COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section A2
ARRET DU 05 MAI 2009
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 01597
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 DECEMBRE 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE N° RG 07 / 00208
APPELANTS :
Monsieur Christian X... né le 27 Juin 1960 à CARCASSONNE (11000) de nationalité Française... 11150 BRAMS représenté par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour
Madame Valérie Y... épouse X... née le 21 Décembre 1964 à ROCHEFORT SUR MER de nationalité Française... 11150 BRAMS représentée par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour
INTIMES :
Monsieur Eric Z...... 11570 PALAJA représenté par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour
Madame Valérie A... épouse Z...... 11570 PALAJA représentée par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 19 Mars 2009
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 MARS 2009, en audience publique, Monsieur Christian TOULZA ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Christian TOULZA, Président Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller Monsieur Hervé BLANCHARD, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
-prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Christian TOULZA, Président, et par Mme Monique AUSSILLOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu le jugement rendu le 13 décembre 2007 par le Tribunal de Grande Instance de CARCASSONNE, qui a déclaré l'action des époux X... recevable, condamné solidairement les époux Z... à reculer le mur extérieur de leur terrasse à 1, 90 m de la clôture de la propriété voisine et à payer aux époux X... la somme de 1. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, débouté les époux X... du surplus de leurs demandes et condamné les époux Z... aux dépens ;
Vu l'appel régulièrement interjeté par les époux X... et leurs dernières conclusions tendant à condamner les époux Z... à leur verser 45. 000, 00 euros de dommages et intérêts en vue de réparer leur préjudice matériel ; subsidiairement, désigner un expert aux fins d'évaluer le bien en juin 2007, date de négociation du prix de vente avec les acheteurs, et vérifier auprès des agences immobilières chargées de la vente que la moins-value est bien consécutive à la construction illégale des époux Z... ; les condamner à leur payer 2. 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 18 mars 2009 par les époux Z..., tendant à constater que les époux X... ne sont plus propriétaires de la maison voisine et n'ont plus qualité à agir en retrait du mur extérieur de leur terrasse et déclarer leur demande de ce chef irrecevable ; les débouter de leur demande de dommages et intérêts pour le préjudice matériel prétendument subi, faute de prouver dans son principe et de justifier dans son montant ledit préjudice ; les condamner à leur payer la somme de 2. 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
MOTIVATION
SUR LA DEMANDE DE RECUL DU MUR DE LA TERRASSE
Si les époux X... justifient d'un intérêt à agir au jour de l'assignation en justice à l'encontre des époux Z..., en revanche, force est de constater qu'ayant vendu le 31 juillet 2007 le bien sur lequel s'exerce la vue, ils n'ont plus qualité pour agir aux fins d'ordonner le retrait du mur extérieur de leur terrasse à 1, 90 mètre de la limite de propriété pour la mettre en conformité avec les dispositions de l'article 678 du Code Civil.
Certes, l'acte authentique de vente informe l'acquéreur de la procédure en cours et précise que « quelque soit le résultat dudit procès, M. et Mme X... prennent à leur charge soit le bénéfice soit la perte financière du procès en cours. Le vendeur se réserve la possibilité d'exercer les voies de recours après le jugement du Tribunal de Grande Instance ».
Cependant cette mention, qui n'a d'effet qu'entre les cocontractants et ne concerne au demeurant rien d'autre que les aspects financiers du procès, ne saurait en aucun cas leur permettre de poursuivre une action en démolition d'un ouvrage contigu à un bien immobilier qui ne leur appartient plus et de leur conférer une qualité qui est attachée exclusivement au droit de propriété, sauf à admettre la possibilité de « plaider par procureur », ce qui est prohibé par la loi.
Le jugement sera en conséquence réformé et leur demande déclarée irrecevable.
SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES INTERETS
Soutenant avoir subi une perte financière lors de la vente de leur bien du fait de l'édification de la terrasse en violation des prescriptions légales, les époux X... réclament la somme de 45. 000 € à titre de dommages et intérêts outre celle de 10. 000 € en réparation de leur préjudice moral.
Le premier juge ayant considéré que leur préjudice ne pouvait être qualifié de certain, ils produisent en cause d'appel une attestation délivrée le 30 janvier 2009 par Patricia B... qui est ainsi rédigée :
« Je certifie sur l'honneur avoir acheté la maison de M. et Mme X... 200. 000 € net vendeur au lieu de 275. 000 € net vendeur. Ce prix a pu être (sic) négocié par rapport à la construction voisine et ses servitudes de vues. Mais aussi parce que les époux X..., s'engageant à poursuivre en justice M. et Mme Z..., pour la démolition de la terrasse et aussi la perte financière de leurs biens. J'ai fait stipuler ces faits sur l'acte notarié ».
Or cette attestation produite sur le tard est formellement contredite par les dispositions de l'acte authentique. En effet, si les époux X... informent dans cet acte l'acquéreur de l'existence d'un procès, ils ne prennent cependant aucun engagement à son égard et les parties n'ont stipulé aucune condition suspensive. En déclarant qu'ils en supporteront le bénéfice ou la perte quel qu'en soit le résultat, les vendeurs n'en tirent pour Madame B... aucune conséquence et entendent manifestement la tenir au contraire à l'écart du litige. Dès lors, son attestation n'est en rien convaincante.
L'affirmation par l'agent immobilier D...« que le mur construit sur le terrain voisin et donnant sur la véranda représente un très gros handicap pour la vente de la maison » n'est étayée par aucun exemple concret d'acquéreur potentiel qui aurait opposé la situation de la terrasse pour tenter de faire baisser le prix. Il en est de même de l'attestation de l'agence GAMBETTA IMMOBILIER, laquelle est encore plus laconique.
L'expert privé E..., selon lequel le bien aurait pu être vendu 260. 000 € au lieu de 215. 000 € s'il n'y avait eu la terrasse voisine, n'a travaillé comme il l'indique qu'à partir des photographies des pièces intérieures communiquées par les époux X.... Cette seule constatation suffit à priver son estimation de tout caractère sérieux.
Enfin, dans sa note technique du 27 février 2009, Monsieur C... estime le bien « à 290. 000 € sans la construction litigieuse, et à 235. 000 € en présence de cette construction litigieuse ».
Outre qu'il est architecte et que l'évaluation immobilière échappe à sa spécialité, il ne fournit aucun élément de comparaison avec des ventes similaires intervenues dans le même secteur et au cours de la même période.
Par ailleurs, son rapport révèle que le prix de vente peut également « s'expliquer par le contexte de la vente, le vendeur étant pressé par des impératifs familiaux », ce qui rappelle opportunément que divers éléments ont pu interférer dans les négociations et qu'il serait hasardeux d'attribuer sa détermination au fait que depuis leur terrasse les voisins peuvent voir une partie du fonds.
Enfin, c'est à l'existence même de la terrasse qualifiée de disgracieuse qu'il impute essentiellement la fixation du prix à un niveau inférieur selon lui à celui du marché, alors que cet ouvrage n'est pas en lui-même illicite et de nature à caractériser un préjudice indemnisable, et que seul est en cause le fait que la vue s'exerce en limite de propriété, et non à la distance de 1, 90 mètre à partir de laquelle elle pourrait parfaitement s'exercer en toute légalité.
Or à l'examen des photographies produites par les parties, rien ne permet objectivement d'établir que cette différence de 19 décimètres suffit à déprécier le fonds et a pu avoir une incidence sur la fixation du prix de vente à Madame B.... La haie de cyprès plantée le long de la terrasse est d'ailleurs de nature à faire rapidement disparaître toute possibilité d'atteinte à son intimité.
En ce qui concerne le préjudice moral qu'allèguent les époux X..., ils ne produisent aucun élément qui permette de le caractériser.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté les époux X... de leur demande de dommages et intérêts.
Le réformant pour le surplus, déclare irrecevable leur demande tendant à faire reculer le mur extérieur de la terrasse des époux Z....
Condamne les époux X... aux entiers dépens, ceux d'appel recouvrés conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, et à payer aux époux Z... la somme de 2000 € en application de l'article 700 du même code.