CA MONTPELLIER 1re A2
Ordonnance sur requête du 17 mars 2009
RG 2008.3780
X...
C/
Y...
Vu l'appel interjeté par les époux X... le 28 mai 2008 d'un jugement rendu le 8 février 2008 par le Tribunal de Grande Instance de RODEZ et signifié par acte du 22 avril 2008 ;
Vu la requête présentée le 8 janvier 2009 par Pierre Y... et ses conclusions du 13 mars 2009, tendant à faire déclarer l'appel irrecevable comme tardif et condamner in solidum les appelants à lui payer la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions des époux X... du 13 février 2009, tendant à prononcer la nullité de l'acte de signification du jugement, rejeter en conséquence le moyen d'irrecevabilité soulevé par Pierre Y... et le condamner aux dépens et au paiement d'une somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
MOTIVATION
Il résulte des dispositions des articles 654 et suivants du Code de Procédure Civile que la remise de l'acte de signification à la personne du destinataire est la règle ; que la signification à domicile n'est possible qu'à la condition que toutes les diligences possibles aient été faites pour que l'acte puisse être signifié à personne et qu'elles soient demeurées infructueuses ; que l'huissier doit impérativement vérifier que le destinataire de l'acte demeure bien à l'adresse indiquée ; que lorsqu'il n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, il doit préciser dans son procès-verbal les investigations concrètes qu'il a accomplies pour le retrouver, de simples formules de styles étant inopérantes à cet égard.
En l'espèce, pour justifier le dépôt en l'étude du procès-verbal de signification du 22 avril 2008 qu'il avait pour mission de remettre à « Madame Z... Annie-Odile épouse X... » et « Monsieur X... Bernard », l'huissier de justice s'est borné à cocher les cases préimprimées suivantes :
« Les circonstances rendant impossible la signification à personne ou à domicile : l'intéressé est absent » « Détail des vérifications : boîte aux lettres »
Ces mentions ne témoignent pas de vérifications concrètes et ne sauraient suffire à satisfaire aux exigences légales.
En outre Cédric A... qui habite à proximité et possède une boîte aux lettres aux noms de « M. A... Cédric et Mademoiselle X... Malorie » atteste y avoir trouvé en revenant de congé l'avis de signification destiné à Madame Z... Annie-Odile épouse X... et Monsieur X....
Il en résulte que faute d'avoir fait preuve d'un minimum de diligences et d'attention, l'huissier n'a pas signifié l'acte au domicile des destinataires et a déposé un avis de passage dans la boîte aux lettres de leur fille et de leur gendre, et qu'il a coché la case « boîte aux lettres » sans avoir même pris la peine de vérifier qu'il s'agissait bien de la leur.
Ainsi, non seulement il n'a pas accompli les diligences obligatoires pour privilégier la signification à personne, mais encore il a signifié l'acte à un domicile erroné, ce qui constitue une irrégularité substantielle au sens de l'article 114 alinéa 1er du Code de Procédure Civile.
Certes, en application de l'alinéa second de cet article, la nullité de l'acte ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité.
A cet égard, il résulte des pièces produites qu'après avoir été informés par leur fille de l'avis de passage laissé à son domicile, les époux X... ont téléphoné à l'huissier qui leur a écrit avoir déposé à son étude une copie de l'acte, et qu'ils l'ont retiré finalement en son étude le 5 mai 2008, soit 15 jours avant l'expiration du délai d'appel.
Si ce retrait a eu pour effet de porter à leur connaissance le jugement, sa signification et le délai d'appel, il ne peut en être déduit pour autant que l'envoi de cette lettre par l'huissier a régularisé le vice affectant l'acte sans laisser subsister aucun grief.
En effet, même si les époux X... ont pu avoir connaissance du jugement avant l'expiration du délai d'appel, il n'en demeure pas moins qu'ils ont été privés du délai de recours fixé à un mois par l'article 538 du Code de Procédure Civile, délai de réflexion que le législateur a estimé nécessaire en matière contentieuse pour permettre aux parties de s'entourer des conseils de leur avocat, de se faire expliquer toutes les conséquences et implications du jugement et d'envisager avec lui l'opportunité de relever appel en pleine connaissance de la portée de cette décision. Du fait de l'erreur commise par l'huissier significateur, ce délai s'est trouvé de facto ramené à 15 jours, et ce en violation des garanties légales.
En ce sens, la nullité de la signification du 22 avril 2008 pour vice de forme leur a causé un préjudice que n'a pas fait disparaître la remise tardive de l'acte.
Dès lors, celui-ci n'a pas fait courir le délai d'appel.
PAR CES MOTIFS
Rejetons la requête en irrecevabilité de l'appel.
Condamnons le requérant aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile et à payer aux époux X... la somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du même code.