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22/10/2008 | FRANCE | N°07/00001

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 22 octobre 2008, 07/00001


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale

ARRÊT DU 22 Octobre 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/02200

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 MARS 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE CARCASSONNE
No RG 07/00001

APPELANTE :

EURL L'OUSTAL ANNE DE JOYEUSES, prise en la personne de son représentant
34 promenade de Tivoli
11300 LIMOUX
Représentant : la SCP POUCHELON - JOLY (avocats au barreau de CARCASSONNE)

INTIMEE :

Madame Nicole X...

11300 PAULIGNE
Représentant : Me REGNIER représentant

la SELAFA FIDAL (avocats au barreau de CARCASSONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 SEPTEMBRE 2008, ...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale

ARRÊT DU 22 Octobre 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 08/02200

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 MARS 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE CARCASSONNE
No RG 07/00001

APPELANTE :

EURL L'OUSTAL ANNE DE JOYEUSES, prise en la personne de son représentant
34 promenade de Tivoli
11300 LIMOUX
Représentant : la SCP POUCHELON - JOLY (avocats au barreau de CARCASSONNE)

INTIMEE :

Madame Nicole X...

11300 PAULIGNE
Représentant : Me REGNIER représentant la SELAFA FIDAL (avocats au barreau de CARCASSONNE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 SEPTEMBRE 2008, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président, Madame Marie CONTE, Conseiller, Monsieur Eric SENNA, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Brigitte ROGER

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement le 22 OCTOBRE 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE Président.

- signé par Monsieur Pierre D'HERVE,, et par Monsieur Henri GALAN, Greffier, présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Nicole X... a été engagée par l' EURL L'OUSTAL ANNE DE JOYEUSES commercialisant des produits vinicoles à compter du 1er août 1997, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel de 45,5 heures mensuelles en qualité d'employée de stand de vente.

Par courrier recommandé du 25 juillet 2006, l'employeur a informé la salariée de son affectation à compter du 7 août 2006 à une fonction de gestion administrative et commerciale de la clientèle, sans diminution de salaire et changement d'horaire, en motivant sa décision par "des remarques faites au niveau de l'accueil du client".

Par courrier du 3 août 2006 la salariée a refusé sa nouvelle affectation.

Par courrier du 21 août 2006 l'employeur lui a demandé de se présenter sur son nouveau lieu de travail.

Après convocation à un entretien préalable et placement en mise à pied conservatoire, l'employeur a notifié à Nicole X... son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception du 14 septembre 2006 ainsi libellée :

"Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement constitutif d'une faute grave.
En effet, nous vous avions convoquée à un entretien au cours duquel nous vous avons précisé vos nouvelles conditions de travail, au 41, avenue Charles de Gaulle à LIMOUX. Cette convocation avait pour but d'une part, de vous préciser vos conditions de travail mais aussi de vous sensibiliser sur les conséquences de votre refus catégorique.
Prenant acte d'un refus catégorique lors de l'entretien du 30 août, nous avons été contraint de mettre en place la procédure de licenciement.
A l'entretien préalable à votre licenciement, assistée de la personne de votre choix, vous connaissiez parfaitement les nouvelles conditions de travail puisque nous vous avions précisé que le travail proposé au 41, avenue Charles de Gaulle était le même que celui effectué au 34, Promenade du Tivoli à LIMOUX :
- prise de contact avec une clientèle spécialisée, sous contrôle et en collaboration avec le commercial de l'Oustal, mais plus de contact direct avec la clientèle de passage.
Plus précisément :
- vente des vins (présentation, explication des vins),
- mise en promotion des produits (action sur opérations spéciales, événements Oustal),
- enregistrement des ventes magasins (noms, coordonnées des clients),
- gestion de la caisse (suivi hebdomadaire et mensuel des résultats de ventes en chiffre d'affaire et en volume).
Ces fonctions étaient réalisées sur le magasin. Les éléments qui diffèrent sont :
- l'exploitation d'une clientèle spécialisée sous le contrôle d'un commercial,
- le lieu de travail modifié sur la ville mais plus proche de votre domicile.
Vous avez confirmé votre refus catégorique pour toute reprise de poste. En conséquence, votre attitude ne nous ayant pas permis de modifier notre appréciation, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave."

Contestant la régularité et la légitimité de cette rupture la salariée a le 2 janvier 2007 saisi le Conseil de Prud'hommes de CARCASSONNE qui, par jugement du 13 mars 2008, a condamné l'employeur à lui payer les sommes de :

- 10 000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 436,91 € de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement
- 1 019,46 € d'indemnité compensatrice de préavis
- 101,94 € de congés payés afférents
- 465,38 € d'indemnité de licenciement
- 2 000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral
- 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'EURL L'OUSTAL ANNE DE JOYEUSES a interjeté appel de cette décision.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par voie de conclusions écrites réitérées oralement à l'audience auxquelles il convient de se référer pour l'exposé complet de ses moyens et arguments, l'appelante sollicite le débouté de l'intimée de l'ensemble de ses demandes et sa condamnation au paiement de la somme de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle observe que la mutation de la salariée n'entraînait aucune modification du contrat de travail l'horaire et la rémunération étant identiques, le lieu de travail situé également à LIMOUX et plus proche du domicile de la salariée, les fonctions exercées similaires à l'exception de l'absence de contrat direct avec la clientèle courante.

Elle justifie sa décision de changer l'affectation de Nicole X... par les remarques de la clientèle sur son comportement peu amène.

Elle en déduit que le refus caractérisé par Nicole X... du changement de ses conditions de travail constitue une insubordination justifiant le licenciement pour faute grave.

Elle relève que la procédure de licenciement a été respectée.

Nicole X... demande pour sa part à la Cour de confirmer le jugement, sauf à élever aux sommes respectives de 15 000 € et 3 000 € le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour préjudice moral, et de condamner l'appelante en paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle prétend en premier lieu que le changement d'affectation décidée par l'employeur constitue une sanction disciplinaire.

Elle en déduit que la procédure disciplinaire menée préalablement à cette décision est irrégulière.

Elle relève une irrégularité de la procédure de licenciement l'employeur ne l'ayant pas convoqué sur son lieu de travail ou au siège social mais à la cave ANNE DE JOYEUSES.

Elle soulève la prescription de la sanction disciplinaire résidant dans le changement d'affectation prononcé plus de un mois après un premier entretien qui s'est tenu le 30 mars 2006. Elle en déduit l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé pour insubordination.

Elle soutient que le vrai motif du licenciement est le départ de son époux de la cave ANNE DE JOYEUSES au profit de la cave SIEUR D'ARQUES.

Elle fait valoir que le changement d'affectation décidé par l'employeur constituait une modification de ses conditions de travail aux motifs d'une part que ses horaires auraient été modifiés et que ses fonctions consistant principalement en l'accueil de la clientèle auraient été changées.

Elle relève enfin que l'employeur ne rapporte pas la preuve des manquements dans l'accueil de la clientèlre qu'il invoque.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la légitimité du licenciement :

L'employeur a procédé au licenciement pour faute grave en raison du refus de la salariée d'accepter sa nouvelle affectation qu'il considère comme un acte d'insubordination.

L'employeur ne peut modifier unilatéralement le contrat de travail et doit toujours solliciter l'accord du salarié dont le refus ne peut constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement.

En revanche, en procédant à un changement des conditions de travail, l'employeur ne fait qu'exercer son pouvoir de direction. Le salarié doit dès lors s'y soumettre, à peine de commettre une faute susceptible d'entaîner son licenciement, sauf pour lui à démontrer que la décision de l'employeur a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou qu'elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

Il convient en premier lieu de rechercher si le changement d'affectation de Nicole X... impliquait une modification de son contrat de travail ou un simple changement de ses conditions de travail.

En l'espèce, il ressort des courriers adressés par l'employeur à la salariée les 25 juillet et 24 août 2006 décrivant son nouveau poste de travail que la nouvelle affectation décidée n'entraînait aucun changement dans la rémunération ni les horaires de travail.

Le nouveau lieu de travail étant situé dans le même secteur géographique à savoir dans la ville de LIMOUX, et à 500 m du stand de vente où la salariée exerçait ses fonctions de vendeuse, si bien que le transfert du lieu de travail ne pouvait constituer une modification du contrat.

S'agissant des fonctions exercées, la fiche de poste de vendeuse au Caveau L'OUSTAL ANNE DE JOYEUSES à LIMOUX comporte l'accueil et le service client, la vente des produits en magasin, leur promotion, la tenue de la caisse, la gestion des stocks et la prise de commandes ainsi que l'entretien du magasin.

Le nouveau poste proposé comportait la prise de contact avec une clientèle spécialisée, sous contrôle et en collaboration avec le commercial de L'OUSTAL ANNE DE JOYEUSES, mais sans contact direct avec la clientèle de passage, la vente, la promotion des vins, l'enregistrement des ventes et la tenue de la caisse et sa gestion.

Il s'ensuit que le changement d'affectation entraînant seulement la variation de la nature de la clientèle, ne traduisant qu'un simple aménagement des fonctions, sans dénaturer l'emploi et ne constituait donc pas une modification du contrat de travail.

Par ailleurs les allégations de la salariée relatives à une réaction de l'employeur à la suite du départ de son époux de la cave L'OUSTAL ANNE DE JOYEUSES ne reposent sur aucun élément probant.

L'EURL L'OUSTAL ANNE DE JOYEUSES produit pour sa part au dossier trois courriers de clients se plaignant de l'accueil peu amène que leur a réservé la vendeuse du stand de vente, justifiant ainsi que son changement d'affectation a bien été décidé dans l'intérêts du service.

Enfin, il ressort des pièces produites par la salariée que l'employeur avant de procéder à ce changement de ses conditions de travail a eu plusieurs entretiens avec elle le premier en mars 2006 et lui a adressé des courriers expliquant les raisons de sa décision.

Dès lors le refus de la salariée de sa nouvelle affectation décidée dans l'intérêt de l'entreprise constitue une faute dont il n'est pas démontré toutefois, compte tenu de l'ancienneté de la salariée, qu'elle faisait obstacle à son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Le refus de la salariée de rejoindre sa nouvelle affectation constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Celle-ci ne peut dès lors prétendre au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En outre, les conditions dans lesquelles est intervenue la rupture du contrat ne justifient pas l'octroi de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Sur la régularité du licenciement :

La salariée fait valoir que l'entretien préalable s'est tenu dans les locaux de la cave ANNE DE JOYEUSES qui ne constituent, ni son lieu habituel de travail ni celui du siège social de l'entreprise.

L'employeur ne précisant pas les raisons de ce choix qui ne repose donc pas sur un motif légitime a commis une irrégularité de procédure.

Cette irrégularité a causé à la salariée un préjudice dont les premiers juges ont exactement évalué l'ampleur.

Sur l'article 700 du Code de Procédure Civile :

L'équité ne commande pas en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement sauf en ses dispositions relatives aux dommages et intérêts pour irrégularité de procédure, aux indemnités de préavis et de licenciement et à l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Et statuant à nouveau,

Dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Nicole X... de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Dit n'y avoir lieu de faire application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamne l' EURL L'OUSTAL ANNE DE JOYEUSES aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 07/00001
Date de la décision : 22/10/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Carcassonne


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-10-22;07.00001 ?
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