COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1o Chambre Section A2
ARRÊT DU 13 OCTOBRE 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/4508
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 MARS 2008
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER
No RG 06/05126
APPELANT :
Monsieur Jean-Christophe X...
né le 2 Juillet 1964 à AIX-EN-PROVENCE (13100)
de nationalité française
Domaine les Sacristains Le Haut
34530 MONTAGNAC
représenté par la SCP ARGELLIES - WATREMET, avoués à la Cour
assisté de Me LAFONT, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
Madame Gisèle Z...
née le 1er Mai 1967 à MONTPELLIER (34000)
de nationalité française
Résidence Frédéric Mistral
escalier 7, appartement 54
34140 MEZE
représentée par la SCP DIVISIA - SENMARTIN, avoués à la Cour
assistée de Me MARTIN - LASSAQUE, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE de CLÔTURE du 3 SEPTEMBRE 2009
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le MARDI 8 SEPTEMBRE 2009 à 8H45, en audience publique, Madame Sylvie CASTANIÉ, Conseiller ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Christian TOULZA, Président
Madame Sylvie CASTANIÉ, Conseiller
Monsieur Hervé BLANCHARD, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE,
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Christian TOULZA, Président, et par Mme Marie-Françoise COMTE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~ ~ ~
FAITS - PROCÉDURE - MOYENS et PRÉTENTIONS des PARTIES :
Jean-Christophe X... et Gisèle Z... qui ont une enfant Audrey née le 22 février 1990, font l'acquisition, selon acte authentique du 21 mars 1990, indivisément et par égales parts entre eux, d'une maison d'habitation située ... (Hérault). Ils mettent fin à leur concubinage le 28 décembre 2002.
Par jugement en date du 25 mars 2008, le Tribunal de grande instance de MONTPELLIER, saisi par Jean-Christophe X... :
ordonne le partage aux formes de droit et la liquidation de l'indivision existant entre Jean-Christophe X... et Gisèle Z..., relativement à l'immeuble situé ...,
commet le Président de la Chambre des notaires de l'Hérault ou son délégataire pour procéder aux dites opérations de liquidation et désigne un Juge commissaire pour les surveiller,
fixe à la somme de 124.550,00 € la valeur de l'immeuble indivis,
dit que Jean-Christophe X... dispose envers l'indivision d'une créance de :
• 74.291,90 € au titre du remboursement des emprunts, du 5 mai 1990 au 31 décembre 2007,
• 8.126,36 € au titre des taxes foncières payées de 1990 à 2007,
rejette les demandes de Jean-Christophe X... au titre des travaux, de la taxe d'habitation et des primes d'assurance,
rejette les demandes des parties, relatives aux indemnités d'occupation,
dit que Jean-Christophe X... devra rapporter à l'indivision l'intégralité des loyers perçus,
déboute les parties du surplus de leurs demandes,
déclare les dépens frais privilégiés de partage.
Jean-Christophe X... relève appel de ce jugement, selon déclaration au greffe déposée le 25 juin 2008.
Dans ses dernières écritures déposées le 1er septembre 2009, Jean-Christophe X... conclut à la réformation du jugement entrepris.
Il demande, au principal, qu'il soit constaté que l'indivision n'est constituée que d'un seul bien et qu'elle n'a jamais eu d'autre actif. Ce bien doit lui être attribué sans soulte. Il sera jugé en conséquence que dans les rapports entre les co-emprunteurs, il supportera seul la charge finale du remboursement des échéances du prêt immobilier. Il demande que les parties soient renvoyées devant le notaire aux fins de publication de l'acte de partage, acte lui étant donné de ce qu'il accepte de conserver à sa charge l'intégralité des frais.
Il demande subsidiairement, dans le cas où la Cour renverrait les parties devant le notaire, y compris pour procéder aux opérations de partage, que sa créance sur l'indivision soit fixée à la somme de 150.000,00 € avec intérêts au taux légal, à compter du jour de l'arrêt à intervenir jusqu'au partage.
Il demande, enfin, que Gisèle Z... soit condamnée à lui payer la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans ses dernières écritures déposées le 13 août 2009, Gisèle Z... conclut au partage et à la liquidation de l'indivision existant entre les parties et que le Président de la Chambre des notaires soit désigné pour procéder aux dites opérations.
Elle demande, au principal, qu'il soit jugé que Jean-Christophe X... a fait preuve envers elle d'intention libérale, de sorte que le partage de l'indivision entre les parties doit se faire à parts égales. La valeur de l'immeuble indivis doit être fixée à la somme de 180.000,00 €. Le montant des sommes versées par Jean-Christophe X..., au titre de la taxe foncière, s'élève à la somme de 2.820,00 €. Il doit être jugé, en outre, que Jean-Christophe X... est débiteur envers l'indivision d'une indemnité d'occupation dont le montant doit être fixé à la somme de 700,00 € par mois, pour la période allant du mois de décembre 2003 au mois de décembre 2004, soit la somme globale de 8.400,00 € (700,00 € x 12). Jean-Christophe X... devra, enfin, être condamné à rapporter à l'indivision la totalité des loyers perçus, évalués au jour de l'établissement des écritures à la somme de 28.000,00 €.
Elle demande subsidiairement, la valeur de l'immeuble étant fixée à 180.000,00 €, qu'il soit constaté que le montant des sommes versées par Jean-Christophe X..., au titre du remboursement de l'emprunt et des taxes foncières, s'élève respectivement aux sommes de 78.023,10 € et de 2.820,00 €. Elle conclut au rejet des demandes formulées par Jean-Christophe X... au titre de l'apport de 40.000,00 €, des frais de notaire, des travaux et des primes d'assurance. Jean-Christophe X... devra être jugé débiteur envers l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 700,00 € pour la période comprise entre le mois de décembre 2003 et le mois de décembre 2004, soit la somme de 8.400,00 €. Il devra, en outre, être condamné à rapporter à l'indivision la totalité des loyers perçus, évalués, à la date d'établissement des présentes conclusions, à la somme de 28.000,00 €.
Elle demande à titre infiniment subsidiaire, qu'un expert soit nommé à l'effet de faire les comptes entre les parties, de déterminer la valeur du bien indivis, le montant de l'indemnité d'occupation et la participation, même indirecte, de chacun dans le financement du bien.
Elle demande enfin, en toute hypothèse, que Jean-Christophe X... soit condamné à lui payer la somme de 1.500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est en date du 3 septembre 2009.
SUR CE :
Jean-Christophe X... et Gisèle Z... ont acquis, selon acte notarié du 21 mars 1990, « indivisément et par égales parts entre eux » une maison d'habitation située ... (Hérault), moyennant le prix de 230.000,00 F, payé comptant, dont 190.000,00 F provenant de partie du prêt, souscrit par les deux acquéreurs auprès du Comptoir des Entrepreneurs (CDE), et le solde, avec des fonds personnels leur appartenant.
Il est précisé dans l'offre de prêt que celui-ci, d'un montant de 230.000,00 F, porte sur le financement de l'acquisition (190.000,00 €) et des travaux d'aménagement (40.000,00 €).
Il résulte des énonciations précises et non équivoques de l'acte d'acquisition que les acquéreurs indivis sont propriétaires, chacun pour moitié. Jean-Christophe X... ne peut soutenir, contre l'acte, qu'ayant financé l'intégralité de l'achat et des travaux, le bien doit lui être attribué, sans soulte. Raisonner ainsi équivaut à confondre le titre et la finance. La détermination de la propriété doit avoir lieu sans égard pour la façon dont l'acquisition a été financée. L'importance respective des fonds fournis par les indivisaires est inopérante. La circonstance que Jean-Christophe X... ait payé la totalité du prix, ce qui reste à démontrer, ne lui confère pas pour autant la qualité de seul propriétaire. Il disposera seulement, dans ce cas, d'une créance contre Gisèle Z... dont il soutient qu'elle a le moins payé, sauf à celle-ci à prouver que lui-même a été mu par une intention libérale. La jurisprudence, au demeurant isolée et critiquée par la doctrine dont Jean-Christophe X... se prévaut (Cass. Civ. 1ère 6 Février 2001), vise l'hypothèse d'un acte n'ayant pas précisé dans quelle proportion les deux acquéreurs sont propriétaires indivis. Ce défaut de précision permet alors, en effet, de se prévaloir d'une présomption d'acquisition cédant devant la preuve contraire. Tel n'est pas le cas en l'espèce. L'arrêt du 6 février 2001, non transposable ici, a été vivement critiqué car il s'est aidé, pour renverser la présomption, de l'importance respective des fonds fournis par les indivisaires.
Ce point étant acquis, il importe à présent de fixer le montant de la créance alléguée par Jean-Christophe X... contre Gisèle Z....
Il est établi par les pièces versées aux débats, et en particulier par le compromis de vente du 13 décembre 1989 et par le reçu du notaire du 21 mars 1990, que celui-ci a payé le montant de l'apport de 40.000,00 F, versé au moment de l'achat, avec ses deniers personnels.
Il est également acquis que c'est lui seul qui a remis au notaire, ce même 21 mars 1990, la somme de 28.700,00 F, à valoir sur les frais de la vente.
Il n'est pas, par ailleurs, contesté par Gisèle Z... que Jean-Christophe X... a remboursé seul le prêt destiné à l'acquisition du bien, elle-même assumant en contrepartie les dépenses courantes du ménage.
La participation prépondérante d'un concubin à la vie du ménage peut compenser en tout ou partie le remboursement de l'emprunt par l'autre concubin, seul.
Or, l'examen attentif des relevés des comptes bancaires de Gisèle Z..., intégralement produits pour la période comprise entre le mois de mars 1993 et le mois de novembre 2002, et leur comparaison avec ceux de Jean-Christophe X..., relatifs à la période allant de janvier 1999 à décembre 2002, permet de se convaincre que Gisèle Z... a, pendant plus de neuf ans, pris une plus grande part aux dépenses de la vie courante. Il n'est pas sans intérêt d'observer à cet égard que les revenus de Gisèle Z... qui était, pendant la vie commune, employée chez CARREFOUR, d'abord en tant que caissière puis de secrétaire comptable, et de Jean-Christophe X... qui a une formation professionnelle de maçon et qui a exercé divers emplois, étaient sensiblement équivalents.
Jean-Christophe X... fixe, au terme de calculs précis et rigoureux, le montant cumulé du capital emprunté et du coût du crédit (prêt initial du 28 février 1990 et prêt renégocié du 20 juillet 1997), à la somme globale de 523.406,00 F. C'est donc cette somme, et non celle de 511.798,00 F proposée par Gisèle Z..., que la Cour retient comme base de sa discussion. Le montant de la créance de Jean-Christophe X..., au titre du remboursement du prêt, doit, en effet, être tempéré en proportion de la participation supérieure de sa compagne à la vie du ménage. La Cour dispose d'éléments de détermination suffisants pour ramener, compte tenu de cette circonstance, le montant de la créance de Jean-Christophe X... sur l'indivision, au titre du remboursement du prêt, à la somme de 261.703,00 F.
Les factures produites aux débats permettent de considérer que Jean-Christophe X... a financé l'achat des matériaux nécessaires aux travaux d'aménagement de la maison indivise à hauteur de la somme de 23.168,00 F (63.168,00 F - 40.000,00 F).
Jean-Christophe X... est également en droit, s'agissant de dépenses nécessaires, faites de ses deniers personnels pour la conservation du bien indivis, sur le fondement de l'article 815-13 du Code civil dans son ancienne rédaction, de revendiquer les créances suivantes :
53.305,00 F au titre des taxes foncières qu'il a payées seul, de 1990 à 2007,
38.772,00 F au titre d'une facture d'entretien, d'avril 2008, et des primes d'assurance, payées par lui seul.
Les pièces versées par Jean-Christophe X... qui a obtenu son CAP de constructeur maçon et béton armé en 1983, et en particulier les photographies, les attestations dont la sincérité ne peut a priori être mise en doute et les factures permettent de considérer que celui-ci a exécuté personnellement les travaux d'aménagement du bien indivis dont il a ainsi amélioré à ses frais l'état, au sens de l'article 815-13 précité. La créance qu'il détient à ce titre sur l'indivision doit, au vu des éléments objectifs fournis, être fixée à la somme de 90.000,00 F.
Seules les dépenses d'amélioration et de conservation, à savoir le prêt, les taxes foncières, la facture d'entretien, les primes d'assurance et les matières premières, doivent être majorées des intérêts au taux légal, à compter de la date à laquelle elles ont été engagées.
Il y a lieu de fixer la valeur du bien indivis, eu égard à ses caractéristiques minutieusement décrites par le certificat de l'expert C..., mandaté par Jean-Christophe X..., en date du 6 août 2007, et à l'état du marché immobilier, à la somme de 150.000,00 €, en valeur octobre 2009.
Le fait que Gisèle Z... ait logé à compter du mois de décembre 2003 dans un appartement loué Résidence Frédéric Mistral à MEZE, ne suffit pas à établir que Jean-Christophe X... a repris possession de la maison indivise et en a fait un usage privatif jusqu'à sa mise en location. Gisèle Z... doit donc être déboutée de sa demande formée contre Jean-Christophe X... en paiement d'une indemnité d'occupation.
Jean-Christophe X... doit, en revanche, être condamné à restituer à l'indivision tous les loyers qu'il a perçus et qui constituent les revenus et accroissent donc son actif, conformément à l'article 815-10 ancien du Code civil.
Les dépens de première instance et d'appel doivent être déclarés frais privilégiés de partage.
La solution apportée au litige justifie, enfin, que chaque partie conserve la charge de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré,
CONFIRME le jugement :
en ce qu'il a ordonné le partage aux formes de droit et la liquidation de l'indivision existant entre Gisèle Z... et Jean-Christophe X..., relativement à l'immeuble situé ...,
en ce qu'il a commis le Président de la Chambre des notaires de l'Hérault ou son délégataire pour procéder aux dites opérations et désigné le Juge commissaire pour les surveiller,
en ce qu'il a débouté Gisèle Z... de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation,
et, enfin, en ce qu'il a dit que Jean-Christophe X... devrait rapporter à l'indivision l'intégralité des loyers perçus par lui.
RÉFORMANT pour le surplus le jugement entrepris et Y AJOUTANT :
DIT que Jean-Christophe X... est titulaire envers l'indivision des créances suivantes :
• 6.098,00 € (six mille quatre-vingt-dix-huit euros) 40.000,00 F , au titre de l'apport,
• 4.375,00 € (quatre mille trois cent soixante et quinze euros) 28.700,00 F , au titre des frais notariés,
• 39.897,00 € (trente-neuf mille huit cent quatre-vingt-dix-sept euros) 261.703,00 F , au titre des deux prêts successifs,
• 8.126,00 € (huit mille cent vingt-six euros) 53.305,00F , au titre des taxes foncières,
• 5.910,00 € (cinq mille neuf cent dix euros) 38.772,00F , au titre de la facture d'entretien et des primes d'assurance,
• 3.532,00 € (trois mille cinq cent trente-deux euros) 23.168,00 F , au titre de l'achat des matériaux,
• 13.720,00 € (treize mille sept cent vingt euros) 90.000,00 F , au titre du travail accompli.
DIT que seules les créances de Jean-Christophe X... au titre des dépenses nécessaires et d'amélioration, à savoir le prêt, les taxes foncières, la facture d'entretien, les primes d'assurance et les matières premières, seront augmentées des intérêts au taux légal, à compter de la date à laquelle elles ont été exposées et jusqu'au jour le plus proche du partage.
FIXE la valeur du bien indivis (octobre 2009) à la somme de 150.000,00 € (cent cinquante mille euros).
DIT que Jean-Christophe X... devra rapporter à l'indivision l'intégralité des loyers perçus.
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.
DIT que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles.
DÉCLARE les dépens de première instance et d'appel frais privilégiés de partage.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
SC/MFC