, l'employeur a convoqué le salarié avec mise à pied conservatoire à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 avril 2009 et par lettre recommandée du 22 avril 2009 avec avis de réception, il l'a licencié en ces termes :
" Nous avons eu à déplorer de votre part des agissements constitutifs de fautes graves, ce qui nous a amené à vous convoquer à un entretien préalable qui devait se tenir le Lundi 20 avril à 8H30 au dépôt sis secteur du quartier de l'hours, impasse derrière l'immeuble EUROPE)
Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien, ce qui d'ailleurs n'a pas manqué de me surprendre.
Ce n'est que le lendemain, Mardi 21 Avril, que vous êtes venu à votre travail à 7H30, comme si de rien n'était, sans pour autant justifier de votre absence de la veille.
Je vous ai indiqué que vous étiez mis à pied et que vous alliez recevoir un courrier.
Je vous adresse donc par la présente votre lettre de licenciement pour faute grave pour les raisons suivantes :
Le 9 avril 2009 au matin vous m'avez verbalement puis physiquement agressé devant le dépôt situé sur le secteur du quartier de l'hours-impasse derrière l'immeuble l'EUROPE alors que vous deviez vous trouver sur le chantier à Séte.
Je me trouvais au volant de mon camion en compagnie de Monsieur X... Sikouvous m'avez attrapé à hauteur de la vitre violemment par le col, me secouant, tout en me demandant de sortir de mon véhicule ce que j'ai refusé de faire.
Vous n'avez pas alors hésité à détériorer mon véhicule.
Suite à ces faits, particulièrement graves, j'ai du consulter un médecin puis déposer plainte auprès du commissariat de BEZIERS.
Votre comportement est à présent devenu intolérable d'autant plus que ce n'est pas la première fois que j'ai à me plaindre de votre violence puisque vous avez déjà fait l'objet d'un avertissement pour cela le 24 octobre 2008.
D'autre part, ces agissements s'inscrivent dans une série de faits que je vous rappelais déjà dans mon courrier en date du 09/ 04/ 2009 visant à vous convoquer à un entretien préalable.
En effet je vous indiquais que le Mardi 24 Mars, alors que je vous ai demandé de bien vouloir débroussailler, vous avez refusé d'effectuer ce travail prétextant que l'outil de travail ne vous convenait pas. Ce même jour, contrairement à ce que vous prétendez dans votre courrier du 24 mars 2009, je vous ai ramené sur Béziers et déposé en ville.
- Sur le chantier «... » le travail que vous deviez effectuer n'a pas été terminé, vous avez refusé de monter les gravats ;
- Sur le chantier «... », Monsieur Z... surveillant de chantier de la SEBLP a constaté que les travaux n'avaient pas été réalisés complètement et m'en a fait le reproche.
- Sur le chantier «... », vous avez quitté le chantier dernièrement sans refermer la porte de l'immeuble.
Ce même jour je recevais de la Société ASTORCLEAN une lettre de mécontentement visant votre travail sur les Chantiers de Sète.
Dans ce courrier, il était indiqué qu'en mon absence le travail était lent et mal fait, cette société m'informe avoir dû recourir une autre entreprise afin de terminer les travaux sur le chantier Le Raphaël, quant au chantier du Cap corniche, il m'est également reproché des dégradations sur du mobilier que vous deviez transporter.
Votre insuffisance professionnelle entraînait déjà des répercutions menaçant ma petite structure, vos agissements à mon encontre sont à présent devenus'intolérables, aussi compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés et de ses conséquences, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.
Votre licenciement prend effet immédiatement dés réception de cette lettre.
Votre solde de tout compte sera arrêté à cette date sans indemnité de préavis de licenciement et de congés payés.
Votre certificat de travail et votre attestation Assedic vous seront adressés par courrier.
Contestant la légitimité de son licenciement, Mamadou Y... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Béziers :
- le 2 juin 2009 en formation de référé pour obtenir la délivrance des documents de fin de contrat, procédure ayant fait l'objet à l'audience du 10 juillet 2009 d'un désistement, l'employeur ayant adressé au salarié les dits documents,
- le 3 juin 2009 au fond.
Par jugement en date du 28 avril 2010, la juridiction prud'homale section industrie a :
* dit le licenciement pour faute grave infondé
*condamné l'employeur à payer au salarié :
-5284, 20 € à titre d'indemnité lié au préjudice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1321, 05 € à titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 132, 01 € pour les congés payés afférents,
-506, 40 € à titre de l'indemnité légale de le licenciement,
-223, 50 € à titre de rappel de salaire pour mise à pied injustifié outre 22, 35 € pour les congés payés afférents,
-1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
*ordonné l'exécution provisoire du jugement,
*ordonné la remise par l'employeur de l'attestation ASSEDIC/ POLE Emploi, du certificat de travail ainsi que du bulletin de paie du mois d'avril 2009, conformes au présent arrêt sous astreintes de 50 € par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification du jugement,
*rejeté la demande reconventionnelle de l'employeur,
*condamné l'employeur aux dépens.
L'EURL X...a le 27 mai 2010 interjeté régulièrement appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions, l'appelant demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré et de dire que le licenciement est intervenu pour faute grave et en conséquence de débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes, et de le condamner à :
- lui restituer les sommes perçues dans le cadre de l'exécution provisoire, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- lui payer les intérêts sur la dite somme de 8105, 56 € à compter du 19 mai 2010 jusqu'à parfait paiement,
- lui payer 1500 € pour procédure abusive et 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- prendre en charge les dépens.
Elle soutient :
- que les griefs reprochés au salarié sont tous démontrés par les pièces versées au débat à savoir lettres d'avertissement, attestations et courriers de mécontentements des donneurs d'ordre ou de clients faisant état des difficultés rencontrés sur les chantiers où opérait le salarié,
- que le salarié prenait de plus en plus de libertés dans l'exécution de son travail, s'absentant des chantiers lorsque l'employeur était occupé dans un autre, ne respectant pas les instructions, n'effectuant pas le travail demandé et devenant de plus en plus agressif et violent avec son l'employeur.
Elle souligne qu'elle démontre à travers les factures d'achats que son personnel disposait de tous les éléments nécessaires pour assurer la sécurité et le confort des salariés sur les chantiers, que les arguties de l'intimé qui ont abusé les premiers juges ne pourront être retenus par la Cour qui se convaincra de la mauvaise foi du salarié.
Elle critique le jugement déféré qui a retenu de façon tout à fait partiale la version livrée par le salarié quant à l'altercation physique de son l'employeur et ce au mépris des nombreuses attestations et courriers versés au débat démontrant l'insuffisance professionnelle et l'insubordination du salarié.
Aux termes de ses écritures, l'intimé conclut :
- à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur au titre des indemnités de préavis, de licenciement et du rappel de salaire pour la mise à pied injustifiée,
- à sa réformation sur le quantum des dommages et intérêts, sollicitant leur augmentation à 12 000 € sur le fondement de l'article L 1235-5 du code du travail, ainsi que les intérêts sur l'ensemble des sommes allouées à compter de la réception par le défendeur de la convocation devant le bureau de conciliation, celle-ci valant sommation de payer au sens de l'article 1152 du code civil.
Il réclame en outre l'octroi de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il déclare contester avoir formellement commis un quelconque acte de violence à l'encontre de l'employeur et fait valoir que le 9 avril 2009, il s'est rendu à l'entreprise pour solliciter la délivrance de son bulletin de paie de mars 2009 ainsi que pour obtenir le salaire correspondant, qu'il a ouvert la portière passager pour s'adresser à l'employeur qui était dans son véhicule et lui formuler ses demandes quand ce dernier a brutalement démarré le véhicule, que la portière l'a alors renversé de sorte qu'il a été victime du comportement irresponsable de son employeur, que le certificat médical versé au débat par l'appelante n'étaye pas les faits invoqués et l'attestation produite en appel émanant du neveu de l'employeur et comportant curieusement la même signature que ce dernier a été établie pour les besoins de la cause.
Il souligne :
- que le 24 mars 2009, il a refusé la directive donnée par l'employeur parce que les conditions de sécurité étaient inacceptables, qu'il ne disposait pas de chaussures de sécurité, que rien ne permet d'établir que de telles chaussures lui ont été remises, que l'employeur n'est pas exempt de reproche sur la fourniture d'équipements de sécurité et sur le respect de son obligation de sécurité dans la mesure où un de ses salariés a été contraint d'initier une procédure de reconnaissance de la faute inexcusable à son encontre, que le 24 mars 2009, il est bien rentré à pied chez lui,
- qu'il a toujours très bien fait son travail,
- qu'il n'a jamais refusé de monter les gravats pour le chantier du... qui date de décembre 2008 et que dès lors, les faits s'y rapportant sont prescrits,
- qu'il en est de même pour le chantier du... datant de juillet 2008 et pour lequel, en tant que simple ouvrier d'exécution, il n'avait pas la responsabilité des clefs et du prétendu mécontentement de la société ASTOCLEAN,
- que pour celui du..., il n'a reçu aucune consigne ou remontrances particulières, le courrier émanant de la SEBLI est en date du 9 octobre soit six mois après le licenciement.
Pour plus ample exposé, la Cour renvoie aux écritures déposées par les des parties et réitérées oralement à l'audience.
SUR CE
I sur le licenciement
Dans la lettre du 22 avril 2009 ci dessus reproduite qui fixe la limite du litige, l'employeur invoque d'une part des agissements constituant une faute grave et d'autre part l'insuffisance professionnelle du salarié.
S'agissant des faits du 9 avril 2009, et contrairement à l'analyse des premiers juges, ils sont établis.
En effet, l'employeur à qui incombe la charge de la preuve puisqu'il se place pour ces faits dans le cadre de la faute grave, produit au débat :
- le procès-verbal établi par le commissariat de police de Béziers qui a enregistré la plainte de Macéré X..., plainte déposé le jour même des faits le 9 avril 2009 et où ce dernier relate de façon précise et circonstanciée l'agression commise par le salarié en mentionnant les cordonnées du témoin,
- le certificat médical de Docteur A... en date également du 9 avril 2009 mentionnant les douleurs cervicales dont se plaint Macéré X...et constatant l'état de choc présenté par le patient et prescrivant une interruption de travail de trois jours.
- l'attestation en date du 15 octobre 2010 de Sékkou X..., neveu de la victime et témoin des faits.
En l'état de ces éléments, considérant que le témoignage sus visé ne laisse aucun doute sur la signature y figurant par rapport à la carte d'identité du témoin et que ce dernier a bien été signalé lors du dépôt de plainte et quelque soit le motif légitime pour lequel le salarié voulait rencontrer ce jour là l'employeur, il apparaît que le salarié a, en saisissant violemment l'employeur et en tentant de le faire descendre du véhicule, bien commis une faute grave rendant impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ce d'autant que le salarié a déjà été sanctionné pour des faits de violence par un avertissement qui n'a jamais été annulé.
II sur les conséquences à en tirer
Le licenciement étant justifié par une faute grave, le salarié ne peut prétendre à la moindre indemnisation au titre de la rupture, ce qui entraîne la réformation du jugement déféré.
Le présent arrêt constituent le titre exécutoire permettant à l'employeur d'obtenir la restitution des sommes payées dans le cadre de l'exécution provisoire, il convient de rejeter la demande de remboursement.
Aucun dommage et intérêt ne doit être alloué à l'appelante, la
procédure engagée par le salarié ne pouvant être considérée d'abusive.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à l'une quelconque des parties.
Le salarié qui succombe doit être tenu aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Déclare recevable en la forme l'appel principal de l'EURL X...et celui incident de Mamadou Y...,
Sur le fond, réforme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit le licenciement pour faute grave fondé,
Déboute le salarié de toutes ses demandes ;
Rejette la demande en restitution de la société ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Laisse les dépens de première instance et d'appel à Mamadou Y....
LE GREFFIERLE PRESIDENT