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04/02/2010 | FRANCE | N°09/01535

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3ème chambre correctionnelle, 04 février 2010, 09/01535


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3ème CHAMBRE CORRECTIONNELLE

ARRET N

DU 04 / 02 / 2010

DOSSIER 09 / 01535
GN / BR

prononcé publiquement le Jeudi quatre février deux mille dix, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Monsieur RAJBAUT, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.

et assisté du greffier :

qui ont signé le présent arrêt

en présence du ministère public près la Cour d'Appel

sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de RODEZ du

20 MAI 2009

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur RAJBAUT

Conseiller...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3ème CHAMBRE CORRECTIONNELLE

ARRET N

DU 04 / 02 / 2010

DOSSIER 09 / 01535
GN / BR

prononcé publiquement le Jeudi quatre février deux mille dix, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Monsieur RAJBAUT, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.

et assisté du greffier :

qui ont signé le présent arrêt

en présence du ministère public près la Cour d'Appel

sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de RODEZ du 20 MAI 2009

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur RAJBAUT

Conseillers : Madame BRESDIN
Monsieur ANDRIEUX

présents lors des débats :

Ministère public : Monsieur NANNINI

Greffier : Madame CAGNOLATI

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

PREVENU

Z... Daniel Andre
Né le 11 avril 1953 à SAINT LAURENT D'OLT (12), fils de Z... Jules et de A... Marie Louise, sans profession, de nationalité française, demeurant...
Libre
Prévenu, intimé
Comparant
Assisté de Maître TAUSSAT Valérie, avocat au barreau d'AVEYRON

LE MINISTERE PUBLIC, appelant

RAPPEL DE LA PROCEDURE :

Par jugement contradictoire du 20 mai 2009 le Tribunal correctionnel de RODEZ statuant à la suite d'une ordonnance de renvoi du juge d'instruction en date du 27 mars 2009 a :

Sur l'action publique : relaxé Z... Daniel Andre des fins de la poursuite :

* pour avoir dans l'Aveyron et en tout cas sur le territoire national, courant 2003 et en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, harcelé M. François C... par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, en l'insultant à plusieurs reprises et en tentant d'obtenir sa démission,

infraction prévue par l'article 222-33-2 du Code pénal, l'article L. 1152-1 du Code du travail et réprimée par les articles 222-33-2, 222-44 du Code pénal, l'article L. 1155-2 AL. 2 du Code du travail.

APPEL :

Le Ministère Public a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 29 mai 2009.

DEROULEMENT DES DEBATS :

A l'appel de la cause à l'audience publique du 07 JANVIER 2010 Monsieur RAJBAUT, Président, a constaté l'identité du prévenu, puis a fait le rapport prescrit par l'article 513 du code de procédure pénale.

M. Daniel Z..., régulièrement cité à sa personne le 4 novembre 2009 est présent, assisté de son avocat.

Le prévenu a été entendu en ses explications.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.

Maître TAUSSAT Valérie, avocate, a été entendue en sa plaidoirie.

Le prévenu a eu la parole en dernier.

A l'issue des débats, la Cour a mis l'affaire en délibéré et Monsieur le Président a averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience publique du 04 FÉVRIER 2010.

FAITS :

M. François C... a été embauché le 9 septembre 2002 par la société de surveillance SPS dirigée par M. Patrick D..., d'abord par contrat à durée déterminée puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er novembre 2002, M. Daniel Z... étant le directeur de l'agence située à MILLAU.

Le 17 octobre 2005 il déposait plainte avec constitution de partie civile contre M. Daniel Z... pour harcèlement moral, faisant valoir qu'il avait eu, le 3 septembre 2003, une altercation avec ce dernier suite à son retard, la veille, lors de sa prise de poste au magasin Leclerc de SEBAZAC : M. Daniel Z... s'était alors emporté, le poussant contre son véhicule et l'insultant, le traitant notamment de " pédé ".

Ayant rédigé un rapport de cet incident à l'intention de M. Patrick D..., M. François C... avait été convoqué à une réunion d'information pour le 8 octobre 2003 où il s'était retrouvé seul en face de ses supérieurs, MM Daniel Z..., Olivier E... et Jean F... et au cours de laquelle il a été l'objet, de la part de M. Daniel Z..., d'une attaque de son comportement professionnel dans des termes violents et crus ; il soulignait que M. Daniel Z... l'avait menacé, s'il continuait à se plaindre à sa hiérarchie, de le placer sur un site éloigné de son domicile et avait exigé sa démission ; il disposait d'un enregistrement audio de cette réunion, réalisé à l'insu des autres participants ; il précisait que suite à cette réunion il avait rédigé le 14 octobre 2003 un nouveau rapport à M. D....

Le soir même M. François C... avait consulté son médecin traitant, le Dr Amédée G... qui constatait l'existence d'un syndrome dépressif depuis septembre 2003 et s'étant aggravé courant octobre.

Le 7 novembre 2003, M. François C... était convoqué pour un entretien préalable à son licenciement fixé au 19 novembre 2003, le 3 décembre 2003 il saisissait le conseil des prud'hommes de DECAZEVILLE pour non paiement d'heures de travail, licenciement abusif et harcèlement moral, il était licencié le 5 décembre 2003, avec effet au 11 janvier 2004, pour violation à son devoir de loyauté et absence injustifiée à partir du 8 octobre 2003.

Le 7 juillet 2004, le conseil de prud'hommes condamnait la société SPS au paiement des salaires dus ainsi qu'à des dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse et du préjudice lié au harcèlement moral, sur appel, la Cour d'appel de céans infirmait partiellement ce jugement en ce que les éléments produits n'établissaient pas de faits de harcèlement moral à l'encontre de la société.

Au cours de l'instruction M. Daniel Z... ne se rappelait pas avoir traité M. François C... de " petit con " et de " pédé " mais admettait avoir un " langage de terrain " et qu'il " n'était pas diplomate à 200 % ", il contestait le principe du harcèlement, justifiant son comportement énergique par les nécessités d'un métier exigeant et précisait qu'à la suite de la mise en liquidation de la société, les salariés l'avaient élu comme représentant, enfin ses souvenirs de la réunion du 8 octobre 2003 restaient très vagues.

La retranscription de l'enregistrement des propos tenus à cette réunion démontraient cependant que M. Daniel Z... y proférait de manière réitérée des insultes à l'encontre de M. François C..., traité de " petit con, pédé ", lui suggérait de démissionner et, afin qu'il quitte l'entreprise, le menaçait de l'envoyer sur le site de MILLAU, très éloigné de son domicile, précisant que la moindre absence de sa part sur son poste serait alors considérée comme une faute grave justifiant un licenciement sans indemnité.

Confronté à la partie civile, M. Daniel Z... a reconnu avoir voulu que celui-ci démissionne, admettait s'être énervé et avoir " pété les plombs " et l'avoir insulté, présentant ses excuses pour les propos tenus mais il niait avoir pratiqué un harcèlement moral.

L'instruction a établi que M. Daniel Z... était imbu de sa personne et aimait mettre la pression sur ses salariés (témoignage de M. Olivier H..., collègue de la partie civile), qu'il était très autoritaire, ne supportait pas qu'on le contredise et considérait ses subalternes comme des imbéciles (témoignage de M. Jean I..., chef de l'agence de RODEZ) et qu'il était la bête noire des employés en raison de ses méthodes de type militaire (témoignage de M. Patrick D..., gérant de la société).

PRÉTENTIONS DES PARTIES

M Daniel Z... sollicite la confirmation du jugement déféré, affirmant ne pas avoir voulu harceler M. François C....

Le Ministère Public a déposé le 7 janvier 2010 des conclusions au terme desquelles il demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de déclarer M. Daniel Z... coupable du délit de harcèlement moral et de le condamner à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis.

Il fait valoir qu'il y a eu au moins trois épisodes distincts de harcèlement lors des deux entretiens du 3 septembre et du 8 octobre 2003 et lors d'une réunion de salariés et qu'ainsi l'infraction de harcèlement moral est constituée en tous ses éléments.

SUR QUOI

Attendu qu'il sera statué contradictoirement à l'encontre de M. Daniel Z... ;

Attendu que l'appel du Ministère Public est régulier pour avoir été interjeté dans les formes et délais légaux ;

Attendu que du fait du seul appel du Ministère Public, la Cour n'est saisie que de l'action publique ;

Attendu qu'aux termes de l'article 222-33-2 du code pénal (reprenant la définition du harcèlement moral donnée par l'article L 1152-1 du code du travail) le délit de harcèlement moral se définit comme étant le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Attendu qu'il en résulte que le harcèlement est un processus et doit s'entendre d'agissements répétés strictement entendus, qu'il ne saurait donc y avoir délit de harcèlement moral en présence d'un acte isolé ;

Attendu qu'en l'espèce l'altercation survenue le 3 septembre 2003 sur le parking du centre commercial Leclerc avait été provoquée par le retard précédent de M. François C... lors de sa prise de service, que si, à cette occasion, M. Daniel Z... a pu s'énerver et tenir à son encontre des propos insultants tels que " pédé ", ce fait isolé ne constitue pas en lui-même un harcèlement moral à l'encontre de M. François C... en particulier, l'information ayant révélé que M. Daniel Z... était très autoritaire et était connu pour mettre la pression sur ses salariés en général et employer à l'occasion un langage peu châtié ;

Attendu en effet que si les propos alors tenus par M. Daniel Z... peuvent apparaître injurieux, ils devaient être combattus sur leur terrain propre, à savoir le délit d'injures publiques et ne sauraient caractériser à eux seuls l'acharnement d'un supérieur hiérarchique à l'encontre d'un de ses subordonnés ;

Attendu que l'existence de propos insultants tenus par M. Daniel Z... à l'occasion d'une réunion ultérieure de salariés à une date et dans des circonstances imprécises n'est pas suffisamment caractérisée par les éléments de l'enquête ;

Attendu qu'il apparaît que l'unique agissement pouvant être retenu à l'encontre de M. Daniel Z... s'est produit lors de la réunion du 8 octobre 2003 au cours de laquelle le prévenu a violemment attaqué le comportement professionnel de M. François C... et l'a menacé de l'affecter à un site éloigné de son domicile, cherchant à le pousser à la démission ;

Mais attendu que l'accusation ne peut faire état d'autres agissements, qu'ainsi ce fait unique survenu le 8 octobre 2003 n'est pas susceptible de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral en l'absence de toute répétition de ces agissements ;

Attendu que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont relaxé M. Daniel Z... des fins de la poursuite, que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi.

EN LA FORME

Reçoit l'appel du Ministère Public.

AU FOND

Confirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé M. Daniel Z... des fins de la poursuite.

Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du code de procédure pénale.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique les jours, mois et an susdits ; le présent arrêt a été signé par le Président et le greffier présents lors de son prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3ème chambre correctionnelle
Numéro d'arrêt : 09/01535
Date de la décision : 04/02/2010

Analyses

TRAVAIL - Harcèlement - Harcèlement moral - Eléments constitutifs

Aux termes de l'article 222-33-2 du code pénal (reprenant la définition du harcèlement moral donnée par l'article L 1152-1 du code du travail) le délit de harcèlement moral se définit comme étant le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Il en résulte que le harcèlement est un processus et doit s'entendre d'agissements répétés strictement entendus, il ne saurait donc y avoir délit de harcèlement moral en présence d'un acte isolé. Si les propos tenus à une occasion par le prévenu à l'encontre de la victime peuvent apparaître injurieux, ils devaient être combattus sur leur terrain propre, à savoir le délit d'injures publiques et ne sauraient caractériser à eux seuls l'acharnement d'un supérieur hiérarchique à l'encontre d'un de ses subordonnés


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Rodez, 20 mai 2009


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2010-02-04;09.01535 ?
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