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10/03/2009 | FRANCE | N°02/523

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 10 mars 2009, 02/523


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re Chambre Section AO1

ARRÊT DU 10 MARS 2009

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 5288

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 JUIN 2006
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE
N° RG : 02 / 523

APPELANTE :

Madame Rita Liliane Y... divorcée Z...

née le 31 Mai 1944 à TUNIS (Tunisie)
de nationalité française

...

représentée par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Pierre MARTY, avocat de la SCP MARTY-BOUIX, avocats a

u barreau de TOULOUSE

INTIMEE :

LA CHAMBRE DEPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE L'AUDE,
prise en la personne de son président en exerci...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re Chambre Section AO1

ARRÊT DU 10 MARS 2009

Numéro d'inscription au répertoire général : 06 / 5288

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 JUIN 2006
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONNE
N° RG : 02 / 523

APPELANTE :

Madame Rita Liliane Y... divorcée Z...

née le 31 Mai 1944 à TUNIS (Tunisie)
de nationalité française

...

représentée par la SCP SALVIGNOL-GUILHEM, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Pierre MARTY, avocat de la SCP MARTY-BOUIX, avocats au barreau de TOULOUSE

INTIMEE :

LA CHAMBRE DEPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE L'AUDE,
prise en la personne de son président en exercice, domicilié en cette qualité au siège social
52 rue Aimé Ramond-BP 112
11003 CARCASSONNE CEDEX
représentée par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour
assistée de Me Claude BRUGUES, avocat au barreau de MONTPELLIER

ORDONNANCE DE CLOTURE DU 27 JANVIER 2009
(après révocation, en début d'audience, de l'ordonnance de clôture en date du 22 Janvier 2009)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le MARDI 27 JANVIER 2009 à 14H, en audience publique, Madame Nicole FOSSORIER, Président ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Madame Nicole FOSSORIER, Président
Madame Sylvie CASTANIÉ, Conseiller
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mlle Marie-Françoise COMTE

LE MINISTÈRE PUBLIC
après communication de la procédure, a apposé son visa

ARRÊT :

- contradictoire,
- prononcé publiquement par Madame Nicole FOSSORIER, Président,
- signé par Madame Nicole FOSSORIER, Président, et par Mlle Marie-Françoise COMTE, Greffier présent lors du prononcé.

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Carcassonne, le 13. 6. 2006, dont appel par madame Y... le 27 Juillet 2006 ;

Vu l'arrêt rendu par cette Cour le 4. 12. 2007, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieurs, par lequel avant dire droit au fond, la communication par la Chambre Départementale des Notaires de l'AUDE de l'ensemble des rapports d'inspection dressés dans le cadre des contrôles annuels depuis l'installation en 1981 de Maître Z... en qualité de notaire jusqu'à la cessation de ses fonctions, a été ordonnée ;

Vu les conclusions d'appel principal notifiées le 27. 1. 2009, par madame Y... qui demande d'infirmer le jugement dont appel, de condamner la CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE L'AUDE au paiement de la somme de 365 442 euros au titre de la réparation de son préjudice ou en tout cas et subsidiairement de la perte d'une chance ;
de la condamner au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ;

Vu les conclusions notifiées le 18. 12. 2008, par la CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE L'AUDE qui demande de juger que chaque inspection engage la responsabilité personnelle des inspecteurs qui en sont chargés et que madame Y... est irrecevable à rechercher la responsabilité de la Chambre Départementale de l'Aude ;

Subsidiairement, de prendre acte de ce que la CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE L'AUDE a communiqué les rapports d'inspection,
de juger qu'elle n'a commis aucun manquement, étant constaté qu'avant 1995 le Procureur de la République qui avait eu communication des rapports d'inspection de l'étude Z... n'avait pas estimé nécessaire de requérir la moindre sanction à l'égard de ce Notaire et qu'il résulte de la requête du Ministère Public en date du 15. 1. 1995 que la Chambre avait parfaitement rempli son rôle,

de juger que le préjudice allégué est sans lien causal direct et certain avec l'intervention de la Chambre et que Madame Y... est infondée à demander une expertise judiciaire qui n'aurait pour objet que de pallier son offre en preuve,

de débouter madame Y... de ses prétentions,

de la condamner au paiement des sommes de 20 000 euros à titre dommages-intérêts pour appel abusif et de 8 000 euros HT à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ;

SUR QUOI :

SUR LA RECEVABILITÉ DE L'ACTION :

Si l'article 12 du décret du 12. 8. 1974 précise que chaque inspection engage la responsabilité personnelle des inspecteurs qui en sont chargés, aucun texte n'exclut que la responsabilité de la Chambre puisse être engagée. Elle est elle-même investie d'une mission distincte de surveillance au vu des comptes rendus d'inspection qui doivent lui être transmis en application de l'article 14 du même décret. L'action de Madame Y... est recevable.

La décision du 3. 11. 1995 par laquelle est constatée l'inaptitude de André Z..., puis celle du 25. 11. 1997, en partie infirmée par arrêt de cette Cour du 19. 1. 1999 prononçant la peine d'interdiction temporaire d'exercer pendant dix années, ensuite de la condamnation de André Z... pour abus de confiance du 2. 3. 1997, ont été régulièrement communiquées.

Tous les rapports annuels d'inspection outre celui occasionnel de 1994 l'ont également été. Il n'est pas justifié d'ordonner la communication des pièces jointes à la requête du 15. 1. 1995, alors qu'elles consistent pour l'essentiel dans les rapports d'inspection susvisés, ni d'un audit dont les termes sont suffisamment repris par cette requête.

AU FOND :

Madame Y... soutient qu'elle n'a pas pu recouvrer la somme de 125 008 euros dont monsieur Z... s'est reconnu débiteur dans la convention définitive du 18. 1. 1995 homologuée par jugement de divorce du 2. 3. 1995, et celle de 240 433, 47 euros, montant des remboursements assumés à la place de monsieur Z... depuis le 18. 1. 1995. Ces sommes correspondent à des emprunts contractés par les époux en 1986, 1987 et 1989 pour la construction de leur villa, puis son amélioration, à un emprunt de 300 000 francs contracté par madame Y... le 22. 2. 1991 et aux impôts sur le revenu du couple. Il est à noter que la CRCAM ayant été condamnée à dédommager madame Y... à hauteur de 83 117,45 euros, avec compensation, cette somme vient en déduction du préjudice invoqué qui n'est que de 125 008 euros + 157 316, 02 = 282 324,02 euros. Madame Y... en impute la cause aux insuffisances de la CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE L'AUDE quant au contrôle opéré et au défaut de sanctions ou à leur tardiveté, alors qu'il y avait comptabilité irrégulière et déficiente, mélange des comptes personnels et professionnels, inaptitude professionnelle de maître Z..., absence de viabilité de l'étude en l'état de revenus dérisoires par rapport aux besoins de financement et détournements.

En application des dispositions de l'ordonnance du 2. 11. 1945 dans sa rédaction alors applicable, la Chambre des notaires a pour attributions notamment de prononcer ou proposer l'application de mesures de discipline et de vérifier la tenue de la comptabilité. Il ne lui revient pas de vérifier elle-même l'ensemble de l'activité professionnelle du notaire inspecté confiée par l'article 12 du décret du 12. 8. 1974 aux inspecteurs, mais seulement d'exploiter les résultats des inspections au vu des comptes rendus. Il n'est fait état d'aucune saisine de la chambre ensuite de réclamations de clients ou de différend d'ordre professionnel. Il y a lieu de rechercher si les rapports d'inspection font état d'irrégularités graves relatives à l'activité professionnelle, dans l'organisation et le fonctionnement de l'étude, qui aient ainsi pu alerter la Chambre sur la situation financière de maître Z..., et si la vérification de la comptabilité pouvait être suffisante et révélatrice d'irrégularités susceptibles de justifier des mesures disciplinaires plus rapides.

Il résulte des comptes rendus versés aux débats, que des inspections annuelles régulières ont été effectuées, par un notaire à chaque fois différent et par divers inspecteurs spécialistes de la comptabilité notariale, de l'année 1881 à l'année 1996. Contrairement à ce que soutient madame Y..., leurs vérifications ne démontrent pas dès l'année 1981 l'inaptitude de maître Z... dans l'exercice de sa profession, des besoins anormaux de financement, une déficience permanente grave de comptabilité ou que l'étude n'ait pas été viable. Aux termes des rapports qui ne sont démentis par la production d'aucun autre document utile, de 1981 à 1989, la tenue générale de l'étude et de la comptabilité sont décrites comme correctes, et les quelques anomalies relevées (dont des ratures auxquelles fait allusion l'expertise judiciaire de monsieur B...), restent mineures. Les produits nets de l'étude, s'ils décroissent, sont largement positifs.

Ceci est confirmé par la vérification des revenus déclarés à l'administration fiscale, effectuée par monsieur B..., expert judiciaire désigné par jugement du Tribunal de grande Instance de Carcassonne afin de vérifier les crédits personnels et la situation financière des époux. Il confirme l'existence de revenus personnels de monsieur Z... décroissants jusqu'en 1992, mais positifs (cf Rapport B... page 9). Il observe que les revenus déclarés au fisc ne comprennent pas d'anomalie jusqu'en 1993 et que les charges correspondant aux prêts professionnels sont prises en compte dans les revenus déclarés. En 1989, les inspecteurs notent seulement que le changement imminent de la tenue de la comptabilité en partie double devra faire l'objet d'un suivi rigoureux. Il n'y avait pas jusqu'en 1989 de compte personnel du notaire au grand livre clients.

Il n'est pas démontré que les dysfonctionnements et le manque de rigueur signalés en 1991 et 1992 aient pu être alors imputés, en l'état de la portée des contrôles, à autre chose qu'au défaut d'une méthode d'organisation, ensuite des nouvelles exigences du plan comptable notarial. Les inspecteurs constataient qu'elles nécessiteraient une assistance comptable. Or, la Chambre Régionale a mis en place une assistance technique dès 1990 et à la demande des ancien et nouveau présidents de la Chambre, un contrat a été conclu entre l'étude et un cabinet comptable en 1992. En 1991, la couverture des comptes clients restait positive, même si la trésorerie était négative. Maître Z... a été immédiatement averti d'avoir à éviter tout prélèvement d'emprunt personnel. Des contrôles nombreux ont été réalisés en 1991 et 1992 par le service du Conseil Régional des notaires et par l'inspection des caisses de clercs en 1992 (cf Rapports d'inspection de 1991 page 9, et 1992 pages 15 et 25 qui en font état). Une inspection inopinée a eu lieu au mois de février 1993.

L'inspection d'octobre 1993 souligne que la situation des tableaux de bord est négative dans le cadre de la couverture des clients créditeurs, révèle une situation d'endettement personnel importante qui ne peut pas être couvert par les revenus de l'office. Une inspection au niveau national a eu lieu en Juin 1994. Elle confirme qu'à cette date l'étude n'est pas rentable et réitère que la situation financière est alarmante.

Or, d'une part, il n'est pas démontré que les investigations antérieures à l'année 1993 aient pu attirer l'attention de la chambre sur la nécessité de prendre d'autres dispositions que celles susvisées. Les produits nets n'ont chuté très sérieusement qu'en 1993 (cf Rapport de Juin 1994 page 17). Des redressements fiscaux n'eurent lieu que pour les années 1993 et suivantes. Rien ne justifiait de vérifier comment avait été financée la construction de la villa, même si l'étude y était installée, dès lors qu'un emprunt avait été conclu auprès de la Caisse des dépôts le 4. 11. 1981, pour la construction des locaux professionnels, dont il était tenu compte au niveau du revenu professionnel (cf Rapport d'expertise judiciaire B... page 12). L'emprunt de 300 000 francs souscrit le 22. 2. 1991 par madame Z... seule, remis à maître Z... d'après elle pour renflouer l'étude, n'apparaissait pas davantage dans la comptabilité.

Il ne ressortait auparavant pas manifestement de la comptabilité, à défaut de connaissance de l'endettement personnel, que l'étude n'ait pas été viable, même si les revenus procurés étaient modestes. Ce n'est qu'en 1993 que des irrégularités de comptabilité révèlent l'ampleur des prêts personnels et l'impossibilité d'amortir le passif. Le contrôle de la seule activité professionnelle à laquelle la Chambre est tenue, aux termes de l'article 3 du décret du 12. 8. 1974, ne permettait pas de découvrir les emprunts passés en dehors de celle-ci, à titre personnel, sans que des traces de prélèvements dont l'importance fut dissimulée, apparaissent. Les inspecteurs n'étaient pas tenus de demander au notaire les relevés de son compte bancaire personnel, ressortissant à sa vie privée et distinct de son compte personnel dans la comptabilité de l'office. Ce n'est qu'ensuite d'une enquête de police diligentée en raison des irrégularités sus-visées, (cf Jugement du 25. 11. 1997 le relatant), que maître Z... a reconnu avoir effectué des prélèvements sur le compte de l'étude pour la faire fonctionner ou en fonction de ses besoins personnels, et qu'une condamnation pénale a été prononcée à son encontre par décision du 2 mars 1997, le montant des détournements étant évalué à 61 894,35 francs.

D'autre part, une procédure de démission d'office a été engagée dès le mois de décembre 1993, au cours de laquelle maître Z... a été entendu le 14. 12. 1993 ainsi que le rappelle la requête du Procureur de la République de Carcassonne en date du 15. 1. 1995. Le fait qu'il n'ait été déclaré démissionnaire que par arrêté du garde des Sceaux du 18. 8. 1996 ne peut pas être reproché à la Chambre Régionale. Elle a continué ses inspections annuelles et occasionnelles. Le compte rendu d'inspection occasionnelle de juillet 1994 a été transmis en temps utile par la CHAMBRE DES NOTAIRES au Procureur de la République, puisque ce dernier a par requête du 1. 1. 1995 sollicité l'autorisation d'assigner maître Z... à jour fixe devant le Tribunal de Grande Instance, afin de voir constater, en outre, son inaptitude.

Il ne résulte de cet ensemble d'éléments aucune preuve caractérisée d'une faute de la Chambre régionale des Notaires pour manque de suivi de la comptabilité, de retard ou d'insuffisance dans les mesures prises. Les documents produits suffisent à l'appréciation des faits de la cause et aucune mesure d'expertise judiciaire ne s'impose. En conséquence, le jugement déféré est confirmé dans ses dispositions critiquées.

La CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE L'AUDE ne justifie pas à l'appui de sa demande en paiement de dommages-intérêts que cette procédure a été exercée avec la volonté de nuire, une intention malicieuse ou une erreur équivalente au dol et qu'elle a subi de ce fait un préjudice. Dès lors, ce chef de demande est rejeté.

Les entiers dépens d'appel doivent être mis à la charge de madame Y... dont les prétentions sont écartées, en application de l'article 696 du nouveau code de procédure civile. Il est équitable d'allouer à la CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE L'AUDE la somme de TROIS MILLE euros au titre des honoraires d'avocat, ainsi que des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés, en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, tout en déboutant la partie adverse de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, par décision contradictoire, en dernier ressort,

Reçoit l'appel régulier en la forme et dans les délais,

Au fond, confirme la décision dont appel dans ses dispositions critiquées concernant le rejet des demandes formées contre la CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE L'AUDE ;

Y ajoutant, condamne madame Y... à payer à la CHAMBRE DÉPARTEMENTALE DES NOTAIRES DE L'AUDE la somme de TROIS MILLE euros à titre d'honoraires d'avocat, ainsi que de frais non compris dans les dépens ;

Rejette les autres demandes ;

Met à la charge de madame Y... les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP DIVISIA, Avoué, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 02/523
Date de la décision : 10/03/2009

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Carcassonne


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-03-10;02.523 ?
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