CB/ MG
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale
ARRÊT DU 16 Juin 2010
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 06940
ARRÊT no
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 OCTOBRE 2009 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE PERPIGNAN
No RG08/ 00388
APPELANT :
Monsieur Claude X...
...
...
66000 PERPIGNAN
Représentant : Me DE PASTORS pour la SELAFA FIDAL (PERPIGNAN) (avocats au barreau de PERPIGNAN)
INTIME :
Monsieur Thierry Y...
...
66680 CANOHES
Représentant : Me Sophie VILELLA (avocat au barreau de PERPIGNAN)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 MAI 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président et Madame Myriam GREGORI, Conseillère, chargés d'instruire l'affaire, Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président
Madame Myriam GREGORI, Conseillère
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Vice-Président placé
Greffière, lors des débats : Mme Chantal BOTHAMY
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;
- signé par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, et par Mme Chantal BOTHAMY, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCEDURE :
Claude X..., exploitant sous l'enseigne ... une activité de messagerie, a engagé Thierry Y... à compter du 14 novembre 2005 en qualité de chauffeur livreur.
Le 24 mai 2007 le salarié a été victime d'un accident du travail.
En suite d'une visite de reprise après accident du travail en date du 10 octobre 2007 le médecin du travail le déclarait " Apte à la reprise du travail à compter du 11/ 10. Eviter cependant pendant 1 mois la manutention de charges lourdes (plus de 25 kgs). A suivre – A revoir en novembre ".
En suite d'une seconde visite du 4 décembre 2007, qualifiée de " supplémentaire ", le médecin du travail le déclarait " Apte au poste avec restriction : réduction au minimum des efforts de manutention ".
Un nouvel avis du médecin du travail était délivré le 30 janvier 2008, en suite d'une nouvelle visite " supplémentaire " et portant la conclusion " Inapte à tous postes dans l'entreprise (2nde visite) ".
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 1er mars 2008 Claude X... le convoquait à un entretien préalable pour le 10 mars suivant, en vue de son éventuel licenciement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du, Thierry Y... se voyait notifier son licenciement pour en ces termes :
" Suite à notre entretien en date du 10 mars 2008 et après vous avoir entendu en vos explications, j'ai le regret de devoir vous notifier par la présente votre licenciement fondé sur les faits suivants :
Lors de votre deuxième visite en date du 30 janvier 2008, vous avez été reconnu inapte à tous postes dans l'entreprise par le médecin du travail.
Malheureusement, aucun poste adapté n'existe dans l'entreprise et ne me laisse pas d'autre possibilité que de rompre le contrat de travail qui nous lie.
Lors de notre entretien vous m'avez évoqué le fait que j'ai dépassé le délai légal de procédure de licenciement liée à votre inaptitude, je vous rappelle que j'avais en ma possession un arrêt de travail vous concernant qui ne stipulait pas de sortie autorisée, j'ai donc attendu que vous soyez dans la possibilité de vous déplacer pour vous convoquer à cet entretien préalable le 10 mars 2008.
Sachez néanmoins que j'ai contacté plusieurs de mes confrères en leur soumettant votre candidature, et ne manquerai pas de vous tenir informé des réponses positives qui me parviendraient.
La date de première présentation de ce courrier marquera le point de départ de votre préavis d'une durée de deux mois... ".
Le 4 avril 2008 Thierry Y... a saisi le Conseil de Prud'hommes de PERPIGNAN aux fins de voir juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir paiement de diverses sommes, notamment à titre de dommages et intérêts, indemnité spéciale de licenciement, rappels de salaire.
Par décision de départage en date du 6 octobre 2009 le Conseil de Prud'hommes a condamné Claude X... à payer au salarié les sommes de :
18 777, 43 euros à titre de dommages et intérêts
343, 97 euros nets au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement
374, 32 euros à titre de rappel de salaire du mois de mars 2008.
Claude X... a relevé appel de ce jugement.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions écrites réitérées oralement à l'audience, Claude X... entend démontrer à titre principal qu'il n'a pas failli à son obligation d'une recherche de reclassement.
Il faut valoir en effet, d'une part que l'entreprise ne compte que cinq salariés, tous exerçant des fonctions de chauffeur livreur, d'autre part que selon les prescriptions du médecin du travail la manutention de charges lourdes était proscrite, la manutention de charges légères étant également proscrite lorsqu'elle était répétée.
Elle soutient que la préconisation du médecin du travail de " sélectionner la livraison de petits colis, si possible en petites quantités " aurait nécessité la création d'un poste de manutentionnaire à temps complet dont la seule tâche aurait été d'accompagner Thierry Y... et d'assurer la manutention ; qu'une telle exigence ne ressort pas de l'obligation de recherche de reclassement.
Elle ajoute qu'il n'existe pas de poste administratif dans l'entreprise.
Elle indique également être allé au-delà de son obligation légale en recherchant un reclassement en externe.
Elle demande à la Cour de réformer la décision entreprise et de débouter Thierry Y... de l'intégralité de ses prétentions au titre du licenciement.
A titre subsidiaire, elle avance que l'inaptitude n'a pas été constatée dans le cadre d'une visite de reprise, mais d'une visite " supplémentaire ", ce qui écarte l'application de l'article L 1226-15 du code du travail ; que dès lors le salarié ne peut prétendre au bénéfice de l'une indemnité de 12 mois de salaire prévue audit article.
Elle fait valoir par ailleurs que le défaut de notification écrite des motifs s'opposant au reclassement, d'une part n'est sanctionné que pour les inaptitudes constatées dans le cadre des visites de reprise, d'autre part n'a pas pour effet de priver le licenciement de cause réelle et sérieuse.
Elle conclut à la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a débouté Thierry Y... de ses autres prétentions à titre d'heures supplémentaires, indemnité pour travail dissimulé et remboursement de frais.
En réplique, Thierry Y... fait valoir qu'en suite de l'avis médical d'aptitude au poste avec réduction au minimum des efforts de manutention, et du fait de l'absence de respect par l'employeur de ces prescriptions, il a été contraint de faire appel une fois de plus à la médecin du travail pour l'inviter à constater sur place ses conditions de travail à savoir : aucun véhicule approprié pour décharger, déchargement à la main, palettes de 700 à 800 kg.
Il indique que le caractère professionnel de son accident a bien été reconnu par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie.
Il prétend qu'il aurait pu continuer à travailler dans l'entreprise si l'employeur s'était donné la peine de lui en donner les moyens à savoir des outils adaptés ou une transformation de son poste.
Il soutient que l'employeur ne lui a rien proposé et qu'il ne démontre aucune recherche de reclassement.
Il fait enfin valoir les dispositions de l'article L 1226-15 du code du travail et conclut à la confirmation du jugement dont appel lui allouant les sommes de 18 777, 43 euros à titre de dommages et intérêts, 343, 97 euros nets au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement et 374, 32 euros à titre de rappel de salaire du mois de mars 2008.
Il demande cependant à la Cour de lui allouer en outre les sommes de 104, 50 euros à titre de remboursement de frais d'autoroute et de 101, 25 euros en remboursement de frais de téléphone.
Par ailleurs il fait valoir qu'il a accompli, au cours de la période d'octobre 2007 à janvier 2008, 43 heures supplémentaires qui ne lui ont pas été rémunérées et réclame de ce chef paiement d'une somme de 484, 87 euros bruts, outre les congés payés afférents.
Il réclame également l'allocation d'une somme de 9631, 15 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Pour la période d'avril 2003 à septembre 2007 il entend, avant dire droit, voir ordonner à l'employeur de produire les justificatifs de ses horaires de travail.
Il demande enfin à la Cour d'ordonner la délivrance, sous peine d'une astreinte, de ses bulletins de salaire et attestation ASSEDIC rectifiés et de condamner Claude X... à lui payer une somme de 3000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la nature de l'inaptitude :
Thierry Y... a été victime d'un accident du travail le 24 mai 2007, pris en charge à ce titre par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie.
Force est de constater cependant qu'à compter du 31 janvier 2008 son arrêt de travail n'a été pris en compte qu'au titre de la maladie et non de l'accident du travail, aucun document produit au débat ne permettant d'établir la prise en charge de cet arrêt, au titre de la législation professionnelle, la copie versée au dossier par le salarié, pièce no 58, n'étant pas suffisamment probante de cette reconnaissance.
Il convient par conséquent de juger que la seule visite de reprise après accident du travail est en date du 10 octobre 2007, qu'elle était complétée par la visite, qualifiée de " supplémentaire ", du 4 décembre 2007 et qu'elle concluait à l'aptitude du salarié avec restrictions.
Aucun élément du dossier ne permet de constater que l'inaptitude " à tous postes dans l'entreprise " déclarée par le médecin du travail le 30 janvier 2008 constitue une inaptitude reconnue après accident du travail.
Thierry Y... ne peut en conséquence valablement revendiquer le bénéfice des articles L 1226-14 et L 1226-15 du code du travail.
Sur le licenciement :
En application des dispositions de l'article L 1226-2 et suivants du Code du Travail, lorsque le salarié est déclaré inapte au poste de travail précédemment occupé, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail. L'employeur doit rechercher l'existence d'une possibilité de reclassement du salarié au besoin par la mise en place de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du poste de travail.
En application de cette obligation de reclassement, l'employeur doit rechercher dans le cadre de son entreprise un autre emploi adapté aux capacités du salarié, au besoin par la mise en place de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du poste de travail.
L'inaptitude à tout emploi constatée par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur de rechercher l'existence d'une possibilité de reclassement et il appartient à celui-ci de justifier d'une recherche sérieuse.
Le licenciement ne peut intervenir que si le salarié refuse la proposition de reclassement ou si l'employeur établit de façon certaine l'impossibilité du reclassement.
En relevant que l'employeur n'établit nullement une recherche loyale et sérieuse de reclassement, notamment qu'il n'établit pas l'impossibilité de modifier ou aménager son poste, ou encore son temps de travail, et en jugeant le licenciement de Thierry Y... dépourvu de cause réelle et sérieuse, les premiers juges ont, par une exacte analyse des éléments de la cause, développé des motifs pertinents que la Cour adopte pour confirmer leur décision.
Sur la réparation du préjudice du salarié :
Tenant l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et le montant de ses salaires, il convient de fixer la juste réparation de son préjudice à la somme de 13 000, 00 euros.
Sur les autres demandes :
La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a alloué à Thierry Y... la somme de 374, 32 euros à titre de rappel de salaire du mois de mars 2008, cette demande n'étant pas contestée en cause d'appel, mais également en ce qu'elle a débouté le salarié de ses demandes en remboursement de frais d'autoroute et de téléphone, les pièces produites au débat n'étant pas de nature à justifier de la nature professionnelle des frais ainsi engagés.
C'est également à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a constaté que Thierry Y... ne produisait au débat aucun élément de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires dans la mesure où ses bulletins de salaire font référence au paiement d'heures supplémentaires et où il ne verse au débat aucun décompte permettant de constater quelles ont été les heures supplémentaires réalisées et quelles ont été les heures supplémentaires non rémunérées ; que de la même façon il ne produit au débat, relativement à sa demande pour la période d'avril 2003 (en réalité novembre 2005, date de l'embauche) à septembre 2007 aucun décompte ni même ses bulletins de salaire.
Il convient enfin d'ordonner la remise au salarié des documents de fin de contrat conformes à la présente décision.
Sur les frais irrépétibles :
En raison de l'issue du litige, Claude X..., tenu aux dépens, sera condamné à payer à Thierry Y... une somme de 1000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après avoir délibéré,
En la forme, reçoit l'appel principal de Claude X....
Au fond,
confirme le jugement entrepris en ce qu'il a :
- jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
-condamné Claude X... à payer à Thierry Y... la somme de 374, 32 euros à titre de rappel de salaire du mois de mars 2008
- débouté Thierry Y... de ses demandes en remboursement de frais et en paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé ;
réforme pour le surplus et statuant à nouveau sur les autres demandes :
- CONDAMNE Claude X... à payer à Thierry Y... la somme de 13 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- ordonne la remise au salarié des documents de fin de contrat conformes à la présente décision ;
- DEBOUTE Thierry Y... de l'intégralité de ses autres prétentions ;
CONDAMNE Claude X... à payer à Thierry Y... la somme de 1000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;
LAISSE à la charge de Claude X... les éventuels dépens d'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT