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15/10/2008 | FRANCE | N°07/00319

France | France, Cour d'appel de Montpellier, 15 octobre 2008, 07/00319


COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale

ARRÊT DU 15 Octobre 2008



Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 02429

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 MARS 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG 07 / 00319



APPELANTE :

Société NATIONALE DE RADIODIFFUSION RADIO FRANCE
prise en la personne de son représentant légal
116, av du Président Kennedy
75220 PARIS CEDEX 16
Représentant : la SELARL LAFARGE ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS)



INTIME :

Mons

ieur Denis X...


...

34070 MONTPELLIER
Représentant : la SCPA TRIAS VERINE VIDAL (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA ...

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
4e chambre sociale

ARRÊT DU 15 Octobre 2008

Numéro d'inscription au répertoire général : 08 / 02429

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 MARS 2008 CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE MONTPELLIER
No RG 07 / 00319

APPELANTE :

Société NATIONALE DE RADIODIFFUSION RADIO FRANCE
prise en la personne de son représentant légal
116, av du Président Kennedy
75220 PARIS CEDEX 16
Représentant : la SELARL LAFARGE ASSOCIES (avocats au barreau de PARIS)

INTIME :

Monsieur Denis X...

...

34070 MONTPELLIER
Représentant : la SCPA TRIAS VERINE VIDAL (avocats au barreau de MONTPELLIER)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 SEPTEMBRE 2008, en audience publique, Monsieur Pierre D'HERVE ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Pierre D'HERVE, Président
Madame Bernadette BERTHON, Conseiller
Madame Marie CONTE, Conseiller

Greffier, lors des débats : madame Dominique VALLIER

ARRÊT :

- Contradictoire.

- prononcé publiquement le 15 OCTOBRE 2008 par Monsieur Pierre D'HERVE, Président.

- signé par Monsieur Pierre D'HERVE, Président, et par Madame Brigitte ROGER, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Denis X... a été embauché par la Société nationale de radiodiffusion RADIO France dans laquelle il occupe actuellement, au sein de l'établissement de Montpellier, un emploi à temps partiel de chef opérateur son, qualification B211 QN9 de la Convention Collective de la Communication et de la Production Audiovisuelles.

Contestant l'application sur son salaire brut d'un abattement dit " de zone ", égal à 0,70 %, M. X... a saisi, le 8 février 2007, le Conseil de Prud'Hommes de Montpellier aux fins de faire juger que cet abattement porte atteinte au principe " à travail égal salaire égal ", voir condamner la Société nationale de radiodiffusion RADIO France à lui payer la somme de 1 222,66 € au titre des retenues indûment pratiquées sur ses salaires de janvier 2002 à décembre 2006, à cesser à compter du 1er janvier 2007 de pratiquer cet abattement de zone et à lui verser les rappels de salaire correspondant à la date de la décision à intervenir, à lui délivrer sous astreinte les bulletins de salaire correspondant rectifiés et à lui payer la somme de 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par jugement du 14 mars 2008, la juridiction prud'homale saisie a :

- rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la Société nationale de radiodiffusion RADIO France,

- dit et jugé que l'abattement de zone pratiqué par Radio France sur le salaire de M. X... porte atteinte au principe " à travail égal salaire égal ",

- condamné la Société nationale de radiodiffusion RADIO France à verser à M. X... la somme de 1222,66 € au titre de rappels de salaires de janvier 2002 à décembre 2006,

- ordonné à la Société nationale de radiodiffusion RADIO France de délivrer à M. X... les bulletins de salaires correspondants rectifiés dans le mois du jugement sous astreinte de 30 € par jour de retard,

- condamné ladite Société aux dépens et à payer à M. X... la somme de 150 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Par lettre recommandée du 1er avril 2008, la Société nationale de radiodiffusion RADIO France a relevé appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La Société appelante demande à la Cour d'infirmer le jugement déféré, de surseoir à statuer jusqu'à décision à intervenir de la Cour de Cassation, et subsidiairement de dire que l'abattement de zone ne constitue pas une violation du principe " à travail égal salaire égal ", de débouter en conséquence l'intimée de toutes ses demandes et de la condamner au paiement d'une somme de 300 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elle fait valoir pour l'essentiel que :

- le Conseil de Prud'Hommes s'est fondé sur des arrêts de la Cour d'Appel de Montpellier rendus le 6 juin 2007, à l'encontre desquels elle a formé un pourvoi en cassation de sorte qu'elle est fondée, en application de l'article 110 du Code de Procédure Civile, a demandé le sursis à statuer, la Cour de Cassation étant amenée à statuer sur la légalité ou non de l'abattement de zone,

- l'abattement de zone est un élément contractuel accepté par le salarié, en l'état des contrats et avenants qui y font référence et qui ont été signés par l'intéressé,

- le principe " à travail égal salaire égal " doit s'apprécier au niveau de l'établissement,

- l'abattement pratiqué découle d'un engagement unilatéral de sa part d'appliquer des salaires supérieurs aux minima conventionnels,

- il est tenu compte, dans le cadre de cet engagement unilatéral, des régions où se retrouve l'établissement concerné, selon une grille d'abattement de zone, et tous les salariés d'un même établissement sont soumis à un même pourcentage d'abattement de zone,

- les minima conventionnels ont toujours été respecté,

- le fait que la politique salariale soit définie au niveau de l'entreprise est inopérant dès lors que rien n'interdit à l'employeur de mettre en oeuvre des dispositions particulières en matière de rémunération au sein d'un établissement,

- M. X... ne verra aucun élément permettant d'établir l'existence d'une inégalité salariale.

M. X... demande à la Cour de confirmer le jugement déféré, sauf à porter à 500 € la somme allouée au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et de condamner l'appelante à lui payer celle de 1 000 € sur le même fondement au titre de la procédure d'appel.

Il fait valoir en substance que :

- c'est à juste titre que le premier juge a rejeté la demande de sursis à statuer, qui n'est pas justifiée,

- les premiers juges ont à juste titre repris l'argumentation développée par la Cour d'Appel dans des arrêts intervenus le 6 juin 2007,

- la Société appelante ne s'explique pas sur les éléments de fait pouvant justifier l'abattement de zone qu'elle pratique sur son salaire contractuel et qui pourrait motiver qu'un de ses salariés, au prétexte qu'il travaille dans l'Hérault, se voit appliquer un abattement de zone de 0,70 % alors que les salariés travaillant en Provence ou dans le Vaucluse ne se voient appliquer aucun abattement et que les salariés travaillant en Alsace ne se voient appliquer qu'un abattement de 0,40 %,

- le principe " à travail égal salaire égal " doit s'apprécier au niveau de l'entreprise et non au niveau de l'établissement,

- son contrat initial ne fait état d'aucun abattement de zone. Le premier avenant n'en fait état non plus, sauf qu'il y a été appliqué un mauvais tampon indiquant " compte tenu de l'abattement de zone application dans votre région " et rajouté à la main le taux de cet abattement de zone ; la Société RADIO FRANCE ne peut violer le principe " à travail égal salaire égal " par contrat.

Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions écrites, reprises oralement à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur le sursis à statuer

Selon l'article 110 du Code de Procédure Civile, le juge peut suspendre l'instance lorsqu'une des parties invoque une décision frappée de pourvoi en cassation.

Le juge saisi de cette exception dilatoire dispose de la faculté de suspendre l'instance ou de rejeter l'exception, en fonction des circonstances.

En l'espèce, en égard à la situation de l'ensemble des salariés concernés, il n'y a pas lieu d'accueillir l'exception invoquée, et c'est à juste titre que les premiers ont rejeté la demande de sursis à statuer.

2- Sur le fond

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe " à travail égal salaire égal " tel que découlant des articles L 133-5 et L 136-2 du Code du Travail (devenus les articles L 2261-22, L 2271-1 et R 2261-1 dudit Code) de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, et il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

En l'espèce, il est constant que la Société appelante, exploitant en métropole 39 radios locales, pratique, sur les salaires bruts versés à son personnel, un abattement dit " de zone ", variable selon les établissements et dont le taux est de 0,40 % ou de 0,70 %, les salariés de certains établissements ne se voyant au contraire appliquer aucun abattement particulier ; ainsi selon la table des abattements de zone produite aux débats, un abattement de 0,70 % est pratiqué sur les salaires versés au personnel de RADIO France Hérault, dont fait partie M. X..., tandis qu'un abattement de 0,40 % est appliqué aux salariés d'autres stations (Drôme, Isère, Savoie, Haute Savoie, Alsace, Nancy-Lorraine, Champagne, Picardie, fréquence Nord, Puy-de-Dôme...), et que dans certaines radios locales, aucun abattement n'est pratiqué (Provence, Vaucluse, Normandie Caen, Normandie Rouen, Cherbourg, Melun, Orléans, Berry Sud, Tours...).

Ces abattements de zone sont pratiqués sur les salaires, tels qu'ils sont fixés au niveau de l'entreprise sous forme de barèmes tenant compte des classifications professionnelles ; il résulte de leur application une différence de traitement entre les salariés de la Société RADIO France exerçant des fonctions identiques et classés au même niveau dans la classification des emplois de la convention collective applicable, selon qu'ils sont rattachés à tel ou tel établissement ; ces salariés sont cependant réputés fournir un travail de valeur égale.

Aucune explication objective n'est fournie par la Société RADIO France propre à justifier cette différence de traitement liée à l'application d'abattements de zone, alors que la politique salariale se trouve définie au niveau, non de chaque établissement, mais de l'entreprise, laquelle doit donc, en l'espèce, servir de cadre à l'application du respect de la règle " à travail égal salaire égal ". Il résulte d'ailleurs du protocole d'accord salarial du 25 juin 2008 produit aux débats, protocole intervenu entre la direction de la Société RADIO France et les organisations syndicales dans le cadre de la négociation annuelle prévue à l'article L 132-27 du Code du Travail (devenu L 2242-1, L 2242-8 et L2242-9 dudit Code), que les parties signataires ont convenu de " mettre fin progressivement aux abattements de zone, existants encore au sein de Radio France ", ce qui confirme que ces abattement ne sont pas justifiés.

L'application unilatérale par l'employeur d'un abattement de zone, en ce qu'il crée entre les salariés de la Société RADIO France placés dans une situation professionnelle identique, une différence de traitement sans raison objective, aucun élément justifiant une telle différence de traitement entre les dits salariés selon la zone géographique à laquelle ils sont rattachés, porte ainsi atteinte à la règle d'égalité de salaire.

Il importe peu, dans ces conditions, que les salaires versés à l'intimé soient supérieurs aux minima fixés par la convention collective applicable ou encore que la mention de l'abattement soit portée sur le contrat de travail du salarié ou sur des avenants, étant observé que l'employeur ne peut se prévaloir de mentions contractuelles ayant pour effet de porter atteinte au principe " à travail égal salaire égal ", et qu'en signant le contrat de travail ou l'avenant, le salarié n'a pas pour autant renoncé à se prévaloir de cette règle.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé, y compris en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

3- Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de Procédure Civile

La Société appelante qui succombe supporte la charge des dépens d'appel, sans que l'équité ne commande de faire application en cause d'appel, au profit de l'intimé, des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Condamne la Société nationale de radiodiffusion RADIO France aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu, en cause d'appel, à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Montpellier
Numéro d'arrêt : 07/00319
Date de la décision : 15/10/2008

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Montpellier


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2008-10-15;07.00319 ?
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