COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 10 NOVEMBRE 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 05823
Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 JUILLET 2008 TRIBUNAL DE COMMERCE DE RODEZ No RG 200701831
APPELANT :
Monsieur André X... né le 27 Décembre 1944 à FES (MAROC) de nationalité Française ...78600 MAISONS LAFFITTE représenté par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour assisté de Me BENARROCH, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
Maître Vincent Z..., agissant es qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL AIRLUX, ... 34000 MONTPELLIER représenté par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour assisté de Maître AIMONETTI de la SCP LARGUIER AIMONETTI-BLANC-BRINGER-MAZARS, avocats au barreau de MILLAU
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 01 Octobre 2009
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 OCTOBRE 2009, en chambre du conseil, Monsieur Hervé CHASSERY Conseiller, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, Président Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller Madame Noële-France DEBUISSY, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
La société Airlux a été placée en redressement judiciaire le 10 octobre 1998, puis en liquidation judiciaire le 10 novembre suivant.
Par exploit du 18 janvier 1999, le liquidateur judiciaire a fait assigner M. B..., dirigeant de droit de cette société, et M. X..., dirigeant de fait, devant le tribunal de commerce de Rodez en vue de l'ouverture de leur redressement judiciaire personnel par application de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 (qui, après codification deviendra l'article L. 624-5 du code de commerce).
Par jugement du 12 juin 2001, le tribunal, constatant qu'une instance pénale visant notamment MM. B... et X... était en cours, a sursis à statuer sur la demande du liquidateur judiciaire jusqu'à l'issue de cette procédure.
M. B... est décédé le 1er août 2001.
Par un arrêt de cette cour du 3 février 2005, M. X... a été condamné du chef de complicité de banqueroute à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, 40 000 euros d'amende et l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pendant cinq ans. Le pourvoi en cassation formé contre cette décision a été rejeté par arrêt du 7 septembre 2005.
Par exploit du 18 août 2004, le liquidateur judiciaire a alors fait assigner M. X... devant le tribunal de commerce de Rodez en vue de l'ouverture de son redressement judiciaire sur le fondement de l'article 182 de la loi du 25 janvier 1985 (sic).
Cette procédure ayant été radiée par décision du 6 juin 2006, le liquidateur judiciaire a fait assigner, selon exploit du 27 novembre 2007, M. X... devant la même juridiction en vue de sa condamnation à payer les dettes sociales de la société Airlux et du prononcé de sa faillite personnelle, en application des articles L. 652-1, l. 653-4 et L. 653-5 du code de commerce.
Par jugement contradictoire du 15 juillet 2008 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde, condamné M. X... à payer 300 000 euros au liquidateur judiciaire et dit n'y avoir lieu au prononcé d'une mesure de faillite personnelle.
M. X... a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au prononcé de sa faillite personnelle, demandant à la cour :
- à titre principal, de dire l'action irrecevable tant comme prescrite qu'en raison du non-respect des dispositions des articles L. 652-1, R. 652-1 et R. 651-2 du code de commerce,
- à titre subsidiaire, de rejeter la demande,
- de condamner le liquidateur judiciaire à lui payer 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que :
- la liquidation judiciaire de la société Airlux ayant été prononcée le 10 novembre 1998, l'action du liquidateur judiciaire introduite par une assignation du 18 août 2004, qui ne reprend pas l'assignation originaire du 18 janvier 1999, est prescrite en application de l'article L. 624-5, IV, du code de commerce dans son ancienne rédaction,
- l'action engagée par le liquidateur judiciaire ne peut prospérer car elle n'a donné lieu à aucune décision d'ouverture avant l'entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises, et s'il peut lui être substituée l'action en obligation aux dettes sociales de l'article L. 652-1 du code de commerce, ainsi que l'a sollicité le liquidateur judiciaire dans son assignation du 27 novembre 2007, il reste que cette action, qui se prescrit par trois ans à compter du jugement de la liquidation judiciaire de la personne morale et alors que cette prescription n'a pu être interrompue par les diverses assignations délivrées puisqu'il s'agit d'une action différente par son objet et ses conditions d'application de l'action originaire, est irrecevable,
- il n'a pas été convoqué régulièrement un mois avant son audition en chambre du conseil,
- la preuve de sa qualité de dirigeant de fait de la société Airlux n'est pas rapportée,
- aucun des manquements prévus à l'art L. 652-1 du code de commerce n'est établi.
M. Z..., ès qualités, a conclu à la confirmation du jugement entrepris et a formé un appel incident tendant au prononcé de la faillite personnelle de M. X....
Il fait valoir que :
- le délai de prescription de trois ans de l'action, qui a commencé à courir à compter du jugement de liquidation judiciaire, a été interrompu par les trois citations délivrées et par le jugement de sursis à statuer du 12 juin 2001,
- la loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 a substitué à la sanction de l'ouverture du redressement judiciaire des dirigeants de la personne morale un nouveau mécanisme d'obligation aux dettes sociales, et il ne saurait être soutenu que le point de départ du délai de prescription de cette nouvelle procédure a commencé à courir avant le 1er janvier 2006 puisque, avant cette date, une telle demande de substitution n'était pas possible,
- les dispositions de l'article R. 651-2 du code de commerce ne visent pas les procédures fondées sur l'article L. 652-1 du même code,
- en l'état de sa condamnation pénale, les fautes imputées à M. X..., qui gérait de fait la société Airlux, sont établies,
- les fautes commises par M. X... justifient également le prononcé de sa faillite personnelle.
C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 1er octobre 2009.
MOTIFS DE LA DECISION
1 / Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription prévue par l'article L. 624-5- IV du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises
Attendu que la prescription triennale de l'action en redressement ou en liquidation judiciaire du dirigeant de la personne morale, telle que prévue par l'article L. 624-5, IV, du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du no 2005-845 du 26 juillet 2005, court à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ;
Que la liquidation judiciaire de la société Airlux a été prononcée le 10 novembre 1998 ;
Que la prescription de l'action tendant à l'ouverture du redressement judiciaire de M. X... a été interrompue par l'assignation du 18 janvier 1999, puis par le jugement de sursis à statuer du 12 juin 2001, puis par les assignations des 18 août 2004 – ayant donné lieu à une décision de radiation du 6 juin 2006 – et 27 novembre 2007, qui ont repris la demande originaire ;
Qu'il s'ensuit que la prescription prévue par les dispositions légales susvisées n'était pas acquise ;
2 / Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription prévue à l'article L. 652-4 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi de sauvegarde des entreprises
Attendu qu'il résulte de l'article 192 de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises que les actions engagées sur le fondement de l'article L. 624-5 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à cette loi, n'ayant pas abouti au prononcé d'une décision d'ouverture à la date du 1er janvier 2006, ne peuvent être poursuivies ;
Que, toutefois, à la demande du mandataire de justice et si les conditions d'application sont réunies, notamment en ce qui concerne le délai de prescription, l'action en obligation aux dettes sociales prévue par l'article L. 652-1 du code de commerce, peut se substituer à la demande initiale ;
Attendu que l'action afin d'obligation aux dettes sociales se prescrit, aux termes de l'article L. 652-4 du code de commerce, par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire ;
Que cette prescription n'est pas interrompue par les poursuites engagées à l'origine sur le fondement de l'article L. 624-5 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, s'agissant d'actions n'ayant pas le même objet et n'obéissant pas aux mêmes conditions d'application ;
Qu'il s'ensuit que l'action en obligation aux dettes sociales formulée pour la première fois par le liquidateur judiciaire dans son assignation du 27 novembre 2007, soit plus de trois ans après la liquidation judiciaire de la société Airlux prononcée le 10 novembre 1998, est prescrite ;
Qu'elle sera donc déclarée irrecevable ;
3 / Sur la demande tendant au prononcé de la faillite personnelle
Attendu que l'article L. 653-1, II, du code de commerce qui fixe à trois ans le délai de prescription de l'action aux fins de faillite personnelle, ne figure pas au nombre des dispositions énumérées par l'article 191 de la loi du 26 juillet 2005 comme étant applicables aux procédures collectives en cours au 1er janvier 2006 ;
Que sont donc applicables les dispositions antérieures à cette loi ;
Attendu qu'il résulte des articles L. 625-1 et suivants du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, que la faillite personnelle ne peut être prononcée contre toute personne ou contre le dirigeant de droit ou de fait d'une personne morale que si la procédure collective n'a pas été clôturée ;
Qu'en l'espèce, aucune précision n'est donnée par le liquidateur judiciaire sur l'état actuel de la procédure collective de la société Airlux, ouverte par un redressement judiciaire le 10 octobre 1998, suivi d'une liquidation judiciaire le 10 novembre 1998 ;
Attendu, au demeurant, que M. X... a déjà été condamné par le juge répressif à une mesure l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale durant cinq ans ;
Attendu, en conséquence, que l'appel incident du liquidateur judiciaire sera rejeté et le jugement entrepris confirmé de ce chef ;
4 / Sur les autres demandes
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;
Attendu, enfin, que la cour rappelle que l'obligation de rembourser les sommes versées en vertu d'une décision de première instance assortie de l'exécution provisoire résulte de plein droit de la réformation de ladite décision ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil et communication de la procédure au ministère public,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande tendant au prononcé de la faillite personnelle.
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau, déclare irrecevable l'action en obligation aux dettes sociales.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
D. B.