COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 24 NOVEMBRE 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/08131
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 SEPTEMBRE 2008
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE
No RG 07/1370
APPELANTE :
SA CITE GOURMANDE au capital de 297.840 euros, inscrite au RCS d'AGEN sous le no 423 697 440, prise en la personne de son président en exercice domicilié ès qualités au siège social
AGROPOLE ENTREPRISE BP 113
47310 ESTILLAC
représentée par la SCP DIVISIA - SENMARTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Françoise FAURIE, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMEE :
SARL LA CITE GOURMANDE, prise en la personne de son gérant associé en exercice domicilié ès qualités au siège social
631 Chemin de Villejean
11620 VILLEMOUSTAUSSOU
représentée par Me Michel ROUQUETTE, avoué à la Cour
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 19 Octobre 2009
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 22 OCTOBRE 2009, en audience publique, Madame Noële-France DEBUISSY Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence
Madame Noële-France DEBUISSY, Conseiller
Monsieur Jean-Luc PROUZAT, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller désigné par ordonnance pour assurer la Présidence, et par Madame Sylvie SABATON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SA CITE GOURMANDE est inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d'AGEN depuis le 23 juillet 1999 sous la dénomination sociale "Cité gourmande" exerçant une activité de "transformation de tous légumes et commercialisation de tous produits issus de cette transformation" et est titulaire de la marque "Cité gourmande" déposée le 4 août 1994 pour désigner des produits en classe 29, 30 et 31 soit des produits alimentaires de toute nature, produits agricoles et produits horticoles.
La SA CITE GOURMANDE, ayant constaté qu'une SARL immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Carcassonne utilisait comme dénomination sociale le terme "La Cité gourmande" depuis le 15 juin 2005 et exerçait une activité de "vente et dégustation de tous produits régionaux, souvenirs, bonbons, glaces, boissons, restauration rapide à emporter froide et toutes activités connexes complémentaires" a, par lettre du 14 mai 2007, mis en demeure cette dernière de changer sans délai sa dénomination sociale et de cesser toute utilisation du terme "Cité gourmande" constitutif non seulement d'une atteinte à sa dénomination sociale mais encore d'une contrefaçon de sa marque déposée.
La mise en demeure étant restée infructueuse, la SA CITE GOURMANDE a, selon exploit du 23 août 2007, fait assigner la SARL LA CITE GOURMANDE et par jugement contradictoire du 25 septembre 2008, le Tribunal de Grande Instance de Carcassonne saisi, considérant que faute de risque de confusion, la contrefaçon de marque par imitation ne pouvait être retenue au même titre qu'un acte de concurrence déloyale, a débouté la SA CITE GOURMANDE de l'intégralité de ses demandes et a débouté la SARL LA CITE GOURMANDE de sa demande en dommages et intérêts.
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La SA CITE GOURMANDE a interjeté appel de cette décision le 18/11/08.
Elle s'appuie sur un arrêt de la Cour de justice des Communautés Européennes du 20/03/2002 pour dire que les tribunaux ne sauraient analyser le risque de confusion entre les signes en cause au regard du lieu et des conditions de leur utilisation mais simplement consacrer les hypothèses de contrefaçon quasi servile comme c'est le cas en l'espèce entre CITE GOURMANDE et LA CITE GOURMANDE, les signes en cause désignant en outre tous deux des produits identiques soit des produits alimentaires dont des confiseries et glaces.
La contrefaçon est selon elle constituée.
Subsidiairement sur la contrefaçon par imitation, l'appelante soutient qu'il existe un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs parce que les signes sont très similaires comme les produits le sont aussi puisqu'il s'agit dans les deux cas de produits alimentaires.
De plus la dénomination qu'elle a choisie à titre de marque est très distinctive au regard des produits couverts par celle-ci. Elle distribue ses produits dans la ville et sur la région de Carcassonne et touche la même clientèle.
Les produits qu'elle propose sont couverts par le libellé de la marque. Il n'y a pas lieu d'analyser leur similarité.
L'appelante considère que le jugement attaqué crée de façon contraire au droit positif une véritable exception au droit des marques.
Elle fait valoir que si elle ne contestait pas aujourd'hui l'utilisation des termes LA CITE GOURMANDE, il pourrait lui être ensuite reproché une tolérance l'empêchant, au bout de 5 ans de faire valoir ses droits à l'encontre de LA CITE GOURMANDE quand bien même celle-ci s'adonnerait à une activité d'une autre ampleur que celle d'un petit commerce de proximité.
Son action en contrefaçon lui apparaît dès lors parfaitement légitime.
Quant à la concurrence déloyale, distincte de la contrefaçon, le Tribunal de Grande Instance de Carcassonne a considéré qu'elle n'existait pas parce qu'il n'existait pas de risque de confusion.
Elle le conteste parce que l'usage de la dénomination LA CITE GOURMANDE porte atteinte à son identifiant. Il a été porté atteinte à ses droits de marque et de dénomination sociale antérieure. Elle en demande réparation par l'interdiction à son adversaire de faire usage de celle-ci sous astreinte de 1 000 € par jour.
Elle ne peut dit-elle justifier d'une baisse de chiffre d'affaires du fait des agissements de l'intimée mais invoque néanmoins un trouble commercial qu'elle chiffre à 30 000 €.
Elle réclame 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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La SARL LA CITE GOURMANDE a constitué avoué mais n'a pas conclu.
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SUR CE :
Si l'argumentation de l'appelante ne manque nullement de pertinence en se fondant sur les textes relatifs à la contrefaçon par reproduction et imitation et à la concurrence déloyale ainsi que sur la jurisprudence établie en la matière et si la décision dont appel semble créer de façon contraire au droit positif une exception au droit des marques, demeure en l'espèce un particularisme local très spécifique qui crée l'exception.
Le Tribunal de Grande Instance de Carcassonne n'a pas manqué de souligner celui-ci dans son jugement en évoquant ce qui, à Carcassonne, porte le nom de "LA CITE DE CARCASSONNE", c'est-à-dire toute l'enceinte historique et médiévale qui constitue un coeur hautement homogène, mondialement connu et tout-à-fait remarquable à tel point que le site est classé au patrimoine mondial de L'UNESCO.
A ce titre, ce qui représente la vie à l'intérieur de ses murs : le commerce, les restaurants, les hôtels, toute l'importante activité touristique, jouit d'une sorte de privilège de fait à s'approprier ce qui peut faire référence au lieu et ceci pour montrer qu'eux : commerçants, restaurateurs, hôteliers, guides, musées sont implantés à l'intérieur de LA CITE. Ceci représente un pouvoir attractif supplémentaire pour les touristes et cette revendication si elle existe apparaît légitime. Elle est susceptible de concerner un grand nombre appartenant au site ce qui la banalise et exclut son appropriation par un seul. C'est de toute évidence ce qui a incité LA CITE GOURMANDE à prendre cette dénomination comme d'autres s'appellent L'HOTEL DE LA CITE ou le SALON DE THE DE LA CITE, etc...
Exerçant son activité hors les murs et même à Carcassonne, LA CITE GOURMANDE pourrait tomber sous le coup des textes relatifs à la contrefaçon par reproduction ou imitation et relatifs à la concurrence déloyale même si comme l'a dit le tribunal avec pertinence la similitude est si éloignée entre les activités des deux sociétés qu'il ne peut y avoir confusion d'aucune sorte. Mais elle exerce son activité dans LA CITÉ.
La Cour fait sienne la motivation du tribunal, ajoutant à celle-ci une légitimité à revendiquer l'usage du nom d'un site reconnu lorsqu'on y exerce son activité par rapport à un tiers ayant des droits acquis antérieurement sur ce nom ou partie de ce nom et qui est sans lien commun avec le site et donc sans lien avec le nom de celui-ci.
Le jugement sera confirmé au vu de cette motivation complémentaire qui est le développement de ce que le tribunal a exprimé quant au fait que le commerce de la SARL LA CITE GOURMANDE était exploité "15 rue Cros Mayrevielle à Carcassonne, c'est à dire au sein de la cité médiévale".
Succombant l'appelante sera condamnée aux dépens d'appel, ce qui la prive du bénéfice de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS
- reçoit en la forme l'appel interjeté ;
- le dit mal fondé ;
- en conséquence et par complément de moyens, confirme en toutes ses dispositions le jugement attaqué ;
- déclare la SA CITE GOURMANDE irrecevable en sa demande d'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la SA CITE GOURMANDE aux dépens d'appel qui seront distraits en application de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
NFD/GR