COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
1re Chambre Section AO1
ARRÊT DU 14 OCTOBRE 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 07 / 2577
Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 MARS 2007
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NARBONNE
N° RG 04 / 376
APPELANTE :
MUTUELLE des ARCHITECTES FRANCAIS,
prise en la personne de son directeur en exercice, domicilié ès qualités au siège social
9 rue Hamelin
75003 PARIS
représentée par la SCP JOUGLA-JOUGLA, avoués à la Cour
assistée de Me Chantal SERRE, avocat de la SCP DELMAS-RIGAUD-LEVY-BALZARINI, avocats au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur Fortin Z...
né le 27 Octobre 1958 à KOUROU (Guyane)
de nationalité française
...
11100 NARBONNE
représenté par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour
Madame Catherine Y... épouse Z...
née le 18 Janvier 1965 à VILLENEUVE SAINT-GEORGES (94190)
de nationalité française
...
11100 NARBONNE
représentée par la SCP ARGELLIES-WATREMET, avoués à la Cour
Monsieur Haci A...
...
11110 COURSAN
assigné à domicile le 11 Octobre 2007
MMA IARD venant aux droits de la SA WINTERTHUR ASSURANCES,
Société d'assurance mutuelle à cotisations fixes, inscrite au RCS de LE MANS sous le n° 775 652 126,
prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice, domicilié ès qualités au siège social
10 Boulevard Alexandre Oyon
72030 LE MANS CEDEX 9
représentée par la SCP CAPDEVILA-VEDEL-SALLES, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Pierre BERTHOMIEU, avocat au barreau de MONTPELLIER
ORDONNANCE DE CLÔTURE du 4 SEPTEMBRE 2008
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le MARDI 9 SEPTEMBRE 2008 à 14 heures, en audience publique, Madame Nicole FOSSORIER, Président ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de :
Madame Nicole FOSSORIER, Président
Madame Sylvie CASTANIÉ, Conseiller
Monsieur Richard BOUGON, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Melle Marie-Françoise COMTE
ARRÊT :
- par défaut,
- prononcé publiquement par Madame Nicole FOSSORIER, Président,
- signé par Madame Nicole FOSSORIER, Président, et par Mlle Marie-Françoise COMTE, Greffier présent lors du prononcé.
Vu l'arrêt rendu le 1. 4. 2008, par cette Cour (saisie de l'appel du jugement du Tribunal de Grande Instance de Narbonne rendu le 8. 3. 2007), par lequel l'ordonnance de clôture a été révoquée et il a été enjoint à la MAF ainsi qu'à la MMA de reconclure, arrêt auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des faits et des moyens des parties ;
Vu les conclusions notifiées le 29 mai 2008, après réouverture des débats, par la Mutuelle des Architectes Français qui demande d'infirmer le jugement déféré, :
- de fixer le préjudice des époux Z... à la somme de 237. 753, 50 euros, de rejeter leur demande d'indemnisation d'un préjudice moral et de les débouter de leurs autres demandes,
- de condamner monsieur A...à la garantir intégralement,
- de condamner la MMA IARD à l'indemniser à hauteur de la somme de 237. 753, 50 euros,
- de condamner solidairement les intimés au paiement de la somme de 1. 500 euros à titre de frais et honoraires non compris dans les dépens ;
SUR QUOI :
- SUR LE PRÉJUDICE MATÉRIEL (FRAIS DE REPRISE DE L'IMMEUBLE) :
Quant au solde resté disponible sur le montant du marché initial, la MAF conteste qu'il soit égal au montant des factures émises, n'étant pas justifié de leur règlement intégral. N'est indemnisable que le préjudice réellement subi au jour du présent arrêt. Les époux Z... ne justifient par aucun document, tels des relevé bancaires complémentaires de ceux produits devant l'expert C..., avoir réglé l'intégralité des factures émises notamment par l'entrepreneur A.... Le fait que ce dernier qui a au demeurant disparu, dispose d'un principe de créance ne suffit pas à établir un préjudice actuel de ses débiteurs pour ce qu'ils ne lui ont pas réglé. Monsieur C...relate sans être démenti, que certaines sommes ont été payées en liquidités et il n'est pas produit de documents accréditant leurs montant et paiement effectifs. Le disponible à déduire est en conséquence chiffré à la somme de 83. 413, 01 euros.
Le coût de la reconstruction retenu à hauteur de 277. 387, 51 euros est critiqué par les époux Z.... Seule la note technique d'expertise BAT'IMMO en date du 25. 11. 2002 a été réalisée pour vérifier le coût de reconstruction de la villa. Cet expert se réfère à un devis de la société SAESP qui a également chiffré le coût de démolition non contesté, établi sur la base du quantitatif estimatif de l'architecte. Si le montant total des marchés s'élevait en 2000 à la somme de 195. 732 euros TTC, BAT'IMMO fait à juste titre remarquer que depuis, les entreprises sont défaillantes et qu'il faut en choisir d'autres. Les prix obtenus pour certains lots avec des rabais ne pouvaient être les mêmes en 2002 et encore moins en 2007, date à laquelle seulement l'indemnité permettant aux époux Z... de faire démolir et reconstruire, a été versée. Dans ces conditions, et alors que l'indemnisation doit permettre de construire l'ouvrage conformément aux règles de l'art, au besoin en réalisant les travaux non prévus dans le devis initial, mais nécessaires pour assurer la solidité et la pérennité de la villa, l'évaluation faite par BAT'IMMO, non précisément critiquée, s'élevant à 292. 158, 31 euros outre 54300, 41 euros de frais de maîtrise d'oeuvre est retenue. S'y ajoute le coût de démolition non discuté de 15. 245 euros, soit déduction faîte du disponible de 83. 413, 01 euros, une indemnité de 277. 290, 71 euros.
- SUR LES PRÉJUDICES IMMATÉRIELS RÉSULTANT DES AUTRES FRAIS :
Les époux Z... ont du avoir recours au Cabinet BAT'IMMO à deux reprises pour démontrer les lacunes de l'architecte, puis pour chiffrer leur préjudice. Deux factures d'honoraires sont produites d'un montant de 10. 500 et 11. 890 euros. Il ne peut pas leur être reproché de ne pas avoir saisi le juge des référés pour obtenir une expertise judiciaire, en l'état de ces éléments de preuve suffisants, non critiqués par la MAF qui a procédé de la même manière. Les croquis joints au rapport du 14 Août 2001 démontrent que BAT'IMMO a procédé à des vérifications et calculs minutieux qui ont établi le bien-fondé des prétentions des maîtres d'ouvrage. La critique adverse du coût de cette expertise n'est étayée par aucun justificatif contraire, et le préjudice subi de ce chef est chiffré à la somme de 22. 390 euros.
La villa étant en définitive reconstruite, le montant des intérêts bancaires afférents à la construction de l'immeuble initial aurait dû être supporté quoi qu'il en soit par les époux Z... qui ne démontrent pas subir un préjudice en relation avec l'obligation de démolition et de reconstruction elle-même, financée par l'indemnité. Cette demande a été à juste titre rejetée.
La villa construite à DURBAN, n'ayant pas été livrée en Août 2001, le retard a obligé les époux Z... à supporter des frais locatifs vérifiés par BAT'IMMO et dont son rapport justifie suffisamment et précisément. De plus, le premier juge relate qu'ils n'étaient pas discutés devant lui et ils n'ont pas fait l'objet de critique par les premières conclusions de l'appelante notifiées le 15. 1. 2008. En revanche, il résulte des pièces de procédure, jugement et conclusions, que les époux Z... ont été domiciliés ensuite à Saint Jean Du Barrou, puis à Narbonne. Ils ne démontrent postérieurement aux vérifications de l'expert, ni qu'ils ont maintenu à DURBAN leur activité d'infirmier libéral, ni qu'ils doivent ainsi encore assurer des frais de transports plus importants que s'ils occupaient leur villa, ni qu'ils sont en location et surtout quel est le montant du loyer supporté. Etant rappelé que tout préjudice doit être démontré au jour où il est statué par des éléments de preuve suffisants, les demandes d'indemnisation de frais supplémentaires de loyers et transports sont rejetées faute de justificatif suffisants.
En conséquence l'indemnité due au titre des préjudices sus-visés s'élève à la somme de 22390 + 16392 + 5760 = 44542 euros.
- SUR LE PRÉJUDICE MORAL :
La réception de leur villa devait intervenir au mois d'Août 2001. Les époux Z... n'ont eu de proposition d'indemnisation de la MAF que le 18 Septembre 2003, à hauteur de 200. 000 euros pour solde de tout compte, alors que depuis le mois d'Août 2002 date du rapport du Bureau d'études BASCOU auquel s'était adressé son expert la MAF, elle savait que l'ensemble de la structure était édifiée en méconnaissance des règles élémentaires de la construction et que le préjudice justifiant une provision était indéniable. Or, la MAF n'a proposé, ainsi que demandé le 6. 10. 2003 par le conseil des victimes, aucune provision qui eut permis de démolir et reconstruire au moins pour l'essentiel la villa, dans l'attente du chiffrage définitif. Bien plus, elle n'a offert devant le Tribunal qu'une somme très insuffisante de 126. 360 euros en 2004. Elle n'a versé qu'en AVRIL 2007 en exécution du jugement déféré assorti de l'exécution provisoire, la somme de 312. 002 euros, puis le solde en juillet. Il résulte de l'ensemble des tracas procéduraux et retards ainsi subis, des soucis et difficultés liés à l'impossibilité absolue d'habiter l'immeuble et aux modifications de vie en résultant pour le moins jusqu'en 2007, un préjudice moral qui doit toutefois être limité à la somme de 11. 000 euros en l'état des éléments d'appréciation sus-visés.
- SUR LES RECOURS DE LA MAF :
Le recours en garantie dirigé contre monsieur A...entrepreneur en maçonnerie, a un fondement différent de la subrogation et n'implique pas de justifier du paiement de l'indemnité avant l'audience. Les rapports d'expertise respectifs des époux Z... et de la MAF démontrent des fautes caractérisées d'exécution de sa part en raison aussi bien de la non conformité aux stipulations contractuelles que de l'absence de respect des règles élémentaires de l'art. La demande en garantie dirigée à son encontre n'est toutefois justifiée qu'en partie en raison des fautes également commises par l'architecte monsieur E.... Chargé de la conception autant que du contrôle de la réalisation de l'ouvrage par une mission complète de maîtrise d'oeuvre, il devait respecter les normes et règlements antisismiques notamment. En conséquence, la responsabilité de monsieur A...est retenu à hauteur de 50 % et le recours en garantie reçu dans cette limite.
La MAF invoque à l'encontre de la MMA assureur de monsieur A..., la garantie effondrement. Toutefois cette dernière invoque l'inopposabilité des expertises officieuses réalisées par BAT'IMMO ou par les experts de la MAF. Il résulte effectivement des rapports produits qu'aucun des experts n'a convoqué la MMA, et que son assuré monsieur A...dont les modalités de convocation par BAT'IMMO son ignorées, était absent. Dans ces conditions, les investigations menées et évaluations sur lesquelles la MMA n'a pas pu s'expliquer lui sont inopposables. Aucun autre document n'est produit qui suffise à définir le chiffrage des frais de démolition de la villa garantis en application des articles 3. 11 et 3. 12 de la police qui portent uniquement sur les travaux de démolition, déblaiement pose et démontage nécessaires à remédier à une menace grave et imminente d'effondrement. Les demandes dirigées à son encontre sont écartées.
Les entiers dépens doivent être mis à la charge de la MAF dont les prétentions sont pour l'essentiel écartées, en application de l'article 696 du nouveau code de procédure civile. Monsieur A...sera condamné à la garantir à hauteur de 50 % des dits dépens. Il est équitable d'allouer aux époux Z... la somme supplémentaire de 2. 000 euros et à la MMA la somme supplémentaire de 1. 500 euros au titre des honoraires d'avocat, ainsi que des frais non compris dans les dépens qu'ils ont respectivement exposés en cause d'appel, en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, tout en déboutant la partie adverse de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par défaut, en dernier ressort,
Au fond, confirme la décision dont appel sauf sur le montant de l'indemnité allouée aux époux Z... et en ce qu'elle rejette les demandes dirigées contre monsieur A... ;
Statuant à nouveau, chiffre l'indemnité due par la MAF au titre des démolition et reconstruction de l'immeuble à la somme de 277. 290, 71 euros, l'indemnité due au titre des autres frais à la somme de 44. 542 euros, l'indemnité due au titre du préjudice moral à la somme de 11. 000 euros ;
Condamne la MAF à payer aux époux Z... la somme totale de TROIS CENT TRENTE DEUX MILLE HUIT CENT TRENTE DEUX EUROS SOIXANTE ET ONZE (332. 832, 71 euros) en réparation des préjudices subis ;
Condamne la MAF à payer aux époux Z... la somme supplémentaire de 2. 000 euros et à la MMA la somme supplémentaire de 1. 500 euros à titre d'honoraires d'avocat, ainsi que de frais non compris dans les dépens ;
Retient la responsabilité de monsieur A...à hauteur de 50 %, reçoit le recours en garantie de la MAF dans cette limite et condamne en conséquence monsieur A...à garantir la MAF à concurrence de la somme de 166. 416, 35 euros, ainsi que de la moitié des sommes allouées à titre de frais et honoraires et de la moitié des dépens mis à la charge de la MAF ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la MAF aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés par les Avoués de la cause, en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.