COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
2o chambre
ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 06807
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 SEPTEMBRE 2008
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PERPIGNAN
No RG 2008 / 1764
APPELANT :
Monsieur Jean François X...
...
11130 SIGEAN
représenté par la SCP GARRIGUE-GARRIGUE, avoués à la Cour
assisté de Me Michel BOUGAIN, avocat au barreau de PERPIGNAN
INTIMEE :
Maître Pierre Jean Z..., agissant en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur Jean François X... et en tant que de besoin ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur Yves X... domicilié en cette qualité audit siège social
...
...
66027 PERPIGNAN CEDEX
représentée par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour
assistée de la SCP FITA-BRUZI, avocats au barreau de PERPIGNAN
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 15 juin 2009
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 JUIN 2009, en chambre du conseil, M. Daniel BACHASSON, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel BACHASSON, Président
Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller
Madame Noële-France DEBUISSY, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Colette ROBIN
Ministère public :
L'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis.
ARRET :
- contradictoire
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Mademoiselle Colette ROBIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES
M. Jean-François X... a été placé en redressement judiciaire le 1er mars 1995, puis en liquidation judiciaire le 6 octobre 1995, M. Z... étant liquidateur judiciaire, et cette procédure a été clôturée le 10 janvier 2001 pour insuffisance d'actif.
La SCI l'Orient, ayant pour associés M. Jean-François X... (500 parts sociales) et M. Yves X... (3 500 parts sociales), a été placée en redressement judiciaire le 7 avril 1992, puis en liquidation judiciaire le 10 janvier 2005, M. Z... étant liquidateur judiciaire.
La liquidation judiciaire de la SCI l'Orient ayant généré, après réalisation des actifs et paiement des créances, un boni de liquidation de 320 000 euros, M. Z..., « agissant en qualité de créancier de M. Jean-François X... », a présenté, le 9 juillet 2008, une requête au tribunal de commerce de Perpignan tendant à la reprise, en application de l'article L. 622-34 du code de commerce, de la procédure de liquidation judiciaire de M. Jean-François X... en vue de la répartition, entre ses créanciers, du boni de liquidation lui revenant en sa qualité d'associé de la SCI l'Orient.
Par jugement réputé contradictoire du 3 septembre 2008, le tribunal a ordonné la reprise de la procédure de liquidation judiciaire de M. Jean-François X... et désigné M. Z... en qualité de liquidateur judiciaire.
M. Jean-François X... a interjeté appel de ce jugement :
- par déclaration du 25 septembre 2008 intimant « Me Pierre-Jean Z..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur Jean-François X... et en tant que de besoin es qualité (sic) de liquidateur judiciaire de Monsieur Yves X... … » (procédure no 08 / 6807),
- par déclaration du 31 mars 2009, intimant « Me Pierre-Jean Z... » (procédure no 09 / 2327).
Ces deux procédures ont été jointes par ordonnance du 23 avril 2009.
M. Jean-François X... a conclu le 17 avril 2009 :
- à titre principal, à la nullité du jugement entrepris,
- subsidiairement, à l'irrecevabilité de la demande,
- à titre infiniment subsidiaire, au rejet de la demande,
- à titre encore plus infiniment subsidiaire, à la désignation d'un autre mandataire liquidateur,
- à la condamnation de M. Z... à titre personnel au paiement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que :
- le jugement entrepris est nul car :
* la lettre recommandée avec demande d'avis de réception du greffe du tribunal de commerce de Perpignan en vue de sa convocation devant cette juridiction lui a été envoyée à une adresse à Font-Romeu, correspondant à un appartement constituant l'annexe de locaux à usage commercial dont était propriétaire son père et qui a été vendu il y a plusieurs années par M. Z...,
* cette convocation ne mentionnait aucun motif ou fondement juridique,
* cette convocation ne précisait pas le nom du requérant,
- M. Z..., qui a agi à titre personnel, ne pouvant se prévaloir de la qualité de créancier, est irrecevable en sa demande,
- la réouverture d'une procédure de liquidation judiciaire n'est possible que s'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- dans l'hypothèse où le jugement entrepris serait confirmé, il conviendrait alors de désigner un autre mandataire que M. Z..., en raison d'une opposition d'intérêts entre M. Yves X... et lui-même, et de l'hostilité qu'il lui a manifestée.
M. Z..., « agissant es qualité (sic) de liquidateur judiciaire de M. Jean-François X... et en tant que de besoin es qualité (sic) de liquidateur judiciaire de M. Yves X... » a conclu le 9 juin 2009 comme suit :
«- Voir statuer ce que de droit sur les modalités de convocation du débiteur à l'audience de réouverture de la procédure de liquidation judiciaire le concernant,
En toute hypothèse,
- Voir dire et juger que l'effet dévolutif reste entier, même si le jugement entrepris devait être annulé,
En conséquence, tenant les dispositions de l'article L. 622-34 du Code de commerce dans son ancienne rédaction,
- Voir dire et juger que les conditions de fond et de forme de la réouverture de la procédure de liquidation judiciaire sont acquises,
- Voir dire que la nécessité de répartir le boni de liquidation de la SCI l'Orient au bénéfice notamment de M. Jean-François X... justifie que la procédure soit réouverte (sic).
- Voir ordonner en conséquence la reprise de la procédure de liquidation judiciaire de M. Jean-François X....
- Voir désigner à cet effet Maître Pierre-Jean Z..., en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de M. Jean-François X..., ainsi que le juge-commissaire et le juge-commissaire suppléant visés par le dispositif de la décision entreprise.
Tenant les dispositions des articles 74 et suivants et 771 du code de procédure civile,
Tenant les dispositions des articles 547 et 564 et suivant du même code,
Vu l'article R. 662-3 du code de commerce,
- Voir déclarer irrecevable l'appel interjeté contre Maître Pierre-Jean Z... à titre personnel,
- Dans tous les cas, dire et juger que sa responsabilité éventuelle ne relèverait que du tribunal de grande instance et se déclarer incompétent pour en connaître au profit de ladite juridiction de Narbonne en vertu de l'article 47 du code de procédure civile.
- Dépens comme de droit ».
Il fait valoir que :
- il n'était pas partie à titre personnel en première instance, si bien que l'appel est irrecevable, et il a saisi le conseiller de la mise en état, le 10 juin 2009, d'une requête en ce sens,
- le boni de liquidation de la SCI l'Orient, la qualité d'associé de M. Jean-François X... et la nécessité de répartir ce boni sont autant d'éléments objectifs justifiant que les conditions de fond de réouverture de la procédure sont acquises,
- il a agi en tant que créancier de M. X..., pour être également son liquidateur judiciaire, et, d'ailleurs, la loi du 26 juillet 2005 a considérablement élargi le droit de saisine en cette occurrence puisque le tribunal peut se saisir d'office et peut l'être par le liquidateur judiciaire, le ministère public et tout créancier intéressé,
- il n'est pas comptable du respect ou du non-respect du formalisme de la convocation par le greffe du tribunal de commerce,
- si la cour devait annuler la décision entreprise, il y aurait lieu à application de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985,
- concernant la demande tendant à son remplacement, le tribunal qui a ouvert la procédure est seul compétent pour en connaître.
Le 10 juin 2009, M. Z..., « agissant es qualité (sic) de liquidateur judiciaire de M. Jean-François X... et en tant que de besoin es qualité (sic) de liquidateur judiciaire de M. Yves X... », a présenté une requête au conseiller de la mise en état tendant à l'irrecevabilité de l'appel interjeté par M. Jean-François X... le 31 mars 2009 contre lui personnellement, au motif qu'il n'a pas été partie à titre personnel en première instance, et au rejet de la demande de condamnation au paiement de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, qui est en réalité une demande de condamnation sur le fondement de l'article 1382 du code civil dont seul le tribunal de grande instance pourrait connaître.
C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 16 juin 2009.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que, l'affaire ayant été fixée par application de l'article 910, alinéa 2, du code de procédure civile à l'audience du 16 juin 2009 et la cour n'entendant pas la renvoyer à une audience ultérieure, la requête présentée par M. Z... le 10 juin 2009 n'a pu être examinée par le conseiller de la mise en état et a été jointe au fond ;
Attendu qu'il ressort de la requête qu'il a présentée au tribunal de commerce de Perpignan le 9 juillet 2008, que M. Z... a agi en qualité de « créancier de M. Jean-François X... » ;
Que le jugement entrepris mentionne qu'il agit « en qualité de créancier de M. X... Jean-François, et de liquidateur de M. X... Yves » ;
Qu'en cause d'appel, il a conclu « es qualité (sic) de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur Jean-François X... et en tant que de besoin es qualité (sic) de liquidateur à la liquidation judiciaire de Monsieur Yves X... » ;
Attendu qu'en l'état des diverses qualités évolutives et approximatives qu'il a prises, M. Z... n'est pas fondé à soutenir l'irrecevabilité des appels interjetés par M. X..., qui, par précaution, l'a intimé successivement à titre personnel (qualité initiale revendiquée par M. Z...) et en tant que liquidateur judiciaire (qualité revendiquée ultérieurement par M. Z...) ;
Attendu qu'il ressort de l'extrait du registre du commerce et des sociétés délivré le 4 septembre 2008 que M. Jean-François X..., marchand de biens, demeure «... à 66120 Font-Romeu ... » et a son principal établissement à cette même adresse ;
Que c'est à cette adresse que le greffe du tribunal de commerce de Perpignan l'a convoqué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;
Qu'en outre, aucune disposition de la loi no 85-98 du 25 janvier 1985 et du décret no 85-1388 du 27 décembre 1985, applicables en l'espèce, ne prévoit de mode particulier de convocation du débiteur, ni de mentions spécifiques ;
Que, dès lors, cette convocation étant régulière, sa demande tendant à la nullité du jugement entrepris sera rejetée ;
Attendu que l'article L. 622-34 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, dispose : « Si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et s'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées, la procédure peut être reprise, à la demande de tout créancier intéressé, par décision spécialement motivée du tribunal, sur la justification que les fonds nécessaires aux frais des opérations ont été consignés à la Caisse des dépôts et consignations … » ;
Qu'ainsi, la reprise de la procédure n'est possible qu'en cas de non-réalisation d'actifs ou de non-engagement d'actions dans l'intérêt des créanciers, relatifs à la procédure de liquidation judiciaire clôturée, et n'est ouverte qu'au créancier intéressé ayant consigné les fonds nécessaires à cette procédure ;
Attendu qu'en l'espèce, M. Z... ne justifie pas de la qualité de « créancier de M. Jean-François X... » qu'il a alléguée dans sa requête ;
Qu'en tant que liquidateur judiciaire de M. Jean-François X..., sa mission ayant pris fin avec le jugement de clôture du 10 janvier 2001, il n'est pas recevable, faute d'intérêt, à solliciter la réouverture de la procédure ;
Attendu, par ailleurs, que la demande n'est pas fondée sur un actif non-réalisé dans le cadre de la procédure collective dont la réouverture est requise, soit celle de M. Jean-François X..., mais sur un boni de liquidation d'une autre procédure collective, celle de la SCI l'Orient ;
Attendu qu'il s'ensuit que la demande est irrecevable ;
Attendu que le jugement entrepris sera donc infirmé ;
Attendu que M. Z..., qui succombe, sera condamné à payer à l'appelant la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile – disposition qui est exclusive de toute action en responsabilité – et supportera les dépens de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après débats en chambre du conseil et communication de la procédure au ministère public,
Déclare l'appel recevable.
Rejette la demande de nullité du jugement entrepris.
Infirme le jugement entrepris.
Et, statuant à nouveau, déclare la demande irrecevable.
Condamne M. Z... à payer à M. Jean-François X... la somme de deux mille cinq cents euros (2 500) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne M. Z... aux dépens de première instance et d'appel, et autorise la S. C. P. Garrigue-Garrigue, avoués, à recouvrer le montant de ceux d'appel aux forme et condition de l'article 699 du code de procédure civile.