COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1° Chambre Section A2
ARRET DU 18 NOVEMBRE 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 02892
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 MARS 2007 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTPELLIER N° RG 04 / 05730
APPELANTE :
SCP BECHERET-THIERRY-SENECHAL-GORRIAS, Société Civile Professionnelle de Mandataires Judiciaires, dont le siège social est 3, 5, 7, avenue Paul Doumer 92500 RUEIL MALMAISON prise es qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la Compagnie ICS ASSURANCES (anciennement Compagnie Groupe Sprinks Assurances), dont le siège social est sis 109-111 rue Victor Hugo 92595 RUEIL MALMAISON représentée par Me Michel ROUQUETTE, avoué à la Cour
INTIMES :
Monsieur Robert Y... décédé le 7 janvier 2008 né le 28 Novembre 1925 à MONTPELLIER (34000) de nationalité Française... 34980 SAINT GELY DU FESC représenté par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assisté de Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur Alain A...... 11210 PORT LA NOUVELLE représenté par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour assisté de Me BERAL, avocat au barreau de MONTPELLIER substitué par Me PORTE, avocat au abrreau de MONTPELLIER (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2007/14719 du 04/12/2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de MONTPELLIER)
INTERVENANTS
Monsieur Alain Georges Robert Y... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de Robert Y... décédé le 7 janvier 2008 né le 06 Janvier 1947 de nationalité Française... 68300 ST LOUIS LA CHAUSSEE représenté par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assisté de Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER
Mademoiselle Yolande Simone Y... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritière de Robert Y... décédé le 7 janvier 2008 née le 10 Avril 1950 à SIERENTZ (68510) de nationalité Française ... 34980 ST GELY DU FESC représentée par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assistée de Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER
Monsieur Guy Daniel Jean Louis Y... agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'héritier de Robert Y... décédé le 7 janvier 2008 né le 24 Décembre 1958 à MULHOUSE (68100) de nationalité Française... 34000 MONTPELLIER représenté par la SCP DIVISIA-SENMARTIN, avoués à la Cour assisté de Me Thierry VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLOTURE DU 02 Octobre 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 OCTOBRE 2008, en audience publique, Monsieur Christian TOULZA ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Christian TOULZA, Président Madame Sylvie CASTANIE, Conseiller Monsieur Hervé BLANCHARD, Conseiller qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme Monique AUSSILLOUS
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ;
- signé par Monsieur Christian TOULZA, Président, et par Mme Monique AUSSILLOUS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le jugement rendu le 12 mars 2007 par le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER, qui a dit que la péremption de l'assignation du 29 janvier 2003 n'est nullement acquise et que Monsieur Y... a régulièrement déclaré sa créance entre les mains de Me D..., liquidateur judiciaire de la SA ICS SPRINKS ASSURANCES, déclaré la SCP BECHERET THIERRY en qualité de liquidateur de cette société, débitrice de M. Y... à concurrence de 47.734,71 €, condamné M. A... Alain à payer cette somme à M. Y... avec les intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 29 janvier 2003, débouté M. Y... pour le surplus ; débouté M. DUPLAN et la SCP BECHERET THIERRY de leur demande reconventionnelle et les a condamnés à payer à M. Y... une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
Vu l'appel régulièrement interjeté par la SCP BECHERET-THIERRY, ès qualité de mandataire liquidateur de la société ICS ASSURANCES, anciennement SPRINKS ASSURANCES, et ses conclusions du 17 août 2007 tendant, à titre principal, à juger l'instance périmée, en l'absence de toute diligence accomplie dans le délai légal ; subsidiairement, constater l'absence de déclaration de créance ; très subsidiairement, débouter Robert Y... de l'ensemble de ses demandes ; le condamner à lui payer la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 19 septembre 2008 par les consorts Y..., tendant à déclarer irrecevable l'exception de péremption et en tout état de cause la rejeter ; rejeter le moyen tiré de l'absence de déclaration de créance ; confirmer le jugement sur le principe de la responsabilité de Monsieur A... et sur la garantie de son assureur ; condamner Monsieur A... au payement des sommes de 39.331,85 € à titre de dommages et intérêts résultant des retards dans l'exécution de travaux avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 1994 au taux légal, 15.250 € à titre de dommages intérêts complémentaires, et 15.250 € en réparation du préjudice moral ; dire la SCP BECHERET-THIERRY, ès qualités, tenue à garantie ; les dire fondés à solliciter fixation de leur créance à l'encontre de la SCP requise pour les mêmes sommes ressortant de la déclaration de créance dûment régularisée entre les mains du liquidateur de la Compagnie GROUPE SPRINKS ; condamner solidairement la SCP BECHERET-THIERRY et Monsieur A... au payement de la somme de 3.050 € en application de l'article 700 du NCPC et entiers dépens en ce compris frais d'huissier, honoraires d'expert et autres dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 26 septembre 2008 par Alain A..., tendant à infirmer le jugement, débouter les consorts Y... de l'ensemble de leurs demandes et les condamner au paiement de la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens ;
MOTIVATION
I SUR LA PROCEDURE
sur la péremption d'instance
Ainsi que l'indique l'article 355 du Code de Procédure Civile, la péremption constitue un mode d'extinction de l'instance.
Aux termes de l'article 771 du même code, dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 2005, « le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les exceptions de procédure et sur les incidents mettant fin à l'instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge ».
En l'espèce, Monsieur A... et la SCP BECHERET THIERRY n'avaient pas saisi le juge de la mise en état pour faire trancher ce moyen avant son dessaisissement. Dès lors, et en application de ces dispositions, ils étaient irrecevables à le soulever ultérieurement devant le tribunal saisi du fond.
Sur l'autorité de la chose jugée
Dans son arrêt du 31 mars 1998 qui par ailleurs a ordonné une expertise concernant les désordres, la cour a « constaté le désistement de l'appel incident de Monsieur Robert Y... sur la réparation des pénalités de retard, le paiement des dommages et intérêts complémentaires et le préjudice moral », demandes qu'il n'avait pas présentées en première instance.
Monsieur Y... ayant déclaré se désister de son appel incident avec demandes nouvelles, le seul effet de ce désistement était d'emporter acquiescement au jugement. Ainsi que l'a pertinemment considéré le premier juge, il ne pouvait donc en réalité s'analyser qu'en un désistement d'instance permettant la réintroduction de la demande. Cette analyse est au demeurant corroborée par le fait que, dès le lendemain de son désistement, il a fait enrôler devant le Tribunal de Grande Instance une nouvelle assignation reprenant les demandes omises dans la précédente.
Il en résulte que l'arrêt du 31 mars 1998 ne peut avoir autorité de la chose jugée en ce qu'il constate le désistement pour des demandes dont le tribunal n'avait pas été saisi. En d'autres termes, l'autorité de la chose jugée par la cour est cantonnée au seul objet de sa saisine, c'est à dire aux seuls points tranchés en première instance.
Il en est nécessairement de même de l'arrêt après expertise du 1er octobre 2001. Dès lors qu'il se situait dans le cadre de la même instance dont Monsieur Y... s'était désisté, la cour d'appel ne pouvait qu'en tirer les conséquences et dire n'y avoir lieu à un nouvel examen des demandes.
Dans ces circonstances, c'est à bon droit que le premier juge, écartant le moyen tiré de l'autorité de la chose juge présenté par les défendeurs, a déclaré recevable la demande de M. Y....
Sur la déclaration de créance
Lors de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 1er octobre 2001, la cour avait rejeté ce moyen soulevé par le précédent liquidateur, Maître E..., en considérant que Monsieur Y... justifiait de la régularité de sa déclaration de créance.
Dans le cadre de la présente instance, la SCP BECHERET-THIERRY fait valoir que cette déclaration ne mentionnait pas les sommes de 39.331,84 € au titre des pénalités de retard, 15.250 € au titre des dommages et intérêts complémentaires et 15.250 € au titre du préjudice moral.
Or l'assignation du 11 août 1997 ayant donné lieu au jugement de sursis à statuer du 17 mai 1999, était également jointe au courrier du 23 Septembre 1999 dans lequel le conseil de Monsieur Y... écrivait au liquidateur :
« Par ailleurs, je vous prie de trouver sous ce pli, une nouvelle décision rendue par le Tribunal de Grande Instance de MONTPELLIER. La déclaration de créance de mon client vaut également pour cette seconde procédure à hauteur des sommes inscrites dans mon assignation introductive d'instance qui a amené au sursis à statuer. »
Dès lors que dans cette assignation figurent bien les sommes précitées, elles-mêmes reprises dans l'assignation introductive de la présente instance, c'est à bon droit que le premier juge a écarté ce moyen et dit que la créance a été régulièrement déclarée le 23 Septembre 1999 par le conseil de M. Y... au liquidateur judiciaire de la société SPRINKS ASSURANCES.
I SUR LE FOND
Sur la responsabilité de l'architecte
Ne rapportant pas la preuve que l'entreprise PREVOST était notoirement incompétente ou d'une solvabilité douteuse lorsque M. A... l'a choisie, M. Y... ne démontre pas qu'il a manqué à ses obligations contractuelles dans le cadre de son devoir de conseil du seul fait que cette entreprise a failli à sa mission et déposé le bilan.
En revanche, l'expert F... souligne que les inondations répétées du sous sol sont dues à une erreur d'implantation altimétrique et à une absence de véritable exutoire des eaux, fautes principalement et personnellement imputables à Monsieur A..., concepteur du projet.
Cette faute contractuelle a, comme celle de l'entrepreneur, concouru au retard important apporté à la livraison de l'ouvrage et à la réalisation de l'entier dommage qui en est résulté pour les consorts Y.... Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur le préjudice indemnisable
L'expert judiciaire FOURCADE a fixé à la somme de 258.000 francs, soit 39.331,85 €, le montant des pénalités de retard fixées dans la convention liant l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage, correspondant à un retard de 129 jours.
Ces dispositions étant inopposables à M. A..., il appartient aux consorts Y... de faire la preuve à son égard de leur préjudice effectif lié au retard. Compte tenu de l'impossibilité pour M. Y... d'habiter la maison durant cette durée de plus de quatre mois, il convient d'en fixer le montant indemnisable par Monsieur A... à la somme de 5.000 € en l'absence de production par les époux Y... de pièces démontrant qu'ils ont subi un préjudice plus important.
Ils justifient en outre de dépenses s'élevant à un total de 7.402,86 €. Enfin, le premier juge a exactement évalué à la somme de 1.000 € le préjudice moral, les frais et démarches multiples de Monsieur Y... témoignant de l'importance des tracasseries qu'il a subies pendant une longue période de temps. Le préjudice indemnisable par M. A... s'élève donc à la somme totale de 13.402,86 €.
Sur la garantie de l'assureur
La Compagnie GROUPE SPRINKS, prise en la personne de son liquidateur, ne saurait valablement dénier sa garantie en l'état de l'attestation et de la police produites aux débats à effet du 1er juin 1990.
Couvrant la responsabilité civile professionnelle de son assuré « quelle que soit la base juridique de l'action » engagée à son encontre (article 2-1 des conventions spéciales), et ne justifiant pas d'une clause d'exclusion particulière, elle doit en effet garantie pour l'intégralité des conséquences dommageables résultant des fautes commises par Monsieur A... dans l'exécution de sa mission, sous réserve de la franchise conventionnelle opposable au maître de l'ouvrage.
PAR CES MOTIFS
Réforme partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau sur le tout :
Déclare irrecevable le moyen tiré de la péremption d'instance.
Rejette les moyens fondés sur l'autorité de la chose jugée et du défaut de déclaration de créance.
Fixe la créance des consorts Y... sur la société ICS ASSURANCES, représentée par son liquidateur, aux sommes de 13.402,86 € à titre de dommages et intérêts et de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamne Alain A..., in solidum avec cette société, à payer aux consorts Y... la même somme de 13.402,86 € à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 29 janvier 2003, et celle de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Déboute les consorts Y... du surplus de leurs demandes.
Laisse les dépens comprenant les frais d'huissier et d'expertise à la charge d'Alain A... et de la société ICS ASSURANCES représentée par son liquidateur, et dit que ceux d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.