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28/04/2010 | FRANCE | N°09/00084

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 28 avril 2010, 09/00084


BR/ ES/ BR
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale


ARRÊT DU 28 Avril 2010




Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 05802


ARRÊT no


Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 JUILLET 2009 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NARBONNE
No RG09/ 00084




APPELANTE :


Madame Maryse X...


...

11200 LEZIGNAN CORBIERES
Représentant : la SELARL CLEMENT SIMON MALBEC MANDROU (avocats au barreau de NARBONNE)




INTIMEE :


Madame Bohama Y...
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...

11200 LEZIGNAN CORBIERES
Représentant : Me Françoise. ROBAGLIA (avocat au barreau de NARBONNE)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2009/ 012955 du 06/ ...

BR/ ES/ BR
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRÊT DU 28 Avril 2010

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 05802

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 JUILLET 2009 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NARBONNE
No RG09/ 00084

APPELANTE :

Madame Maryse X...

...

11200 LEZIGNAN CORBIERES
Représentant : la SELARL CLEMENT SIMON MALBEC MANDROU (avocats au barreau de NARBONNE)

INTIMEE :

Madame Bohama Y...

...

11200 LEZIGNAN CORBIERES
Représentant : Me Françoise. ROBAGLIA (avocat au barreau de NARBONNE)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2009/ 012955 du 06/ 10/ 2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 MARS 2010, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Eric SENNA, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire, Monsieur Eric SENNA ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président
Madame Bernadette BERTHON, Conseillère
Monsieur Eric SENNA, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL, Président, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
* *
FAITS ET PROCÉDURE

Madame Bohama Y... a été embauchée en qualité de coiffeuse par contrat à durée indéterminée 3 août 2004 par Madame Maryse X... moyennant une rémunération mensuelle de 1. 200 Euros.

Le 24 septembre 2008, Madame Y... recevait un avertissement pour des erreurs et manquements commis dans l'exécution de son contrat.

Le 30 septembre 2008, Madame Y... était placée en arrêt de travail pour maladie qui était prolongé jusqu'au 14 octobre 2008.

Le 19 novembre 2008, Madame Y..., suite à deux visites du 5 et 19 novembre 2008, était déclarée inapte à son poste de travail par le médecin du travail avec la mention : « pas de reclassement envisageable dans l'entreprise ».

Par courrier avec accusé de réception du 12 décembre 2008, Madame Y... était convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement.

Par courrier avec accusé de réception le 17 décembre 2008, Madame X... notifiait à Madame Y... son licenciement pour inaptitude en lui indiquant son droit individuel à la formation de 87 h 30 dans les termes suivants :

« A l'issue d'un arrêt de travail pour maladie qui a couru du 30 septembre 2008 au 14 novembre 2008, vous avez rencontré le médecin du travail dans le cadre d'une visite de reprise.
Par deux bulletins des 5 et 19 novembre 2008, il a conclu à votre inaptitude physique définitive à occuper le poste de coiffeuse qui est le votre et il a mentionné dans la dernière fiche qu'il n'y a pas de reclassement envisageable dans l'entreprise.
Le salon que j'exploite génère deux emplois de coiffeuse à temps plein ; vous en occupez un et moi l'autre. Vous êtes mon unique salariée.
L'activité et l'effectif de mon entreprise ne me permet pas de vous proposer un emploi autre que celui de coiffeuse pour lequel vous n'êtes malheureusement plus apte.
Lors de l'entretien préalable …/ …, je vous ai avisé de cette impossibilité de reclassement dont il n'a pu être disconvenu.
En conséquence, je n'ai pas d'autres choix que de vous notifier votre licenciement pour inaptitude physique définitive …/ … ».

Le 10 février 2009, Madame Y... faisait une demande pour exercer son droit individuel à la formation pendant la période de préavis.

Le 18 mars 2009, l'employeur répondait en indiquant qu'il était en mesure de financer la formation à concurrence de la somme 297, 50 € correspondant aux droits acquis de 87 h 30.

Madame Y... a saisi le Conseil de Prud'hommes de Narbonne pour contester son licenciement qui par jugement rendu le 27 juillet 2009 a déclaré le licenciement abusif et a condamné Madame Maryse X... à lui verser les sommes suivantes :
-8. 200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
-780 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 août 2009, Madame Maryse X... a régulièrement interjeté appel.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans des écritures développées oralement à l'audience auxquelles la Cour renvoie pour un exposé complet de ses moyens, Madame X... demande la réformation du jugement déféré sur le licenciement et sollicite :

• dire et juger que Madame X... a respecté son obligation de reclassement,
• déclarer le licenciement pour inaptitude justifié,
• débouter Madame Y... de l'intégralité de ses demandes,
• la condamner à lui verser la somme de 1. 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

au motif que :

• le reclassement a été recherché dans l'entreprise nonobstant l'avis du médecin du travail et il n'était pas possible car il n'existait pas de poste vacant, ni de création de poste envisagée. Son obligation de moyens doit être appréciée en fonction de la taille de l'entreprise puisque la structure ne permet pas d'envisager de rémunérer plus d'une coiffeuse salariée,
• aucun élément de fait laissant supposer un harcèlement moral n'est rapportée par la salariée,
• l'indemnité compensatrice de préavis n'est pas due au salarié licencié à la suite d'une inaptitude d'origine non professionnelle qui est dans l'incapacité de l'exécuter,
• l'employeur n'est pas tenu de financer la formation au-delà des droits acquis par la salariée au titre du droit individuel à la formation.

Madame Y..., appelante incidente, sollicite la confirmation du jugement et demande à la Cour :
• de dire et juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
• de condamner Madame X... à lui verser les sommes de :
• 8. 200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
• 2. 600 euros au titre de l'indemnité de préavis équivalent à deux mois de salaire,
• 260 euros au titre de l'indemnité de congés payés,
• 1. 600 euros au titre du droit individuel à la formation d'un capital de 87 h 30,
• 10. 000 euros au titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
• 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

au motif que :

• les relations salariales se sont déroulées sans difficultés jusqu'au premier avertissement qui fait mention de motifs non fondés et que la salariée n'a pas pu obtenir d'explications nonobstant sa demande d'entretien avec son employeur,
• l'article L 1226-2 du code du travail impose à l'employeur de proposer un poste de reclassement mais aussi de chercher à aménager le poste initial du salarié en tenant compte des préconisations du médecin du travail. L'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement car il n'a proposé aucune mesure de reclassement et n'a effectué aucune démarche écrite auprès du médecin du travail,
• l'employeur a exercé des pressions sur la salariée et la lettre d'avertissement atteste des menaces à son égard,
• l'article L 6323-10 du code du travail impose à l'employeur de répondre dans le délai d'un mois, lorsque le salarié prend l'initiative de faire valoir ses droits individuels à la formation.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement

Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L 1226-2 du Code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident, si le salarié est déclaré inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations ou transformation de postes de travail ou aménagement du temps du travail ;

Attendu que l'obligation de reclassement à la charge de l'employeur doit s'apprécier en fonction de la taille de l'entreprise et de la structure des emplois ;

Attendu que l'intimée reproche à l'employeur de ne pas avoir consulté le médecin du travail sur l'aménagement du poste initial nonobstant les mentions de l'avis d'inaptitude : « pas de reclassement envisageable dans l'entreprise » ;

Que dès lors que l'entreprise ne fait pas partie d'un groupe et ne comporte qu'un seul établissement comprenant un poste unique de travail salarié, l'avis d'inaptitude à tous postes dans l'entreprise donné par le médecin du travail excluait toute perspective de reclassement alors que la seule hypothèse envisageable d'un aménagement du temps de travail est implicitement écartée par l'avis d'inaptitude au poste de coiffeuse ;

Qu'en conséquence, l'employeur apparaît avoir satisfait à son obligation de reclassement et le licenciement de Madame Y... est donc fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Que l'intimée sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef et le jugement sera réformé sur ce point ;

Sur le harcèlement moral

Attendu qu'aux termes de l'article R 1452-7 du code du travail, les demandes dérivant du même contrat de travail sont recevables en tout état de cause, même en cause d'appel ;

Qu'il y a eu d'accueillir, en conséquence, la demande nouvelle de Madame Y... au titre du harcèlement moral ;

Attendu qu'au regard des dispositions des articles L 1152-1 et L 1154-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que le licenciement qui intervient suite à un harcèlement moral est nul, le salarié qui l'invoque doit établir des faits qui permettent de présumer son existence et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'en l'espèce, Madame Y... soutient avoir été victime de pressions de la part de son employeur ;

Que l'avertissement qui lui a été notifié le 24 septembre 2008 pour manquements commis dans l'exécution du contrat de travail ne saurait constituer à lui-seul, des éléments pouvant objectiver la réalité d'une situation de harcèlement alors qu'elle ne demande même pas l'annulation de cette sanction ;

Qu'en l'état de ces constatations, il apparaît que Madame Y... n'apporte aucun élément pertinent permettant de présumer l'existence de faits répétés de harcèlement moral du fait de Madame Maryse X... ;

Que l'intimée sera donc déboutée de sa demande de dommages-intérêts de ce chef ;

Sur le droit individuel à la formation

Attendu qu'il est reproché à l'employeur de ne pas avoir répondu à la demande de la salariée de faire valoir ses droits individuels à la formation dans le délai d'un mois ;

Attendu qu'aux termes des articles combinés L 6323-10 et D 6323-2 du code du travail, l'employeur doit répondre dans le délai d'un mois au salarié qui demande à faire valoir son droit individuel à la formation sous peine d'acceptation du choix de l'action de la formation ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 6323-17 du code du travail, le droit individuel à la formation est transférable en cas de licenciement du salarié, sauf pour faute grave ou faute lourde et le salarié doit alors en faire la demande avant la fin du préavis et à défaut d'une telle demande, le montant correspondant au droit individuel à la formation n'est pas dû par l'employeur ;

Que par conséquent, d'une part, le délai de réponse d'un mois de l'employeur ne s'applique pas lorsque la demande du salarié à faire valoir son droit individuel à la formation a été faite après la rupture du contrat de travail et d'autre part, il apparaît en l'espèce, que l'employeur a proposé à la salariée une contribution financière à hauteur des droits acquis et ne pouvait être tenu de supporter l'intégralité du coût de la formation envisagée par la salariée pour un montant de 1914 € ;

Que Madame Y... sera donc déboutée de sa demande au titre du droit individuel à la formation ;

Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Attendu que l'employeur n'ayant pas manqué à son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude, la salariée ne peut prétendre au paiement d'une indemnité pour un préavis qu'elle était dans l'impossibilité physique d'exécuter du fait d'une inaptitude à son emploi d'une maladie d'origine non professionnelle ;

Que Madame Y... sera donc déboutée de sa demande au titre de l'indemnité de préavis et de congés payés y afférent et le jugement sera réformé en ce sens ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne prescrit l'application de l'article 700 du Code de procédure civile à l'égard de chaque partie ;

Attendu que Madame Y... qui succombe à l'instance sera tenue aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

En la forme, reçoit Madame Maryse X... en son appel et Madame Bohama Y... en son appel incident ;

Au fond,

Infirme le jugement ;

Statuant à nouveau et y ajoutant ;

Déclare le licenciement de Madame Bohama Y... fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

Déboute Madame Y... de l'ensemble de ses demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

La condamne aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 09/00084
Date de la décision : 28/04/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-04-28;09.00084 ?
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