COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section A2
ARRÊT DU 6 AVRIL 2010
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/ 5991
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 MARS 2008
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
No RG 04/ 04613
APPELANTS :
Monsieur Serge Roger X...
né le 9 Septembre 1950 à BESSAC (16250)
de nationalité française
...
représenté par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour
assisté de Me Anne SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER
Madame Véronique A...épouse X...
née le 8 Mars 1955 à MOSTAGANEM (Algérie)
de nationalité française
...
représentée par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour
assistée de Me Anne SALLES, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S. C. I. LA COSTE,
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social
19 avenue Saint Lazare
34000 MONTPELLIER
représentée par la SCP NEGRE-PEPRATX-NEGRE, avoués à la Cour
assistée de Me Joël DOMBRE, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE de CLÔTURE du 2 MARS 2010
(après révocation, en début d'audience, de l'ordonnance de clôture en date du 25 FÉVRIER 2010, une nouvelle ordonnance de clôture étant définitivement prononcée avant l'ouverture des débats)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le MARDI 2 MARS 2010 à 8H45 en audience publique, Monsieur Christian TOULZA, Président ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Christian TOULZA, Président
Monsieur Hervé BLANCHARD, Conseiller
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle Marie-Françoise COMTE
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Christian TOULZA, Président, et par Marie-Françoise COMTE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement rendu le 20 mars 2008 par le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, qui a débouté les époux X...de toutes leurs demandes et les a condamnés aux dépens comprenant les frais de référé et d'expertise ;
Vu l'appel régulièrement interjeté par les époux X...et leurs conclusions du 11 février 2010 tendant à confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la SCI LA COSTE irrecevable en son action en revendication de propriété et le réformer pour le surplus ; dire et juger qu'ils sont propriétaires de la parcelle située Commune de SAINT BAUZILLE DE PUTOIS consistant en une petite maison d'habitation figurant au cadastre de ladite commune, section E No1191, pour 73 centiares comprenant en particulier une cour et une pièce dite Dl par l'expert de la SCI LA COSTE et du lot No1 cadastré section 1746 Commune de SAINT BAUZILLE DE PUTOIS ; déclarer la SCI LA COSTE responsable des désordres affectant les immeubles des époux X...sur le fondement de l'article 1386 du Code civil et à défaut sur le fondement des troubles du voisinage, ou encore sur le fondement de l'article 1383 du Code civil ; condamner la SCI COSTE à leur payer les sommes de 5. 670, 57 euros au titre des travaux aux fins de mise hors d'eau de leurs bâtiments effectués sur les bâtiments de la SCI LA COSTE, 60. 824, 19 € au titre de leur préjudice immatériel affectant la maison cadastrée section E 1191 arrêté au 31 août 2008, 10. 000 € au titre de leur préjudice en raison des troubles causés au petit magasin à savoir le lot 1 dépendant d'une parcelle cadastrée section E No1746, 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du C. P. C. et aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise de Monsieur C...;
Vu les conclusions notifiées le 18 décembre 2009 par la SCI LA COSTE, tendant à confirmer le jugement et condamner les appelants au paiement d'une somme de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du C. P. C. et aux entiers dépens ; subsidiairement, constater que la demande des époux X...vise à obtenir réparation d'un préjudice lié à des infiltrations dans un local aménagé par eux sur la parcelle 1191 ; qu'en l'état du rapport de l'expert ; il n'est pas possible de déterminer avec exactitude l'étendue de leur propriété sur ladite parcelle, notamment la cour qui serait indivise ou commune ; que l'absence de règlement de copropriété ne permet pas de savoir si le mur mitoyen reconstruit par les époux X...et la cour sont des parties privatives ou communes ; que préalablement à l'examen de leurs demandes, il y a lieu à désigner un notaire pour qu'il soit procédé à l'établissement d'un règlement de copropriété ; qu'au regard des conclusions de l'expert, les époux X...ne rapportent pas la preuve de ce qu'ils sont propriétaires au delà des 49 m ² sur la parcelle 1191, la cour étant commune ou indivise et que leur demande ne peut que s'analyser comme une revendication de propriété dont la charge de la publication leur appartenait ; que sur la parcelle dénommée Le petit magasin, cadastrée section E no 1747, l'expert indique qu'elle appartient à la copropriété et non aux époux X...; ordonner la mise en cause du syndicat des copropriétaires
préalablement à toutes décisions de ce chef ; dire et juger que les travaux d'aménagement entrepris par eux l'ont été à leurs risques et périls et qu'ils ne sont pas fondés à solliciter réparation d'un préjudice, les causes des infiltrations étant nécessairement connues dès l'origine par les époux X...; les débouter en conséquence de toutes leurs demandes et les condamner au paiement des sommes de 5 000 € à titre de dommages et intérêts et de 3. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens qui comprendront les frais de référé et d'expertise ;
MOTIVATION
SUR LA PROPRIETE DES BATIMENTS
Selon les dispositions de l'article 2265 du Code civil, « celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par 10 ans si le véritable propriétaire habite dans le ressort de la Cour d'appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé et par vingt ans s'il est domicilié hors dudit ressort ».
L'acte authentique du 25 octobre 1994 par lequel les époux X...ont acquis la parcelle 1191 mentionne qu'elle est constituée d'« une petite maison en très mauvais état » figurant au cadastre révisé pour 73 ca. Le plan cadastral comportant très clairement une flèche rattachant cette cour à la parcelle 1191, il en résulte que son assiette est bien comprise dans la superficie déclarée dans leur titre de propriété.
Par ailleurs, la SCI LA COSTE qui conteste également aux époux X...la propriété d'une pièce dite D1 incluse dans leur parcelle 1191 ne produit aucun élément de nature à contrarier leur titre.
Dès lors, même à supposer que l'attribution à cette parcelle de la cour et de la pièce provienne d'une erreur ancienne, force est de constater que les époux X...en ont prescrit la propriété en vertu du texte précité alors que le titre de propriété de la SCI LA COSTE n'en fait pas mention. Elle doit être en conséquence déboutée de son action en revendication.
En ce qui concerne le petit magasin, ils peuvent également se prévaloir d'un juste titre. Les pièces révèlent qu'il est rattaché à la parcelle E No1746 des époux X...et ne fait pas partie de la copropriété.
SUR LA RESPONSABILITE DES INFILTRATIONS
Aux termes de l'article 1386 du Code Civil, « le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction ». Il ne peut s'exonérer de la responsabilité de plein droit par lui encourue que s'il prouve que le dommage est dû à une cause étrangère qui ne peut lui être imputée.
Même à l'état de ruine, la construction appartenant à la SCI COSTE n'en est pas moins un bâtiment au sens de l'article 1386 du Code Civil et il est formellement établi par le rapport de l'expert judiciaire que les infiltrations d'eau subies par les époux X..., non seulement ne sont pas étrangères à son état mais encore sont causées directement par celui-ci.
En effet, ainsi qu'il l'observe notamment en pages 47 et 48 de son rapport, « les infiltrations qui dégradent la voûte et le doublage proviennent de la construction en ruine (E 1700) qui jouxte la maison reconstruite et rénovée par Monsieur et Madame X...(E 1191)... La partie supérieure de la voûte, à l'air libre du fait de l'état de ruine du reste de l'édifice no1700, reçoit les eaux de pluie qui gorgent les amas de pierres et terre, l'eau finit par migrer le long de la voûte et provoque les désordres constatés ».
De même, les infiltrations atteignant le petit magasin (E 1746) « ne peuvent trouver leur chemin qu'au travers du mur séparatif d'avec la parcelle no 1747 ».
Si la SCI LA COSTE, propriétaire du bâtiment en ruine, n'était nullement tenue de le restaurer et pouvait parfaitement décider de le maintenir en cet état, ce qui n'est que le corollaire de son droit de propriété, en revanche, elle avait l'obligation de veiller à ce que cette construction ne porte pas atteinte à celui d'autrui et ne cause aucun dommage au bâtiment accolé, notamment sous forme d'infiltrations d'eau.
En d'autres termes, c'était à elle seule qu'il appartenait de prendre toutes mesures de prévention et d'entretien utiles à cet effet et non aux époux X...de s'abstenir de rénover leur bien en connaissance des risques inhérents à l'état préexistant de l'immeuble voisin. IL ne saurait donc leur être reproché, comme l'a fait le premier juge, d'avoir « pris des risques en adossant des pièces saines du fait de leur rénovation sur des ruines », alors qu'en décidant de restaurer leur bâtiment et de lui restituer sa vocation première, les époux X... n'ont fait qu'user légitimement et « en bon père de famille » des prérogatives que leur conférait leur droit de propriété, et que l'antériorité de l'état dégradé de la construction de la SCI LA COSTE est sans incidence sur les droits et obligations de chacun et n'enlève rien au fait que c'est cet état dû à son défaut d'entretien qui est la cause des désordres.
Dès lors, force est de constater que la SCI LA COSTE, propriétaire du bâtiment non entretenu dont la ruine a endommagé celui des époux X..., ne justifie d'aucune cause étrangère susceptible de l'exonérer de la responsabilité de plein droit mise à sa charge par l'article 1386 du Code Civil.
L'expert judiciaire a chiffré aux sommes hors taxes de 3. 460 € et 1. 000 € le coût des travaux nécessaires pour mettre fin aux infiltrations et de 1. 238 € celui de remise en état de la pièce du séjour. En page 3 de leurs écritures, les époux X...soutiennent que cette dernière évaluation est insuffisante et demandent à la cour de chiffrer à la somme forfaitaire de 3. 000 € le coût de la démolition et de la réfection des joints de pierre apparent de la pièce principale. Or ils ne produisent pas de facture acquittée ni tout autre élément de nature à remettre en cause l'estimation de l'expert. IL convient donc de la confirmer et de fixer leur préjudice matériel total à la somme de 5. 698 €.
L'expert a constaté que les désordres provoqués dans la voûte et sur le doublage ne permettaient pas de louer le logement. Cette situation a perduré jusqu'à ce que les époux X...fassent réaliser eux-mêmes les travaux courant 2008 avec l'autorisation de la SCI LA COSTE, ce qui leur a permis de conclure un contrat de bail le 12 septembre 2008. Les documents qu'ils produisent établissent l'exactitude du décompte précis et détaillé par lequel ils évaluent leur préjudice locatif à la somme de 60. 824, 19 €. En revanche, ils ne rapportent pas la preuve du préjudice de jouissance provoqué par les infiltrations affectant le petit magasin et seront en conséquence déboutés sur ce point.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
Réforme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Déboute la SCI COSTE de son action en revendication de propriété.
Condamne la SCI LA COSTE à payer aux époux X...les sommes de 5. 698 € en indemnisation de leur préjudice matériel et de 60. 824, 19 € celle de leur préjudice immatériel.
Déboute les époux X...du surplus de leurs demandes.
Condamne la SCI LA COSTE aux dépens comprenant les frais de l'expertise C...et dit que ceux d'appel seront recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
CT