COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 24 NOVEMBRE 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/7446
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 11 JUIN 2008 TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER No RG 2007/10100
APPELANT :
Monsieur Henri X...né le 19 Juillet 1936 à PHNOM PENH (Cambodge)de nationalité française...34400 LUNELreprésenté par la SCP JOUGLA - JOUGLA, avoués à la Courassisté de Me François LAFONT, avocat de la SCP LAFONT-GUIZARD-CARILLO au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
SA SORELEC, prise en la personne de son directeur en exercice domicilié ès qualités au siège social10 rue de la BionneLa Motte Sainte Euverte BP 20011S45801 SAINT JEAN DE BRAYE CEDEXreprésentée par Me Michel ROUQUETTE, avoué à la Courassistée de Me Christophe PONS, avocat de la SCP COSTE-BERGER-PONS au barreau de MONTPELLIER
Maître Philippe Y..., agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Henri X...,...34000 MONTPELLIERassigné le 6 Mai 2009 (retour étude)
ORDONNANCE de CLOTURE du 16 OCTOBRE 2009
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du Code de Procédure civile, l'affaire a été débattue le MERCREDI 21 OCTOBRE 2009 à 8H45, en chambre du conseil, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Daniel BACHASSON, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Monsieur Daniel BACHASSON, PrésidentMadame Noële-France DEBUISSY, ConseillerMonsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Melle Marie-Françoise COMTE
LE MINISTERE PUBLIC,
L'affaire a été communiquée au ministère public qui a donné son avis.
ARRET :
- par défaut,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 5 septembre 1985, M. X... a été condamné à payer à la société Sorelec la somme de 96 066 francs (14 645,17 euros), outre intérêts, au titre de factures. Cette décision a été confirmée par un arrêt de cette cour du 21 décembre 1989 frappé d'un pourvoi que la Cour de cassation a rejeté le 4 février 1992.
M. X... ayant vendu des biens immobiliers à des sociétés civiles immobilières dont son épouse était la gérante, la société Sorelec, estimant que ces cessions avaient été faites en fraude de ses droits et exerçant l'action paulienne, les a fait annuler par le tribunal de grande instance de Montpellier selon un jugement du 17 janvier 1995. Saisie par les époux X... et les deux sociétés civiles immobilières acquéreuses, la cour de ce siège a déclaré l'appel irrecevable par un arrêt du 3 mars 1999 que la Cour de cassation a cassé le 18 janvier 2001, renvoyant l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, qui, par un arrêt du 2 décembre 2003, a réformé partiellement le jugement du 17 janvier 1995 et confirmé l'inopposabilité à la société Sorelec de la vente des biens immobiliers.
Parallèlement, M. X... a été placé en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 4 janvier 1994.
La société Sorelec a déclaré le 24 janvier 1994 une créance de 181 396,63 francs (27 653,74 euros), soit 96 066 francs (14 645,17 euros) en principal et 62 330,63 francs (9 502,24 euros) en intérêts, outre frais irrépétibles et dépens, correspondant à la condamnation prononcée par jugement du 5 septembre 1985 confirmé par arrêt du 21 décembre 1989.
La procédure de liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif le 31 mai 1994.
Le tribunal ayant rouvert d'office cette procédure par une décision du 5 avril 1996, la cour de céans, saisie par M. X..., l'a infirmée par arrêt du 15 octobre 1996 et dit n'y avoir lieu à réouverture de la procédure de liquidation judiciaire en l'absence de preuve de dissimulation d'actif.
Alléguant alors la fraude de son débiteur, la Sorelec a sollicité, par requête du 2 mai 1997, la réouverture de la procédure collective, à quoi le tribunal a fait droit par un jugement du 28 mai 1997, lequel a été annulé par un arrêt de cette cour du 5 mai 1998 au motif que la fraude invoquée n'était pas constitutive de celle visée par l'article 170 de la loi du 25 janvier 1985.
La société Sorelec a alors saisi, le 4 août 1998, le président du tribunal de commerce de Montpellier sur le fondement de l'article 169 de la loi du 25 janvier 1985 (devenu l'article L. 622-32 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises) afin qu'il soit enjoint à M. X... de lui payer la somme de 75 342,47 euros outre intérêts. Il a été fait droit à cette requête par une ordonnance du 29 avril 2005, que, saisi d'un recours, le tribunal de commerce a confirmée par jugement du 9 septembre 2005, mais ce jugement a été annulé et l'ordonnance – frappée d'appel – a été infirmée par un arrêt de cette cour du 16 janvier 2007.
C'est dans ces conditions que, par requête du 9 juillet 2007, la société Sorelec a de nouveau saisi le président du tribunal de commerce de Montpellier en vue de l'admission de sa créance à titre définitif au passif de la procédure collective de M. X... et de la condamnation personnelle de M. X... à lui payer les sommes de 21 191,66 euros en principal, 48 882,82 euros au titre des intérêts, 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile alloué par la cour d'appel de Nîmes, 1 893,33 euros au titre des frais d'avoués devant la cour d'appel de Nîmes et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 11 juin 2008, le président du tribunal de commerce de Montpellier a statué comme suit :
« - Constatons la régularité de la déclaration de créance de la société Sorelec.
- Admettons la créance de la société Sorelec à titre définitif conformément à la production du 24 janvier 1994.
- Condamnons M. X... à payer à la société Sorelec la somme de 26 191,66 euros pour le principal ainsi que celle de 48 882,82 euros au titre des intérêts légaux courus du 11 avril 1989 au 21 juin 2007 sur 26 191,66 euros et à courir jusqu'à parfait paiement.
- Le condamnons en outre au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts et 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile selon arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 2 décembre 2003 ainsi que de la somme de 1 893,33 euros pour les frais d'avoué.
- Condamnons M. X... à payer à la société Sorelec la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Le condamnons aux entiers dépens » .
M. X... a interjeté appel de cette ordonnance en vue de son infirmation, demandant à la cour, à titre principal, de déclarer irrecevable la demande et, à titre subsidiaire, de dire irrecevable ou encore infondée la demande d'admission de la créance, et de condamner la société Sorelec à lui payer 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que :
- la demande est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 16 janvier 2007,
- la créance déclarée par la société Sorelec n'a fait l'objet d'aucune vérification et n'a jamais été admise à sa liquidation judiciaire,
- la liquidation judiciaire étant clôturée depuis le 31 mai 1994, aucune admission de créance ne peut être prononcée,
- au demeurant, il n'est justifié que d'une déclaration de créance du 27 janvier 1995, soit plus d'un an après le jugement d'ouverture de la procédure, cette déclaration est irrégulière et la créance est prescrite,
- il est en droit d'opposer à la société Sorelec la compensation fondée sur le fait que celle-ci n'avait pas respecté la clause d'exclusivité à laquelle elle s'était engagée et que le matériel livré était défectueux,
- la créance invoquée par la société Sorelec est injustifiée.
La société Sorelec a conclu à la confirmation de l'ordonnance entreprise et à la condamnation de l'appelant au paiement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que :
- sa demande, qui tend à l'admission de sa créance, est différente de celle que la cour a précédemment rejetée par arrêt du 16 janvier 2007,
- sa créance, régulièrement déclarée à la liquidation judiciaire de M. X... n'a pas été rejetée, mais n'a pu être admise en raison de l'absence de vérification du passif, si bien que, après clôture de la procédure, le président du tribunal de commerce est compétent pour statuer sur la créance,
- cette créance n'est pas prescrite,
- la fraude de M. X... à son préjudice résulte des termes mêmes de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 2 décembre 2003,
- l'éventuelle action de M. X... au titre de la clause d'exclusivité et des défectuosités du matériel livré est prescrite,
- elle justifie de sa créance.
M. Y..., ès qualités, n'ayant pas comparu et n'ayant pas été cité à sa personne, la présente décision sera rendue par défaut.
C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 16 octobre 2009.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que sous couvert d'une demande d'admission de créance – au demeurant présentée, non au juge-commissaire, mais au président du tribunal de commerce et alors que la procédure collective du débiteur a été clôturée –, la requête de la société Sorelec du 9 juillet 2007 tend en réalité à la même fin que sa précédente requête du 4 août 1998, sur laquelle la cour a statué par un arrêt du 16 janvier 2007, en la rejetant ;
Que cette demande et celle formée précédemment opposent les mêmes parties, la société Sorelec et M. X..., et ont le même objet, la condamnation de M. X... à payer diverses sommes ;
Qu'alors qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci, la requête du 9 juillet 2007 se heurte à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt du 16 janvier 2007, et est donc irrecevable ;
Attendu que l'ordonnance entreprise sera donc infirmée ;
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société Sorelec, qui succombe ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par défaut, après débats en chambre du conseil et communication de la procédure au ministère public,
Infirme l'ordonnance entreprise.
Et, statuant à nouveau, déclare la demande irrecevable.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Sorelec aux dépens de première instance et d'appel, et autorise la S.C.P. Jougla-Jougla, avoués, à recouvrer le montant de ceux d'appel aux forme et condition de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
D.B.