COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1e Chambre Section A2
ARRÊT DU 5 JANVIER 2010
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 5133
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 MAI 2008 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE No RG 06 / 0818
APPELANTE :
SA ALLIANZ IARD venant aux droits de la S. A. AGF IART, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social, 87 rue Richelieu 75002 PARIS représentée par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour
INTIMES :
Madame Cécilia X... née le 14 Septembre 1938 à LA RICAMARIE (42150) de nationalité française... 95320 ST LEU LA FORET représentée par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assistée de Me BAULAC, avocat substitué par Me Nadira CHALALI avocat au barreau de PARIS
Monsieur Ladislas X... né le 26 Juin 1936 à CENDRAS (30480) de nationalité française... 95320 ST LEU LA FORET représenté par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assisté de Me BAULAC, avocat substitué par Me Nadira CHALALI avocat au barreau de PARIS
Monsieur Christophe X... né le 5 Juillet 1964 à WALBRZYCH (Pologne) de nationalité française... ... 13260 CASSIS représenté par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assisté de Me BAULAC, avocat substitué par Me Nadira CHALALI avocat au barreau de PARIS
Monsieur Leslaw X... né le 20 Mai 1960 à WALBRZYCH (Pologne) de nationalité française... 95320 SAINT LEU LA FORET représenté par la SCP AUCHE-HEDOU, AUCHE AUCHE, avoués à la Cour assisté de Me BAULAC, avocat substitué par Me Nadira CHALALI avocat au barreau de PARIS
SELARL BERTRAND A..., prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualité au siège social L'Epicentre Bd des Evadés 66200 ELNE représentée par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assistée de Me Pierre BECQUE, avocat au barreau de PERPIGNAN entendu en sa plaidoirie par visioconférence
ORDONNANCE de CLÔTURE du 19 NOVEMBRE 2009
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le MARDI 24 NOVEMBRE 2009 à 8H45, en audience publique, Monsieur Christian TOULZA, Président ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Christian TOULZA, Président Madame Sylvie CASTANIÉ, Conseiller Monsieur Hervé BLANCHARD, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle Marie-Françoise COMTE
MINISTÈRE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Christian TOULZA, Président de Chambre, et par Melle Marie-Françoise COMTE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement rendu le 29 mai 2008 par le Tribunal de Grande Instance de NARBONNE, qui a déclaré recevable l'action des consorts X..., dit que la responsabilité contractuelle de la SELARL BERTRAND A...est engagée à leur égard et l'a condamnée à leur payer la somme de 400. 000 € à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement et capitalisation des intérêts échus sur une année, et celle de 1. 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, condamné la compagnie AGF à garantir la SELARL A...et condamné la SELARL A...aux dépens ;
Vu l'appel régulièrement interjeté par la SA AGF IART et ses conclusions du 10 novembre 2008 tendant à débouter toutes parties de leurs demandes et la mettre hors de cause ; condamner Maître Bertrand A...à lui payer la somme de 10. 000 € en remboursement des frais irrépétibles de première instance et d'appel et condamner in solidum toute partie succombante aux dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 20 mars 2009 par la SARL Bertrand A..., tendant à déclarer la demande des consorts X... irrecevable comme ne justifiant pas de leur qualité et de leur intérêt à agir ; subsidiairement, réformer la décision en ce que sa responsabilité ne se trouve pas démontrée et les débouter en conséquence de leurs demandes ; à titre subsidiaire, constater qu'il résulte de leurs propres pièces que des remboursements sont intervenus ramenant leur créance à 371. 000 € ; si sa responsabilité devait être retenue, dire et juger la Compagnie AGF débitrice de sa garantie dans le cadre de la police Responsabilité Civile Activité Professionnelle des Avocats et la condamner à la relever et garantir de toutes demandes à son encontre ; condamner les consorts X... à lui payer les sommes de 15. 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 10. 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; en cas de condamnation au principal, condamner la Compagnie AGF à lui verser une somme de 5. 000 € au titre de l'article 700 du C. P. C. ; condamner les demandeurs ou les garants aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 22 octobre 2009 par les consorts X..., tendant à confirmer le jugement en toutes ses dispositions, retenir le manquement de la SELARL A...à son devoir d'information et de conseil et son entière responsabilité contractuelle ; condamner solidairement la SELARL A...et la compagnie AGF au paiement de la somme de 400. 000 €, outre intérêts à compter du 27 août 2002, date de la remise des fonds, à titre d'indemnisation de leur préjudice financier ; ordonner au visa de l'article 1154 du Code civil, la capitalisation des intérêts ; les condamner solidairement à lui payer 10. 000 € par application de l'article 700 du C. P. C. et aux entiers dépens ;
MOTIVATION
SUR L'ACTION PRINCIPALE
Sur la recevabilité
Ainsi que l'a pertinemment considéré le premier juge, les consorts X... ont seuls qualité et intérêt à rechercher la responsabilité contractuelle de la SELARL A...pour manquement à son obligation de conseil dans le cadre du mandat qu'ils lui ont confié, d'autant que ce sont eux qui ont versé la somme de 400. 000 euros qui a ensuite transité par la Société WZTRADING CORPORATION dans le cadre d'un montage qui, selon leur thèse, leur a été conseillé par la SELARL A.... La recevabilité de leur action doit être en conséquence confirmée.
Sur le fond
Pour déclarer engagée la responsabilité de la SELARL BERTRAND A...et la condamner au paiement de la somme de 400. 000 € à titre de dommages et intérêts le premier juge, au terme d'une analyse minutieuse et exhaustive des pièces produites, a retenu en substance :
- qu'il est formellement établi que la SELARL BERTRAND A..., non seulement a été chargée d'une mission de conseil et d'assistance pour le placement des fonds gagnés au loto, mais encore a coordonné et contrôlé l'ensemble de l'opération, fourni les renseignements nécessaires, indiqué la procédure à suivre, donné des instructions précises, bénéficié de la part de Christophe X... d'une procuration lui permettant de « signer tous documents en relation avec un placement financier » et s'est assurée du bon déroulement de cette opération à tous les stades et ce jusqu'à son terme et même après le protocole d'investissement signé avec la Société PERFORMANCE INTERNATIONAL ; que Maître Bertrand A...s'est impliqué au point d'être joignable sur son portable même le dimanche ;
- que tenue en sa qualité d'avocat d'une obligation particulière d'information et de conseil à l'égard de ses clients venus le consulter sur le placement de leurs gains, la SELARL A...avait l'obligation de leur conseiller un placement sûr ou de les alerter sur les risques de l'opération proposée ; qu'elle n'a effectué aucune démarche aux fins de s'assurer de la fiabilité et de la solidité financière de la Société PERFORMANCE INTERNATIONAL alors qu'elle avait été immatriculée récemment, et n'a pris aucun renseignement sur son activité, ses résultats et ses investissements précédents ;
- que par sa faute les consorts X..., qui ont réalisé un placement dans l'attente d'un rendement, non seulement n'ont rien gagné mais ont perdu leur capital et que leur préjudice correspond au montant des fonds placés.
La cour partage entièrement cette analyse qui procède d'une exacte appréciation des faits de la cause et d'une juste application du droit aux moyens et prétentions des parties. En l'absence de production de toute nouvelle pièce justificative, ainsi que de tout moyen ou argument nouveau de nature à la remettre en cause, il convient de confirmer de ce chef la décision déférée par adoption de ses motifs sans y ajouter ni retrancher quoi que ce soit, sauf à préciser que la condamnation est prononcée en deniers ou quittances pour tenir compte des paiements partiels qui auraient pu éventuellement intervenir.
IL n'y a pas lieu d'ajouter en appel à la condamnation prononcée sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit des consorts X....
SUR LA GARANTIE DE LA COMPAGNIE AGF
Le premier juge a rappelé justement que la police d'assurances souscrite auprès de la compagnie AGF a pour objet de garantir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue par l'assuré en raison des dommages causés aux tiers, y compris ses clients, dans l'exercice de ses activités professionnelles ; qu'est exclue de cette garantie, la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison d'une activité professionnelle autre que celle visée par les textes régissant la profession d'avocat ; qu'aux termes de l'article 111- a du décret du 27 novembre 1991, la profession d'avocat est incompatible avec toutes les activités de caractère commercial, qu'elles soient exercées directement ou par personnes interposées.
Cependant, il a condamné la compagnie AGF à garantir la SELARL BERTRAND A...en retenant que celle-ci ne s'est pas livrée à une opération de banque et n'a pas effectué elle-même le placement litigieux pour le compte des consorts X..., mais est seulement intervenue à titre de conseil et d'assistance dans l'opération financière proposée.
En statuant ainsi, le premier juge n'a pas tenu compte de ses propres constatations dans le cadre de la demande principale, dont il en résulte que loin de se cantonner à une simple intervention de conseil et d'assistance, Bertrand A...s'est impliqué activement et personnellement à tous les stades de la mise en oeuvre de cette opération tandis que son ami Christophe X... profane en la matière s'en était remis entièrement à lui pour en assurer la maîtrise.
Par ailleurs, en le mettant en rapport avec son frère Gérard A..., professionnel des placements financiers internationaux et dirigeant de la société de droit luxembourgeois PERFORMANCE INTERNATIONAL et avec ses associés, en vue de placer ses avoirs au LUXEMBOURG, et en apportant son concours à la remise des fonds à cette société dans le cadre d'un mandat pour lequel il a été rémunéré, Bertrand A...a agi en qualité de porteur d'affaire.
Or ainsi que le fait observer à bon droit la compagnie AGF, l'activité de porteur d'affaires et le concours apporté à l'investissement projeté ne relèvent pas de l'exercice normal des fonctions d'avocat.
Dès lors, et sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur le caractère frauduleux ou illicite de l'opération, sa garantie n'est pas due. Il convient de débouter en conséquence la SELARL BERTRAND A...de son recours en garantie et il en sera de même de la demande de condamnation solidaire que les consorts X... forment également contre la société AGF.
PAR CES MOTIFS
Sur la demande principale, confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à préciser que la condamnation est prononcée en deniers ou quittances.
Sur la garantie de la compagnie AGF, le réforme et statuant à nouveau déboute la SELARL BERTRAND A...et les consorts X... de leurs demandes à l'encontre de la SA AGF IART.
Condamne la SELARL BERTRAND A...aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, et à payer à la SA AGF IART la somme de 1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du même code.