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22/10/2008 | FRANCE | N°08/02653

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 22 octobre 2008, 08/02653


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4e chambre sociale

ARRÊT DU 22 Octobre 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 02653
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 AVRIL 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NARBONNE No RG 07 / 00174

APPELANT :
Monsieur Didier A......... 11100 NARBONNE Représentant : ME BOUT de la SCP JURISUD Avocats (avocats au barreau D'AVIGNON)

INTIMEE :
SA Z... prise en la personne de son représentant légal Domaine de Bonne Source Route de Gruissan 11100 NARBONNE Représentant : Me Sébastien VIALAR Substituant la SCP C

ABINET SARRAU THOMAS COUDERC (avocats au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'aff...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER 4e chambre sociale

ARRÊT DU 22 Octobre 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 02653
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 AVRIL 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE NARBONNE No RG 07 / 00174

APPELANT :
Monsieur Didier A......... 11100 NARBONNE Représentant : ME BOUT de la SCP JURISUD Avocats (avocats au barreau D'AVIGNON)

INTIMEE :
SA Z... prise en la personne de son représentant légal Domaine de Bonne Source Route de Gruissan 11100 NARBONNE Représentant : Me Sébastien VIALAR Substituant la SCP CABINET SARRAU THOMAS COUDERC (avocats au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 SEPTEMBRE 2008, en audience publique, Monsieur Daniel ISOUARD ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre Madame Bernadette BERTHON, Conseiller Madame Marie CONTE, Conseiller

qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Brigitte ROGER
ARRÊT :
- Contradictoire.
- prononcé publiquement le 22 OCTOBRE 2008 par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre.
- signé par Monsieur Daniel ISOUARD, Président de Chambre, et par Monsieur Henri GALAN Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Didier A... a été engagé par la Société MONTLAUR en qualité de chef de département le 21 octobre 1988 et a été détaché par cette Société auprès de la Société Z... avec laquelle elle était liée par un contrat de franchise. En 1992 il a intégré le groupe Z.... En 1995 il a été nommé directeur du premier magasin de bricolage ouvert à NARBONNE à l'enseigne TRIDOME. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il avait la charge, en qualité de directeur régional du groupe Z... de la direction commerciale de l'ensemble des magasins TRIDOME du groupe.
Selon courrier du 12 avril 2007, Monsieur Jean Louis L..., commissaire aux comptes de la Société ORION, filiale de la Société Z... gérant le magasin TRIDOME de NARBONNE, a réclamé des documents afin de procéder à des investigations concernant les RFA fournisseurs. Selon courrier du 2 mai 2007, le commissaire aux comptes a fait part à l'employeur de ses observations concernant notamment le fournisseur NEOBAIN en relevant que la base utilisée pour le calcul des remises de ce fournisseur était de 85 106 € alors que les achats hors taxes s'élevaient à 129 657 €. A la suite de ces observations l'employeur a missionné le cabinet d'expertise comptable FIDUSUD CONSEIL qui a déposé le 16 mai 2007 un rapport d'audit du compte fournisseur de la Société NEOBAIN.

Après convocation à un entretien préalable qui s'est tenu le 29 mai 2007 et placement en mise à pied conservatoire, l'employeur a notifié à Didier A... son licenciement pour faute lourde par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 mai 2007 ainsi libellée :
" Lors de notre entretien en date du mardi 29 Mai 2007, nous vous avons exposé les faits qui vous sont reprochés. En votre qualité de Directeur Régional de nos magasins TRIDOME, vous aviez en charge de diriger l'ensemble de nos magasins de bricolage et de jardinerie pour le compte de notre groupe, dont la société Z... est la Holding. Eu égard à l'importance de vos fonctions et de la confiance qui vous était accordée, Monsieur Jean Claude Z..., Président de notre société, vous avait délégué tout pouvoir en matière d'hygiène et de sécurité du travail, ainsi qu'en matière d'application de la législation économique, dans l'ensemble de nos magasins à l'enseigne TRIDOME, par délégation en date du 7 mai 1997. Vous étiez par conséquent responsable des résultats économiques et humains de ces magasins dont vous deviez animer l'équipe de directeurs, afin d'optimiser les résultats, le fonctionnement et l'image de notre enseigne. En particulier, vous étiez responsable de la gestion commerciale des magasins à l'enseigne TRIDOME de :- NARBONNE (Bricolage et Jardinerie)- BOLLENE (Bricolage et Jardinerie)- SALAISE SUR SANNE- CARCASSONNE (Bricolage et Jardinerie) Vous deviez également assurer le management de l'ensemble du personnel exerçant dans les magasins TRIDOME Jardinage et Bricolage, soit environ 400 salariés. Le 2 mai 2007, après avoir effectué un examen par sondage de notre poste fournisseur dans le cadre de sa mission de clôture des comptes de l'exercice 2006-07, notre commissaire aux comptes nous a alerté sur un certain nombre de « discordances » relatives au compte fournisseur de la Sté NEOBAIN. En conséquence, nous avons missionné le Cabinet FIDUSUD CONSEIL, expert-comptable, afin qu'il procède à un examen détaillé du poste fournisseur de la Sté NEOBAIN. Nous avons alors découvert que cette société bénéficiait de conditions commerciales anormalement favorables, que vous lui aviez personnellement accordées, et ce, au détriment de notre Groupe. Nous avons poursuivi nos investigations sur cette société et avons alors découvert que vous en aviez été l'associé fondateur. Nous sommes extrêmement surpris que, connaissant la politique interne de notre Groupe relative à l'intégrité de ses collaborateurs, vous n'ayez pas cru devoir nous informer de cette situation alors que vous assuriez personnellement la relation commerciale avec la société NEOBAIN. Vous saviez pourtant fort bien pour y avoir vous-même été soumis et pour l'avoir personnellement imposée à tous vos collaborateurs directs que vous aviez embauchés, que tous les cadres de notre Groupe sont liés par une clause d'intégrité qui leur interdit de posséder ou d'entretenir des intérêts chez l'un de nos fournisseurs. Cela est d'autant plus grave que vous vous êtes efforcé de dissimuler à la direction les liens qui vous unissaient à la société NEOBAIN, vous réservant l'exclusivité de la relation de négociation commerciale de notre Groupe avec cette société. Au-delà de cette interdiction que vous avez su faire respecter à votre entourage mais en refusant de vous l'appliquer à vous même, vous avez fait en outre bénéficier la société NEOBAIN de conditions anormales dans le cadre de la gestion commerciale dont vous aviez la responsabilité. En effet, à l'occasion de l'audit que nous avons fait réaliser par le Cabinet FIDUSUD, nous avons découvert que, de 2001 à 2003 la SA ORION qui gère le magasin de bricolage TRIDOME à NARBONNE et dont vous avez assuré la direction directement, dans un premier temps, puis indirectement par vos fonctions de directeur régional ayant autorité, a consentie un nombre d'avoirs anormalement élevé à la société NEOBAIN démontrant ainsi une très mauvaise gestion des stocks et des commandes, ce qui nous laisse penser, par rapport aux liens qui vous unissaient à cette société, que notre magasin a servi d'entrepôt et de soutient financier à la Société NEOBAIN et ce, à rencontre des propresintérêts du groupe que vous aviez en charge de défendre. Ce système a causé de graves préjudices aux sociétés de notre Groupe qui ont été contraintes de financer et de gérer des stocks de produits, au seul bénéfice de la société NEOBAIN. Plus grave encore, nous venons de découvrir que le chiffre d'affaires déclaré par la société NEOBAIN pour le calcul des remises de fin d'année sur l'exercice 2006 (213 957 €), était très inférieur au chiffre d'affaires réel de cette société avec notre Groupe (362 614 €). Cette sous-déclaration a causé un préjudice à notre société puisqu'elle n'a pas pu bénéficier des remises qui lui étaient dues. Personnellement en charge de ce fournisseur, vous étiez responsable du contrôle de son chiffre d'affaires. Nous seulement vous ne l'avez pas fait, mais de surcroît, nous avons appris que, bien qu'alerté sur cette discordance de chiffre d'affaires par vos services, vous avez fait usage de votre autorité pour empêcher toute régularisation. Au delà de l'importance du préjudice causé à notre société, votre gestion partisane démontre que vous avez fait prévaloir vos intérêts personnels au détriment de la Société. Le nombre et la gravité des fautes qui nous ont été révélées nous ont incité à pousser plus avant nos investigations sur la gestion personnelle que vous entreteniez avec les magasins que vous dirigiez. Il est apparu que dans le cadre de vos investissements immobiliers personnels vous avez tiré profit des services de nos sociétés pour vous consentir des avantages inacceptables et qui allaient à l'encontre des intérêts de notre groupe :- plusieurs salariés nous ont révélé que vous aviez utilisé du matériel et du personnel de nos magasins, et ce pendant leur temps de travail, pour effectuer différents travaux sur des immeubles vous appartenant, travaux qui n'entraient pas dans le cadre d'un éventuel service après vente (réparation de climatiseur, mise en place de portail...),- un examen détaillé de notre comptabilité nous a permis de mettre en évidence que vous aviez commandé des matériaux de construction en vous octroyant unilatéralement, et sans même en parler à votre supérieur hiérarchique, des remises exceptionnelles. Vous avez pris le soin de dissimuler vos agissements à la direction, en passant ces commandes sous le nom de jeune fille de votre épouse ou sous des codes articles particuliers,- vous avez, de plus, mis en place un système de double facturation (avec et sans remise) auprès d'un organisme bancaire pour le financement d'une opération immobilière personnelle dont vous récupériez en numéraire sur la trésorerie du magasin de NARBONNE le montant des remises que vous vous étiez accordées. Tous ces comportements, commis au préjudice direct de notre société et du Groupe auquel elle appartient, sont d'autant plus inadmissibles qu'ils sont le fait d'un cadre supérieur investi des plus importantes responsabilités. Il est inadmissible que vous utilisiez ainsi les biens et le personnel de notre société et de notre Groupe, à leur détriment et dans votre intérêt personnel ou de celui d'un fournisseur auquel vous êtes lié, sans aucune considération pour les règles que vous aviez le devoir de faire respecter dans nos établissements. Au regard de vos fonctions de Directeur Régional, vous ne pouviez ignorer que ces agissements nuisaient directement, non seulement aux résultats économiques de notre société et du Groupe dans son ensemble, mais aussi à l'intégrité juridique et morale que vous étiez chargé de faire respecter à l'égard des salariés comme de nos fournisseurs. Vous ne nous avez apporté, lors de notre entretien préalable en présence de Monsieur Jean Pierre N..., conseiller du salarié, aucune explication susceptible de justifier les fautes qui vous ont été reprochées, prétendant seulement que nous aurions toujours eu connaissance de vos agissements, ce qui est faux, n'ayant découvert ces faits qu'à l'occasion de l'arrêté des comptes de l'exercice 2006. C'est pourquoi, au regard de la gravité des fautes qui vous sont reprochées qui rendent impossible la poursuite de nos relations contractuelles, de l'importance des fonctions qui vous avaient été confiées, et de votre pleine conscience du caractère préjudiciable de vos agissements pour notre société et les sociétés du Groupe auquel elle appartient, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute lourde, sans indemnité de préavis ni de licenciement ni de congés payés. Nous vous informons également que la période de mise à pied que nous vous avons notifiée à titre conservatoire, le 21 Mai 2007, jusqu'à la date de la présente lettre, ne sera pas rémunérée, et que vous cesserez de faire partie des effectifs de notre entreprise à compter de la date de la présente lettre. Vous pourrez vous présenter le même jour au service du personnel afin de remettre votre voiture de fonction, vos badges ASF et essence ainsi que votre téléphone portable, et percevoir les sommes vous restant dues au titre de salaire et retirer votre certificat de travail et votre attestation ASSEDIC. "

Contestant la légitimité de cette rupture le salarié a, le 6 juillet 2007, saisi le Conseil de Prud'hommes de NARBONNE qui, par jugement du 3 avril 2008, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et condamné à payer à la SA Z... la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Didier A... a interjeté appel de cette décision.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par voie de conclusions écrites réitérées oralement à l'audience auxquelles il convient de se référer pour l'exposé complet de ses moyens et arguments, l'appelant sollicite la condamnation de l'intimée au paiement des sommes suivantes :
- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse article L. 122-14-4 du Code du Travail 250 000, 00 €- préavis de trois mois 27 206, 30 €- congés payés sur préavis 2 720, 63 €- mis à pied à titre conservatoire 3 165, 45 €- congés payés sur mise à pied à titre conservatoire 316, 54 €- indemnité de licenciement conventionnelle 65 295, 14 €-4 / 10 par an pour 18 ans-préjudice moral 50 000, 00 €- primes de vacances 250, 00 €- primes de congés 8 jours 2 699, 04 €- 13ème mois 9 068, 77 €- congés payés sur 13ème mois 906, 88 €- article 700 3 500, 00 € outre la délivrance sous astreinte des bulletins de paie et attestation ASSEDIC conformes à la décision.

S'agissant du premier grief invoqué relatif à ses relations avec le fournisseur NEOBAIN, il conteste toute violation de la clause d'intégrité insérée au contrat de travail du 1er avril 1995 en observant avoir cédé la totalité de ses parts dans la Société NEOBAIN dès le 10 juillet 1996.
Il conteste également avoir conservé l'exclusivité des relations commerciales avec ce fournisseur avec lequel les chefs de secteur et les directeurs étaient en contact.
Il soutient n'avoir jamais surveillé les encaissements de RFA dont Madame B... avait la charge et précise que la Société NEOBAIN a toujours fait bénéficier TRIDOME de remises conditionnelles sur son chiffre d'affaires n'incluant pas les prix en net. Il relève que les attestations produites par la Société Z... émanant de salariés ont été obtenues sous la pression, que les pièces produites par l'employeur ne permettent pas d'établir qu'il a favorisé la Société NEOBAIN, que le cabinet FIDUSUD a établi un rapport de complaisance qui ne tient pas compte du chiffre d'affaires réalisé sur des prix nets n'entrant pas dans le calcul des RFA.
Il soulève à titre subsidiaire la prescription des faits invoqués en soutenant que l'employeur qui a interdit toute relation commerciale avec NEOBAIN le 13 mars 2007 avait connaissance, dès cette date, des irrégularités qu'il invoque.
Il fait valoir par ailleurs que l'employeur ne rapporte pas la preuve de l'utilisation des salariés du magasin pour des travaux personnels, et produit à cet effet diverses factures d'intervention, que de même n'est pas démontrée l'obtention par lui-même ou son épouse de remises anomales, tous les salariés bénéficiant de remises d'au moins 10 % sur leurs achats.
Il observe qu'aucune anomalie n'a été à cet égard constatée, malgré les contrôles réguliers effectués depuis plusieurs années par FIDUSUD.
Il estime que le véritable motif de licenciement est le désaccord, manifesté auprès du Président du groupe sur le projet de mutation de deux directeurs de magasin.
La Société Z... conclut pour sa part à la confirmation du jugement et à la condamnation de l'appelant au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Elle observe en premier lieu que les faits justifiant la rupture du contrat de travail ne sont pas prescrits dans la mesure où, elle les a découverts à la suite de l'audit préconisé par le commissaire aux comptes.
Elle précise d'une part que le Cabinet FIDUSUD effectuait des contrôles de gestion ponctuels, d'autre part que la suspension en mars 2007 des relations commerciales avec NEOBAIN avait pour origine une situation d'excédant de stock.
Elle rappelle l'importance des fonctions exercées par le salarié et des responsabilités qui en étaient le corollaire.
Elle affirme que Didier A... a tenu à conserver l'exclusivité des relations avec NEOBAIN et a signé le contrat de référencement, tout en se gardant de révéler à l'employeur les liens particuliers l'unissant à ce fournisseur, en violation des stipulations du contrat de travail.
Elle reproche au salarié d'avoir délibérément favorisé la Société NEOBAIN au détriment des sociétés du Groupe Z... à l'occasion du calcul des RFA de ce fournisseur sur le chiffre d'affaires réalisé en 2006.
Elle conteste avoir exercé des pressions en vue d'obtenir des attestations étayant sa thèse et soutient qu'en revanche les rédacteurs des attestations produites par le salarié ne sont pas des témoins directs.
Elle soutient établir par voie d'attestations que Didier A... a fait appel pour son usage personnel, aux salariés des magasins TRIDOME et qu'il a utilisé ses fonctions pour se faire consentir des remises anormalement élevées sur l'achat de produits destinés à la réalisation de projets immobiliers personnels.
Elle relève que le salarié opère à dessein une confusion entre le taux de marge qu'il faisait réduire à 5 % et le taux de remise et faisait établir les factures au nom de son épouse.
Elle ajoute que Didier A... avait mis en place un système de double facturation permettant de faire financer par sa banque l'achat de matériaux au prix normal qu'il réglait par chèque, avant de récupérer le montant de la remise en espèces prélevées sur la caisse.
Elle invoque à titre subsidiaire le caractère excessif des demandes formées par le salarié.
MOTIFS DE L'ARRET
Sur la légitimité du licenciement :
L'employeur reproche au salarié d'une part d'avoir fait bénéficier un fournisseur, la Société NEOBAIN de conditions commerciales anormalement favorables au détriment de la Société Z..., d'autre part de s'être consenti des avantages exorbitants contraires à l'intérêt de l'employeur.
Les faits énoncés dans la lettre de licenciement ont été portés à la connaissance de l'employeur en premier lieu par les observations écrites en date du 2 mai 2007, de Monsieur L..., commissaire aux comptes qui relève des anomalies dans le calcul des remises de fin d'années consenties par la Société NEOBAIN, puis, de façon plus précise par le dépôt du rapport d'audit en date du 16 mai 2007, réalisé par le cabinet d'expertise comptable FIDUSUD.
Aucun élément ne permet d'établir que l'employeur a eu connaissance des faits reprochés avant la réception du courrier du commissaire aux comptes.
Il ressort en effet d'un courrier adressé par l'employeur le 21 mai 2007, à la Société NEOBAIN que la suspension des approvisionnements en mars 2007 était dû non à la connaissance par la Société Z... des faits reprochés à Didier A... mais à un surstock existant dans certains magasins. Par ailleurs étaient bien confirmées dans ce courrier deux commandes passées les 11 et 12 mai 2007.
Enfin les rapports de contrôle de cohérence comptables effectués régulièrement par le cabinet FIDUSUD Conseil sont relativement succints et ne permettent pas de détecter, parmi 350 fournisseurs, l'ensemble des discordances existant.
Les faits motivant le licenciement ne sont donc pas prescrits.
S'agissant de l'attitude du salarié, consistant à avoir délibérément favorisé la Société NEOBAIN au détriment de l'employeur, il n'est pas contesté que Didier A... était associé fondateur de cette société, créée en mai 1992, mais a cédé ses parts le 10 juillet 1996, soit un an après sa nomination au poste de directeur du magasin TRIDOME de NARBONNE, respectant ainsi la clause contractuelle lui interdisant " toute relation d'affaire ou d'argent, à titre personnel direct ou indirect avec un quelconque fournisseur ou son représentant. "
Il n'en demeure pas moins toutefois que dans son courrier du 2 mai 2007, le commissaire aux comptes, qui n'est pas un subordonné de l'employeur a noté une différence de 34, 63 % entre la base utilisée pour le calcul des remises du fournisseur NEOBAIN et le montant réel des achats hors taxes réalisés.
Le cabinet d'expertise comptable FIDUSUD, qui n'a pas de lien de subordination avec l'employeur, a, à la suite des observations du commissaire aux comptes, établi un rapport d'audit faisant apparaître que le 21 février 2006 a été signé entre la Société ALTRION, holding du groupe TRIDOME représentée par Didier A... et la Société NEOBAIN un contrat de conditions particulières de vente réglementant le taux de remises à appliquer. Or, sur l'exercice 2006 apparaît une différence de 148 657, 22 € hors taxes au bénéficie de NEOBAIN entre les achats facturés par celle-ci et la déclaration ayant servi de base au calcul des remises.

Par ailleurs ont été édités sur le magasin TRIDOME de NARBONNE un nombre anormal d'avoirs comptables.
Aucun élément ne permet d'établir le caractère erroné de ces constatations, ou de mettre en doute la sincérité des rédacteurs de ce rapport.
Raymond C... directeur des achats et Marc D..., ancien salarié en qualité de cadre chargé de la gestion du secteur sanitaire du magasin TRIDOME de NARBONNE, affirment par voie d'attestations avoir négocié avec les conditions d'achat pour l'exercice 2006 avec l'ensemble des fournisseurs référencés à l'exclusion de la Société NEOBAIN qui négociait directement, et à l'initiative de celui-ci avec Didier A....
Les attestations produites par le salarié, délivrées par Madame E... et Monsieur F..., déclarant n'avoir subi aucune pression de Monsieur A..., ne permettent pas de mettre en doute les dires de Messieurs C... et D....
Didier A... ne conteste pas au demeurant avoir apposé sa signature sur le contrat de travail de référencement conclu le 21 février 2006 avec la Société NEOBAIN. Monique B..., secrétaire, précise dans le cadre d'une attestation, que DIDIER A..., ayant toujours été averti des décalages entre les déclarations de NEOBAIN et le chiffre d'affaires effectivement réalisé, n'a jamais ordonné qu'il soit procédé à des régularisations pour récupérer le manque à gagner des magasins.
En l'état des éléments versés aux débats le premier grief invoqué à l'appui du licenciement est établi.
Il est reproché par ailleurs à Didier A... d'avoir usé de son autorité pour obtenir des avantages " inacceptables " au détriment de la Société Z....
Ainsi Laurent G..., employé à l'entretien du magasin précise avoir été " envoyé " avec le véhicule de l'entreprise, pendant ses heures de travail sur ordre de Didier A... au cours de l'été 2006 à trois reprises au domicile de celui-ci pour réaliser l'installation d'un portail, et intervenir sur un climatiseur, ces interventions n'entrant pas dans l'activité du magasin. Monsieur H..., ancien salarié de la SA ORION, relate des faits similaires.
Le Cabinet FIDUSUD dans le cadre de son rapport d'audit a constaté après vérifications par sondages, que Didier A... s'était fait consentir des remises très importantes, demandant que soit ramené le taux de marge de 5 à 10 %, alors qu'il est de 30 % sur des matériaux destinés à la réalisation de projets immobiliers personnels, et facturés soit à son nom, soit au nom de son épouse.
Raymond I..., responsable de caisse, a attesté que Didier A... lui demandait d'établir des factures au prix normal qu'il présentait à sa banque, puis d'annuler celles-ci et de rééditer des factures incluant des remises, et de lui restituer la différence en numéraire.
S'agissant d'éventuelles pressions, invoquées par l'appelant, sur les salariés qui ont témoigné, il convient d'observer d'une part que des personnes extérieures à l'entreprise ne peuvent avoir été témoins des faits relatés par voie d'attestation, d'autre part que Madame J... se borne à indiquer ce qu'elle a entendu dire, que les pressions relatées par Madame K... et Madame M... à l'encontre de Madame I... sont déniées par cette dernière qui a délivré à cet effet une seconde attestation.
Dès lors les faits énoncés dans la lettre de licenciement sont établis.
De tels faits, consistant à favoriser de manière habituelle un fournisseur au détriment de la Société Z... son employeur ou à user de son autorité pour obtenir des avantages anormaux justifient compte tenu des responsabilités exercées par le salarié le prononcé de son licenciement pour faute lourde, la privation volontaire de l'employeur du montant des RFA au profit d'un fournisseur impliquant l'intention de lui nuire.
La décision déférée mérite en conséquence confirmation.
Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile
Didier A... tenu aux dépens doit être condamné à payer à la SA Z... au titre des frais irrépétibles par elle exposés en cause d'appel, la somme de 1 000 €.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement,
Condamne Didier A... à payer à la Société Z... la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamne Didier A... aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 08/02653
Date de la décision : 22/10/2008
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Narbonne, 03 avril 2008


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.montpellier;arret;2008-10-22;08.02653 ?
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