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26/11/2009 | FRANCE | N°09/910

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 3ème chambre correctionnelle, 26 novembre 2009, 09/910


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3ème CHAMBRE CORRECTIONNELLE

ARRET N

DU 26 / 11 / 2009

DOSSIER 09 / 00910
GN / BR

prononcé publiquement le Jeudi vingt six novembre deux mille neuf, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Monsieur RAJBAUT, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.

et assisté du greffier : Madame CAGNOLATI

qui ont signé le présent arrêt

en présence du ministère public près la Cour d'Appel

sur appel d'un jugement du Tribunal de Gr

ande Instance de NARBONNE du 16 JANVIER 2009

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président :...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

3ème CHAMBRE CORRECTIONNELLE

ARRET N

DU 26 / 11 / 2009

DOSSIER 09 / 00910
GN / BR

prononcé publiquement le Jeudi vingt six novembre deux mille neuf, par la troisième Chambre des appels correctionnels, par Monsieur RAJBAUT, en application des dispositions de l'article 485 dernier alinéa du code de procédure pénale.

et assisté du greffier : Madame CAGNOLATI

qui ont signé le présent arrêt

en présence du ministère public près la Cour d'Appel

sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de NARBONNE du 16 JANVIER 2009

COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré :

Président : Monsieur RAJBAUT

Conseillers : Madame BRESDIN
Monsieur ANDRIEUX

présents lors des débats :

Ministère public : Monsieur NANNINI

Greffier : Madame CAGNOLATI

PARTIES EN CAUSE DEVANT LA COUR :

PREVENU

X... Jean-Christophe Claude François
né le 11 août 1960 à SALINS LES BAINS (39), fils de X..., gérant, de nationalité française, demeurant...
Libre

Prévenu, appelant
Comparant
Assisté de Maître CLEMENT Philippe, avocat au barreau de NARBONNE

LE MINISTERE PUBLIC, appelant

RAPPEL DE LA PROCEDURE :

Par jugement contradictoire du 16 janvier 2009 le Tribunal correctionnel de NARBONNE saisi par convocation délivrée par un officier de police judiciaire a :

Sur l'action publique : relaxé X... Jean-Christophe Claude François quant à l'infraction concernant MM B..., CC... et EE...,

Et l'a déclaré coupable pour le surplus des faits :

* pour avoir à GRUISSAN entre le 1er avril et le 13 août 2007 et en tout cas sur le territoire national depuis temps n'emportant pas prescription de l'action publique, omis intentionnellement de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche de ses salariés, en l'espèce Marie C..., Charlène D..., Manon E..., Damien F..., Vanessa G..., Stéphane H..., Damien I..., José J..., Roselyne K..., Alima L..., Marines A..., Julian M..., Kelly N..., Laurent O..., Camille P..., Eddy Q..., Mickaël R..., Cédric S..., Céline T..., Thierry U..., Stéphane V..., Anaïs W..., Sarra XX..., Loïc YY..., Anne-Lise ZZ..., Luc AA..., Aline BB..., Georges CC..., Stéphane DD... et Olivier EE...,

infraction prévue par les articles L. 8224-1, L. 8221-1 AL. 1 1, L. 8221-3, L. 8221-4, L. 8221-5 du Code du travail et réprimée par les articles L. 8224-1, L. 8224-3, L. 8224-4 du Code du travail

et, en répression, l'a condamné à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis et 4. 000 € d'amende.

APPELS :

M. Jean-Christophe X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions par déclaration au Greffe en date du 20 janvier 2009.

Le Ministère Public a régulièrement interjeté appel le 20 janvier 2009.

DEROULEMENT DES DEBATS :

A l'appel de la cause à l'audience publique du 15 OCTOBRE 2009 Monsieur RAJBAUT, Président, a constaté l'identité du prévenu, puis a fait le rapport prescrit par l'article 513 du code de procédure pénale.

Jean-Christophe X..., régulièrement cité à sa personne le 3 août 2009 est présent, assisté de son avocat.

Le prévenu a été entendu en ses explications.

Le Ministère Public a été entendu en ses réquisitions.

Maître CLEMENT Philippe pour Monsieur Jean-Christophe X... est entendu en sa plaidoirie. Il dépose des conclusions, lesquelles ont été visées par le président et la greffière, mentionnées par cette dernière aux notes d'audience et jointes au dossier.

Le prévenu a eu la parole en dernier.

A l'issue des débats, la Cour a mis l'affaire en délibéré et Monsieur le Président a averti les parties que l'arrêt serait prononcé à l'audience publique du 26 NOVEMBRE 2009.

FAITS :

Le 27 juillet 2007, les contrôleurs du travail du département de l'Aude se sont rendus à 11 h 40 dans le restaurant géré par la SARL 1900 à l'enseigne " Miam-miam glou-glou " à GRUISSAN-PORT pour y effectuer un contrôle.

Il y était constaté la présence des salariés suivants :

- Damien FF... embauché le 14 juillet 2007,
- Roselyne K... embauchée le 7 juillet 2007,
- Damien I... embauché le 13 juillet 2007,
- Sarra XX... embauchée le 1er avril 2007,
- Luc GG... embauché le 1er mars 2007,
- Thierry U... embauché le 1er mai 2007,
- Manon E... embauchée le 14 juillet 2007,
- Camille P... embauchée le 9 juin 2007,
- Stéphane V... embauché le 1er mai 2005,
- Marie C... embauchée le 23 juillet 2007,
- Kelly N... embauchée le 23 juin 2007.

Interrogeant par la suite le fichier DPAE URSSAF les fonctionnaires constataient qu'aucune déclaration préalable à l'embauche n'avait été effectuée pour l'année 2007 alors que ce restaurant compte plus de vingt salariés, en outre en 2005 et 2006 il n'y aurait eu respectivement que six et huit salariés à avoir fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche alors que le restaurant avait une capacité identique (150 à 160 couverts pour un chiffre d'affaires brut d'environ 600. 000 €).

Les contrôleurs retournent à l'établissement le 9 août 2007 pour y entendre son gérant, M. Jean-Christophe X... qui explique qu'il s'agit d'une omission de sa part mais que ses salariés ont bien fait l'objet d'une déclaration et que les cotisations correspondantes ont été réglées à l'URSSAF, présentant des bordereaux de règlement de cotisations non nominatifs pour quatorze salariés.

Une nouvelle interrogation du fichier DPAE CIRSO le 13 août 2007 fait apparaître des déclarations préalables pour 26 salariés.

Entendu par la gendarmerie de GRUISSAN le 3 décembre 2007, M. Jean-Christophe X... reconnaît que les déclarations nominatives préalables à l'embauche n'étaient pas remplies mais nie tout travail dissimulé prétextant un simple oubli administratif de sa part.

Sollicitée pour avis la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de l'Aude maintient le 4 février 2008 son procès-verbal de délit.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

M Jean-Christophe X... a déposé le 15 octobre 2009 des conclusions au terme desquelles il demande à la Cour de réformer le jugement entrepris, sauf à le confirmer en ce qu'il l'a relaxé des chefs de MM B..., CC... et EE... et de le renvoyer des fins de la poursuite en ce qu'il n'a jamais eu l'intention frauduleuse de commettre le délit de travail dissimulé.

Il fait valoir que malgré un premier jugement avant dire droit du 6 juin 2008, la Direction départementale du travail n'a pas répondu aux questions posées puisqu'aucun tableau synthétique des éléments recueillis pour chaque salarié visé par la prévention n'a été établi et qu'aucune vérification des pièces produites par lui n'a été effectuée par l'administration.

Il admet avoir omis de procéder à la déclaration préalable d'embauche de ses salariés mais, de manière parallèle et concomitante il a satisfait à toutes ses autres obligations d'employeur et n'a jamais tenté de dissimuler l'emploi de ses salariés, alors que le délit défini par l'article L 324-10 du code du travail (applicable à l'époque des faits) est une infraction intentionnelle et qu'à défaut d'intention frauduleuse, le délit de travail dissimulé n'est pas constitué.

Il justifie avoir accompli toutes les formalités administratives incombant à un employeur (contrats de travail, visites médicales, registre du personnel, bulletins et journal de paie, paiement des charges sociales, soldes de tout compte).

Le Ministère Public fait valoir qu'il s'agit d'une infraction matérielle et requiert la confirmation du jugement déféré.

SUR QUOI

Attendu qu'il sera statué contradictoirement ;

Attendu que les appels sont réguliers pour avoir été interjetés dans les formes et délais légaux ;

Attendu qu'aucune des parties ne critique le chef du dispositif du jugement déféré ayant relaxé le prévenu en ce qui concerne les salariés B..., CC... et EE... au motif que ceux-ci avaient été embauchés en 2006 et n'étaient donc pas présents sur le lieu de travail en 2007, que le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef par adoption de ses motifs exacts et pertinents tant en droit qu'en fait ;

Attendu qu'il résulte des dispositions des articles L 320 et R 320-1 à R 320-3 du code du travail, applicables à l'époque des faits, que la déclaration préalable à l'embauche s'impose à tout employeur qui envisage de recruter un salarié ; qu'elle doit être adressée à l'organisme de protection sociale dans le ressort territorial duquel est situé l'établissement devant employer le salarié, au plus tôt dans les huit jours précédant la date prévisible de l'embauche, par télécommunication, télématique ou échanges de données informatisés ou par télécopie ou par lettre datée et signée de l'employeur, et postée en recommandé avec accusé de réception, au plus tard le dernier jour ouvrable précédant l'embauche, le cachet de la poste faisant foi ;

Attendu qu'en ce qui concerne les salariés visés à la prévention non compris dans la décision de relaxe, il n'est pas contesté par M. Jean-Christophe X... que celui-ci n'a pas établi, pour l'année 2007, les déclarations préalables à l'embauche les concernant ;

Attendu qu'en application des dispositions de l'article R 362-1, 1er alinéa du code du travail (applicable à l'époque des faits et remplacé désormais par l'article R 1227-1 du dit code), l'absence de déclaration préalable à l'embauche est, en elle-même, une infraction punie de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, qu'en outre en application des dispositions de l'article L 324-10 du code du travail (applicable à l'époque des faits et remplacé désormais sur ce point par l'article L 8221-5 du dit code), cette absence de déclaration préalable est également assimilée à l'infraction de recours au travail dissimulé ;

Attendu qu'il convient de relever qu'en l'espèce M. Jean-Christophe X... n'est pas poursuivi pour la contravention d'absence de déclaration préalable à l'embauche mais pour le délit de recours au travail dissimulé par assimilation légale de cette absence de déclaration au dit délit ;

Mais attendu que l'infraction de recours au travail dissimulé, telle que définie par l'article L 324-10 du code du travail applicable à l'époque des faits (aujourd'hui l'article L 8221-3 du dit code) suppose que l'employeur ait entendu se soustraire intentionnellement à ses obligations, qu'il ne s'agit donc pas d'une simple infraction matérielle mais d'une infraction intentionnelle nécessitant la preuve d'un élément intentionnel, conformément aux dispositions de l'article 121-3 du code pénal selon lequel il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ;

Attendu que l'omission de déclaration préalable à l'embauche ne constitue donc que l'élément matériel du délit de recours au travail dissimulé et qu'il est également nécessaire d'en caractériser l'élément intentionnel par la preuve de la volonté pour l'employeur d'échapper aux conséquences des obligations déclaratives dont il convient de rappeler que la finalité est tout autant la protection des salariés que celle de l'intérêt social ;

Attendu qu'en l'espèce M. Jean-Christophe X... justifie par les pièces produites que si les salariés restant visés à la prévention après la relaxe partielle pour MM B..., CC... et EE..., n'ont pas fait l'objet de déclaration préalable à l'embauche, il n'en demeure pas moins qu'ils ont tous signé un contrat de travail et ont tous fait l'objet, entre le 19 et le 24 juillet 2007 (soit antérieurement au contrôle de l'administration) de la visite médicale d'embauche ;

Attendu que tous ces salariés ont bien reçu les bulletins de paie correspondant puis, à l'issue de leurs contrats, leur solde de tout compte, que le prévenu justifie de la tenue régulière d'un registre du personnel et d'un journal de paie ;

Attendu que M. Jean-Christophe X... justifie également de la déclaration de tous ses salariés aux différents organismes sociaux et du paiement des cotisations y afférentes, qu'il convient sur ce point de relever en particulier que, suite au contrôle de la Direction du travail, il n'a pas fait l'objet d'une quelconque mesure de redressement de la part de ces organismes sociaux, notamment de l'URSSAF ;

Attendu dès lors que la seule absence formelle des déclarations préalables à l'embauche ne peut être considérée comme une volonté de dissimuler l'emploi des salariés visés à la prévention et que les conditions édictées par l'article L 324-10 du code du travail, applicable à l'époque des faits, n'étant pas réunies, le délit de recours au travail dissimulé n'est pas constitué ;

Attendu dès lors que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a retenu la culpabilité de M. Jean-Christophe X... et l'a condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis et d'amende pour recours au travail dissimulé et que, statuant à nouveau de ces chefs, M. Jean-Christophe X... sera relaxé et renvoyé des fins de la poursuite.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle, après en avoir délibéré conformément à la loi.

EN LA FORME

Reçoit les appels.

AU FOND

Confirme le jugement attaqué en ce qu'il a relaxé M. Jean-Christophe X... quant à l'infraction concernant MM B..., CC... et EE....

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré M. Jean-Christophe X... coupable pour le surplus des faits qui lui sont reprochés et en ce qu'il l'a condamné à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis et de 4. 000 € d'amende et, statuant à nouveau de ces chefs :

Relaxe M. Jean-Christophe X... de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés et le renvoie des fins de la poursuite.

Le tout conformément aux articles visés au jugement et au présent arrêt et aux articles 512 et suivants du code de procédure pénale.

Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique les jours, mois et an susdits ; le présent arrêt a été signé par le Président et le greffier présents lors de son prononcé.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Formation : 3ème chambre correctionnelle
Numéro d'arrêt : 09/910
Date de la décision : 26/11/2009

Analyses

EMPLOI - Travail dissimulé

L'infraction de recours au travail dissimulé, telle que définie par l'article L 324-10 du code du travail applicable à l'époque des faits (aujourd'hui l'article L 8221-3 du dit code) suppose que l'employeur ait entendu se soustraire intentionnellement à ses obligations, il ne s'agit donc pas d'une simple infraction matérielle mais d'une infraction intentionnelle nécessitant la preuve d'un élément intentionnel, conformément aux dispositions de l'article 121-3 du code pénal selon lequel il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. L'omission de déclaration préalable à l'embauche ne constitue donc que l'élément matériel du délit de recours au travail dissimulé et il est également nécessaire d'en caractériser l'élément intentionnel par la preuve de la volonté pour l'employeur d'échapper aux conséquences des obligations déclaratives dont il convient de rappeler que la finalité est tout autant la protection des salariés que celle de l'intérêt social. En l'espèce l'employeur justifie par les pièces produites que si les salariés n'ont pas fait l'objet de déclaration préalable à l'embauche, il n'en demeure pas moins qu'ils ont tous signé un contrat de travail et ont tous fait l'objet antérieurement au contrôle de l'administration de la visite médicale d'embauche. Tous les salariés ont bien reçu les bulletins de paie correspondant puis, à l'issue de leurs contrats, leur solde de tout compte, le prévenu justifie également de la tenue régulière d'un registre du personnel et d'un journal de paie, de la déclaration de tous les salariés aux différents organismes sociaux et du paiement des cotisations y afférentes. Dès lors la seule absence formelle des déclarations préalables à l'embauche ne peut être considérée comme une volonté de dissimuler l'emploi des salariés visés à la prévention et les conditions édictées par l'article L 324-10 du code du travail, applicable à l'époque des faits, n'étant pas réunies, le délit de recours au travail dissimulé n'est pas constitué


Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Narbonne, 16 janvier 2009


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2009-11-26;09.910 ?
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