La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/01/2010 | FRANCE | N°08/02096

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 13 janvier 2010, 08/02096


BR/MG/RVM
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale


ARRÊT DU 13 Janvier 2010




Numéro d'inscription au répertoire général : 09/03730


ARRÊT no


Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 AVRIL 2009 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG08/02096




APPELANTE :


Mademoiselle Christine X...


...

34400 LUNEL VIEL
Représentant : la SCP KIRKYACHARIAN - YEHEZKIELY (avocats au barreau de MONTPELLIER)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/9007 du 23/0

6/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)






INTIMEE :


SELARL BIODIAG
prise en la personne de son représentant légal
73 rue M...

BR/MG/RVM
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4o chambre sociale

ARRÊT DU 13 Janvier 2010

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/03730

ARRÊT no

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 AVRIL 2009 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG08/02096

APPELANTE :

Mademoiselle Christine X...

...

34400 LUNEL VIEL
Représentant : la SCP KIRKYACHARIAN - YEHEZKIELY (avocats au barreau de MONTPELLIER)
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2009/9007 du 23/06/2009 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)

INTIMEE :

SELARL BIODIAG
prise en la personne de son représentant légal
73 rue Marx Dormoy
34400 LUNEL
Représentant : la SCP MATEU BOURDIN ALBISSON (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 945-1 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 NOVEMBRE 2009, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Myriam GREGORI, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, Madame Myriam GREGORI ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL Président de Chambre
Madame Myriam GREGORI, Conseillère
Madame Nicole MORIAMEZ, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Brigitte ROGER

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de Procédure civile ;

- signé par Monsieur Régis VOUAUX-MASSEL Président de Chambre, et par Mme Brigitte ROGER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*
* *

FAITS ET PROCEDURE :

Christine X... a été engagée par la SELARL BIO DIAG à compter du 1er juin 1995 en qualité de secrétaire médicale.

Elle a fait l'objet le 17 avril 2000, ainsi que sa collègue, d'un avertissement pour le vol d'une somme de 800, 00 francs en caisse, avertissement contesté et annulé le 25 août suivant.

Le 10 septembre 2001 elle a été sanctionnée d'une mise à pied de trois jours pour une «attitude d'hostilité verbale et de récrimination», pour avoir «tenu des propos inadmissibles, en hurlant» et pour avoir refusé d'effectuer sa tournée habituelle auprès des pharmaciens et des cabinets d'infirmières.

Le 8 janvier 2002 elle a fait l'objet d'un nouvel avertissement pour, étant chargée de l'ouverture du laboratoire, ne s'être pas présentée à son travail le 5 janvier et n'avoir pas assuré cette tâche, sans prévenir de son absence.

Elle avait été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 2 janvier 2002.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 janvier 2002 la SELARL BIO DIAG la convoquait à un entretien préalable pour le 4 février suivant, en vue de son éventuel licenciement. L'entretien préalable était reporté à plusieurs reprises et la procédure de licenciement n'était pas poursuivie.

Le 7 février 2002 Christine X... écrivait à son employeur pour se plaindre de devoir «faire face à des situations très lourdes à gérer, assorties de gestes déplacés, de propos humiliants et dégradants», de subir «des pressions diverses».

Le 14 juin 2002 Christine X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de MONTPELLIER aux fins d'obtenir paiement d'heures supplémentaires, d'indemnités de préavis, de licenciement et de congés payés et de dommages et intérêts.

Une attestation de Madame Y..., produite en cours d'instance prud'homale par Christine X..., faisait l'objet d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par la SELARL BIO DIAG le 9 septembre 2003.

Cette information judiciaire faisait l'objet, le 15 février 2007, d'une ordonnance de non lieu au motif qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis l'infraction d'établissement d'attestation faisant état de faits matériellement inexacts.

Entre temps, soit par avis en date du 1er février 2005, le médecin du travail déclarait Christine X... «Inapte définitivement à son poste de travail en une seule fois selon l'article R 241-51-1 du code du travail car danger immédiat à la reprise».

A cette même date la salariée écrivait à son employeur pour réclamer «tous les documents relatifs à la fin de mon activité dans votre établissement».

Par lettres recommandées avec accusé de réception des 7 et 9 février 2005 l'employeur informait Christine X... de l'impossibilité de la reclasser dans l'entreprise.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 février 2005, Christine X... se voyait notifier son licenciement en ces termes :

«Vous n'avez pas répondu à la convocation que nous vous avons adressée par lettre recommandée avec accusé de réception le 10 février 2005 pour un entretien le 21 février 2005, dans le cadre de la procédure de licenciement engagée à votre égard.
Nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant :
- Inaptitude physique à occuper votre poste de travail constatée par la médecine du travail.
Comme nous vous l'avons notifié votre reclassement dans notre entreprise s'avère impossible.
En effet aucun poste de substitution n'est disponible…».

L'instance prud'homale ayant fait l'objet d'un sursis à statuer était reprise et, par décision en date du 3 avril 2009, le Conseil de Prud'hommes a condamné la SELARL BIO DIAG à payer à Christine X... les sommes de 1411, 80 euros au titre de ses congés payés 2001/2002 et de 650, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, mais a débouté cette dernière de l'intégralité de ses prétentions au titre de ses congés payés pour 2002/2003, du licenciement et du harcèlement moral.

Christine X... a relevé appel de ce jugement.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions écrites réitérées oralement à l'audience, Christine X... prétend avoir subi des actes de harcèlements sexuel et moral.

Elle expose que la multiplicité de correspondances et de convocations à des entretiens disciplinaires sans suite, démontre une volonté d'éviction de l'employeur et explique la dégradation des relations entre les parties.

Elle fait valoir par ailleurs l'attestation de Madame Y... et rappelle que la plainte déposée à son encontre a fait l'objet d'une ordonnance de non-lieu.

Elle soutient que son inaptitude résulte du harcèlement de son employeur et que son licenciement prononcé pour inaptitude est nul.

Elle fait valoir qu'en tout état de cause il n'est nullement justifié par l'employeur d'une quelconque recherche de reclassement.

Elle demande à la Cour de réformer la décision entreprise, de juger qu'elle a été victime d'actes de harcèlements moral et sexuel, de juger que son licenciement est nul, à titre subsidiaire qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et de condamner la SELARL BIO DIAG à lui verser les sommes de :

30 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts
2744, 50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents
30 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice spécifique subi du fait du harcèlement
1411, 80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour l'année 2001/2002
962, 30 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés pour l'année 2002/2003
2000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En réplique, la SELARL BIO DIAG fait valoir que la succession de sanctions disciplinaires ne constitue pas en soi un harcèlement moral. Elle indique que le premier avertissement pour vol, annulé ensuite, avait été adressé également à la collègue de Christine X....

Elle soutient que l'attestation de Madame Y... est un tissu de mensonge et que d'ailleurs elle ne comporte aucune date des incidents décrits. Elle ajoute que cette attestation unique, dont les enquêteurs n'ont pu déterminer si elle était vraie ou fausse, ne peut constituer une preuve de la matérialité des faits allégués par Christine X....

Elle avance de son côté une attestation d'une autre salariée relative au comportement de Christine X....

Elle soutient avoir effectué une recherche concrète de reclassement, au sein du laboratoire, mais qu'aucun poste ne pouvait être proposé à Christine X... qui d'ailleurs réclamait elle-même son licenciement.

Elle demande dès lors à la Cour de confirmer le jugement dont appel et de condamner Christine X... à lui verser une somme de 2000, 00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le harcèlement moral et sexuel :

En application des dispositions de l'article L 1152-1 et suivants du Code du Travail aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il appartient au salarié d'établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

En l'espèce, même si Madame Y... a bénéficié d'une ordonnance de non lieu en l'absence de charges suffisantes, force est de constater que l'attestation de cette dernière, qui n'a été salariée de la SELARL BIO DIAG que de juillet 2000 à janvier 2001, est le seul élément produit au débat pour faire présumer l'existence d'un harcèlement et qu'elle ne comporte aucune précision sur les «plaisanteries de mauvais goût» faites au détriment de Christine X..., ni sur les dates et conditions auxquelles elle avait pu entendre des conversations de ses employeurs.

En l'absence d'éléments plus précis, et au vu de l'attestation de Madame Z..., salariée de la SELARL BIO DIAG de 1990 à 2005, totalement opposée à celle de Madame Y..., au vu également du ton employé par Christine X... dans sa lettre en date du 10 mai 2000 pour contester l'avertissement qui lui avait été précédemment notifié, c'est à juste titre que les premiers juges, rappelant que l'accumulation de sanctions disciplinaires (non contestées en l'espèce hormis le premier avertissement) ne constituait pas en soi un harcèlement, ont débouté Christine X... de ses demandes relatives à un harcèlement sexuel et moral.

Christine X... ne produisant en cause d'appel pas plus d'éléments, leur décision sera confirmée.

Sur les congés payés :

Lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou donner lieu à indemnité compensatrice en cas de rupture du contrat de travail.

C'est ainsi à juste titre que le Conseil de Prud'hommes a fait droit à la demande de Christine X... à hauteur de 1411, 80 euros au titre de ses congés payés 2001/2002 et qu'il l'a déboutée de sa demande du même chef au titre de l'année 2002/2003 dans la mesure où elle n'a acquis aucun droit à congés payés pendant cette période.

Sur le licenciement :

En application de l'article L 1226-2 du Code du Travail, lorsque le salarié est déclaré inapte au poste de travail précédemment occupé, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail. L'employeur doit rechercher l'existence d'une possibilité de reclassement du salarié au besoin par la mise en place de mesures telles que mutations, transformations de poste ou aménagement du poste de travail.

Le licenciement ne peut intervenir que si le salarié refuse la proposition de reclassement ou si l'employeur établit de façon certaine l'impossibilité du reclassement.

En l'espèce, force est de constater qu'en dehors de produire la liste des salariés présents dans l'entreprise dans la période allant du 1er au 28 février 2005 la SELARL BIO DIAG ne justifie nullement des recherches concrètes de reclassement auxquelles elle prétend s'être livrée.

Dès lors, faute pour l'employeur d'établir la réalité de sa recherche d'un reclassement, il convient d'infirmer la décision entreprise sur ce point, de juger le licenciement de Christine X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et de faire droit à sa demande d'une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 2744, 50 euros, outre les congés payés afférents.

Par ailleurs, tenant l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise et le montant de ses salaires, il convient de fixer la juste réparation de son préjudice à la somme de 15 000, 00 euros.

Sur les frais irrépétibles :

En raison de l'issue du litige, la SELARL BIO DIAG, tenue aux dépens, sera condamnée à payer à Christine X... une somme de 1000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et après avoir délibéré,

En la forme, reçoit l'appel principal de Christine X....

Au fond,

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SELARL BIO DIAG à payer à Christine X... les sommes de 1411, 80 euros au titre de ses congés payés 2001/2002 et débouté cette dernière de ses prétentions au titre du harcèlement moral et de ses congés payés pour 2002/2003 ;

réforme pour le surplus et statuant à nouveau :

- JUGE le licenciement de Christine X... dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- CONDAMNE la SELARL BIO DIAG à verser à Christine X... les sommes de :

- 15 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts
- 2744, 50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents ;

CONDAMNE la SELARL BIO DIAG à payer à Christine X... la somme de 1000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SELARL BIO DIAG aux éventuels dépens d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 08/02096
Date de la décision : 13/01/2010

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2010-01-13;08.02096 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award